DISCOURS DU PREMIER MINISTRE JEAN CHRÉTIEN
à l'occasion du Dîner du chef d'Edmonton
Le 3 décembre 2002
Edmonton (Alberta)
Je suis enchanté d’être ici ce soir à Edmonton, en compagnie d’Anne
McLellan et de David Kilgour.
J’aimerais prendre quelques instants ce soir pour faire le point sur la
situation dans laquelle se trouve le pays plus de neuf ans après notre arrivée
au pouvoir. Mais surtout, j’aimerais vous parler de notre programme d’action,
et en particulier, des soins de santé et du changement climatique.
En 2002, l’économie canadienne crée des emplois plus vite qu’elle ne l’a
fait depuis des décennies. Les taux d’intérêt, les taux hypothécaires sont
très modérés. Le revenu disponible des particuliers progresse d’année en
année depuis cinq ans.
Le nombre d’enfants dont la famille est sous le seuil de faible revenu a
diminué de 25 p. 100 entre 1996 et 2000, passant de 16,7 p. 100
à 12,5 p. 100.
L’unité nationale est plus forte que jamais. Le pays est aujourd’hui
particulièrement fort et confiant.
Pendant le récent ralentissement mondial, notre économie s’est
brièvement contractée, alors que l’économie américaine reculait lors des
trois premiers trimestres de 2001.
Peu de temps après mon accession au poste de Premier ministre, le Wall
Street Journal qualifiait le Canada de candidat au tiers monde. J’avoue
avoir ressenti une grande fierté il y a une semaine quand le Fonds monétaire
international a publié un rapport sur le Canada.
Voici ce qu’il dit : « Dans la foulée d’une performance
macroéconomique exceptionnelle depuis le milieu des années 1990, l’économie
canadienne a remarquablement bien résisté au repli mondial. La performance
solide de l’économie est attribuable en grande partie à un cadre
stratégique judicieux et à l’habile mise en oeuvre des politiques. Les
perspectives macroéconomiques du Canada demeurent favorables. »
Ces résultats sont en grande partie le fruit de notre engagement
inébranlable envers la discipline financière. Nous avons réduit les impôts,
effectué des remboursements sur la dette et équilibré les finances.
La responsabilité financière et l’équilibre budgétaire demeurent
impératifs pour nous.
Le programme d’action libéral reconnaît néanmoins que pour maintenir un
bilan financier et économique sain nous devons continuer d’investir dans
notre société : dans l’apprentissage, dans la santé, dans nos enfants et
dans l’environnement.
Mais pour conserver la confiance du public, il ne suffit pas d’avoir fait
avancer les choses. Il faut continuer d’avancer.
Car, mes amis, il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir.
Il y a encore trop de familles et d’enfants pauvres. Ces enfants ont besoin
d’un bon départ dans la vie. Ils ont besoin de l’aide du gouvernement.
Investir dans les gens, c'est à la fois une bonne politique économique et
une bonne politique sociale. Nous devons offrir les meilleures perspectives
possibles à nos enfants – notre avenir en dépend.
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans le dernier
discours du Trône à bonifier de nouveau la Prestation nationale pour enfants
en faveur des familles à faible revenu, comme nous l'avons fait à plusieurs
reprises ces dernières années. Et comme nous le ferons dans notre prochain
budget.
La Prestation nationale pour enfants est le fruit d’un effort de
collaboration fédérale-provinciale. En fait, sa création a été proposée en
1996, lors d’une réunion des premiers ministres de l’Ouest. Elle constitue
un exemple de ce que les gouvernements peuvent accomplir ensemble.
Je suis persuadé que les gouvernements fédéral et provinciaux pourraient s’inspirer
de l’exemple de la Prestation nationale pour enfants pour collaborer dans les
dossiers de la santé et du changement climatique.
Mes amis, j’aimerais vous parler maintenant d’une question qui revêt une
importance fondamentale pour les Canadiens : la santé. Je voudrais
souligner tout d’abord quelle chance nous avons de pouvoir compter sur Anne
McLellan pour s’occuper de ce dossier. Elle possède une réputation bien
méritée pour sa capacité de travailler en collaboration avec les provinces et
d’aboutir à des résultats concrets.
Ralph Klein a toujours représenté une force positive dans le cadre de ces
discussions. Il possède un style bien particulier. Moi aussi, d’ailleurs, je
suppose. Et nous travaillons bien ensemble. Sans Ralph Klein, les premiers
ministres ne seraient pas parvenus à un consensus sur la santé en septembre
2000. Et je sais que je pourrai compter encore une fois sur Ralph Klein – le
doyen des premiers ministres – quand nous nous réunirons au début de la
nouvelle année.
La semaine dernière, Roy Romanow a rendu public le rapport de la Commission
royale sur l’avenir des soins de santé – un jalon très important sur la
voie de la réforme et de la viabilité à long terme du régime public d’assurance-maladie
au Canada.
Je tiens à féliciter monsieur Romanow ce soir pour son excellent travail.
Pas simplement parce qu’il a livré son rapport en respectant le délai et le
budget alloués, mais en raison de la qualité de son travail, de l’étendue
de ses consultations et du caractère réfléchi de ses recommandations.
Nous examinons attentivement le rapport. Nous le lisons dans le contexte des
rapports précédents. Anne McLellan rencontre les ministres provinciaux de la
Santé cette semaine. Nous écoutons les intervenants. Et, je suppose que je
dois parler au ministre des Finances aussi!
Je peux cependant affirmer que le Rapport Romanow établit un plan directeur
exhaustif pour l’évolution du régime public d’assurance-maladie au 21e
siècle. Et ce que j’ai vu jusqu’ici me plaît. Le rapport s’inscrit dans
le prolongement de l’accord de septembre 2000 sur la santé qu’ont conclu
tous les premiers ministres.
Les nouveaux investissements devront être axés sur le changement. Et sur
les résultats. Comme celui d’assurer aux citoyens l’accès à des soins de
santé de qualité 24 heures par jour, 7 jours sur 7.
C’est l’objectif de la réforme des soins primaires. Les soins à
domicile à l’intention des malades qui viennent de sortir de l’hôpital. De
meilleurs appareils diagnostiques en plus grand nombre. Des services améliorés
pour les Canadiens dans les régions rurales et isolées. Des solutions au
problème du coût des médicaments. Une imputabilité et une transparence
accrues. Pour ce qui est de l’Alberta, elle donne déjà l’exemple en
matière d’imputabilité.
Je vais vous promettre une chose ce soir : le Rapport Romanow ne restera
pas sur une tablette. Nous allons agir sans tarder.
Le rapport de monsieur Romanow de même que le rapport du Comité sénatorial,
le Rapport Mazankowski et divers autres rapports provinciaux aideront les
gouvernements à élaborer une approche nationale en vue de répondre aux
besoins des Canadiens en matière de soins de santé.
Notre gouvernement apportera sa contribution. Nous allons consacrer nos
énergies à travailler avec les provinces au cours des prochaines semaines à
élaborer une approche fédérale-provinciale.
La politique partisane n’a pas sa place dans ce dossier. Ce n’est pas le
moment de tenter de marquer des points politiques.
Chacun sait que l’argent ne permettra pas de régler tous les problèmes
dans le secteur de la santé.
Chacun reconnaît aussi qu’un plan d’action concret pour moderniser l’assurance-maladie
et pour réaliser des changements importants à long terme nécessitera de l’argent.
Si nous avons un plan pour créer des changements importants à long terme et
si tous les gouvernements s’entendent sur ce plan, je peux assurer les
Canadiens ce soir que les dollars fédéraux nécessaires seront disponibles.
Les premiers ministres se réuniront à la fin de janvier afin de parvenir à
une entente sur un plan global de modernisation de l’assurance-maladie. La
réunion doit être un succès. Elle sera un succès. Les Canadiens n’accepteront
rien de moins de la part de leurs dirigeants. Le chef de gouvernement qui ferait
obstacle au succès d’une réunion sur la santé aurait un prix politique
très élevé à payer.
Je peux assurer les Canadiens et Canadiennes qu’à l’issue d’une
réunion fructueuse, nous serons prêts à verser la part fédérale du
financement de ce plan à long terme.
J’aimerais passer maintenant à une question d’une importance capitale
pour l’avenir. Le débat sur la ratification du Protocole de Kyoto se déroule
actuellement à la Chambre des communes.
Je sais que cette question préoccupe vivement l’Alberta. Mais je sais
aussi que dans l’intérêt des générations qui suivront, il incombe à la
génération actuelle de Canadiens de s’atteler à la tâche. Et c’est un
défi que les Canadiens et les Albertains sont prêts à relever.
Tous reconnaissent maintenant que l’accord sera ratifié. Il s’agit
désormais de veiller à le mettre en oeuvre. L’industrie et les gouvernements
y travaillent ensemble.
Le succès d’un plan conçu au Canada pour atteindre nos objectifs
découlant de Kyoto repose sur des entreprises prospères et en pleine
croissance qui sauront mettre au point et utiliser les technologies efficientes
produisant peu d’émissions dont le monde entier aura besoin pour lutter
contre le changement climatique.
Nous ne sacrifierons pas l’économie canadienne et nous n’imposerons pas
un fardeau démesuré à une région ou à un secteur de l’économie pour
atteindre nos objectifs.
Nous avons ébauché un plan pour rapprocher le Canada de ses objectifs. Nous
avons commencé à travailler avec les intervenants et les provinces à l’étoffer
de manière à ce que sa mise en oeuvre remplisse les conditions indispensables
au maintien d’une forte croissance économique.
Je suis venu en Alberta au mois de septembre. J’ai écouté les
représentants de l’industrie du pétrole et du gaz. Ils m’ont dit en termes
très clairs que les investisseurs et les conseils d’administration ont besoin
de certitude quant aux prix et aux volumes. Nous leur donnerons cette certitude.
Et nous le ferons sans tarder.
Nous avons déjà déterminé que les soi-disant gros émetteurs seront
responsables d’au plus 55 mégatonnes. Tout ce qui dépassera 55 sera la
responsabilité du gouvernement. J’espère que c’est assez clair.
La question reste de savoir comment assurer au mieux le respect de l’objectif.
En fait, deux approches sont possibles. L’une est plus bureaucratique et fait
davantage l’affaire des avocats et des comptables. L’autre est plus simple
pour les entreprises et les projets. Nous travaillons avec l’industrie en vue
de parvenir à la solution la plus simple possible. Nous allons faire en sorte
que l’effort demandé à l’industrie soit efficace, réalisable, abordable
et assuré. Et je crois que nous y parviendrons bientôt.
Il faudra également établir avec certitude le risque de prix pour couvrir
tout écart entre les émissions réelles et l’objectif de réduction.
Nous devons établir le prix du carbone sous lequel la responsabilité
appartient à l’industrie et au-dessus duquel elle appartient au gouvernement.
Notre plan nous engage à établir cette certitude à l’égard du prix –
selon une formule qui soit à la mesure des moyens de l’industrie et
responsable envers l’ensemble des Canadiens.
Nous sommes conscients de la nécessité d’achever rapidement notre travail
avec le secteur des gros émetteurs afin que les investisseurs disposent de la
confiance dont ils ont besoin pour continuer de développer les économies
albertaine et canadienne. Je suis convaincu que la confiance et la bonne foi de
la part de chacun nous permettront d’y arriver.
J’aimerais vous dire quelques mots à titre personnel. Je suis très fier
des réalisations économiques du Canada depuis que je suis devenu Premier
ministre. Je ne suis pas prêt à les mettre en jeu. Je suis très fier de ma
contribution personnelle, à la fois comme ministre dans les années 70 puis
comme Premier ministre, en collaboration avec Anne McLellan quand elle
était ministre des Ressources naturelles, à la mise en valeur des sables
bitumineux. Je ne suis pas prêt à mettre ça en jeu.
Je suis très fier de voir la croissance dynamique de l’économie
albertaine – une croissance qui profite à l’ensemble du Canada. Je ne suis
pas prêt à la mettre en jeu. Et je ne mettrai pas en jeu les sables bitumineux.
Leur importance est trop considérable – pas seulement pour l’Alberta, mais
pour tout le Canada.
Mes amis, permettez-moi d’établir une analogie avec la mise en valeur des
sables bitumineux. L’exploitation des sables bitumineux n’aurait jamais
été entreprise si les promoteurs s’étaient préoccupés seulement des gains
trimestriels immédiats. Ils ont eu assez de vision et de confiance pour
regarder dix ans, vingt ans et trente ans dans l’avenir. Ils ont osé prendre
des risques. Ils ont misé sur la découverte de nouvelles techniques pour
rentabiliser l’extraction du pétrole – des techniques qui n’existaient
pas au départ.
Les compagnies qui exploitent les sables bitumineux sont devenues des chefs
de file mondiaux dans le domaine des technologies environnementales. Elles ont
fait de grands progrès dans la réduction des émissions de carbone. Et elles
savent qu’elles pourront faire encore mieux.
Les sables bitumineux sont une réussite exemplaire du Canada en ce sens que
les promoteurs ont pris des risques, qu’ils ont vu grand et qu’ils ont pris
au sérieux leur responsabilité envers les générations à venir. Et ils ont
réussi au-delà de tout ce qu’ils avaient osé espérer. Ce qui a été
accompli en Alberta dans l’exploitation des sables bitumineux, le Canada peut
l’accomplir dans la réduction du changement climatique.
Si nous travaillons ensemble, si nous saisissons les opportunités et si nous
laissons de côté la rhétorique, je suis persuadé que c’est un défi que
les Canadiens sont capables de relever.
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