Allocution du Premier ministre Jean Chrétien prononcée devant la Chambre de commerce Canada-Brésil
Le 28 janvier 1995
Rio de Janeiro (Brésil)
Rio de Janeiro, Brésil
Mesdames et messieurs,
Pendant les élections canadiennes de 1993, mon parti a pris à l'égard de la population canadienne une série d'engagements connus sous le nom de Livre rouge. Nous avons employé les 14 mois qui se sont écoulés depuis à concrétiser ces engagements.
L'un de ces engagements était de favoriser l'expansion de nos échanges commerciaux avec les Amériques. Nous avions dit aussi que le gouvernement s'efforcerait de renforcer les institutions de l'hémisphère, comme l'Organisation des États américains, afin que des pays comme le Canada et le Brésil puissent jouer pleinement leur rôle pour orienter l'avenir de la région.
Ma présence au Brésil fait suite à ces promesses.
Si nous voulons que le Canada réalise pleinement son potentiel de nation des Amériques, nous devons bâtir un solide pont politique et économique avec le Brésil -- le géant de l'Amérique latine.
Il y a cent ans, des entreprises canadiennes aidaient à construire le premier tramway de Rio. Depuis, nos liens commerciaux avec le Brésil n'ont cessé de se resserrer, dans notre intérêt mutuel.
J'aimerais d'ailleurs à cette occasion rendre un hommage spécial à l'honorable Mitchell Sharp qui, lorsqu'il détenait le portefeuille des Affaires extérieures du Canada, à la fin des années soixante, a consacré beaucoup de temps et d'énergie au renforcement de notre relation bilatérale. Cela a été une source d'inspiration pour beaucoup de gens, moi compris.
L'heure est maintenant venue de tirer pleinement partie des nouvelles possibilités qui s'offrent à nous en matière de commerce et d'investissement.
Le président Cardoso s'emploie à faire en sorte que le dynamisme exceptionnel des Brésiliens puisse s'exprimer sans entraves, par une participation accrue à l'économie régionale et mondiale. Un Brésil dynamique pourrait être à l'avant-garde du mouvement en faveur du libre-échange continental.
Et nous avançons certainement dans cette voie.
- Il y un an, le Canada, les États-Unis et le Mexique mettaient en oeuvre l'Accord de libre- échange nord-américain, qui faisait suite à l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Nous espérons que le Chili deviendra sous peu le quatrième amigo à adhérer à cette entente.
- Le Mexique vient de ratifier un accord de libre-échange avec le Venezuela et la Colombie, sous l'égide du G-3.
- La relance du Pacte andin favorisera la libéralisation des échanges entre le Pérou, la Bolivie, la Colombie, l'Équateur et le Venezuela.
- Le Brésil, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay ont fait de Mercosul un véritable marché commun.
Ces accords commerciaux régionaux témoignent de notre désir commun de croissance, d'efficacité accrue et de compétitivité. Heureusement, cette vague continue de nous porter vers une intégration commerciale et économique encore plus soutenue, comme l'a prouvé le Sommet des Amériques, qui s'est tenu à Miami en décembre dernier.
Permettez-moi de rappeler quelques-uns des principes fondamentaux exprimés à Miami.
- «La démocratie et le développement se renforcent mutuellement».
- «L'une des clés de la prospérité est le commerce sans barrières, sans subventions, sans pratiques déloyales, et avec un flux croissant d'investissements productifs».
- «Le libre-échange et l'intégration économique accrue sont les facteurs clés de la hausse du niveau de vie, de l'amélioration des conditions de travail dans les Amériques, et d'une meilleure protection de l'environnement».
Ce dernier principe vient à point pour nous rappeler que notre évolution vers des économies plus ouvertes doit profiter à toute la société. La lutte contre la pauvreté est la clé d'une plus grande sécurité et de la stabilité dans l'ensemble de l'hémisphère.
Permettez-moi de vous rappeler aussi les principales résolutions adoptées au Sommet de Miami.
Nous sommes convenus de commencer immédiatement le processus d'instauration de la «zone de libre-échange des Amériques», afin d'éliminer progressivement les obstacles au commerce et à l'investissement dans tout l'hémisphère.
Nous sommes convenus que ces négociations devront s'achever au plus tard en l'an 2005, et que des progrès tangibles seront réalisés avant l'an 2000.
Et nous avons déclaré que cette nouvelle ouverture devra reposer sur les accords régionaux et bilatéraux existants.
Le Canada et le Brésil peuvent montrer la voie. L'Alena et le Mercosul seront les deux piliers sur lesquels s'érigera le libre-échange à l'échelle de l'hémisphère. Le Canada est d'avis que des discussions doivent s'amorcer aux plus haut niveau en vue d'une fusion des deux regroupements commerciaux.
L'accroissement des investissements et du commerce entre le Canada et le Brésil ne fera pas que contribuer à la création d'emplois et stimuler nos deux économies, elle aidera également tous les pays d'Amérique du Nord, du Centre et du Sud, ainsi que ceux des Caraïbes, à évoluer vers un hémisphère plus intégré et plus prospère.
Le Brésil est déjà le troisième marché d'exportation du Canada dans l'hémisphère occidental, après les États-Unis et le Mexique. Les exportations canadiennes au Brésil ont augmenté de plus de 30 % depuis 1990. La valeur des échanges entre les deux pays dépasse 1,5 milliard de dollars depuis quelques années, et ces échanges sont très équilibrés. Les investissements canadiens au Brésil s'élèvent à plus de 3 milliards de dollars.
L'année 1995 devrait par ailleurs nous offrir des possibilités exceptionnelles d'expansion de nos échanges commerciaux. Situé à l'extrémité nord, le Canada peut constituer pour les entreprises brésiliennes une extraordinaire tête de pont pour avoir accès au marché de l'ALENA, en leur donnant la possibilité d'investir chez nous ou de lancer des projets en participation avec des entreprises canadiennes.
À l'autre extrémité, le président Cardoso a pris la tête d'un pays qui connaît actuellement une forte expansion économique et plus de stabilité. Il a promis de faire du Brésil un lieu encore plus accueillant aux investissements étrangers.
J'invite donc les entreprises canadiennes à voir dans le Mercosul un mécanisme précieux d'accès aux marchés en expansion rapide de l'hémisphère sud.
Le président Cardoso et moi-même avons pris l'engagement que nos gouvernements respectifs négocieront des ententes dans des domaines comme la protection des investissements étrangers et la coproduction cinématographique.
L'abaissement progressif des barrières tarifaires et non tarifaires dans les années 1990 a offert aux Canadiens de nouvelles possibilités d'expansion dans des domaines tels que l'agriculture, l'informatique, les produits de consommation et la technologie manufacturière. Et d'autres possibilités fort intéressantes risquent d'apparaître aussi dans les secteurs du pétrole et du gaz naturel.
Les chefs d'entreprises canadiens qui m'accompagnent pendant ce voyage officiel ont exprimé le désir d'investir dans maints secteurs différents au Brésil.
Ils sont très heureux que le président Cardoso se soit engagé à ouvrir de nouveaux secteurs de l'industrie brésilienne à l'investissement étranger. Nous espérons que cela fera surgir de nouvelles occasions d'affaires dans les secteurs des télécommunications, des mines et de l'énergie -- secteurs où le savoir-faire canadien jouit d'une réputation mondiale.
Le président Cardoso m'a dit qu'il s'efforcera d'éliminer les dispositions discriminatoires du Brésil concernant l'investissement étranger, y compris dans le secteur minier, ce qui sera particulièrement bien vu au Canada, où les mines sont l'assise du développement économique depuis les années 1800.
Certes, ce ne sera pas le paradis du jour au lendemain. Comme je suis politicien, je sais bien que le président Cardoso n'a pas de baguette magique à sa disposition.
De plus, au Canada comme au Brésil, les changements n'interviennent pas toujours aussi vite que le souhaiteraient sans doute les gens d'affaires. Je ne doute cependant pas que le président Cardoso s'efforcera d'avancer aussi vite qu'il le pourra. Le passage du Brésil à la démocratie et à la libéralisation de l'économie se sont faits de manière très impressionnante. Il appartient maintenant aux Canadiens et aux Brésiliens de retrousser leurs manches pour tirer parti des nouvelles possibilités qui leur seront offertes.
Je suis sûr que vous conviendrez tous avec moi, que votre devise soit le dollar ou le real, que le moment est idéal pour tisser des liens économiques plus étroits entre le Canada et le Brésil.
Les Canadiens et les Brésiliens ont déjà fait de fort bonnes choses ensemble au cours des années. Je compte maintenant sur vous tous ici pour faire des choses extraordinaires.
Au nom de tous les Canadiens, je remercie le gouvernement et le peuple du Brésil de m'avoir aussi bien accueilli pendant ce voyage. Le Canada et le Brésil sont sur la même longueur d'ondes. Nous croyons en nous-mêmes, et nous croyons en nos partenaires. À nous maintenant d'aller résolument de l'avant.
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