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Discours du Premier ministre Jean Chrétien à l’occasion de la Conférence internationale sur le fédéralisme

Le 30 août 2002
Saint-Gall (Suisse)

C’est un honneur pour moi, en tant que Premier ministre du Canada, d’être ici à Saint-Gall. Je suis heureux de constater que l’objectif que j’avais fixé pour la conférence de Mont-Tremblant en 1999 a de nouveau été atteint. Les représentants des fédérations du monde – récentes et plus anciennes – se sont rassemblés pour échanger leurs expériences et leurs aperçus de manière à mieux comprendre toute la richesse de la théorie et de la pratique du fédéralisme.

Aujourd’hui, j’aimerais vous livrer quelques réflexions sur les réalités actuelles au Canada en ce qui concerne l’un des trois thèmes de votre conférence, soit le fédéralisme financier.

Comme régime de gouvernement, le fédéralisme a toujours été le meilleur destin pour le Canada. En fait, je ne peux pas imaginer le Canada autrement qu’en fédération en raison de l’immensité de son territoire, de ses deux langues fondatrices et de ses cultures et économies régionales distinctes. Presque toutes les nations et les cultures de la terre sont représentées au sein de sa population. Le Canada a besoin à la fois d’un gouvernement national et de gouvernements provinciaux dotés de responsabilités importantes et équilibrées. Seul le fédéralisme nous permet de bénéficier en même temps des avantages de l’unité et de la diversité.

En période d’essor et d’épreuves, en temps de guerre ou de paix, à travers l’ère de transformation profonde qui a caractérisé la mondialisation, le fédéralisme nous a accordé la souplesse nécessaire pour nous adapter à l’évolution des circonstances. Il nous a permis de bâtir une des sociétés les plus ouvertes, les plus avancées et les plus prospères de la planète et d’offrir une qualité de vie exceptionnelle à nos citoyens.

Ne vous y trompez pas : le Canada n’est pas parfait. Comme dans toute démocratie, il y a des tensions. Nous avons commis des erreurs. Nous avons eu notre lot de déceptions et d’échecs. Mais le plus remarquable c’est qu’au bout du compte, le fédéralisme au Canada a constitué un cadre propice à un développement socio-économique impressionnant et, dans une large mesure, à l’établissement de relations d’harmonie et de collaboration dans le domaine politique. Ainsi, le gouvernement fédéral contribue de manière importante à définir et à façonner les grandes priorités avec les provinces et les territoires.

Au moment de la Confédération, le Canada a été conçu sous forme d’État hautement centralisé. De nos jours, le Canada est peut-être l’une des fédérations les plus décentralisées au monde.

Nos dispositions constitutionnelles ont laissé place au changement. La répartition des pouvoirs a été légèrement modifiée en 1940, en 1951 et en 1964. Puis en 1982, j’ai eu l’honneur insigne, à titre de ministre de la Justice, de faire adopter une Charte des droits et libertés qui consacre en droit nos libertés les plus fondamentales, y compris les droits de la minorité linguistique. La Charte reconnaît également le principe de la péréquation fiscale grâce auquel le gouvernement national verse des transferts aux provinces moins prospères pour qu’elles puissent offrir des services comparables à ceux des provinces mieux nanties.

Dans les années 50 et 60, le gouvernement fédéral a joué un rôle déterminant dans la mise sur pied des programmes de santé, de bien-être et d’enseignement postsecondaire au Canada.

Au cours de la décennie 90 et à l’aube du 21e siècle, nous avons continué de relever ensemble d’énormes défis. Nous avons déployé des moyens entièrement nouveaux pour lutter contre la pauvreté des enfants.

Dans le contexte de l’économie mondiale du savoir, les gouvernements fédéral et provinciaux ont pris un certain nombre de mesures complémentaires afin de consolider notre infrastructure de recherche avancée et d’élargir l’accès aux études postsecondaires. De plus, nous travaillons en étroite collaboration dans le dossier de la modernisation du système public de santé pour le 21e siècle – la plus haute priorité des Canadiens.

Mesdames et Messieurs, ces progrès impressionnants sont tous attribuables au succès remarquable des efforts déployés par le gouvernement fédéral et les provinces, avec l’appui de tous les Canadiens, pour assainir les finances publiques. Notre gouvernement a déposé cinq budgets excédentaires de suite. Nous avons sensiblement réduit la dette publique totale ainsi que la taille de la dette par rapport à l’économie. Il n’a pas été facile d’y arriver. Cela a provoqué des tensions fédérales-provinciales. Mais nous avons réussi.

Mais il semblerait, au Canada du moins, qu’il soit aussi difficile, sinon plus, de gérer des surplus que de gérer un déficit. La détermination et la discipline dont tous les gouvernements ont fait preuve pour remettre de l’ordre dans nos finances a fait place, dans une certaine mesure et dans certains esprits, à des attentes accrues, et à la perception que le gouvernement fédéral engrange les surplus à l’infini.

Un vif débat fait rage au Canada sur les ressources financières dont disposent respectivement le gouvernement fédéral et les provinces.

Mesdames et Messieurs, nous sommes nombreux ici présents à travailler dans le secteur public. Notre expérience nous apprend que les besoins socio-économiques sont toujours plus considérables que les ressources gouvernementales.

Trop souvent, dans les fédérations, un gouvernement souhaiterait disposer des ressources que l’autre lui semble posséder. En réalité, les deux ordres de gouvernement doivent gérer les finances publiques avec prudence. Mais tous les gouvernements doivent faire des choix. Ils doivent choisir d’investir dans des programmes sociaux et économiques ou de réduire les impôts.

À mon avis, il est illogique pour un gouvernement de choisir de réduire les impôts, puis de prétendre qu’il ne dispose pas des ressources financières nécessaires pour effectuer de nouveaux investissements.

Aujourd’hui, je voudrais donc expliquer brièvement les faits et les principes sur lesquels s’appuiera la position du gouvernement du Canada dans ce débat.

Commençons par les faits. Les provinces du Canada disposent à la fois des ressources financières et du pouvoir nécessaires pour s’occuper de leurs priorités sociales et économiques. En fait, il y a longtemps au Canada que les recettes des provinces sont supérieures à celles du gouvernement fédéral. Les dépenses fédérales de programme représentaient la moitié du total des dépenses gouvernementales au début des années 1950. Elles ne correspondent plus qu’au tiers.

Des récentes baisses d’impôt totalisant 100 milliards de dollars sur cinq ans réduiront encore davantage les recettes fédérales. Et à cause des déficits énormes accumulés avant que ne débute l’ère des excédents modestes, le service de la dette est deux fois plus élevé pour le gouvernement fédéral que pour les provinces.

La part fédérale des recettes gouvernementales autonomes totales est moins élevée au Canada que dans toute autre fédération sauf la Suisse. Or, même en Suisse, les cantons n’ont pas un poids fiscal comparable à celui de nos provinces.

La part provinciale des recettes gouvernementales est plus élevée au Canada que dans toute autre fédération parce que les deux ordres de gouvernement – le fédéral et le provincial – ont accès aux quatre principales sources de recettes fiscales : l’impôt sur le revenu des particuliers, l’impôt sur les sociétés, les taxes de vente et les charges sociales. En plus, les provinces seules ont accès aux redevances sur les ressources naturelles. Il s’agit d’une importante source de recettes dans un pays qui possède des ressources aussi abondantes que le Canada. Aux États-Unis, par exemple, Washington perçoit ces redevances.

Le poids fiscal exceptionnel des provinces canadiennes est renforcé par leur pouvoir de fixer leurs propres taux d’imposition.

Ayant énuméré les faits, j’aimerais énoncer pour terminer certains des principes fondamentaux qui continueront de guider le gouvernement du Canada dans l’avenir.

Le premier de ces principes est la prudence. Il n’y a pas si longtemps, le Canada était aux prises avec un énorme déficit. Nous nous sommes sortis de ce pétrin à force de fermeté, de discipline et de prudence. Notre prudence est justifiée par la rapidité avec laquelle un bilan financier peut changer – même à court terme. Aux États-Unis, par exemple, un surplus projeté de 300 milliards de dollars s’est évaporé en l’espace de quelques mois.

Les projections optimistes des revenus à long terme ne sont justement que des projections. Il serait hautement irresponsable de la part de n’importe quel gouvernement national d’agir aujourd’hui en fonction de prévisions de la situation dans 20 ans.

Le second principe primordial est la collaboration. Les faits relatifs à l’équilibre fiscal au Canada importent moins en définitive que l’esprit de collaboration et de communauté d’intérêts qui doit sous-tendre les relations fédérales-provinciales. Voilà l’esprit constructif que nous avons toujours offert à nos partenaires provinciaux. Devant les défis actuels et futurs, nous devrons unir notre volonté et nos ressources pour atteindre l’objectif que partagent tous les gouvernements : promouvoir la prospérité à long terme et une meilleure qualité de vie pour tous nos citoyens.

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Service de presse du CPM : (613) 957-5555

 

 

 

 

 

 

 


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Mise à jour : 2006-07-28 Haut de la page Avis importants