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EXPLORATEURS

Vie au Lac La Biche

Lettres de W. E. Traill, 1874-1881 – Première partie
Édité par Edward J. McCullough and Michael Maccagno

Transportation 1Au début des années 1900, William E. Traill a commencé à écrire de courts articles sur ses expériences dans l'Ouest canadien. Il était l'un des derniers anciens à reconnaître la valeur de ses expériences et l'importance de les communiquer à autrui. Son flair pour l'écriture était inscrit dans la tradition familiale; sa mère était Catharine Parr Strickland, l'auteur de sept livres comprenant « les régions inexploitées du Canada » (Londres, 1835) (1). Elle était membre d'une famille littéraire célèbre qui inclus les sœurs Agnes Strickland, qui a écrit « Les vies des reines d'Angleterre » (Londres, 1840-1848), et Susanna Moodie, auteur de « Vivre à la dure dans les bois » (Londres, 1852), ainsi qu'un frère, Samuel Strickland, auteur des « Vingt-sept années dans l'ouest du Canada » (Londres, 1853).

Cependant, William Traill, n'a pas effectué un compte-rendu d'importance sur sa vie dans l'Ouest; ses brèves « réminiscences » maintenant dans les archives de Glenbow n'ont jamais été terminées. Heureusement, il a aussi écrit de nombreuses lettres et relaté ses expériences personnelles qui offrent un aperçu sur ce que pouvait être la vie à la frontière.

Ce qui suit sont des extraits des lettres écrites au Lac La Biche entre 1874 et 1881 ainsi que des extraits de ses « réminiscences ». Certains paragraphes et phrases ont été réarrangés, l'orthographe a été corrigée et la ponctuation ajoutée afin de présenter un abrégé des pensées de Traill; des ajouts par les rédacteurs sont placés entre crochets. Des articles jugés étrangers au Lac La Biche ont été omis.

Les rédacteurs ont essayé de garder le style littéraire utilisé par Traill dans ses « réminiscences ». Il a écrit à la première personne, notant « qu'il est rare que j'écrive tellement à la première personne du singulier, mais quand on vit comme je le fais… je demande à un public indulgent [de m'excuser pour mon style] ». C'est justement ce style qui a permis l'édition des lettres de Traill sous une forme similaire à celle des « réminiscences ».


Cet article est le premier de trois parties, traitant de la période du printemps 1874 à l'été 1875.

[J'ai rejoint la Compagnie de la Baie d'Hudson comme commis en 1864. Pendant que je servais au fort Ellice, j'ai rencontré ma future épouse Harriet, la fille aînée du commerçant en chef William McKay. En 1869, nous étions mariés et avions trois enfants. Nous avons alors été informés que je devais gérer le poste du Lac La Biche].

Transportation 2Je suis heureux d'aller au Lac La Biche. Si je fais un bon travail, je resterai un commis pour seulement trois ans. Si non, je peux aussi bien dire au revoir au service. Une chose en ma faveur est que je ne peux pas faire un travail plus mauvais que celui de mon prédécesseur. Le Lac La Biche est un trou perdu et ennuyant. Il y a cependant une mission française catholique près du poste. Certains des prêtres sont des hommes très intelligents et les soeurs sont des créatures très gentilles.

À certains égards, le poste est très confortable. Il y a une petite ferme, un moulin, des vaches, etc., donc si une personne responsable ne vit pas confortablement c'est de sa faute. Le poisson constitue la nourriture de base; mais avec toutes les commodités que j'ai mentionnées, n'importe qui peut cuisiner de façon créative.


Été 1874 – Arrivée au Lac La Biche

[Le 27 juillet 1874, j'ai quitté le lieu de Carlton pour mon poste au Lac La Biche. Mon épouse Harriet et mes enfants, Walter, Katie et Molly m'ont accompagné. À Carlton tout le monde était en bonne santé. Mais nous ne savions pas que bientôt nous allions être privés de notre petit agneau. Dieu nous a pris la fleur de notre petite famille. Ma chère petite Mary (nous l'avons toujours appelée Molly) nous a été prise le jour suivant notre arrivée ici [au Lac La Biche]. Nous avons toujours espéré trouver quelqu'un ici qui soulagerait notre chère Molly mais c'était la volonté de Dieu que de nous la prendre. À trois jours en dehors de Carlton, nos enfants ont attrapé un mauvais rhume qui s'est avéré être la coqueluche. L'hiver passé, tous les enfants à Prince Albert l'avaient eue mais pas les nôtres et, quand nous sommes arrivés à Carlton, mes enfants étaient constamment en contact avec des enfants guérissant. Longtemps après avoir quitté Carlton, les plaintes avaient disparu et nous avons espéré qu'aucun de nos enfants ne serait malade mais ils l'avaient attrapée alors que personne de malade n'était proche d'eux.

Pendant presque une semaine, le temps était très froid et glacial; ce qui était naturellement défavorable pour les petits. Néanmoins, ils ne se sont pas découragés. La chère Molly était gentille et espiègle, ne nous donnant jamais le moindre ennui. Elle avait un sourire pour tout le monde. Elle commençait à se tenir debout en s'agrippant à n'importe quoi et à ramper. Au fort Pitt, ils sont tous devenus plus malades, surtout Walter qui nous a plutôt inquiétés, mais quand nous sommes partis de cet endroit, lui et Katie sont devenus plus animés. Cependant, l'état de la chère Molly s'est aggravé : sa situation a commencé à nous alarmer le troisième ou quatrième jour. Enfin, nous avons laissé la brigade de chariots espérant atteindre [le Lac La Biche] le deuxième jour et pensant qu'il était probable qu'une personne [là-bas] pourrait soulager la petite si la volonté de Dieu était de l'épargner. Nos chevaux n'étaient pas forts et la piste exécrable, la pire sur laquelle j'ai été, de sorte qu'au lieu de nous prendre 2 jours nous ne sommes arrivés que... le quatrième jour à midi. Pendant les deux derniers jours, notre chérie ne s'est rendue de rien. Ses chers yeux erraient constamment d'un côté et de l'autre et elle gémissait légèrement. Mais elle n'a jamais, après avoir quitté le fort Pitt, poussé le plus léger cri; chère petite âme, il nous était très pénible de la voir.

Quand nous sommes arrivés [au Lac La Biche] nous avons tout fait pour elle mais il était évident que notre chérie allait nous être prise. Nous sommes arrivés... samedi à midi. Nous sommes restés avec notre chérie cette nuit-là. Nous avions prévu l'apporter à la mission catholique le dimanche mais, quand le dimanche est venu, j'ai vu que ce serait un risque. Néanmoins, comme une des personnes d'ici allait à l'église, je me suis assis pour écrire une note au père que je connaissais et à qui j'ai demandé de l'aide. Tout en écrivant, j'ai été surpris par le cri de la pauvre mère qui tenait la chère enfant dans ses bras. Je me suis levé pour trouver mon enfant au seuil de la mort, une quinte de toux l'avait emportée... Nous étions préparés à ce que notre enfant nous soit enlevée mais pas aussi soudainement. Oh! Comme il était difficile de perdre un enfant aimé dans un endroit étrange et parmi des étrangers avec seulement un ami aimable qui pouvait nous soulager dans notre épreuve difficile.

Nous avons fait enterrer notre chérie dans le jardin d'où nous la retirerons en hiver pour l'emmener à Prince Albert dans notre future maison. La pauvre mère a dû l'habiller de ses propres mains. Chère petite Molly, maintenant qu'elle est partie nous pouvons dire, « notre père, votre volonté sera faite ». Nous ne souhaiterions pas qu'elle nous revienne, sachant que ce qui correspond à notre perte est son gain éternel, mais pourtant c'est difficile de le supporter. Nous nous consolerons avec l'espoir de la rejoindre dans ce royaume de bonheur où le péché et la douleur ne seront plus. [Pauvre Harriet] elle ressent tellement notre perte. Elle est souvent laissée à elle-même, car je suis toujours occupé et il n'y a qu'une femme dans l'établissement et elle est aveugle.

C'est un joli endroit. Le poste est construit sur le rivage sud du lac – une belle étendue d'eau. Le lac a une longueur de 25 milles et une largeur variant entre deux ou trois milles à huit milles. Il y a quelques îles sur ce lac mais elles sont tellement grandes qu'il est difficile de les distinguer du rivage principal. [Bien que ce soit une jolie situation] je ne peux pas en dire autant des logements ou des autres bâtiments. L'établissement comprend la maison de l'officier (ressemblant à une étable) qui a un toit fait en longues planches de rondins. Il y en a une autre similaire avec deux salles pour les hommes. Le magasin général et celui des poissons sont comparables mais en plus petits. L'établissement du Lac La Biche comprend la porcherie, l'écurie et l'étable en ruine. En été nous plaçons nos filets justes devant la maison car, comme vous le savez, la vie au Lac La Biche signifie se nourrir de poissons trois fois par jour ou aussi souvent que vous le voulez. Je ne veux pas une autre vie que celle que nous avons depuis que nous sommes venus ici – des poissons cuits d'une demi-douzaine de manières différentes, des poissons bouillis, frits, frais, farcis, fumés, salés, etc...

Nous avons aussi des canards, des poules de plaines, etc., des perdrix, des lapins qui ont un goût de castor, des orignaux, etc., avec des légumes. Nous pourrons bientôt ajouter du boeuf et du porc à notre nourriture. Donc, vous voyez qu'il n'y aucun danger de mourir de faim [comme cela pourrait être le cas sur un poste dans les plaines] car le stock de poissons est inépuisable.


Automne 1874

[Nous sommes en octobre et notre chère Molly est encore fort présente dans nos esprits]. Chère âme, elle nous manque cruellement. Elle était si aimable, silencieuse et bonne. Même lorsque qu'elle était malade et souffrante, elle n'a jamais pleuré pendant sa maladie à Pitt jusqu'à ce qu'elle nous ait été prise. Elle ne peut que nous manquer mais nous ne pouvons pas la pleurer, sachant qu'elle est maintenant heureuse dans les bras de son Sauveur. Elle a échappé à tous les pièges et tentations, aux douleurs et aux larmes de cette vie et, sans aucun doute, nous regarde maintenant d'en haut. Dieu, donne-nous la grâce de vivre avec davantage d'espoir d'une future réunion avec elle dans les royaumes de bonheur où elle habite maintenant. M. McKay [son grand-père], dans la lettre qu'il nous a écrite après avoir appris notre triste perte, ...a dit que Molly était une enfant trop bonne pour rester avec nous sur cette terre. Elle était une si chère enfant et, une fois bien habillée, était très jolie; à nos yeux du moins.

Les autres enfants n'ont pas traversé de moments pénibles mais ne sont pas encore tout à fait remis. Parfois, nous pensons que la toux les a presque quittés; puis malgré tous nos soins ils semblent être en pire condition. En ce moment, ils souffrent d'une maladie qui touche beaucoup de personnes – mal d'oreilles. J'ai guéri la petite Katie avec des cornes de cerfs et de l'huile douce et cette même médecine en a guéri d'autres mais Walter continue à souffrir. Il est aujourd'hui complètement sourd mais ne souffre pas trop. J'ai confiance qu'il récupérera son ouïe dans un jour ou deux.

Nous ne prévoyons pas laissé les autochtones gérer toute la maison comme ils voulaient le faire ici. Pour le moment, je me débrouille assez bien dans le commerce et espère qu'avec le temps les choses iront mieux.


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