Discours du Premier ministre Jean Chrétien
à l'occasion d'une réception d'accueil donnée par Monsieur André Harvey,
député de Chicoutimi-Le Fjord
Le 20 août 2002
Chicoutimi (Québec)
Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui avec notre caucus dans la
circonscription d’André Harvey. Qui aurait pensé il y a seulement quelques
années qu’une circonscription du Saguenay–Lac-Saint-Jean enverrait un
député libéral à Ottawa? Cela montre à quel point les choses ont changé
pour le mieux depuis 1993. À quel point les Québécois et Québécoises se
concentrent maintenant sur les possibilités de l’avenir au lieu de s’attarder
aux griefs du passé. Cela montre le peu d’attrait que présente l’idée de
la séparation dans le Québec d’aujourd’hui.
L’équipe libérale au grand complet s’est rassemblée ici pour préparer
les prochaines étapes dans la poursuite de notre programme d’action pour le
21e siècle. Un programme d’action qui vise à assurer la
prospérité à long terme, l’innovation à l’échelle mondiale et une
qualité de vie sans égale pour les Canadiens et Canadiennes. Un programme d’action
qui repose sur les réalisations extraordinaires que nous avons accomplies jusqu’à
présent ensemble, étape par étape, en équipe.
Mes amis, j’ai toujours dit que le caucus est la plus importante réunion
à mon calendrier. C’est le lieu où nous nous engageons les uns les autres à
trouver des solutions innovatrices dans l’intérêt national.
Le caucus est un élément vital du système parlementaire canadien. Un
système où les partis présentent une équipe, dirigée par un chef. Ils
proposent une plate-forme pour se faire élire. Ensuite, l’équipe et le chef
travaillent ensemble durant leur mandat à remplir les engagements de leur
plate-forme.
Notre système parlementaire est différent du système américain, où la
discipline de parti n’existe pas. Où les membres du Congrès ne s’appuient
pas sur une plate-forme nationale pour se faire élire. Où les groupes d’intérêts
engagent d’immenses sommes d’argent dans les campagnes électorales de
candidats au Congrès.
Où l’administration ne peut pas obtenir un accord sur le bois d’oeuvre.
Parce qu’elle doit se plier aux désirs d’un sénateur quelconque qui doit
son élection aux producteurs de bois américains et qui menace d’utiliser son
pouvoir à titre de président du comité sénatorial des finances pour bloquer
d’autres textes législatifs auxquels le Président tient.
Dans notre système, d’importants postes dans la magistrature ne restent
pas sans titulaire pendant des années à cause des manoeuvres politiques et des
tests idéologiques du Congrès.
Dans notre système, l’administration ne dit pas au monde entier qu’elle
n’aime pas le Farm Bill avant de devoir céder aux membres du Congrès
qui ne sont pas assujettis à la discipline de parti, mais plutôt à la
discipline des lobbyistes et à l’argent des groupes d’intérêts.
Voilà un exemple véritable de déficit démocratique. Et nous n’avons pas
besoin de ça au Canada.
Il y a moins de deux ans, nous avons reçu un mandat clair de la population
du Canada. Les événements affreux du 11 septembre nous ont bien sûr
contraints de mettre ce programme d’action de côté. La plupart des
économistes étaient alors d’avis qu’une récession au Canada était
inévitable. Mais grâce à nos politiques économiques et financières, notre
économie enregistre maintenant une croissance plus rapide que toute autre
économie du G8. Elle crée plus d’emplois, plus vite, que celle de tout autre
pays. Nous sommes maintenant extrêmement bien placés pour poursuivre un
programme d’action dynamique pour le reste de notre mandat. Un programme d’action
fondé sur un engagement inébranlable envers la discipline financière qui nous
a permis d’entrer dans une ère de budgets équilibrés, d’allégements
fiscaux et de remboursement de la dette.
Mais le programme d’action libéral reconnaît que ce bilan financier sain
ne restera sain que si nous continuons d’effectuer aussi des investissements
stratégiques à long terme dans notre infrastructure sociale et économique,
dans l’apprentissage, dans nos enfants et dans l’environnement.
Le 11 septembre. Enron. WorldCom. Ces événements bouleversants sont venus
nous rappeler l’importance des gouvernements.
Pour ma part, j’ai toujours cru que le gouvernement contribue utilement au
bien-être de la société. Je n’ai jamais pensé que le gouvernement possède
toutes les réponses. Par contre, j’ai toujours rejeté le dogme droitiste
voulant que le gouvernement soit toujours le problème.
Ces paroles du grand Président américain Franklin Roosevelt expriment le
mieux mon propre credo, et je cite :
« Pour mesurer notre progrès, il ne s’agit pas de savoir si nous
ajoutons à l’abondance des bien nantis mais si nous en donnons assez aux
plus démunis. »
Dès que nous avons atteint l’équilibre budgétaire, nous nous sommes
attaqués à d’autres déficits pressants. Des déficits encore très réels
dans les secteurs social et environnemental et en matière d’infrastructure.
Des déficits qui empêchent le Canada de réaliser pleinement son potentiel
économique et social.
Ce mélange de prudence financière constante et d’investissements
stratégiques est l’essence de l’approche équilibrée de notre gouvernement
libéral.
Je dois avouer que notre programme d’action ne plaît peut-être pas à Bay
Street ni au National Post ni même au Globe and Mail. Mais c’est
un programme d’action conçu pour les gens ordinaires. Pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean,
pour le quartier East Side de Vancouver et pour l’intérieur de Terre-Neuve. C’est
un programme conçu pour Regents Park à Toronto, pour Market Square à
Winnipeg, pour l’Est de Montréal, et pour toutes ces petites villes du Canada
rural dont l’économie repose sur une industrie unique.
Et regardons ce que nous avons fait : la Prestation nationale pour enfants,
la préservation du Régime de pensions du Canada, le Programme d’aide
préscolaire aux Autochtones, Rescol, les bourses d’études du millénaire,
nos investissements dans les universités, l’argent que nous avons consacré
à la santé, nos investissements dans le développement de la petite enfance,
un nouveau Cadre stratégique pour l’agriculture, la loi sur la clarté.
Mais pour conserver la confiance du public, il ne suffit pas d’avoir fait
avancer les choses. Il faut continuer d’avancer. Ce n’est pas seulement ce
que nous avons accompli qui compte, mais plutôt ce que nous allons accomplir.
Car, mes amis, il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir.
Il reste encore trop d’enfants qui ne profitent pas d’un bon départ dans
la vie. Trop de familles vivant dans la pauvreté. Trop de communautés à
proximité de sites contaminés. Il reste un système de santé à moderniser.
Des infrastructures matérielles à améliorer.
À la veille de la reprise des travaux du Parlement, notre programme d’action
est robuste et axé sur l’avenir.
Vous verrez des annonces et des progrès importants pour améliorer les
perspectives des membres de nos Premières nations.
Vous verrez d’importantes nouvelles mesures en faveur des enfants, dans la
lutte contre la pauvreté et pour assurer un bon départ dans la vie pour tous.
Vous verrez se concrétiser des mesures importantes, à l’intérieur de
notre sphère de compétence, pour bâtir une infrastructure urbaine qui attire
les talents et les investissements dans nos villes.
Jane Stewart et Allan Rock ont invité tous les Canadiens à contribuer à
nous tailler une place dans l’économie du savoir, à améliorer notre
rendement en matière de recherche-développement et à promouvoir la formation
et l’apprentissage. Vous verrez d’autres mesures importantes dans ces
secteurs.
Afin de remplir les obligations que nous avons aujourd’hui envers les
générations à venir, nous consacrons de grands efforts à la lutte contre le
changement climatique. Nous annoncerons, au nom de tous les Canadiens, une
approche efficace pour atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto et
probablement pour le ratifier.
La santé représentera un élément central de notre programme d’action
pour l’automne et pour le reste de notre mandat. J’ai chargé Roy Romanow de
faire des recommandations sur un système de santé public de haute qualité
pour tous les Canadiens au 21e siècle. Il présentera ses
recommandations en novembre. Ensuite, je tiendrai une réunion des premiers
ministres, puis nous agirons.
Mes amis, de nos jours, la confiance dans nos institutions est remise en
question. Autant dans le secteur public que dans l’entreprise privée. La
transparence est plus importante que jamais ces temps-ci. C’est un test
fondamental de leadership public et privé. Nous allons présenter un important
ensemble de mesures sur l’éthique dans le secteur public. Le mot d’ordre
sera la transparence, et le secteur privé pourra s’en inspirer.
Je vous décris ce soir un programme d’action ambitieux. Il a été
façonné par le caucus, et le caucus contribuera à le renforcer. C’est un
programme d’action qui ne pourra pas être mis en oeuvre en un jour. Il faudra
un certain temps, et peut-être deux budgets de M. Manley, pour mettre
solidement en place le cadre législatif et financier que nécessite ce
programme d’action.
Mes amis, il faut que mon message ce soir soit très clair. Notre
responsabilité à tous et chacun est de nous concentrer sur notre programme d’action.
C’est pour cela que nous avons été élus. Et non parce que nous avons le
droit divin de gouverner.
Les Canadiens n’aimaient pas les autres choix. Ils n’aimaient pas leurs
plates-formes. Les Canadiens n’aimaient pas non plus leurs querelles et leurs
divisions internes. Et franchement, je ne crois pas que les Canadiens aiment ce
qu’ils ont vu de nous cet été.
Nous avons tous la responsabilité de nous unir, de respecter les traditions
de notre parti, de mettre fin à la chicane et, surtout, de mettre en oeuvre
notre programme. C’est la seule façon de nous acquitter de notre devoir
envers le seul patron qui compte – la population du Canada.
Quant à mon propre avenir, le sentiment que j’ai de mon devoir et de ma
responsabilité est profond. À deux titres. À titre de Premier ministre. Et à
titre de chef du Parti libéral.
Un premier ministre a le devoir unique de préserver l’intégrité de sa
charge. C’est un devoir et une responsabilité qu’ont eus tous mes
prédécesseurs et qu’auront tous mes successeurs. Ce n’est pas une question
de pouvoir, c’est une question de responsabilité. Et quiconque occupe aujourd’hui
la charge de Premier ministre – ou l’occupera dans l’avenir – doit en
respecter le caractère spécial. Elle est spéciale en raison de sa provenance.
Elle vient du peuple. En tant que Premier ministre, j’ai le devoir de remplir
les engagements que nous avons pris il y a moins de deux ans envers les millions
de Canadiens qui nous ont fait confiance.
Et à titre de chef du Parti libéral, j’ai le devoir et la responsabilité
de veiller à ce qu’il soit dans la meilleure position possible pour remporter
les prochaines élections.
Mes amis, le Parti libéral est ma famille. Ma volonté de servir ses
intérêts, je l’ai dans le sang.
Ça fait 40 ans que je sers mon pays et notre parti de mon mieux. Vous pouvez
être sûrs, mes amis, que les décisions que je prendrai au sujet de mon avenir
seront fondées uniquement sur le sentiment de mon devoir et de ma
responsabilité envers le pays que j’aime, envers la charge que j’occupe et
envers le Parti libéral, qui est ma famille.
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