Sommet de l'Organisation pour la sécurité et la coopération
Le 2 décembre 1996
Lisbonne (Portugal)
Je veux tout d'abord féliciter le président actuel,
M. Flavio Cotti, qui a si bien servi cette organisation pendant
l'année la plus difficile de son histoire. Et je souhaite
la bienvenue au nouveau secrétaire général,
M. Giancarlo Aragona, ainsi qu'à M. Petersen et à
son équipe, qui prendront la relève l'année
prochaine.
Lorsque nous nous sommes réunis à Budapest, il y
a deux ans, les perspectives d'intégration en Europe et
dans la région de l'Atlantique paraissaient encore éloignées.
Aujourd'hui, cette intégration est imminente.
Nous avons là une occasion unique de renverser les vieilles
barrières et d'éliminer les tensions et les divisions
qui ont nui à notre stabilité et à notre
développement pendant plus de cinquante ans.
Au cours de la présente décennie, nous avons réorienté
notre façon d'envisager la sécurité en Europe.
Nous avons effectué des changements fondamentaux. L'OTAN
est devenue une tribune de coopération. Elle dirige actuellement
une opération de maintien de la paix en Bosnie. Des militaires
d'Amérique du Nord, d'Europe occidentale et d'Europe orientale
travaillent côte à côte ainsi qu'avec des soldats
de toutes les autres régions du monde. Qui aurait imaginé
cela en 1990?
Cette transformation n'a nulle part été plus grande
qu'au sein de l'OSCE.
Nous en avons fait une organisation d'action. Une organisation
qui encadre le processus électoral dans la plus difficile
des situations. Une organisation engagée dans un des travaux
de prévention des crises parmi les plus efficaces jamais
effectués.
Le dynamisme et la flexibilité sont, je crois, les plus
grandes qualités de l'OSCE. Nous devons nous assurer que
rien ne viendra limiter son potentiel.
Nous ne devons jamais oublier que la force réelle de l'OSCE
réside dans son respect pour la primauté du droit,
la démocratie et les droits de la personne. Nous devons
veiller à ce que chacun d'entre nous applique ces principes.
À cet égard, je félicite le président
sortant pour les avoir rappelés dans son communiqué
de presse du 30 novembre au sujet du Belarus.
Le Canada a participé activement à ce processus,
et va continuer de le faire. Notre engagement en Europe est un
élément essentiel de la sécurité du
Canada.
Cependant, la définition même de la sécurité
a changé. Aujourd'hui, nous ne pensons plus en termes de
murs, de haies barbelées, de files de chars d'assaut, ni
de missiles.
Souvent, les menaces à la sécurité d'un pays
se trouvent à l'intérieur plutôt qu'à
l'extérieur de ses frontières. Les souffrances humaines
fréquemment causées par des conflits civils et ethniques
sont notre plus grand ennemi et constituent le plus important
défi pour les valeurs dont nous nous réclamons tous.
Aujourd'hui, on voit non pas des armées de soldats, mais
des armées de personnes déplacées et de réfugiés,
de gens affamés, de malades et d'apatrides.
Est-ce que notre façon d'envisager la sécurité
et les principes qui la sous-tendent reflète cette réalité?
À mon sens, la sécurité n'est plus principalement
fonction des événements qui se produisent de Vancouver
à Vladivostok. Nous vivons dans un monde où l'interdépendance
et l'intégration sont de plus en plus grandes et où
la mondialisation fait qu'aucun pays, fût-il aussi bien situé
que le Canada, ne peut rester indifférent aux événements
qui se produisent bien au delà de ses frontières.
La situation dans la région des grands lacs africains est
un cas d'espèce. Pendant des années, la communauté
internationale a observé la situation évoluer de
crise prévisible en crise prévisible, avec d'énormes
pertes de vie et une très grande souffrance humaine.
De meilleurs mécanismes de prévention des conflits
et, de la part de la communauté internationale, une plus
ferme volonté d'intervenir dans une région où
peu d'intérêts nationaux sont en cause, auraient
bien pu éviter ces désastres.
Il y a tout juste deux semaines, le Canada a pris l'initiative
de mettre sur pied une coalition ad hoc de pays désireux
de venir en aide aux réfugiés coincés entre
deux feux.
Cela a largement précipité la série d'événements
qui ont conduit une véritable marée humaine vers
le Rwanda.
La crise n'est pas terminée. Nous sommes toujours déterminés
à travailler avec nos partenaires, dont beaucoup sont représentés
autour de cette table, afin de faire en sorte que les organismes
d'aide humanitaire aient les outils voulus pour finir la besogne
qu'ils ont entreprise.
Je soulève la question du Zaïre en sachant parfaitement
que l'OSCE n'est pas habilitée à opérer hors
de ses limites géographiques.
Cependant, nous devons pouvoir tirer des leçons de la façon
dont des crises de nature semblable ont été résolues
dans le rayon d'action de l'OSCE, afin de les appliquer au reste
du monde.
L'ancienne Yougoslavie au cours de la période initiale
où les Casques bleus opéraient en vertu d'un mandat
découlant du chapitre VI de la Charte des Nations unies
pour porter secours à la population civile, en fournit
un exemple.
Nous devrions également tirer des enseignements de nos
expériences à l'extérieur du cadre géographique
de l'OSCE, comme en Somalie et dans le nord de l'Iraq, où
des coalitions autorisées par les Nations unies ont déployé
des forces militaires pour appuyer des missions humanitaires.
Nous devrions nous consacrer à trouver de meilleurs moyens
d'assurer que nous n'aurons pas à nous en remettre à
des solutions ad hoc à l'avenir.
Il faut trouver de meilleurs moyens d'assurer que les ressources
militaires de la communauté internationale sont mobilisées
pour soulager les souffrances des populations civiles dans les
zones de conflit et d'instabilité.
Les gouvernements et les militaires abordent les crises de caractère
humanitaire d'une manière différente. Les ONG et
les organismes d'aide humanitaire aussi. Ces différences
paraissent considérables, mais je ne suis pas certain qu'elles
soient réelles.
Nous devons harmoniser notre façon de faire face aux crises
et ce, parce que nous sommes partenaires. Nos buts sont complémentaires,
notre objectif final est d'accroître la sécurité.
Nous devons reconnaître qu'à l'avenir nous compterons
encore souvent sur nos militaires pour apporter leur aide à
l'occasion de ces crises.
Je propose que l'OSCE collabore avec les autres institutions vouées
à la sécurité pour s'attaquer à ce
problème en priorité. Nous devons établir
les mécanismes qui nous aideront à l'avenir à
réagir de façon plus rapide et mieux organisée
aux crises semblables à celle du Zaïre.
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