Notes pour un discours du Premier ministre
Jean Chrétien à l’occasion du Forum commercial du Commonwealth
Abuja (Nigéria)
Le 4 décembre 2003
Comme vous le savez peut-Ltre, ce
discours est l’un des derniers que je serai appelé
B prononcer B
l’étranger aprPs
dix années au poste de Premier ministre du
Canada. Cela explique peut-Ltre en
partie la vive émotion que je ressens. Par
contre, vous m’avez aussi demandé de vous
parler d’un sujet qui me tient beaucoup B
coeur – un sujet lié au développement
durable de l’Afrique, un sujet lié B
l’engagement du Commonwealth de travailler d’un commun accord vers un avenir
commun.
Cette réunion met en présence
des représentants des gouvernements et des
mouvements sociaux et environnementaux. Si nous sommes ici, c’est parce que
nous sommes conscients de l’importance des enjeux dans une Afrique assaillie
de nombreuses difficultés.
Nous savons que la population de l’Afrique est confrontée
B des défis
considérables, que ce soit la pauvreté,
les maladies infectieuses ou les conflits régionaux.
Et nous savons qu’aucune nation, aussi puissante soit-elle, ne peut en venir B
bout seule. La tâche de canaliser notre
force collective en faveur du mieux-Ltre
des peuples au moyen de partenariats élargis
et d’un développement durable plus
intelligent exige de la coordination et des efforts concertés.
Bref, elle repose sur le multilatéralisme.
Les Canadiens croient fermement comme moi au multilatéralisme
– B la nécessité
de saisir le contexte général
des problPmes régionaux
et d’unir nos efforts pour vaincre les défis
ensemble.
Pour comprendre ce contexte général,
il faut tirer des leçons de notre propre
expérience. Il y a dix ans, la population
du Canada m’a confié le mandat de rétablir
la confiance dans la gestion de l’économie
nationale.
En un rien de temps, grâce aux
sacrifices et B la volonté
des Canadiens, nous avons réussi B
transformer des déficits records en surplus
budgétaires records. Nous avons réussi
B mettre fin B
des taux d’intérLt
et de chômage B
deux chiffres.
Pour ce faire, il a fallu se résoudre B
des choix trPs difficiles, mais le
gouvernement a maintenu le cap, et le Canada affiche aujourd’hui le meilleur
rendement économique des pays du G8.
Nous sommes trPs fiers des résultats
que nous avons obtenus, car ils nous ont permis d’investir dans la santé,
dans les enfants et les familles, dans l’éducation
et l’innovation. Or, ces investissements ont stimulé
la croissance économique et la prospérité.
De cette façon, nous avons appliqué
les principes du développement durable B
l’amélioration de la qualité
de vie des Canadiens.
En raison de l’expérience canadienne,
nous étions trPs
ouverts B la Nouvelle initiative
africaine – le précurseur du Nouveau
Partenariat pour le développement de l’Afrique,
ou NEPAD, comme nous l’appelons maintenant. Celui-ci représente
la vision que proposent les dirigeants africains eux-mLmes
pour leur continent.
C’est une vision fondée sur la liberté
et la démocratie – et sur le principe
selon lequel ce sont les Africains eux-mLmes
qui détiennent la clé
du progrPs en Afrique. C’est une
nouvelle approche B l’égard
du développement qui met l’accent sur le
rôle de l’entreprise privée
dans la promotion de la prospérité.
C’est une approche que je comprenais trPs
bien et que les Canadiens comprennent. J’estimais que le G8 y serait sensible
aussi, et j’ai décidé
de l’inscrire B l’ordre du jour
du Sommet de Kananaskis en juin 2002. A
cette occasion, les dirigeants du G8, en présence
de plusieurs des dirigeants africains visionnaires qui avaient créé
le NEPAD, ont adopté un Plan d’action
pour l’Afrique ambitieux, B l’appui
du NEPAD.
Puis, en juin dernier B Evian,
les dirigeants du G8 ont renouvelé leur
engagement de garder l’Afrique au coeur de l’ordre du jour du G8. Nous avons
convenu de la nécessité
de continuer de concentrer notre attention et nos ressources sur les besoins de
l’Afrique.
Le NEPAD vise B créer
de nouveaux partenariats – pas seulement parmi les Africains, mais aussi entre
l’Afrique et ses partenaires B l’étranger.
Il vise B dissiper la perception,
trop profondément ancrée,
qu’il n’est pas rentable d’investir en Afrique.
Le NEPAD permettra-t-il de remédier aux
maux de l’Afrique? Nous savons que le développement
durable dépend d’une saine gouvernance et
d’un processus de décision qui tient
compte des facteurs sociaux, environnementaux et économiques.
Cela signifie que tous les secteurs de la société
– y compris les gouvernements – ont leur rôle
B jouer. Nous devons coordonner nos
efforts. Nous devons établir des
partenariats.
Le NEPAD comporte un outil pratique pour encourager les partenariats : le mécanisme
d’examen par les pairs. Ce mécanisme
permet d’identifier et de partager les meilleures pratiques en matiPre
de gouvernance. L’adoption de ces pratiques contribuera grandement B
instaurer la stabilité politique et sociale
si essentielle B l’essor des
entreprises et des économies.
La transparence politique et économique
est indispensable. Elle signifie que les dirigeants politiques et les chefs d’entreprise
doivent rendre des comptes. Et elle permet aux citoyens de se tenir au courant
et de participer B la prise des décisions.
La transparence permet de veiller au maintien des politiques bien avisées
et B leur modification au besoin,
lorsque les circonstances l’exigent.
Les gouvernements ne peuvent pas créer
la prospérité.
Leur rôle consiste B
mettre en place des conditions propices B
sa création. La prospérité
dépend en grande partie du succPs
avec lequel nous mobilisons le dynamisme, les capacités
et l’innovation de nos partenaires du secteur privé.
Pour soutenir une forte croissance économique,
l’Afrique doit attirer les investissements privés
et le commerce. Il nous faut aider B
instaurer les conditions propices aux affaires, B
savoir la démocratie, la primauté
du droit et des rPglements
transparents et prévisibles dont le respect
est assuré.
Il nous faut également reconnaître
que les perspectives en matiPre d’investissement
et de commerce seront limitées si les
Africains se voient refuser l’accPs
B nos marchés.
La mondialisation doit Ltre équitable.
Je tiens B vous donner l’assurance
aujourd’hui que le Canada est ouvert au commerce avec l’Afrique. En fait,
nous avons ouvert le marché canadien B
la quasi-totalité des importations en
provenance des pays les moins avancés, dont
34 sont en Afrique. De plus, nous avons incorporé
des rPgles d’origine qui font que
d’autres pays africains puissent exporter davantage aussi.
Afin d’encourager les investissements privés
en Afrique, nous avons mis sur pied le Fonds d’investissement pour l’Afrique.
Par l’entremise de ce fonds, le gouvernement fournit une somme de
100 millions de dollars, et le secteur privé
verse une contribution équivalente. D’autre
part, nous appuyons la Banque africaine de développement,
qui aide les pays africains B préparer
des projets et B trouver du
financement pour des initiatives liées aux
infrastructures. Une assistance pratique dispensée
aux PME par l’entremise du Centre du commerce international et du Bureau de
promotion du commerce aide les entrepreneurs africains qui souhaitent trouver
des débouchés
B l’étranger
et promouvoir leurs exportations.
L’essor des économies africaines
profitera B tous les pays du monde.
Une prospérité
accrue engendrera des possibilités d’investissement
B l’étranger.
Une qualité de vie améliorée
signifiera une augmentation du nombre de consommateurs qui peuvent acheter des
produits et services. A vrai dire,
une Afrique oj rPgnent
la cohésion et la prospérité,
une Afrique promise B un meilleur
avenir, est le gage d’un monde plus sfr
et plus prospPre.
Un des défis les plus considérables
qui se posent B de nombreux pays
africains est le fardeau énorme de leur
dette. Une dette écrasante empLche
les gouvernements de répondre aux besoins
de leurs citoyens. La réduction de la dette
des pays pauvres trPs endettés
forme donc un élément
essentiel de nos efforts en vue d’aider l’Afrique.
Aider les pays B alléger
leur dette compte parmi les priorités du
Canada. Nous avons effacé plus d’un
milliard de dollars de la dette étrangPre
que les pays en développement avaient
envers nous. Le 1er janvier 2001, nous avons cessé
de percevoir le remboursement de la dette de 11 pays pauvres endettés
qui ont démontré
leur engagement envers la réforme.
Le Nouveau Partenariat pour le développement
de l’Afrique représente une occasion
marquante d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de l’humanité.
Il n’est pas seulement juste d’en mettre en oeuvre les principes. C’est
aussi un bon investissement – un investissement dans notre avenir commun, dans
notre sécurité
collective et dans notre humanité commune.
Les Canadiens sont convaincus – je suis convaincu – de la nécessité
de rendre accessible B tous la
qualité de vie que la mondialisation a
apportée B
un si grand nombre d’entre nous. Pour avoir un sens véritable
et pour Ltre durable, la prospérité
doit Ltre porteuse de progrPs
et d’espoir pour tous.
Merci beaucoup.
- 30 -
|