NOTES POUR UN DISCOURS DU PREMIER MINISTRE JEAN CHRÉTIEN
À L'OCCASION DU CAUCUS NATIONAL DU PARTI LIBÉRAL DU CANADA
Le 19 août 2003
North Bay (Ontario)
Il s'est passé beaucoup de choses depuis notre dernier caucus estival à
Chicoutimi. Mais certaines choses n'ont pas changé. Le Parti libéral demeure
très en avance dans les sondages. Les Canadiens demeurent satisfaits de
l'orientation du pays, et l'économie reste vigoureuse. Le budget demeure
équilibré. Les autres pays du monde continuent de remarquer les progrès que
nous accomplissons. Et, comme de raison, nos critiques continuent de mettre
l'accent sur ce qui nous divise.
Je voudrais mettre l'accent ce soir sur nos réalisations, sur le programme
d'action très dynamique du Parti libéral et sur le travail qu'il nous reste à
accomplir au cours de la session parlementaire d'automne. Ce soir, je suis fier
d'affirmer que nous avons mis en oeuvre la quasi-totalité des engagements du
discours du Trône de septembre dernier en vue de bâtir un nouveau Canada dans
un monde en pleine mutation.
Parlons d'abord de certaines de nos réalisations au cours de la dernière
année. Les Canadiens sont très fiers de la place du Canada dans le monde. Nous
savons que dans un monde en évolution nous devons renforcer et adapter notre
rôle. Nous sommes présents dans la lutte contre la terreur, dans la tâche
dangereuse de rétablir la paix en Afghanistan, dans la reconstruction de l'Iraq,
dans l'effort pour faire renaître l'espoir en Afrique. Nous nous étions
engagés à doubler l'aide au développement d'ici 2010. Et nous avons y
affecté les ressources nécessaires. Nous avions promis de supprimer les tarifs
et les contingents sur les produits exportés par les pays les moins avancés.
C'est ce que nous avons fait. Nous avions promis de renforcer nos forces
militaires. Et nous l'avons fait en augmentant le budget de près d'un milliard
de dollars par année.
Pour ce qui est de la réforme de la santé, le régime canadien
d'assurance-maladie est une réalisation du Parti libéral. C'est notre parti
qui vient de réaffirmer les principes du régime et qui mène l'effort en vue
de le moderniser pour le XXIe siècle. Nous avions promis de tenir une réunion
des premiers ministres sur la santé et d'adopter un plan de réforme approfondi.
Nous avons tenu cette réunion et nous sommes parvenus à un accord. Les
Canadiens pourront constater une réduction des listes d'attente, l'augmentation
des soins à domicile et des soins primaires et une plus grande obligation de
rendre des comptes. De plus, la ministre de la Santé annoncera bientôt la mise
sur pied d'un conseil canadien de la santé. Nous avons rempli notre promesse de
veiller à ce que les Canadiens puissent s'occuper d'un membre de leur famille
gravement malade.
Notre gouvernement a mis en place la Prestation nationale pour enfants, qui
représente le plus important programme social depuis l'assurance-maladie. Nous
avions promis de l'augmenter sensiblement. Et nous l'avons fait. Nous avions
promis d'augmenter l'accès à des services de garde et de développement de la
petite enfance de qualité. Et nous avons tenu parole. Nous avions promis
d'offrir des mesures ciblées à l'intention des familles à faible revenu qui
dispensent des soins à des enfants lourdement handicapés. C'est chose faite.
Nous avions promis d'étendre les soutiens aux parents autochtones. C'est fait
aussi.
L'environnement représentait un élément important du discours du Trône.
Les Canadiens, en particulier les jeunes, sont conscients de notre
responsabilité de préserver l'environnement. Nous avions promis de ratifier le
Protocole de Kyoto, et nous l'avons fait. Nous avions promis un plan d'action
sur les changements climatiques. Nous l'avons produit. Nous avons entrepris de
créer dix nouveaux parcs nationaux et cinq nouvelles aires marines de
conservation, comme promis.
L'innovation a toujours été au coeur de notre programme. Au cours de la
dernière année, nous avons enrichi un bilan dont nous sommes très fiers.
Nous avons augmenté le budget des conseils subventionnaires,
particulièrement en science. Nous avons respecté notre engagement de
contribuer aux coûts indirects de la recherche universitaire. En plus, nous
avons créé 4000 bourses d'études fédérales par année à l'intention des
étudiants diplômés, doublant presque le nombre de bourses d'études
fédérales disponibles.
Pour ce qui est des engagements que nous avions pris envers nos villes et
collectivités – que ce soit un programme d'infrastructures stratégiques à
long terme, des investissements accrus dans le logement abordable, le maintien
de l'Initiative pour les sans-abri, ou un effort en vue de répondre aux besoins
particuliers des Autochtones en milieu urbain – nous les avons tous remplis.
La modernisation de la gouvernance formait l'une des pièces maîtresses du
discours du Trône. Nous avons déposé une nouvelle loi sur la gouvernance
d'entreprise. Nous travaillons à mettre en place un système pancanadien de
réglementation des valeurs mobilières.
Nous avions promis un plan d'action sur les langues officielles. Nous l'avons
présenté. Nous avions promis des mesures relatives à l'éthique. Nous avons
tenu parole. Notre projet de loi sur le financement des partis politiques
contribuera grandement à renforcer la démocratie au Canada. La loi sur la
réforme de la fonction publique que nous avions promise est maintenant rendue
au Sénat.
Mes amis, nous avons accompli des réalisations extraordinaires en peu de
temps. Elles représentent l'aboutissement d'un programme d'action libéral
ciblé et progressiste. Voyons maintenant les mesures législatives que le
Parlement doit adopter cet automne pour mettre à exécution le reste de notre
programme. Un projet de loi sur la procréation assistée; un projet de loi
créant un poste de commissaire à l'éthique indépendant; le projet de loi
Westray; le projet de loi sur les fraudes dans les marchés financiers; le
projet de loi sur la sécurité publique; le projet de loi sur le droit de la
famille et celui visant à moderniser les peines relatives à la possession de
faibles quantités de cannabis. Il y aura bien sûr d'autres initiatives
législatives annoncées dans le discours du Trône auxquelles nous aimerions
donner suite si le temps le permet, ainsi que des initiatives que nous n'avions
pas prévu prendre et que les circonstances rendent nécessaires. Par exemple,
l'entrée en vigueur des nouvelles circonscriptions électorales.
Par ailleurs, au cours de la dernière année, le gouvernement a dû
s'occuper de questions qui n'étaient pas nécessairement prévues dans notre
discours du Trône. Je pense au dossier de l'Iraq, par exemple. Nous avions une
décision très difficile à prendre. Nous avons décidé en fonction de nos
valeurs – notre attachement aux Nations Unies et au multilatéralisme. Et nous
avons agi à titre de pays indépendant. Nous pouvons être fiers de ce que nous
avons accompli. La population canadienne nous a appuyés massivement. En raison
de notre décision à l'égard de l'Iraq, certains de nos adversaires affirment
qu'il nous faut rebâtir nos relations avec les États-Unis.
Laissez-moi vous dire une chose. Nos rapports avec les États-Unis et avec
l'administration américaine demeurent très solides et très sains. Nous
travaillons très bien ensemble dans un très grand nombre de domaines. Il n'y a
rien de brisé entre nous, et rien à rebâtir – même s'il est vrai qu'il
faut entourer nos relations avec les États-Unis de soins, comme c'est le cas
depuis 1867.
Le Canada et les États-Unis n'ont jamais partagé exactement le même point
de vue sur toutes les questions de politique étrangère. Il y a toujours eu des
conflits commerciaux entre nous. Entre pays et entre amis, on ne peut pas
s'entendre sur tout. Les désaccords entre bons amis sur quelques sujets sont un
signe de maturité et non de relations tumultueuses.
J'aimerais maintenant aborder un autre sujet important qui nous préoccupe
tous et qui ne faisait pas partie de nos projets. Je n'ai pas besoin de vous
dire à quel point la question de la définition constitutionnelle du mariage
est difficile pour chacun d'entre nous. Vous avez été nombreux à m'écrire
directement pour me faire part de vos préoccupations et de celles de vos
électeurs. Les circonstances nous obligent à nous occuper de cette question
maintenant à la suite de décisions judiciaires très récentes fondées sur la
Charte des droits. L'Alliance canadienne s'en prend aux tribunaux depuis des
années. Elle critique le soi-disant activisme judiciaire. Il s'agit d'une
façade pour leur profonde opposition à la Charte des droits – une Charte
adoptée par le Parlement que les libéraux et l'ensemble des Canadiens
respectent et chérissent. Ne nous laissons donc pas piéger par eux sur cette
question. Il ne s'agit pas d'affaiblir le Parlement. Il ne s'agit pas
d'affaiblir la religion traditionnelle. Il ne s'agit pas d'affaiblir le tissu
social du Canada. En fait, il s'agit de donner au Parlement la voix qui lui
revient. Il s'agit de protéger les traditions et les rites religieux. Il s'agit
de donner effet aux valeurs canadiennes – le respect mutuel, la justice et
l'égalité.
Nous savons tous que le Parlement se doit toujours d'agir dans le respect de
la Constitution. Dans le cas des couples du même sexe, la manière dont les
tribunaux successifs ont interprété la Charte des droits doit nous servir de
guide. Or, les tribunaux nous disent que la notion de « séparé mais égal »
n'a pas sa place au Canada.
Par conséquent, nous avons rédigé un projet de loi qui garantit à la fois
le droit absolu des Églises de définir les exigences à remplir aux fins d'un
mariage religieux et les droits à l'égalité de tous les Canadiens. Nous
demandons maintenant à la Cour suprême de dire au Parlement ce qui est
conforme à la Charte des droits, car je sais que les libéraux, et la grande
majorité des Canadiens, ne voudraient pas invoquer la clause dérogatoire. Une
fois que les députés sauront ce que la Charte permet, ils pourront voter selon
leur conscience et en toute connaissance de cause. Le vote sera libre, sans
instructions de la part des whips des partis.
Je vous encourage tous et toutes à réfléchir mûrement à cette question
quand le temps viendra, à modérer le ton, à ne pas tomber dans les pièges
tendus par l'Opposition. Croyez-moi, pour quelqu'un de ma génération, qui a
vécu et grandi dans le Québec rural catholique de ma jeunesse, c'est un sujet
très délicat. Mais j'ai appris au fil de 40 années de vie publique que la
société évolue et que notre conception des droits de la personne évolue
souvent plus vite que certains d'entre nous l'auraient cru – et parfois même
d'une manière qui en rend certains mal à l'aise. Mais au bout du compte, il
nous faut prendre nos responsabilités. Et aucune n'est plus essentielle que de
protéger la Constitution et les droits fondamentaux qu'elle garantit à tous
les Canadiens.
J'aimerais vous parler en terminant d'une chose qui me tient beaucoup à
coeur. Deux seuls premiers ministres dans l'histoire du Canada – Mackenzie
King et Lester Pearson – ont confié les rênes de leur parti à un nouveau
chef qui a gagné les élections suivantes. Je tiens à être le troisième. Et
je ferai tout en mon pouvoir pour assurer au nouveau chef les meilleures
conditions possibles pour former un quatrième gouvernement libéral majoritaire
de suite.
Mon successeur pourra prendre appui sur notre excellent bilan – un bilan
auquel les candidats à la direction et chacun et chacune de vous a contribué
et dont vous êtes fiers. Un bilan axé sur le libéralisme et sur la tâche de
bâtir un nouveau Canada pour le XXIe siècle. Un bilan que nous achèverons au
cours de la session parlementaire de cet automne.
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