à
l’occasion du 20e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés
Le 17 avril 2002
Ottawa (Ontario)
Le 17 avril 1982, dans un discours qu’il adressait à la population du
Canada à l’occasion de la proclamation de la Charte canadienne des droits et
libertés sur la colline du Parlement, le très honorable Pierre Elliott Trudeau
a dit : « Nous ne célébrons pas tant l’achèvement de notre
tâche que le renouveau de notre espoir. Pas tant une fin qu’un nouveau
départ. »
Aujourd’hui, nous nous sommes rassemblés pour souligner 20 années de
renouveau. Pour célébrer les espoirs accomplis. Pour marquer la fin du
commencement, en quelque sorte.
De nombreux historiens contemporains associent étroitement l’adoption de
la Charte à la personne et à l’intellect de Monsieur Trudeau. À divers
égards, ils ont raison.
La création de la Charte a représenté l’aboutissement d’un cheminement
personnel et politique dont l’origine remonte à un discours marquant qu’il
avait prononcé en 1967, à titre de ministre de la Justice devant l’Association
du barreau canadien. À cette occasion, il a affirmé que « la compétence tant
du gouvernement fédéral que des gouvernements provinciaux serait diminuée au
profit du citoyen canadien qui serait davantage protégé dans l’exercice de
ses droits et de ses libertés fondamentales. »
Mais ce serait trop simplifier les choses de croire que si nous avons une
Charte aujourd’hui, c’est grâce à la force et à l’intellect d’un seul
chef.
En fait, si nous avons une Charte aujourd’hui, c’est parce que les
Canadiens en voulaient une.
Ils souhaitaient que notre loi fondamentale reflète et protège nos valeurs
fondamentales et notre identité : la liberté, l’égalité, la place
privilégiée des langues anglaise et française et des peuples autochtones dans
notre histoire nationale, la réalité multiculturelle de notre société
moderne, les principes du partage de la prospérité et de l’égalité des
chances.
Les Canadiens étaient prêts à se doter d’une Charte. Ils étaient prêts
à faire preuve de l’audace nécessaire. C’est aussi simple que cela. Le
génie de Monsieur Trudeau a été de percevoir ce désir et de saisir l’occasion.
La marque la plus sûre du succès de la Charte n’a pas été son
inscription dans la Constitution, mais bien la vigueur avec laquelle les
Canadiens l’ont adoptée et en ont fait usage par la suite pour repousser les
frontières de l’égalité et pour contester des préjugés et des pratiques
séculaires.
Il est vrai que les répercussions de la Charte ont provoqué et continuent
de provoquer des débats dans divers milieux. Et c’est bien ainsi. Il ne faut
jamais prendre les notions de liberté et d’égalité à la légère. Nous
devons toujours être prêts, comme société, à joindre le geste à la parole.
Comme à l’occasion d’un grand nombre des événements marquants de notre
histoire et de l’évolution de notre société, l’adoption de la Charte a
donné lieu à des péripéties dramatiques et à de grands débats. J’étais
ministre de la Justice à l’époque, et je m’en souviens très bien.
Comme les temps ont changé!
Certains des reportages sur ce 20e anniversaire mentionnent le fait que les
Canadiens semblent maintenant tenir la Charte pour acquise. C’est une bonne
chose à mon avis.
J’en déduis que la Charte fait désormais partie intégrante de notre vie
nationale. Elle réaffirme le fait que les Canadiens dans toutes les provinces
et dans les territoires définissent leur citoyenneté en termes beaucoup plus
nobles que leur passeport, leur langue ou leur région. Ils la définissent du
point de vue des qualités et des droits fondamentaux qu’ils possèdent en
tant qu’êtres humains. Des droits qui l’emportent sur ceux de tout
gouvernement.
En ce sens, l’adoption de la Charte représente la déclaration la plus
profondément démocratique de notre histoire. Elle n’est pas l’oeuvre d’un
premier ministre ni d’un gouvernement, mais plutôt celle d’un grand peuple,
d’un peuple juste : le peuple canadien.
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