Déjeuner offert par le Regroupement des gens d'affaires et la Société d'expansion économique d'Ottawa-Carleton 
Le 18 juin 1996
À la fin de la semaine, je présiderai une réunion
des premiers ministres à Ottawa.
Cette réunion des premiers ministres ne sera pas dramatique. Nous ne jouerons pas à la roulette l'avenir du Canada. Ce
ne sera pas une rencontre où l'on joue le tout pour le
tout et qui tiendra les Canadiens rivés à leur téléviseur.
Et ce ne devrait pas l'être.
Cette réunion sera une étape, une étape dans
ce long périple qu'est le Canada. Notre pays se construit
au jour le jour, une étape après l'autre. Cela a
toujours été comme cela et il continuera d'en être
ainsi. Les grandes initiatives ont leur place, mais l'édification
d'un pays ne défraie pas souvent les pages mondaines. Et
vous savez tous que je ne suis pas porté sur les pages
mondaines.
C'est la technique des petits pas, des changements graduels. C'est
la démarche que nous avons adoptée à nos
deux autres réunions des premiers ministres. Et les deux
ont été couronnées de succès. La première
a débouché sur le programme de travaux d'infrastructure
et le concept d'Équipe Canada. La seconde a abouti à
un accord visant à réduire les entraves au commerce
intérieur.
Les Canadiens sont plus intéressés à voir
leurs premiers ministres travailler ensemble pour régler
les vrais problèmes qui touchent leur vie. Des questions
comme promouvoir les emplois et la croissance, protéger
notre environnement, protéger nos programmes sociaux, mettre
fin au gaspillage et au double emploi dans l'administration gouvernementale.
Il suffit de voir le succès remporté par l'Équipe
Canada. Les Canadiens aiment cette approche. Ils ont vu leurs
dirigeants politiques et les milieux d'affaires collaborer étroitement
pour promouvoir nos intérêts collectifs -- notamment
pour ouvrir des marchés et stimuler des investissements
qui seront synonymes d'emplois et de prospérité
pour tous. Je crois que c'est cet esprit qui devra animer notre
rencontre à la fin de la semaine.
La Réunion des premiers ministres devrait avoir trois grands
thèmes :
renforcer notre économie et promouvoir de bons emplois;
coopérer pour protéger et développer nos
programmes sociaux;
rendre nos gouvernements fédéral et provinciaux
plus efficaces, dans le cadre du renouvellement du fédéralisme.
Pour une raison quelconque, certains croient que cette réunion
des premiers ministres ne portera pas assez sur l'économie.
Cela est faux. Tout ce que nous allons y discuter a pour objectif
de favoriser le renforcement de l'économie et d'améliorer
le climat d'investissement. Si à l'issue de la réunion
tous les premiers ministres sont parvenus à montrer que
nous pouvons collaborer, cela sera très bénéfique
pour l'économie, le climat d'investissement et la création
d'emplois.
De fait, les gouvernements fédéral et provinciaux
ont travaillé sans relâche pour renforcer l'économie.
Chacun des gouvernements contribue à l'assainissement des
finances publiques. La performance économique du gouvernement
du Canada qui était parmi les pires du Groupe des Sept,
il y a un peu moins de trois ans, compte aujourd'hui parmi les
meilleures. Il y a deux semaines, les premiers ministres des provinces
de l'Ouest ont souligné qu'en un peu plus de quatre ans,
leur bilan collectif est passé d'un déficit de 6
milliards de dollars à un excédent de 600 millions
de dollars. Ce sont là des progrès remarquables.
À la réunion des premiers ministres, je crois que
nous devrions nous engager à poursuivre dans cette voie.
Mais une économie forte est une économie en croissance.
Et au Canada la croissance repose de plus en plus sur les exportations.
Depuis 1993, depuis le début du mandat de notre gouvernement,
les exportations du Canada sont passées de 209 à
289 milliards de dollars par année, ce qui représente
une hausse de 38 p. 100 en trois ans seulement. De fait, nos ventes
sur les marchés étrangers représentent désormais
37 p. 100 de notre produit intérieur brut, ce qui veut
dire que nous sommes devenus le pays du G7 le plus fortement axé
sur les exportations.
Nous savons que les débouchés dans les pays en croissance
rapide de l'Asie et de l'Amérique latine sont énormes.
C'est pourquoi j'ai dirigé trois missions commerciales
depuis trois ans, dont deux avec les premiers ministres des provinces
à la tête d'Équipe Canada. C'est pourquoi
nous avons vu nos entreprises conclure des marchés de plus
de 20 milliards de dollars durant ces missions. Posez la question
aux gens d'affaires qui y ont participé. Ils vous diront
que la formule d'Équipe Canada les a aidés à
décrocher ces marchés. Et plus important encore,
il y a ces milliers de Canadiens qui occupent de nouveaux emplois
parce que les gouvernements fédéral et provinciaux
et le secteur privé ont travaillé ensemble.
Cette semaine, je proposerai de nouvelles possibilités
pour l'Équipe Canada avec les premiers ministres des provinces.
J'espère que nous serons en mesure d'annoncer notre prochaine
mission.
Mais notre marché intérieur est la source principale
d'affaires ainsi qu'un tremplin vers le succès. Pour cette
raison, nous devons continuer d'éliminer les entraves au
commerce intérieur qui imposent des coûts inutiles
aux consommateurs canadiens et qui sapent la capacité concurrentielle
de nos entreprises au pays. Nous avons amorcé ce processus
à la dernière réunion des premiers ministres,
il y a deux ans. Nous avons depuis résolu des questions
importantes. Mais les progrès se font attendre dans certains
domaines. Je crois que les premiers ministres devront faire un
bilan sérieux de la situation et se demander ce qu'il convient
de faire pour aller de l'avant. Nous avons besoin de nous fixer
des objectifs et des échéanciers bien précis
en matière de libéralisation du commerce intérieur.
Et nous nous devons de clarifier et de moderniser les rôles
et les responsabilités du gouvernement pour mieux servir
la population canadienne. Le gouvernement canadien a donc décidé
de se retirer des activités dont la responsabilité
convient mieux au secteur privé ou aux provinces dans les
secteurs des mines, des forêts et des loisirs.
C'est pourquoi nous adoptons une attitude semblable pour la pêche
en eau douce, secteur où nous offrons de déléguer
certaines responsabilités aux provinces. Et c'est aussi
pourquoi nous nous employons à céder aux provinces
la responsabilité de l'administration de notre parc de
logements sociaux.
Nous voulons aussi instituer des partenariats avec les provinces
et le secteur privé dans les domaines qui ont une dimension
à la fois nationale et provinciale. Le modèle de
la Commission canadienne du tourisme, mise sur pied non seulement
avec les provinces mais aussi avec le secteur privé, montre
bien qu'un peu d'imagination et de souplesse peut rapporter beaucoup.
Dans ce secteur, qui crée tant d'emplois, tous les principaux
intéressés au Canada mettent désormais l'épaule
à la roue.
Ce genre de partenariat est sensé. Aucun des partenaires
n'est plus important que les autres. L'organisme n'est ni fédéral,
ni provincial. Il s'agit d'un véritable effort conjoint.
Et toute la population peut en profiter. C'est aussi beaucoup
plus logique. C'est pourquoi nous proposons des partenariats dans
les secteurs de l'inspection des aliments, de la réglementation
des valeurs mobilières et de l'administration fiscale.
Nous avons fait ces propositions dans le discours du Trône
de février et je veux en discuter cette semaine avec les
premiers ministres.
Je sais bien que l'idée d'un système national d'inspection
des aliments n'a rien de particulièrement excitant. Il
est évident que ce n'est pas la solution magique au problème
de l'unité nationale.
Si cette proposition n'est pas tout à fait spectaculaire,
elle peut tout de même contribuer à moderniser la
fédération - en donnant un bon exemple de ce que
cela signifie.
Les ministres de l'Agriculture des provinces se sont montrés
intéressés récemment par un système
national d'inspection des aliments. Un système qui ne serait
ni fédéral ni provincial mais qui reposerait sur
le principe de la cogestion. J'ai hâte d'entendre les points
de vue des premiers ministres sur cette question plus tard cette
semaine.
Les deux ordres de gouvernement devraient coopérer pour
clarifier les rôles et les responsabilités de chacun.
C'est ce que les ministres de l'Environnement, y compris celui
du Québec, ont convenu de faire lorsqu'ils se sont rencontrés
le mois dernier. Ils élaboreront ensemble un accord-cadre
qui permettra d'atteindre le plus haut niveau de qualité
environnementale au Canada et qui orientera des accords ultérieurs
plus précis.
Les ministres se sont engagés à travailler avec
diligence à l'élaboration d'ententes sur les normes
environnementales, un service d'inspection et l'évaluation
environnementale. Le fait de clarifier les rôles et les
responsabilités permettra de réduire les coûts
et permettra au secteur privé de se conformer plus aisément
aux normes environnementales. Et réduire les frais des
entreprises tout en garantissant le respect des normes environnementales
les plus exigeantes qui soient constitue une façon pragmatique
et pratique de créer un climat favorable à la création
d'emplois.
J'espère que les premiers ministres appuieront le travail
des ministres de l'environnement et leur diront de poursuivre
et de terminer ce qu'ils ont entrepris.
Toutes ces questions, qui font intervenir la clarification des
rôles et des responsabilités du gouvernement fédéral
et des administrations provinciales, seront inscrites à
l'ordre du jour de notre réunion de vendredi. Elles sont
regroupées sous la rubrique du «renouvellement de
la fédération».
Dans chaque cas, il s'agit de prendre un dossier, de trouver différentes
façons de travailler ensemble pour le régler, pour
ensuite passer au suivant. C'est à cela que correspond
le renouvellement efficace de la fédération. Cela
ne semble pas très excitant. Certainement pas autant qu'une
bonne bataille constitutionnelle agrémentée de menaces
et d'ultimatums. Mais je crois que c'est le genre d'excitation
dont les Canadiens peuvent très bien se passer maintenant.
C'est pourquoi nous allons passer très peu de temps à
discuter de l'article 49 de la Loi constitutionnelle. Le mieux
que nous pouvons faire pour l'instant est d'éliminer cette
échéance d'une conférence constitutionnelle
d'ici avril prochain.
Certains disent que les négociations constitutionnelles
du lac Meech et de Charlottetown nous ont déjà libérés
de cette obligation juridique, d'autres affirment le contraire.
Je ne veux rien laisser au hasard. Je veux être certain
que nous nous sommes acquittés de notre obligation. Je
donnerai donc aux premiers ministres l'occasion d'exprimer leur
point de vue et ainsi, nous nous serons acquittés de cette
obligation. Il est évident que certains premiers ministres
ne veulent pas de longue discussion sur le mode de révision
à la réunion. Je n'ai rien contre. La discussion
viendra plus tard, quand tout le monde en voudra. Cela vaut beaucoup
mieux que de plonger le pays dans un exercice constitutionnel
stérile et inutile.
Les Canadiens et Canadiennes veulent que nous nous concentrions
maintenant sur la création d'emplois. J'étais premier
ministre depuis six mois quand j'ai convoqué la première
réunion des premiers ministres. Nous avons alors décidé
d'aller de l'avant avec le programme fédéral-provincial-municipal
de travaux d'infrastructure que nous avions promis dans le Livre
rouge, un programme d'une valeur de 6 milliards de dollars.
Depuis deux ans et demi, ce programme a entraîné
la création de plus de 100 000 emplois et permis de doter
nos collectivités d'installations améliorées
qui dureront des années. Cela a été un modèle
de coopération entre les trois ordres de gouvernement.
J'ai l'intention de parler de la réussite de ce programme
avec les premiers ministres quand ils viendront à Ottawa.
Et de la possibilité de mettre sur pied un nouveau programme
d'infrastructure. Ce ne sera pas nécessairement une copie
conforme du programme qui s'achève maintenant. Il pourrait
viser des secteurs bien particuliers, dans la technologie de pointe
ou dans la technologie rudimentaire; les premiers ministres de
l'Ouest ont réclamé un programme routier national
lorsqu'ils se sont rencontrés il y a deux semaines. Il
pourrait aussi servir à renforcer un secteur économique
en pleine croissance, comme celui du tourisme.
Les possibilités ne manquent pas. L'important, c'est de
nous inspirer de la réussite de notre partenariat concernant
l'infrastructure. De créer des emplois. D'investir dans
la croissance économique à long terme et dans une
meilleure qualité de vie pour tous les Canadiens tout en
faisant preuve de responsabilité budgétaire.
Lorsque nous parlerons d'emploi, nous pourrons être encouragés
par le fait que, depuis novembre 1993, quand ce gouvernement est
arrivé au pouvoir, le Canada a créé plus
de 600 000 emplois, soit plus que l'Allemagne et la France réunies.
Mais nous devons également reconnaître que trop de
jeunes Canadiens ne profitent pas de cette croissance de l'emploi.
Il nous appartient de faire quelque chose. Notre gouvernement
a doublé le nombre d'emplois d'été cette
année. Et plusieurs provinces ont agi dans le même
sens. À mon avis, il serait bon que les premiers ministres
trouvent des moyens par lesquels ils pourraient collaborer davantage
pour aider les jeunes Canadiens. Et nous devrions collectivement
inciter le secteur privé à accroître ses efforts
dans ce sens.
La formation en vue du marché du travail est un autre domaine
où beaucoup pensent qu'un rééquilibrage des
rôles profiterait à notre économie. Nous les
avons écoutés. Le gouvernement fédéral
se retire du secteur de la formation pour laisser les provinces
libres de se doter de programmes et de pratiques conformes aux
besoins de leurs citoyens.
Le gouvernement fédéral a offert aux provinces la
possibilité d'assurer l'exécution de mesures financées
à même le compte de l'assurance-emploi dans des domaines
autres que la formation, comme les subventions salariales, les
suppléments de rémunération, l'aide au travail
indépendant et les partenariats pour la création
d'emplois. Cette proposition fédérale a généralement
été bien reçue. Nous allons en parler à
la réunion. Les commentaires le plus souvent positifs des
gouvernements provinciaux m'encouragent grandement.
La réunion des premiers ministres offrira aussi l'occasion
de discuter d'un important document produit par neuf provinces,
le rapport du Conseil ministériel sur la politique sociale.
Ce rapport mérite notre attention. Nous avons tous l'obligation
de travailler ensemble pour assurer le maintien du filet de sécurité
sociale du Canada.
Nous devons tous prendre les choses en main et assumer nos responsabilités.
En fait, le gouvernement fédéral est déjà
intervenu dans le cas de certains de ces dossiers, J'ai déjà
parlé de la formation de la main-d'oeuvre. Nous nous sommes
déjà attaqués à une autre question
mentionnée dans le rapport du Conseil ministériel
lorsque nous avons stabilisé, dans le Budget de 1996, la
composante en espèces du Transfert canadien en matière
de santé et de programmes sociaux.
Par ailleurs, nous avons aussi annoncé dans le discours
du Trône que dorénavant, le gouvernement fédéral
n'utilisera pas son pouvoir de dépenser pour mettre en
place de nouveaux programmes à frais partagés dans
les sphères de compétence provinciale exclusive,
sans le consentement de la majorité des provinces, et en
donnant à chacune la possibilité de ne pas adhérer
à de tels programmes.
C'est la première fois dans l'histoire canadienne qu'un
tel engagement est pris hors du cadre d'un accord constitutionnel.
Et cet engagement va encore plus loin que ce qu'on retrouvait
dans l'accord du lac Meech, que M. Bouchard a appuyé.
Nous avons donc fait la preuve de notre détermination dans
ces domaines et nous prouvons maintenant que nous prenons très
au sérieux les conclusions du rapport du Conseil ministériel
même si nous ne sommes pas d'accord avec tout ce qu'il contient.
Les premiers ministres de l'Ouest, lors de leur récente
rencontre, ont recommandé que nous nous mettions d'accord
sur un objectif national de réduction de la pauvreté
chez les enfants. Je suis d'accord et j'espère que tous
les premiers ministres le seront également.
Les premiers ministres de l'Ouest ont proposé une prestation
nationale pour enfant qui regrouperait tous les programmes fédéraux
et provinciaux destinés à venir en aide aux familles
à faible revenu. C'est un sujet qui mérite qu'on
s'y arrête sérieusement. J'espère que nous
pourrons confier à des ministres le mandat de chercher
dès à présent des moyens concrets nous permettant
de réduire la pauvreté des enfants au Canada.
Mesdames et Messieurs, comme vous pouvez le constater, notre
programme est très chargé cette semaine.
Mais en retroussant nos manches et en nous mettant au travail,
nous pourrons faire des progrès. Ce que veulent les Canadiens,
c'est qu'on fasse un effort et qu'on travaille en équipe.
Ce qu'ils désirent, ce sont des changements qui profiteront
à la population, et pas simplement à la classe politique
ou aux bureaucrates. Ce qu'ils souhaitent, ce sont des progrès
concrets, pas des batailles de clocher.
Ce dont ils ne veulent pas, c'est du tordage de bras, des menaces
et des ultimatums, des crises de colère et des accusations,
des accès de jalousie et des gesticulations pour la galerie.
Ce serait trop facile, tant pour les autres premiers ministres
que pour moi. Ce n'est pas ainsi que je dirige une réunion.
Et, si je me fie à ce que m'ont dit tous les premiers ministres
ces derniers jours, ce n'est pas ce qu'ils désirent non
plus.
Nous avons connu deux tentatives infructueuses de révision
constitutionnelle au cours des dix dernières années.
Chaque fois, on avait mis sur la table un ensemble complexe et
important de propositions qu'il fallait accepter ou rejeter en
bloc. Et chaque fois, malgré les meilleures intentions,
l'opération a échoué. Le pays n'était
pas plus avancé, et le renouvellement de la fédération
non plus.
S'il y a un enseignement à retirer de ces expériences,
c'est bien le besoin d'adopter une nouvelle approche. Une approche
étape par étape, une approche pragmatique. Identifier
un problème, s'entendre et le régler. Puis s'attaquer
au problème suivant.
Cette approche a l'avantage de bâtir petit à petit.
Si nous voulons réellement renouveler la fédération
- et je crois que mes homologues et moi le voulons réellement
- alors le moment est venu d'adopter cette nouvelle approche.
Une approche qui fonctionne.
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