Texte: Paul Labonne

Héritier d'une longue tradition qui remonte au Moyen Âge, Guido Nincheri a transformé des milliers de parcelles de verre antique soufflé à la main en autant de vitraux originaux. Considéré comme l'un des principaux maîtres verriers du Canada, il à reçu de nombreuses distinctions. Le 6 avril 1933, le pape Pie-XI le décorait Chevalier-Commandeur de l'ordre de Saint-Sylvestre et le reconnaissait ainsi comme l'un des plus grands artistes de l'Église. En 1972, il était fait Chevalier de la République par le gouvernement de son pays d'origine, l'Italie. Vingt ans plus tard, il était nommé Bâtisseur de la ville de Montréal, à titre posthume.

MAÎTRE VERRIER ET FRESQUISTE

Originaire de Prato, ville située en Toscane et renommée pour la qualité de ses textiles, Guido Nincheri étudie pendant douze ans le dessin, la peinture et l'architecture à l'Académie des Beaux-Arts de Florence. Le maître Adolfo De Carolis lui enseigne également la technique de la fresque.

En 1914, Nincheri s'embarque pour l'Argentine en compagnie de sa nouvelle épouse Giulia, à l'invitation de quelques-uns de ses confrères de classe. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale force toutefois les Nincheri à séjourner à Boston, leur première escale, où Guido obtient un contrat de création de décors pour l'opéra de cette ville. Six mois plus tard, le couple immigre à Montréal.

Surnommée la ville aux cent clochers, la métropole canadienne est en plein essor et de nombreuses paroisses catholiques, surtout le fait des Canadiens français, sont érigées. Les artistes et artisans européens sont alors très prisés.

Nincheri décroche un premier contrat pour la décoration intérieure de l'église Saint-Viateur d'Outremont. Il assiste aussi le verrier Henri Perdriau (Angers, 1877 - Montréal, 1950) en réalisant les cartons des vitraux des transepts qui ont pour thèmes le dogme de l'Immaculée-Conception (transept gauche) et le Congrès eucharistique de Montréal, tenu en 1910 (transept droit). Il semble que ce soit Perdriau qui l'initie à l'Art du vitrail.

En 1921, Nincheri ouvre son propre atelier de verre au rez-de-chaussée du 1832, boulevard Pie-IX, dans des locaux prêtés par ses mécènes, les frères Marius et Oscar Dufresne, deux piliers de la bourgeoisie francophone montréalaise.

Aidé de son apprenti Matteo Martirano (New York, 1909 - Montréal, 1996) qui se joint à lui à la fin des années 1920 et de quelques employés, l'artiste confectionne plus de 2 000 vitraux, que l'on peut encore admirer dans une centaine d'églises du Québec, de l'Ontario, des provinces Maritimes, de la Colombie-Britannique de même que dans certains états de la Nouvelle-Angleterre où Nincheri réside quelques temps. En tant que maître verrier et propriétaire du studio, Nincheri coordonne le travail des employés et réalise les maquettes, à l'occasion les patrons et la peinture sur le verre. Quant aux employés, ils ont pour tâches de reproduire à l'échelle les maquettes sur des cartons, de couper et de polir le verre, d'effectuer le sertissage et la pose du vitrail.

La Bible demeure sa principale source d'inspiration quant aux choix des sujets. Avec un réel talent de narrateur, il adopte un style très personnel et imagé s'apparentant à la Renaissance. Évoquant les versets bibliques, il met en scène les personnages de l'Ancien et du Nouveau Testament, plus rarement des personnages ou des événements historiques civils. Dans chaque cas, il s'agit de composition originale, souvent réalisée à partir de modèles vivants, l'artiste refusant de plagier les grands maîtres ou de se répéter.

Créant de véritables tableaux sur verre, Nincheri a exploité avec beaucoup de brio les effets chatoyants de la lumière pour accentuer l'intensité dramatique du vitrail, en utilisant notamment du verre plaqué, c'est-à-dire transparent, recouvert d'un mince verre de couleur, et en se servant de sels d'argent.

Artiste accompli, Nincheri introduit également en Amérique du Nord la technique de la fresque, tel que les peintres comme Michel-Ange la pratiquaient encore au XVIe siècle. Cette technique consiste à peindre sur un enduit encore frais (d'où l'origine du mot, fresco, en italien), composé d'un mélange de chaux et de silice. Elle ne permet plus de retouches sur l'original aussitôt que l'enduit sèche et nécessite une grande dextérité de l'artiste qui doit doser adéquatement les couleurs et peindre sur des échafauds, dans des positions souvent inconfortables, les murs et les voûtes des nefs et des absides. À Montréal, l'artiste a exécuté trois fresques.

Nincheri s'est surtout consacré à l'art religieux tout au long de sa féconde carrière. On ne lui connaît que très peu d'oeuvres profanes. Deux exceptions majeures: la décoration intérieure du musée d'histoire naturelle du Parc Roger Williams, à Providence, dans l'État du Rhodes Island, et la décoration du Château Dufresne, à Montréal, exécutée pour les frères Dufresne dans les années 1920.

Guido Nincheri est décédé le 1er mars 1973, à Providence, à l'âge de 87 ans.



Photo: Société de diffusion du patrimoine artistique et culturel
des Italo-Canadiens

L'art de Guido Nincheri 1999
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