Célébration du 100e anniversaire de l'élection de Sir Wilfrid Laurier
Le 13 juillet 1996
Maison Laurier, Ottawa (Ontario)
Il y a deux jours, en présence de tous les ministres, j'ai
participé à une cérémonie commémorative
sur la colline du Parlement pour souligner le 100e anniversaire
de l'assermentation de Wilfrid Laurier à titre de Premier
ministre du Canada.
Ce jour-là, il y a cent ans, à 11 h, Wilfrid Laurier
sortit de son domicile pour se rendre à Rideau Hall dans
une voiture tirée par des chevaux. Il était seul.
(À l'époque, il n'était pas nécessaire
de se faire escorter par la GRC!). Il passa une heure et demie
en compagnie du gouverneur général, et revint de
Rideau Hall investi des pouvoirs de Premier ministre. Il entra
en fonction l'après-midi même et le resta pendant
15 ans.
La chose importante que les gens oublient souvent à propos
de Laurier, c'est que, au début, il était contre
la Confédération. Mais il était un homme
ouvert, et il devint vite convaincu de ses avantages. En fait,
il fut le partisan le plus enthousiaste du Canada de son temps.
Laurier avait de grandes vues pour son pays. Aussi souhaitait-il
que le XXe siècle soit celui du Canada. Il voulait que
nous soyons un pays fort et indépendant dont la voix serait
entendue sur la scène internationale. Et il souhaitait
aussi que le Canada devienne le premier pays moderne à
proclamer sa diversité, à faire preuve de tolérance,
de grandeur d'âme et d'ouverture.
Avons-nous réalisé le rêve de Laurier? Avons-nous
réussi l'épreuve de l'histoire?
Il y a toujours des prophètes de malheur qui veulent rabaisser
nos réalisations. Mais je dis que nous avons réussi,
haut la main. Il suffit pour le voir de regarder un instant le
Canada avec les yeux de Wilfrid Laurier et de ses contemporains.
Qu'était le Canada au début de ce siècle?
Nous disposions d'une autonomie restreinte au sein de l'Empire
britannique. Le Canada ne comptait que sept provinces. Il avait
moins de six millions d'habitants. Notre prospérité
reposait alors principalement sur l'exportation de produits bruts,
comme le bois d'oeuvre et les céréales. Nous ne
pouvions siéger de façon indépendante aux
grands conseils internationaux. La notion même de filet
de sécurité sociale était inconnue.
Et maintenant, regardez tout le chemin que nous avons parcouru
depuis.
Nous avons joué un rôle clé durant les deux
Grandes Guerres, un rôle qui était sans commune mesure
avec notre population. Nous avons alors fourni la troisième
marine marchande et la quatrième force aérienne
en importance. Nos soldats se sont distingués par leur
bravoure.
Vers le milieu du XXe siècle, le Canada s'est taillé
une place de puissance moyenne dans le monde des affaires. Les
premiers ministres Mackenzie King et Louis Saint-Laurent ont joué
un rôle dans la création des Nations Unies et de
l'OTAN, et dans la transformation de l'Empire britannique en Commonwealth.
Le Premier ministre Pearson fut à l'origine de la force
de maintien de la paix des Nations Unies, ce qui lui valut le
Prix Nobel. Le Premier ministre Trudeau fit entrer le Canada dans
le G7, établissant de ce fait la reconnaissance du Canada
comme une grande puissance parmi les pays industrialisés
du monde.
Wilfrid Laurier serait heureux de savoir que, à présent,
le Canada possède la septième économie mondiale,
que nous sommes les sixièmes plus grands exportateurs et
importateurs, que nous constituons le septième plus important
soutien financier des Nations Unies et que nous comptons parmi
les donateurs les plus généreux vis-à-vis les
pays en développement.
Il serait fier de voir que nous avons établi un système
de protection sociale à nul autre pareil.
Défenseur de l'harmonie dans la diversité culturelle,
Laurier serait content de voir que le Canada moderne est un modèle
de tolérance et d'ouverture pour les gens dans le monde
entier. Il se réjouirait de constater que nous reconnaissons
notre patrimoine culturel, que les droits des autochtones sont
protégés, que le statut de nos langues officielles
est garanti et que le Canada joue un rôle de premier plan
au sein de la Francophonie mondiale.
Oui, nous avons réussi l'épreuve. Laurier se réjouirait
de constater que le Canada est devenu une grande société
dans tous les sens du terme. J'en veux pour preuve les Nations
Unies qui, à trois reprises, ont classé le Canada
au premier rang des pays où il fait bon vivre. Mais ce
qui est plus important encore, c'est que les Canadiens, dans chaque
région, le savent. Dans leur coeur et dans leur tête,
ils savent que le Canada est le meilleur pays au monde.
Laurier était nettement en avance sur son temps en 1900
lorsqu'il imaginait le Canada d'aujourd'hui comme une cathédrale
gothique :
Je veux que le marbre demeure le marbre; que le granit demeure
le granit; que le chêne demeure le chêne... Je veux
réunir tous ces éléments et bâtir une
nation qui deviendra une grande puissance du monde.
C'est chose faite, Monsieur Laurier. La cathédrale canadienne
a pour pierre d'assise les visions et actions de nos
prédécesseurs.
Laurier était un homme qui voyait loin, très loin.
Il avait deviné le potentiel de notre grand pays avec un
flair remarquable. Laissez-moi vous citer ses paroles une fois
de plus :
... même si César disait qu'il aimait mieux être
le maître d'un village que valet à Rome, j'ai l'ambition
d'appartenir à un grand pays. J'entrevois le jour où
le Canada comptera 30, 40 millions d'habitants, et où sa
voix pèsera dans la destinée du monde.
En ce centenaire de l'assermentation de Laurier, ce jour est arrivé.
Nous sommes maintenant 30 millions de Canadiens. Nous avons été
fidèles
à l'héritage laissé par Laurier. Profitons
donc de cette occasion qui nous est donnée aujourd'hui
pour nous réjouir de nos réalisations et trouver,
en ce lieu où vécut Laurier, l'inspiration d'un
avenir meilleur pour nous tous.
Merci.
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