Allocution du Premier ministre Jean Chrétien prononcée è la conférence sur la Chine organisée par la Chambre de commerce du Canada et le Conseil commercial Canada-Chine
Le 2 octobre 1995
Depuis que nous avons pris le pouvoir il y a 16 mois, l'emploi et la croissance est le dossier prioritaire de mon gouvernement.
Les résultats sont très encourageants. Notre économie a affiché un taux de croissance de 4,3 %, plaçant le Canada en tête des pays industrialisés. Et l'OCDE prévoit que l'économie canadienne maintiendra le premier rang dans le monde industrialisé au cours des deux prochaines années.
Notre économie a créé plus de 430 000 emplois depuis que nous formons le gouvernement. Et, pour la première fois en quatre ans, le taux de chômage a fléchi sous la barre des 10 %.
L'emploi et la croissance dans un pays comme le Canada, cela veut aussi dire : échanges commerciaux. Cela veut dire ouvrir de nouveaux marchés aux produits et services canadiens. Et nous affirmer davantage sur les marchés existants.
C'est pour cette raison que ce gouvernement s'est concentré sur nos échanges commerciaux et déploie beaucoup d'efforts pour exporter les produits, les services et le savoir-faire canadiens.
En novembre dernier, j'ai eu le l'honneur de diriger la mission commerciale d'Équipe Canada en Chine. Cela a été la plus vaste et la plus réussie des missions commerciales canadiennes de notre histoire.
Notre délégation comprenait plus de 400 dirigeants provenant de sociétés canadiennes grandes et petites et dont certains sont aujourd'hui parmi nous.
Neuf premiers ministres provinciaux ont contribué à la direction de notre équipe. Nous aurions préféré que les dix premiers ministres y soient mais, malheureusement, M. Parizeau ne pouvait pas se joindre à nous 'il préparait son voyage à Paris.
La mission d'Équipe Canada représente un exemple de ce que le fédéralisme moderne peut accomplir. Elle nous a montré que nous pouvons collaborer de façon efficace en tant que pays pour créer des emplois ici et ouvrir des horizons à tous les Canadiens.
Il y a deux semaines, j'ai également dirigé la plus importante mission commerciale canadienne plus de 250 gens d'affaires provenant des tous les coins du pays en Amérique latine.
Ces missions ont été les initiatives commerciales les plus ambitieuses et les mieux réussies jamais mises sur pied par le Canada. Et nous devons tous en être fiers. En effet, elles n'ont été ni le fait d'un seul gouvernement ni d'un seul secteur d'activité.
Elles ont réuni les efforts des gouvernements provinciaux, ainsi que d'entreprises grandes et petites provenant de tout le Canada.
Et ces efforts ont porté fruit.
Combinées, les missions en Chine et en Amérique latine ont permis aux sociétés canadiennes d'aller chercher des nouvelles affaires dont le total dépasse 10 milliards de dollars sans compter tous les avantages à long terme que nous retirerons de ces missions. Par exemple, depuis la visite que nous avons effectuée en Chine, des sociétés canadiennes ont déjà signé des contrats totalisant 100 millions de dollars.
Et cela c'est de la croissance pour le Canada et des emplois pour les Canadiens et les Canadiennes.
Chaque milliard de dollars d'exportations soutient près de 12 000 emplois au Canada. Des emplois d'avenir, dans des marchés en pleine expansion. Plusieurs concurrents tentent de réussir des percées sur ces marchés, mais seuls les meilleurs y parviennent. Le Canada prend pied sur les marchés de demain.
Lorsque je voyage à l'étranger à titre de Premier ministre, je vous avouerai que ma préférence va à la signature de contrats qu'à celle des livres d'or. Pour moi, les emplois passent bien avant les cérémonies d'honneur.
Examinons quelques uns des résultats de ces missions commerciales.
Pour le Québec, par exemple, des sociétés comme Bombardier ont conclu des coentreprises avec des partenaires chinois. SR Telecom et Dominion Bridge participent à d'importants projets de modernisation en Chine. Lorsque la vente du réacteur CANDU sera finalisée, des fournisseurs québécois toucheront des millions de dollars.
SNC-Lavalin a fait équipe avec Monenco-Agra et la société ontarienne Acres International pour former la société Canada-China Power Incorporated. En faisant équipe de la sorte, ils ont pu rivaliser avec les géants américains, japonais et allemands et remporter ce contrat. Individuellement, se livrant concurrence l'une envers l'autre et tentant de rivaliser avec des sociétés étrangères, leurs chances de succès auraient été beaucoup moins bonnes. Ensemble, elles ont gagné contre les meilleurs au monde. C'est cela l'Équipe Canada et c'est de cette façon que ce concept fonctionne le mieux pour chaque région du Canada.
Avoir la chance d'observer nos sociétés à l'oeuvre et de voir des maillages s'établir entre des entreprises québécoises et des entreprises des autres régions du Canada a ravivé ma confiance en l'avenir.
J'ai éprouvé une grande fierté d'être un Québécois et un Canadien.
En Amérique latine, il y a deux semaines, des entreprises québécoises ont remporté un succès semblable : Le Groupe S.M. et QuébecTél au Brésil, Kantech et Metafix au Chili, Tecsult et Harris Farinon en Argentine.
Ces sociétés et d'autres comme elles grandes et petites accomplissent en Amérique latine le travail que le Canada doit accomplir si nous voulons percer sur les marchés internationaux où la concurrence est très vive.
Ces missions en Chine et en Amérique latine ont lancé des messages très clairs au Canada. Pour ouvrir de nouveaux marchés aux sociétés canadiennes, nous devrons mobiliser toutes nos ressources, et rassembler nos forces le plus sagement et le plus efficacement possible.
Permettez-moi de profiter de l'occasion pour remercier la Chambre de commerce du Canada de l'exemple qu'elle a donné. Ses membres ont joué des rôle clés durant les deux missions commerciales.
Mais le retour des délégations commerciales ne veut pas dire que le travail est terminé. C'est pour cette raison que des ateliers comme celui-ci et ceux qu'ils organisent à la grandeur du Canada sont si importants. C'est également pour cette raison, qu'en collaboration avec le secteur privé, le gouvernement a mis sur pied un groupe de travail qui assurera le suivi des missions commerciales, qui verra à ce que les ententes de principe conclues lors de ces missions se concrétisent pleinement et, enfin, qui verra à ce que ces ententes ouvrent la voie à de nouvelles initiatives.
L'Équipe Canada a produit tout un effet dans les pays que nous avons visités. Ils ont été impressionnés par le niveau de collaboration entre les secteurs privé et public. Ils ont été impressionnés par l'efficacité avec laquelle la collaboration entre les divers niveaux de gouvernement contribuait à l'intérêt national. En Chine, il est bien entendu que les premiers ministres provinciaux se sont surtout concentrés sur les entreprises de leur province.
Mais cela ne les a pas empêchés d'appuyer les entreprises des autres provinces. Nous sommes tous canadiens. Et nous appuyons tous le Canada de façon égale.
Ce n'est pas une simple question de patriotisme, et ce, même si nous sommes tous très fiers de nos entreprises.
C'est une question de bon sens du point de vue économique. Nos entreprises travaillent bien ensemble. Par exemple, Dessau International de Laval est à la tête d'un consortium qui comprend BC Hydro International et Hydro-Québec International. En Chine, ils ont signé une entente qui pourrait se concrétiser par des ventes de produits et de services atteignant jusqu'à 500 millions et 50 millions de dollars respectivement.
Ces produits et ces services seraient fournis par des sociétés établies au Québec, en Colombie-Britannique et ailleurs au pays.
Le projet Dessau revêt également pour moi une valeur symbolique. Un consortium d'entreprises de Colombie-Britannique et du Québec qui remporte un important contrat en Chine avec l'appui du gouvernement fédéral on peut difficilement être plus canadien que cela !
C'est ce qui fait la grande force du Canada. Des régions différentes, des points de vue différents qui viennent enrichir l'ensemble du pays.
Nous allons continuer à développer ce concept d'équipe. La meilleure façon de faire bénéficier chaque partie du pays et chaque secteur d'activité le public comme le privé c'est d'en bénéficier ensemble. C'est cela notre Équipe Canada.
Aujourd'hui, j'aurais aimé me consacrer entièrement à décrire ce que nous allons faire pour promouvoir le commerce international, l'emploi et la croissance. Après tout, il s'agit de la principale préoccupation de tous les Canadiens et Canadiennes. Malheureusement, ce n'est pas la priorité de M. Parizeau.
Comme vous le savez, nous venons d'entreprendre ce que M. Parizeau appelle la «troisième période». La dernière chose qu'il souhaite c'est voir Équipe Canada marquer un but.
Et c'est regrettable. Parce qu'au moment où nos principaux rivaux s'occupent résolument de leurs intérêts économiques, M. Parizeau vient de nous plonger dans un autre débat sur la question de la séparation.
Pendant que les milieux d'affaires québécois conjuguaient leurs efforts à ceux d'entreprises de tout le pays pour ramener des emplois d'Amérique latine, M. Parizeau poursuivait son programme de séparation à Paris.
La bonne nouvelle c'est que le débat devrait être clos avant l'été.
Mais la meilleure des nouvelles, c'est que les Québécois et Québécoises choisiront très majoritairement le Canada.
À partir de ce moment, nous pourrons nous consacrer à 100 % à la création d'emplois et à la relance économique.
D'ici là le fardeau de la preuve incombera directement aux tenants de la séparation.
Puisque j'ai parlé de commerce international aujourd'hui, je pense qu'il est tout à fait opportun de demander aux tenants de la séparation d'expliquer quelles seraient les conséquences de leur option sur le commerce international.
Il y a deux semaines, l'ambassadeur américain au Canada a affirmé qu'un Québec séparé ne deviendrait pas automatiquement membre de l'ALENA, et que les négociations subséquentes seraient longues et compliquées.
Ce sera aux tenants de la séparation de montrer quel avantage le Québec peut bien avoir à négocier séparément son accession à l'ALENA.
Ce sera aux tenants de la séparation de montrer quel avantage retireraient les sociétés québécoises si un Québec séparé signait les codes des activités d'approvisionnement national en vertu de l'ALENA et des accords du GATT. Les sociétés québécoises peuvent actuellement en vertu de l'ALENA et du GATT soumettre des offres aux gouvernements américains et européens pour obtenir des contrats d'approvisionnement public.
Mais aucun ministère ou organisme provincial n'est soumis à ces règles. Elles ne s'appliquent qu'aux gouvernements nationaux.
Ce sera aux tenants de la séparation de montrer qu'un Québec séparé pourrait tirer un avantage dans le domaine de la culture s'il devait remettre sur la table de négociation les politiques protégeant les industries culturelles. Et ils auraient à le faire. Les industries américaines sont en colère de voir que le Canada a pu négocier une exemption pour nos industries culturelles; et ils feront tout leur possible pour qu'un Québec séparé n'obtienne pas le même traitement.
Ce sera aux tenants de la séparation d'expliquer aux marchés internationaux et à nos partenaires commerciaux ce que M. Campeau veut dire lorsqu'il affirme qu'un Québec séparé ne rembourserait pas ses dettes.
Dimanche dernier, M. Parizeau a soutenu que voter pour le NON s'était se retrouver devant rien. Je me demande bien comment il définit en quoi consiste se retrouver devant rien.
L'APEC, est-ce cela se retrouver devant rien? En novembre dernier, en Indonésie les pays membres de la coopération économique Asie-Pacifique se sont engagés à étendre la zone de libre-échange de part et d'autre du Pacifique d'ici l'an 2020. Ce sera la plus grande et la plus dynamique zone de libre-échange du monde.
C'est parce qu'ils font partie du Canada -- un pays du Pacifique -- que les Québécois auront accès à cette zone de libre-échange. Est-ce cela se retrouver devant rien?
Le G7, est-ce cela se retrouver devant rien? De fait, il s'agit du club économique auquel il est le plus difficile d'adhérer. Et, en tant que partie du Canada, le Québec en est membre. Est-ce cela se retrouver devant rien? Cette année, le Canada sera l'hôte du Sommet des chefs d'État et de gouvernement du G7. À mesure que l'économie se mondialise, notre appartenance au G7 prend de l'importance et nous aide à participer à l'élaboration des politiques internationales qui nous touchent de plus en plus -- chaque Canadien et Canadienne.
L'ALENA, est-ce cela se retrouver devant rien? L'ALENA définit la plus vaste zone de libre-échange du monde, une zone qui va s'élargissant.
À titre de pays uni, nous avons pu négocier un accord qui assure la promotion d'une vaste gamme d'intérêts canadiens. Est-ce cela se retrouver devant rien?
Nous avons négocié un accès pour nombre de produits et de services canadiens tout en maintenant des mécanismes de protection dans des secteurs clés tels la production laitière, les industries culturelles et les marchés publics de ministères ou d'organismes provinciaux comme Hydro-Québec. Est-ce cela se retrouver devant rien?
M. Parizeau soutient que les Québécois ne doivent pas se retrouver devant rien après le vote. Pour ma part j'affirme que les Québécois ne doivent accepter rien de moins.
Rien de moins qu'une économie stable et prospère. Rien de moins qu'une qualité de vie que les Nations Unies classent la meilleure au monde. Rien de moins qu'une société qui a préservé le fait français et favorise son épanouissement y compris pour le million de francophones qui vivent à l'extérieur du Québec. Rien de moins, mes chers amis, que le Canada, le meilleur pays au monde.
Aujourd'hui, j'ai parlé des voyages que j'ai effectué au nom du Canada et des emplois pour les Canadiens et Canadiennes. J'aimerais toutefois conclure en relatant une expérience tirée de mon récent voyage en Amérique latine. Si cette expérience ne se rapporte pas au commerce international, elle touche directement à tout ce qu'est le Canada.
C'est au Costa Rica, que nous avons passé le dernier jour de notre mission en Amérique latine. Le Président de ce pays a rendu un vibrant hommage aux Canadiens. En effet, il a organisé une réunion spéciale des présidents des sept pays d'Amérique centrale avec le Premier ministre du Canada.
Ces chefs d'État dirigent courageusement leur région vers une nouvelle ère de démocratie et de paix; eux qui ont vu des décennies de conflits, des centaines de milliers de morts, et toute la souffrance de leurs peuples.
Voilà des personnes pour qui la démocratie n'est pas un luxe; pour qui la justice sociale et la prospérité ne vont pas de soi.
À l'unisson, ces sept chefs d'État m'ont dit que le Canada occupe une place très spéciale pour eux. En tant que société qui respecte les différences, qui rassemble des gens et des régions dans la paix et la prospérité, le Canada leur apporte une lueur d'espoir, c'est un modèle auquel ils aspirent.
Est-ce cela se retrouver devant rien? Je ne crois pas, Nous possédons quelque chose, quelque chose de très spécial. Quelque chose que les Québécois et tous les autres Canadiens ont bâti et continueront de bâtir ensemble.
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