Madeline (Ladouceur) Taylor
Provenant d'une cassette enregistrée le 28 juin 1973.
« Je suis née en 1893 près de lac La Biche. Je suis crie et française. Dans mon enfance, je parlais le cri. Je n'ai pas eu la chance d'apprendre d'autres langues puisque personne n'allait à l'école.
Mon père, Adam, et mes oncles, Joe et Augustin, étaient les seuls dans les environs de Plamondon qui avaient du bétail et mon père faisait la trappe. Ils nourrissaient de foin les animaux mais, à cette époque, ils ne plantaient pas leurs propres récoltes. Mon père attrapait des renards, des coyotes, des visons et des lynx. Il n'avait pas vu de loups ou d'orignaux mais beaucoup d'ours. Dans ce temps-là, tout était peu cher. Nous avions notre propre nourriture comme le beurre, le lait et la viande de boeuf. Mon père n'aimait pas le sucre. Alors, nous n'allions pas souvent au magasin de mon oncle. Par contre, nous échangions des fourrures pour des couvertures et d'autres provisions. L'argent n'achetait jamais quelque chose de nouveau. L'échange régnait toujours.
Pour voyager, nous utilisions des chevaux ou nous marchions avec nos sacs sur le dos. Comme les lignes de trappe étaient à une distance assez courte, nous pouvions aller voir nos pièges à pied. Pendant l'hiver, nous pêchions abondamment dans le lac La Biche. Au mois de novembre, mon père pêchait avec de gros filets faits de fils lourds. Il prit assez de poissons pour remplir nos petits bâtiments où les poissons gelaient et nous les vendions pour un dollar. C'était d'énormes poissons blancs. Pendant l'été, nous avions aussi beaucoup de poissons du ruisseau. Au mois de mai, les poissons étaient assez gros pour les sortir avec une fourche. Nous séchions les poissons pour les conserver et, quelques fois, nous les faisions bouillir pour en faire une variété de repas. Nous fumions du boeuf et nous mangions des canards sauvages. Le pemmican était aussi un vrai régal.
À l'âge de neuf ans, ma mère est morte; à l'âge de dix-huit ans ce fut mon père. Je décidai de quitter la maison et j'appris l'alphabet. Maintenant, je peux lire mais je ne peux pas écrire.
J'avais 15 ans quand les familles Plamondon sont arrivées.
Joe Plamondon a ouvert le premier bureau de poste. Nous n'avions
pas de clôtures pour nos bêtes et ils broutaient à
l'année longue. Les familles Plamondon, St. Jean, Duperron
et Bélanger étaient les premières familles
à venir s'établir dans la région. La mère
de mon père était amérindienne (Josephette
Cardinal). Son père était français. Le grand-père
de Josephette était écossais. Deux années passèrent.
J'ai rencontré et épousé Archie Taylor. Nous
avons voyagé beaucoup parce qu'il était trappeur.
Nous avons demeuré à Plamondon, dans les Territoires
du Nord-Ouest, Fort Chipewan, à Fort Saskatchewan et à
Clyde. Parfois, il gagnait seulement 1,50 $ par jour. Je pleurais
et pleurais parce que je n'aimais pas vivre comme une amérindienne.
Nous avions des chiens et un traîneau. J'aidais à trapper
et à conduire d'une place à l'autre. Nous étions
seuls sur la ligne de trappe et nous vivions dans de grandes tentes.
Nous construisions des cabanes pour les chiens avec des arbres.
Le trappeur de 90 ans, M. Ladouceur, est devenu une légende dans le petit village du Lac Athabasca depuis qu'il a sauvé la vie de neuf habitants de la ville en 1963. Modeste, Ladouceur repartit pour faire un autre de ses voyages de 350 milles à Edmonton pour recevoir le prix « Royal Life Saving Society of Canada ». Plus tard, il parla au journal The Sun de ses exploits accomplis il y a plus de 18 ans. « Les autres étaient en panique; il fallait que je reste calme. Tous les gens auraient péri si nous avions été tous pris de panique », disait-il par l'entremise d'un interprète. Il parlait uniquement les langues française et crie.
Ladouceur était avec neuf amis dans un gros bateau de pêche qui traversait le lac Athabasca. Sa petite barque était remorquée par l'arrière. De l'essence a été renversée et, malgré les avertissements de ne pas allumer d'allumettes, quelqu'un alluma sa cigarette. Le feu prit dans la cabine du bateau. Une femme tomba dans le lac et alla sous l'eau trois fois avant que M. Ladouceur puisse la sauver. Il rassembla les neuf autres dans la petite barque et, avec une hache, coupa la ligne et se sépara du bateau. Ils s'étaient éloignés de 100 pieds quand le bateau explosa. La petite barque s'enfonça sous le poids des 10 personnes, mais M. Ladouceur calma tout le monde. Il trouva un petit pot pour sortir l'eau du bateau. Finalement, ils ont été sauvés par d'autres pêcheurs. Cet incident n'a jamais été rapporté aux autorités. C'est l'an dernier que sa fille, Eva, le dévoila, au comité des prix.
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