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PIONNIERS

Big Bear/Mistahimusqua

Big Bear, chef d'une communauté de Cree des Plaines dans l'ouest du Canada à la fin du dix-neuvième siècle, était une figure transitoire entre la culture des Indiens des Plaines et l'emphase de notre ère moderne portée sur la résistance politique des leaders des Premières Nations. Né d'un chef en 1825, Mistahimusqua, comme il est connu chez les Cree, est devenu un chasseur de bisons, un guerrier et un chef lorsque les manières de vivre des Plaines s'érodaient à cause de l'immigration et de la colonisation des Euro-Canadiens. Admiré pour ses pouvoirs religieux et son leadership politique, Big Bear apparaissait comme un champion des anciennes façons en réaction à l'affirmation de la nouvelle autorité canadienne sur les prairies.

Dans les années 1870 et début 1880, Big Bear devint la personne centrale en ce qui touche l'opposition des bandes Cree et Saulteaux qui ne voulaient pas de traités avec le Canada. Au début des années 1880, après qu'une période de faim et d'épreuves l'ait forcé à instaurer un traité, il présida un mouvement diplomatique des Plaines afin de pouvoir renégocier les traités en faveur des groupes aborigènes dont les manières de vivre disparaissaient en même temps que les bisons. Alors que Big Bear favorisait la protestation non violente, des actes brutaux commis par certains de ses partisans pendant la Rébellion du nord en 1885 donnait au gouvernement fédéral l'occasion de l'écraser en le poursuivant pour trahison et crimes. Big Bear est mort en 1888, après avoir passé quelques années dans le pénitentiaire. (Biographie de J. R. Miller)

Dans une tentative désespérée de survivre et de s'adapter aux circonstances environnementales changeantes, chaque tribu signait des traités et adoptait le programme agricole gouvernemental. Ce programme mal conçu était voué à l'échec, car il ne tenait pas compte des systèmes de valeurs autochtones. Ce n'était pas une alternative viable pour ceux qui s'étaient habitués à l'excitation offerte par une économie à « haut risque ». De plus, ceux qui étaient préparés à essayer l'agriculture ne recevaient pas toujours les semences et les outils promis par le gouvernement. Les indiens qui ont tenté de vivre de la terre étaient extrêmement pauvres.

Big Bear, contraint par la menace de la famine et par un avenir incertain, accepta à contrecoeur d'ajouter son nom au Traité 6, le 8 décembre 1882. Au moins ainsi, ses partisans recevraient des rations gouvernementales. Avec la mort des bisons, il devenait apparent que les vielles façons avaient disparu à tout jamais. Big Bear savait que la transition à une nouvelle manière de vivre ne serait pas facile et qu'il aurait besoin de toute l'assistance qu'il pourrait avoir. Néanmoins, il continuait de refuser la construction de réserves afin de pouvoir renégocier un meilleur accord pour son peuple. Même si la vie de réserve semblait inévitable « il voulait que le gouvernement les aident jusqu'à ce que son peuple devienne autosuffisant » (Dempsey 1984:201). En accord avec les politiques gouvernementales, Big Bear a déménagé son groupe vers le nord. Il a continué sa résistance par rapport à l'intégration dans des réserves en campant dans les bois au lac Frog, près de la frontière actuelle entre l'Alberta et la Saskatchewan.

Lorsque les nouvelles de la rébellion du nord ont atteint le lac Frog, certains membres de la tribu de Big Bear étaient anxieux de rejoindre Riel et ses forces Métis. Même si Big Bear était un leader traditionnel, c'était le fils de Big Bear, Imasses et le chef de guerre, Wandering Spirit, qui contrôlaient la tribu pendant la rébellion. Le gouvernement fédéral refusait de négocier avec Big Bear et l'occasion pour les Indiens de prendre leurs affaires en mains s'est présentée. Malgré les tentatives de Big Bear de maintenir la paix, la violence éclata. Le 2 avril au lac Frog, un groupe de Cree mené par Wandering Spirit a tué neuf personnes incluant deux prêtres missionnaires (Cameron 1976:50-51). Même si Big Bear préférait les négociations par rapport à la guerre pour résoudre les griefs autochtones, il accepta le consensus du conseil des guerriers qui était déterminé à faire en sorte que les hommes blancs quittent le nord ouest, en pensant que leur expulsion entraînerait le retour des troupeaux de bisons (Hughes 1976).

Big Bear, un leader visionnaire, a reconnu que les hommes blancs étaient là pour rester. Il a par la suite empêché ses partisans de commettre des actes violents en les persuadant de prendre des otages qui pourraient être utilisés dans des marchandages avec les blancs (Woodcock 1975:184-85). En démonstration de solidarité, la tribu a misé sur la réputation de Big Bear en propageant des rumeurs sur sa victoire au lac Frog et en publiant des communiqués avec son nom. Ainsi Big Bear, l'homme le plus à même d'empêcher des actes de violence inutiles, est devenu le point de mire de tout le monde. Son nom inspirait la peur dans la campagne environnante alors que les nouvelles concernant le massacre au lac Frog circulaient. Le bruit courait qu'il avait rejoint Louis Riel et « envoyait des cavaliers pour exciter toutes les tribus qu'il rencontrait ». (Erasmus 1976:275).

Peter Erasmus qui faisait des affaires pour Harrison Young au lac Whitefish rapportait aux membres du Lac La Biche les nouvelles touchant l'agitation qui régnait parmi les Indiens et Métis. Quittant le lac Whitefish pour se procurer des munitions afin de protéger son établissement, Erasmus informa Harrison Young à propos du massacre et du plan des rebelles qui voulaient prendre possession des postes de la Compagnie de la Baie d'Hudson dans le nord ouest. Young aurait été « fort vexé après avoir appris qu'il y aurait eu cette rébellion, surtout qu'il avait utilisé beaucoup de poudre et de balles pendant les semaines précédentes, si bien qu'il n'avait presque plus de munitions » (Rowand 1973:3). Young est par la suite allé à la mission du Lac La Biche pour informer l'évêque Faraud quant au soulèvement et au danger imminent.

Le visage de Harrison Young était effrayé quand il arriva à la Mission et Faraud a immédiatement senti qu'il y avait une situation sérieuse. Les nouvelles qu'il amenait étaient tout à fait imprévues. «Nous sommes menacés par une invasion prochaine des hordes des Prairies. Le pillage et la mort sont à nos portes! Big Bear s'est délibérément révolté contre le gouvernement et a promis qu'il tuerait tous les résidents blancs du nord ouest » (Faraud 1976:328). Le jeune Faraud était informé du massacre au lac Frog et de la capture du Fort Pitt. Il avait vu le retrait de la police montée du nord ouest avec Francis Dickens (le plus jeune fils du romancier anglais Charles Dickens). Des tueries systématiques avaient lieu et des otages étaient détenus. Les résidents de la mission avaient peur que le même sort les attendent ayant été informés que des plans étaient élaborés pour saisir le Lac La Biche et que Big Bear avait essayé trois fois en vain de s'unir avec Pakan et ainsi reprendre le Lac La Biche (Faraud 1879-1890:213). L'évêque Faraud a rapidement fait des plans dans l'éventualité d'une attaque; la mission serait protégée avec l'assistance de ses partisans fidèles et les religieuses seraient renvoyées à l'île Black Fox pour prendre refuge dans une cabine de pêche.

Après la réunion avec Faraud, Harrison Young est rapidement retourné à son établissement. Les indiens étaient agités et saisissaient cette occasion pour exprimer leurs inquiétudes touchant le manque de nourriture et le fait que le gouvernement ne leur donnait pas, en été, leurs provisions nécessaires de semences. Les bandes du lac Beaver et du Lac La Biche ont tenu un conseil avec Young « et après la discussion se sont mis d'accord pour rester silencieux et [Young] leur a promis qu'il irait à Edmonton pour voir s'il pouvait recevoir les provisions ainsi que les semences qu'ils voulaient » (HBCA, PAM, E.9/28, fo. 493). Comme il n'avait aucune munition, Young s'est résigné au fait qu'il ne pourrait protéger le fort. Quand Erasmus a demandé à Young s'il pouvait solliciter l'aide de fidèles Métis pour defender le poste, Young a répondu que « sans munitions suffisantes, ils risqueraient leurs vies ainsi que celles de leurs familles et que cela enflammerait probablement tout le pays. Non! Je ne peux pas faire ceci. S'ils endommagent la propriété de la Compagnie, c'est remplaçable; mais les vies humaines ne le sont pas » (Erasmus 1976:278). Erasmus (1976:278) remarquait que « ceci faisait preuve de sens commun mais ne respectait pas forcément les politiques de la compagnie ». Young aurait répondu, « Qui veut tenir compte des politiques de la compagnie à un moment où des vies humaines sont en péril? Ma famille et la vie des membres sont plus importantes que les biens » (Erasmus 1976:278).

Young a par la suite commencé à faire des arrangements pour envoyer sa femme et ses enfants de l'autre côté du lac à Piche Pruden, à l'abri des dangers, (MacRae 1912:424) alors qu'il allait à Edmonton en espérant que les rebelles n'arriveraient pas au Lac La Biche Post avant qu'il ne revienne. Patrick Pruden était responsable du poste alors que Young partait avec Erasmus le 19 avril. Même si Young quittait son établissement sans défense, il devait se sentir consolé par le fait que « le gouvernement… paierait pour les dégâts encourus pendant l'insurrection » (Erasmus 1976:278). Young est arrivé à Edmonton le 21 avril. Il a obtenu des munitions et a rencontré l'agent indien qui s'est arrangé pour envoyer les provisions et semences nécessaires le 26 avril.

Le 25 avril « un courrier est arrivé de Victoria avec l'information qu'un groupe d'Indiens de Big Bear avait quitté le lac Frog pour se rendre au lac Whitefish et au Lac La Biche pour inciter les indiens à se soulever » (HBCA, PAM, E.9/28, fos. 493-494). Cherchant des sympathisants, les émissaires du camp de Big Bear étaient envoyés pour convaincre les autres tribus indiennes et métisses à joindre la cause. Puisqu'il y a au Lac La Biche une importante population indienne et métisse, cet endroit était considéré comme privilégié pour le recrutement des rebelles. Alexander Hamelin qui gérait un magasin près de la mission du Lac La Biche était désigné par la tribu de Big Bear comme leader potentiel du mouvement au Lac La Biche (Faraud 1976:332). Une lettre a été envoyée par coursier à Hamelin soulignant dans des « termes élogieux que Louis Riel s'était battu et avait gagné une grande bataille contre la police montée au lac Duck et que les partisans de Big Bear étaient victorieux au lac Frog ainsi qu'au Fort Pitt » (McLean 1976:252). La lettre suggérait qu'Hamelin, les Métis et les Indiens rejoignent Big Bear et ajoutent leurs forces à celles de Louis Riel à Batoche. Hamelin a répondu avec fermeté que, « aucun métis de là-bas ne se lierait avec une tribu meurtrière telle que celle de Big Bear et ses partisans. S'ils lui envoyaient plus de coursiers, lui-même, avec deux cent hommes, les recevraient avec des armes et le même type de balles que celles que Big Bear a utilisées pour tuer les prêtres innocents au lac Frog » (McLean 1976:252). Par peur de Big Bear, un groupe d'Indiens de la tribu du lac Beaver près du Lac La Biche a rejoint les insurgés. Le 26 avril, ils ont fait une incursion au poste du Lac La Biche (Stanley 1976:27).

Cette même journée, Young et Erasmus, non accompagnés, quittaient Edmonton pour le Lac La Biche après avoir appris que les navires de charge qui avaient été engagés pour transporter les provisions et les semences aient refusé d'y aller suite à l'insurrection. Sur le chemin de retour Young et Erasmus ont appris que le poste du Lac La Biche avait été razzié. En arrivant au poste le 30 avril, ils le trouvèrent dévasté. Young écrit que « le poste a été razzié et complètement pillé. Tout ce qui pouvait être transporté, sauf quelques fourrures et des balances, a été emporté, cassé ou détruit. Le poste qui abritait deux habitations et trois magasins ou entrepôts a été plus ou moins démoli et endommagé. Tous les châssis des fenêtres et la plupart des portes ont été fracassés et, les comptoirs, les étagères et tout ce qui pouvait être cassé dans les maisons a été arraché et cassé... Tous (...) les livres et comptes étaient détruits (...) et (...) des fragments arrachés étaient éparpillés partout » (HBCA, PAM, E.9/28, Fos. 494-495).

Le dimanche matin après que M. Young ait quitté Ka-Qua-Nam, le Chef de la tribu du lac Beaver et huit de ses partisans étaient arrivés au Fort. « L'incursion (...) [avait été] menée selon une stratégie indienne typique. D'abord, ils ont demandé (...) [à Patrick Pruden] s'ils pouvaient enlever les biens pour les protéger des hommes de Big Bear. Cette demande leur a été refusée, un des Indiens a voulu une petite « dette » pour qu'il puisse aller chasser. Alors que [Pruden] ouvrait la porte de l'immeuble, les Indiens se sont enfouis à l'intérieur et ont pris les biens qui étaient sur les étagères » (Stanley 1936:345). Le chef a conseillé à Pruden de partir avant que du mal ne lui arrive. Dans le magasin ils avaient « éparpillés les choses qu'ils ne pouvaient prendre avec eux. Ils avaient vidé de la farine par terre et dehors pour pouvoir sortir les sacs et les biens volés. Ils avaient détruit tout ce qu'ils ne pouvaient emporter... Le responsable du poste [Young] était faché par rapport au gaspillage gratuit mais ce qui l'a enragé c'est la mort de son petit épagneul tué devant sa barrière, ses entrailles coupées et exposées alors qu'il était couché sur le dos » (Erasmus 1976:287). Young s'est rapidement apaisé lorsque Peter Erasmus a découvert « un demi pot de thé qu'un buveur avait jeté. Il a appelé Young pour que ce dernier voit cette preuve surprenante » (Erasmus 1976:288). Le récipient était en fait un pot de chambre pour enfant ! En voyant les feuilles de thé, « la colère de Young s'est évaporée en un rire fort (...) jusqu'à ce que des larmes viennent à ses yeux ». Même si Erasmus a aussi commencé à rire, il s'inquiétait que ce changement émotionnel brusque ne touche « l'équilibre mental » de son ami » (Erasmus 1976:288).


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