Un discours du Premier ministre Jean Chrétien à
l'occasion du Dîner du chef de Calgary
Le 18 septembre 2002
Calgary (Alberta)
C’est la première chance que j’ai d’être à Calgary depuis l’annonce
que j’ai faite au caucus national de Chicoutimi. Bien qu’il me reste
beaucoup de travail à accomplir au cours des 17 prochains mois, je me peux
m’empêcher de réfléchir avec satisfaction au fait que mon mandat à la
tête du Parti libéral a débuté ici même à Calgary il y a 12 ans.
J’aimerais également profiter de cette occasion pour remercier les gens de
Calgary du travail formidable accompli à l’occasion du Sommet du G8 de
Kananaskis. Vous avez donné l’exemple de la manière de concilier la
civilité et la sécurité dans le cadre de grands sommets internationaux.
Grâce à vous, moi et mes collègues du G8 et du monde avons pu concentrer
notre attention sur le travail important que nous avons accompli au nom de l’Afrique.
Vous avez fait honneur à Calgary et au Canada.
J’ai toujours dit que la santé de l’économie est essentielle à la
santé de la société. Notre gouvernement a travaillé très fort depuis qu’il
a été élu la première fois. Qui aurait pensé, à l’époque, qu’aujourd’hui,
nous aurions un rendement meilleur que les États-Unis.
Ce n’est pas un hasard. C’est grâce aux efforts des Canadiens.
Pendant le récent ralentissement mondial, notre économie s’est
brièvement contractée au cours de l’été 2000, alors que l’économie
américaine reculait lors des trois premiers trimestres de 2001. Entre le
deuxième trimestre de l’an 2000 et la fin de l’année 2001, notre économie
a enregistré une croissance cinq fois plus rapide que celle des États-Unis.
Entre le deuxième trimestre de l’an 2000 et le deuxième trimestre de cette
année, notre niveau de vie, mesuré d’après le PIB par habitant, a augmenté
de 3,3 p. 100, comparativement à une baisse de 0,5 p. 100
aux États-Unis. Au cours des huit premiers mois de cette année, notre
économie a créé 386 000 nouveaux emplois en chiffres nets. Même en
chiffres absolus, un plus grand nombre de nouveaux emplois ont été créés
cette année au Canada qu’aux États-Unis.
Nous avons maintenu l’équilibre budgétaire. Le budget américain est
déficitaire. Notre compte courant est excédentaire; celui des États-Unis est
déficitaire.
Ce sont des chiffres impressionnants. Ces résultats ont été obtenus au
prix d’efforts considérables rendus possibles par l’appui et les sacrifices
de nos citoyens et par notre engagement inébranlable envers la discipline
financière. Et je tiens à vous assurer ce soir que notre gouvernement ne
prendra jamais des engagements qui feront retomber le Canada en déficit.
Nous allons continuer à équilibrer nos budgets, et nous allons maintenir le
ratio de la dette au PIB sur une nette trajectoire descendante.
En même temps, cependant, nous devons aussi effectuer des investissements
stratégiques pour l’avenir, à l’instar de l’Alberta. Ainsi, c’est
Peter Lougheed qui a créé le Fonds du patrimoine de l’Alberta pour appuyer l’établissement
d’installations de recherche de renommée mondiale. À l’heure actuelle, le
gouvernement de l’Alberta investit massivement dans les sciences, dans l’éducation
et dans la santé. Les Albertains récoltent aujourd’hui les fruits de ces
investissements judicieux. Calgary n’est plus seulement la capitale
pétrolière du Canada, mais aussi un pôle d’attraction pour les emplois et
les investissements de la nouvelle économie.
Notre gouvernement agit de la même façon à l’échelle nationale en
mettant l’accent sur l’innovation, la recherche et le développement au
moyen des chaires de recherche du Canada, de la Fondation canadienne pour l’innovation
et des Instituts de recherche en santé du Canada.
Mais pour préserver des partenariats durables et pour conserver la confiance
du public, il ne suffit pas d’avoir fait avancer les choses. Il faut continuer
d’avancer. Ce n’est pas seulement ce que nous avons accompli qui compte,
mais plutôt ce que nous allons accomplir.
Car, mes amis, il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir.
Notre programme d’action pour la nouvelle session du Parlement reconnaît
que pour maintenir un bilan financier et économique sain nous devons continuer
d’effectuer aussi des investissements stratégiques à long terme dans notre
infrastructure sociale et économique, dans l’apprentissage, dans nos enfants
et dans l’environnement.
Dès que nous avons atteint l’équilibre budgétaire, nous nous sommes
attaqués à d’autres déficits pressants. Des déficits encore très réels
dans les secteurs social et environnemental et en matière d’infrastructure.
Des déficits qui empêchent le Canada de réaliser pleinement son potentiel
économique et social. Dans notre discours du Trône et au cours des prochains
mois, nous allons prendre des engagements importants en vue de réduire encore
davantage ces déficits cruciaux.
Mes amis, nous allons faire des annonces et des progrès importants pour
améliorer les perspectives des membres de nos Premières Nations. Dans l’ensemble,
l’Ouest du Canada, et en particulier l’Alberta, sont peut-être prospères.
Mais les Autochtones du Canada ne le sont pas. Or, ils forment une proportion
croissante de la main-d’oeuvre dans l’Ouest du pays. Ils représentent une
source négligée de compétences et de potentiel économique.
Vous verrez d’importantes nouvelles mesures en faveur des enfants, dans la
lutte contre la pauvreté et pour assurer un bon départ dans la vie pour tous.
Vous verrez se concrétiser des mesures importantes, à l’intérieur de
notre sphère de compétence, pour bâtir une infrastructure urbaine qui attire
les talents et les investissements dans nos villes.
Jane Stewart et Allan Rock ont invité tous les Canadiens à contribuer à
nous tailler une place dans l’économie du savoir, à améliorer notre
rendement en matière de recherche-développement et à promouvoir la formation
et l’apprentissage. Vous verrez d’autres mesures importantes dans ces
secteurs.
Nous allons présenter un important ensemble de mesures sur l’éthique dans
le secteur public. Le mot d’ordre sera la transparence, et le secteur privé
pourra s’en inspirer.
La modernisation de notre système de santé restera un élément central de
notre programme d’action pour le 21e siècle.
J’ai chargé Roy Romanow de faire des recommandations sur un système de
santé public de haute qualité pour tous les Canadiens au 21e siècle.
Il présentera ses recommandations en novembre. Ensuite, je tiendrai une
réunion des premiers ministres, puis nous agirons.
Ralph Klein a toujours exercé une force positive dans le cadre de ces
discussions. Sans lui, les premiers ministres ne seraient pas parvenus à un
consensus sur la santé en septembre 2000. Et je sais que je pourrai compter
encore une fois sur Ralph Klein, le doyen des premiers ministres des provinces,
quand nous nous réunirons au début de la nouvelle année.
La lutte contre le changement climatique formera un élément crucial de
notre programme d’action.
J’aimerais vous dire très clairement ce soir ce que cela signifie pour
nous et préciser en même temps ce que cela ne signifie pas.
Je sais bien que certains vous diraient que la seule mention du mot Kyoto
dans cette salle jetterait un froid suffisant en soi pour contrer le
réchauffement de la planète. Mais, sérieusement, j’aimerais mentionner d’abord
certains points fondamentaux sur lesquels nous sommes tous d’accord.
Premièrement, nous sommes tous d’accord sur le fait que la santé et le
bien-être des générations à venir exigent une action internationale
concertée contre le changement climatique. On peut débattre de la façon de s’y
prendre, mais pas de la nécessité d’agir.
Deuxièmement, nous reconnaissons tous que le succès nécessitera des
efforts et des ressources et que, sans une économie vigoureuse et un climat
propice aux investissements, nous ne disposerons simplement pas des ressources
nécessaires. Par conséquent, il faut éviter à tout prix de compromettre nos
perspectives et notre avenir économiques.
Troisièmement, en tant que Canadiens, nous nous entendons tous sur la
nécessité d’agir au Canada d’une manière juste et responsable qui
répartit le fardeau et le risque équitablement entre les différents secteurs
de l’économie et régions du pays. Entre les producteurs et les consommateurs.
Entre les particuliers et les entreprises. Entre les citoyens et les
gouvernements.
Quatrièmement, nous sommes tous conscients que les technologies nécessaires
pour lutter efficacement contre le changement climatique offrent des
possibilités économiques exceptionnelles. Il faudrait maximiser pour le Canada
les retombées de la mise au point de nouvelles technologies environnementales.
J’aimerais maintenant aborder certaines des préoccupations que vous avez
en Alberta. Selon la rhétorique, Kyoto est un poignard posé sur le coeur de l’économie
albertaine. C’est tout simplement faux. Je sais que les soi-disant gros
émetteurs dans le secteur de l’énergie, dans les services publics et dans le
secteur manufacturier ont exprimé des préoccupations légitimes très
sérieuses.
J’ai amené avec moi d’Ottawa certains des plus hauts représentants du
gouvernement pour participer à une réunion que j’ai eue cet après-midi à
Calgary avec des chefs d’industrie afin d’entendre leurs préoccupations. Je
les ai assurés que nos consultations avec eux au cours des prochaines semaines,
sous la direction du sous-ministre des Ressources naturelles, seront intenses,
réelles et productives. J’ai réaffirmé que nous pouvons – que nous devons
– travailler ensemble en toute bonne foi. Ces consultations contribueront
grandement à façonner le plan de mise en oeuvre que nous produirons avant le
vote au Parlement plus tard cette année.
J’aimerais vous dire quelques mots à titre personnel.
Je suis très fier des réalisations économiques du Canada depuis que je
suis devenu Premier ministre. Je ne suis pas prêt à les mettre en jeu. Je suis
très fier de ma contribution personnelle, à la fois comme ministre dans les
années 70 puis comme Premier ministre, à la mise en valeur des sables
bitumineux. Je ne suis pas prêt à la mettre en jeu. Je suis très fier de voir
la croissance dynamique de l’économie albertaine – une croissance qui
profite à l’ensemble du Canada. Je ne suis pas prêt à la mettre en jeu.
Je suis conscient que la façon dont nous choisirons de respecter nos
obligations en vertu du Protocole de Kyoto devra tenir compte de l’importance
du secteur des ressources naturelles dans l’économie canadienne. Et qu’elle
devra tenir compte de notre position au sein de l’économie nord-américaine.
Le Canada a choisi une approche multilatérale pour lutter contre le
changement climatique. Je suis fermement convaincu que dans ce domaine comme
dans d’autres, le monde est moins bien servi par l’unilatéralisme. Je
déplore la décision des États-Unis de ne pas ratifier Kyoto. Cependant, le
fait que les États-Unis ne ratifient pas Kyoto ne signifie pas que les
États-Unis ne font rien. Et cela ne signifie pas que nous ne devons rien faire.
Les Américains prennent des mesures au niveau national et dans différents
États. À divers égards, la Californie est à l’avant-garde du monde dans la
lutte contre le changement climatique.
Je ne prétends pas qu’il sera facile d’atteindre nos objectifs en
matière de changement climatique. Ce ne sera pas facile. Nous avons dix ans
pour respecter nos obligations aux termes du Protocole. Mais nous pouvons
progresser ensemble. L’industrie a beaucoup de bonnes idées à proposer, de
même que les gouvernements des provinces, y compris celui de l’Alberta. Ces
idées nous aideront beaucoup à remplir nos obligations. La technologie aura
son rôle à jouer aussi.
Nous travaillons très fort à mettre en place le plan que j’ai mentionné
tout à l’heure. Un plan qui réduira l’incertitude pour les entreprises et
pour les investisseurs. Un plan qui nous permettra de remplir nos
responsabilités environnementales tout en tenant compte des points de vue des
secteurs les plus touchés.
Le plan ne répondra peut-être pas à toutes les questions possibles. Aucun
plan ne pourrait le faire. Il y aura des rajustements au besoin à mesure que
nous apprendrons et que nous travaillerons ensemble. Aucune entreprise dans une
économie de marché ne fonctionne dans un environnement totalement exempt de
risque. Je reconnais que nos obligations dans le cadre du Protocole de Kyoto
sont une source d’incertitude pour vous. Notre tâche consiste à travailler
avec vous à réduire cette incertitude autant que possible.
C’est ce que nous allons faire. Nous allons donner des assurances quant à
la part du coût et du risque que nous demanderons à chaque secteur de la
société d’assumer. De plus, nous dissiperons certaines craintes en donnant
des assurances au sujet des mesures que nous ne prendrons jamais.
Mes amis, permettez-moi d’établir une analogie avec la mise en valeur des
sables bitumineux. L’exploitation des sables bitumineux n’aurait jamais
été entreprise si les promoteurs s’étaient préoccupés seulement des gains
trimestriels immédiats. Ils ont eu assez de vision et de confiance pour
regarder dix ans, vingt ans et trente ans dans l’avenir. Ils ont osé prendre
des risques. Ils ont misé sur la découverte de nouvelles techniques pour
rentabiliser l’extraction du pétrole – des techniques qui n’existaient
pas à l’origine.
Les compagnies qui exploitent les sables bitumineux sont devenues des chefs
de file mondiaux dans le domaine des technologies environnementales. Elles ont
fait de grands progrès dans la réduction des émissions de carbone. Et elles
savent qu’elles pourront faire encore mieux.
Les sables bitumineux sont une réussite exemplaire du Canada en ce sens que
les promoteurs ont pris des risques, qu’ils ont vu grand et qu’ils ont pris
au sérieux leur responsabilité envers les générations à venir. Et ils ont
réussi au-delà de tout ce qu’ils avaient osé espérer. Ce qui a été
accompli en Alberta dans l’exploitation des sables bitumineux, le Canada peut
l’accomplir dans la réduction du changement climatique.
Si nous travaillons ensemble, si nous élargissons nos horizons et si nous
laissons de côté la rhétorique, je suis persuadé que c’est un défi que
les Canadiens peuvent relever. Nous allons atteindre nos objectifs d’une
manière responsable, dans l’intérêt de l’économie, de l’environnement
et des générations qui suivront.
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