Cérémonie commémorant le service parlementaire
Le 29 mai 1996
Ottawa (Ontario)
Pour ceux d'entre nous qui ont eu le grand privilège de
siéger au Parlement, la journée d'aujourd'hui revêt
une importance toute particulière. C'est un peu comme notre
première réunion du collège. Je vérifierai
un peu plus tard s'il y en a d'autres que moi du conventum de
1963.
Par le passé, lorsqu'on dévoilait le portrait d'un
président de la Chambre dans les édifices du Parlement,
certains députés se plaisaient à dire qu'ils
avaient «pendu l'Orateur». C'est maintenant à
son tour de «pendre» des députés et sénateurs.
Je félicite le président Parent de cette initiative
visant à rendre hommage aux parlementaires canadiens.
En pensant aux milliers de noms inscrits sur ces plaques, je me
remémore les profonds changements qu'a connus notre démocratie
parlementaire depuis la Confédération.
N'oublions pas qu'au moment de l'élection du premier parlement
canadien, seuls avaient droit de vote les adultes de sexe masculin
ayant des biens fonciers, soit environ 15% de la population.
Les règles du scrutin étaient différentes
d'une province à l'autre et dans la plupart des cas, le
vote n'était même pas secret. La délimitation
des circonscriptions ne se faisait pas toujours équitablement.
Le scrutin prenait parfois des semaines, voire des mois. La fraude
était endémique.
Il n'était pas rare qu'un député occupe simultanément
un siège au Parlement et dans une assemblée législative
provinciale.
Aujourd'hui, notre régime électoral est reconnu
comme étant l'un des plus justes, efficaces, pacifiques et
démocratiques de la planète. Il a même été
pris comme modèle par de nombreux autres pays. À
plusieurs reprises on a d'ailleurs fait appel à Élections
Canada pour la tenue d'élections à l'étranger.
Notre système démocratique ne fait pas que changer;
il s'améliore constamment.
Ainsi, ce n'est que vers la fin des années 60 que l'interprétation
simultanée a permis aux députés de suivre
les débats dans les deux langues officielles.
Ce n'est que dans les années 60 que le gouvernement s'est
mis à renvoyer systématiquement les projets de loi
et prévisions budgétaires devant des comités
permanents pour qu'ils en fassent une étude plus approfondie.
Ce n'est que dans les années 80 que le président
de la Chambre des communes a commencé à être
élu par tous les députés réunis.
La tâche des parlementaires est devenue considérablement
plus complexe et exigeante.
Même se faire élire est plus difficile qu'autrefois.
Il n'était pas rare alors qu'on élise les notables
par acclamation, ce qui est extrêmement rare de nos jours.
Jusque dans les années 30, le Parlement ne siégeait
que durant quelques mois au printemps. Quand les parlementaires
arrivaient à Ottawa, ils y demeuraient la plupart du temps
jusqu'à la fin de la session.
Aujourd'hui, nous sommes conscients que la charge de parlementaire
est un travail à plein temps, durant toute l'année.
Ces plaques témoignent aussi de l'évolution de la
population canadienne. En effet, le Parlement est le reflet de
la population canadienne.
Le Parlement est davantage représentatif de la diversité
ethnique canadienne. Il n'en a pas toujours été
ainsi.
Ainsi, ce n'est qu'en 1948 que les Canadiens d'origine asiatique
ont pu commencer à profiter de tous les droits démocratiques.
J'ai été très fier de pouvoir accueillir
le premier Canadien d'origine chinoise et la première femme
autochtone à faire partie du Conseil des ministres.
Sur ces plaques, nous pouvons également voir les noms des
premières femmes à devenir députée,
sénatrice, ministre, chef de parti, président de
la Chambre et premier ministre.
À la 35e législature, on constate la présence
d'un nombre record de femmes, tant au Sénat qu'aux Communes.
Et je suis très fier du fait que les deux-tiers des personnes
que j'ai nommées au Sénat sont des femmes.
Au cours de ma carrière politique, je me suis rendu dans
de nombreuses capitales du monde et je demeure convaincu que les
édifices du Parlement canadien sont aussi splendides que
n'importe quel autre siège gouvernemental de par le monde.
Nous voulons encourager les citoyens à visiter le Parlement.
Et il me fait particulièrement plaisir de voir tant de
jeunes étudiants qui viennent ici en excursion scolaire,
surtout en cette période de l'année.
J'ai un message pour les jeunes qui regardent peut-être
cette cérémonie aujourd'hui.
Il est très facile d'être désabusé
de la vie politique. La désillusion est un fait de notre
époque.
Peu de Canadiens peuvent se vanter d'avoir connu autant de personnalités
politiques que moi. J'ai servi avec des milliers d'entre eux.
Ce sont des hommes et des femmes de toutes les régions
du pays et de tous les partis politiques. L'immense majorité
sont intègres et dévoués et sont venus ici
pour construire un Canada encore meilleur.
Je suis fier de dire qu'ils étaient mes amis. Et je tiens
à souligner qu'ils venaient de tous les horizons politique.
Aucun parti n'a le monopole de la vertu.
Quand j'ai pris mon siège pour la première fois
dans cette Chambre, il y a 33 ans, cela a été un
moment magique dans mon existence.
Ce l'est encore aujourd'hui.
Cette chambre est un lieu bien spécial, un endroit où
chaque génération a l'occasion de débattre
les grandes idées de l'heure, un endroit où se façonne
l'orientation que prendra notre grand pays.
Je dis donc aux jeunes Canadiens que si ce qu'ils voient ici ne
leur plaît pas, ils n'ont qu'à venir et à
le changer. Avec de la persistance, n'importe quel Canadien peut
décrocher un siège dans cette chambre. Oui, il est
possible de changer les choses.
J'ai toujours cru que la politique était une profession
honorable et c'est toujours ma conviction.
L'étude de ces noms et les services que ces parlementaires
ont rendus à leur pays en étonneront plus d'un:
Des personnalités politiques chevronnées, tels
que Mackenzie Bowell et Chubby Power qui comptaient chacun 50
ans de service à la Chambre des communes et au Sénat
;
Sir Wilfrid Laurier qui a siégé à la Chambre
des communes pendant 45 ans ;
des symboles de la démocratie parlementaire tels que
John Diefenbaker et Stanley Knowles, dont les réélections
leur ont permis de participer aux travaux de 13 législatures
différentes.
Mais des fiches aussi impressionnantes que celles-ci ne diminuent
en rien les réalisations de ceux et celles qui ont servi
le Parlement -- pas même le pauvre Douglas Cunnington qui
n'a servi la Chambre que durant une seule journée!
Quelle qu'ait été la durée de sa carrière
parlementaire, chacun des noms gravés sur ces plaques est
celui d'une personne au service de ses concitoyens.
Certains diront que la cérémonie d'aujourd'hui est
l'occasion pour la classe politique de chanter ses propres louanges.
J'y vois autre chose. C'est vrai que nous honorons des individus,
mais nous rendons également hommage à une institution,
le service au Parlement. Et c'est quelque chose qui mérite
d'être reconnu.
Merci.
|