Adresse en réponse au discours du Trône
Le 24 septembre 1997
Ottawa (Ontario)
M. le Président, nous amorçons cette semaine ce qui sera la dernière législature de ce siècle et la première du nouveau millénaire. Je vous félicite de votre élection et tiens à vous exprimer ma haute considération pour la responsabilité que vous assumez. Par vos fonctions, vous donnez à cette Chambre le décorum et la dignité qui lui conviennent et vous représentez les grandes traditions et responsabilités historiques. Au nombre des tâches que vous remplissez si bien, il y a celle qui consiste à fermer les microphones lorsqu'ils doivent l'être. Je vous donne l'assurance que mon parti et moi vous appuierons sans réserve dans cette activité, ainsi que dans toutes les autres attributions de votre poste.
Je tiens également à féliciter l'honorable député de Parkdale-High Park pour son allocution à titre de motionnaire de l'Adresse en réponse au discours du Trône, ainsi que l'honorable député de Beauce pour son allocution à titre de second motionnaire. Un avenir rempli de promesses attend ces deux députés en cette Chambre.
Il y a eu des élections générales depuis la dernière fois où je me suis levé dans cette Chambre. J'ai été élu député pour la 11e fois. Les électeurs de Saint-Maurice m'ont appuyé pour la dixième fois et la confiance qu'ils me témoignent est une source de motivation dans ma vie politique. Ils m'ont appris que les gens sont ce qui importe en politique. Ce que j'ai appris en marchant dans les rues de Shawinigan, en dînant avec des familles d'agriculteurs, et en parlant avec des travailleurs dans les usines a enrichi toute mon expérience à titre de député et de Premier ministre. Les gens de Saint-Maurice veulent un gouvernement qui les écoute et les respecte, et c'est ce genre de gouvernement que j'entends diriger.
De façon bien appropriée, la législature s'ouvre au moment où prend fin un autre magnifique été canadien. Nos agriculteurs font leurs récoltes et les jeunes reprennent le chemin de l'école. Cet automne, les Canadiens, et en particulier les jeunes Canadiens, commenceront à récolter ce que nous avons semé ensemble au cours des quatre dernières années. Lorsque je me suis levé en Chambre en janvier 1994, de nombreux conjoncturistes prévoyaient de maigres récoltes dans l'avenir. Dans l'Adresse en réponse au discours du Trône, j'avais alors dit que toutes les mesures que nous prendrions viseraient « à rebâtir notre vitalité économique afin que tous les Canadiens soient capables de réaliser leur plein potentiel ».
Nous n'avions pas besoin des sondages pour nous rendre compte que la plupart des Canadiens avaient des doutes quant à notre capacité de maîtriser les énormes déficits qui avaient profondément miné l'économie canadienne et notre confiance en nos moyens.
Qui aurait alors cru que le Canada enregistrerait 974 000 créations d'emplois entre octobre 1993 et septembre 1997 ? Qui aurait pu prévoir que les taux d'intérêt canadiens tomberaient bien en deçà des taux américains ? Qui aurait alors cru que le taux d'inflation serait inférieur à 2 p. 100, que le taux de croissance approcherait les 4 p. 100, et que nous afficherions le taux de création d'emplois le plus élevé des pays du G7 ? Qui aurait alors cru que quatre ans plus tard, tous les conjoncturistes internationaux s'accorderaient pour prévoir que le Canada affichera la meilleure performance économique des pays du G7 à l'aube du nouveau millénaire ? Qui aurait alors cru qu'à l'automne 1997, je me joindrais aux premiers ministres provinciaux dans un esprit de collaboration pour discuter des meilleurs moyens pour venir en aide aux jeunes, pour améliorer notre système de soins de santé et pour renforcer nos mesures sociales en période d'équilibre budgétaire ?
Les Canadiens ont accompli beaucoup de choses pour eux-mêmes et pour leurs concitoyens en travaillant ensemble, en faisant preuve d'audace et en surmontant la peur et le désespoir.
Nous avons rebâti notre vitalité économique. Et comme l'a déclaré le gouverneur de la Banque du Canada la semaine dernière : « Le Canada est aujourd'hui en meilleure position pour relever les grands défis économiques de l'avenir qu'il ne l'avait été depuis de nombreuses années.» Il a ajouté que « potentiellement, l'économie canadienne a tout ce dont elle a besoin pour connaître une longue période de croissance soutenue en termes de production et d'emploi, c'est-à-dire une hausse de productivité et une amélioration de la qualité de vie ».
Le moment est maintenant venu pour les Canadiens de vivre à la hauteur de leurs potentialités. De se tourner vers l'avenir. D'investir judicieusement de façon stratégique dans les personnes et les idées. De bâtir des assises solides pour l'avenir du Canada. Nous avons identifié clairement nos priorités lors de la campagne électorale et dans le discours du Trône.
Nous investirons dans les enfants, notre ressource la plus importante. Nous investirons dans le savoir pour préparer la jeunesse canadienne en fonction des technologies et de la société axée sur l'information de demain. Nous collaborerons étroitement avec les provinces pour renforcer notre système de soins de santé en donnant suite aux excellentes suggestions faites par le Forum national sur la santé.
Grâce au renforcement et à la modernisation de l'assurance-santé pour répondre à de nouveaux besoins, nous retirerons encore plus d'avantages de notre système de soins de santé au XXIe siècle.
Au début de la campagne électorale, nous avons déclaré que nous investirions une partie de notre dividende budgétaire dans les soins de santé. Nous déposerons un projet de loi pour majorer les transferts aux provinces et donner suite à la recommandation du Forum national sur la santé de relever à 12,5 milliards de dollars le plancher des transferts en espèces. Cela veut donc dire que les provinces recevront 700 millions de dollars de plus en 1998-1999 que prévu dans le budget, elles recevront 1,2 milliard de plus en 1999-2000 que prévu dans le budget, elles recevront 1,4 milliard de plus en 2000-2001 que ne le prévoit le budget, et en 2001-2002 elles recevront 1,3 milliard de dollars de plus que ne le prévoit le budget.
En d'autres termes, au cours des quatre prochains exercices, les provinces recevront 4,8 milliards de plus que prévu dans le budget de 1997 pour répondre aux besoins de leurs citoyens en matière de soins de santé.
Le Canada demeurera le pays où l'on vit le mieux parce que nous avons le souci de la population.
Nous travaillerons d'arrache-pied pour poursuivre le renforcement de notre économie, pour continuer à créer un climat encore plus propice à la création d'emplois et à la croissance économique soutenue.
Aujourd'hui, je veux rendre hommage au ministre des Finances pour ses remarquables réalisations dans la gestion des finances du pays. Et je tiens à dire en cette Chambre que, jamais plus, nous ne permettrons qu'un gouvernement perde la maîtrise des finances du pays. Nous avons déjà commencé à réduire la dette en proportion de la taille de notre économie. M. le Président, d'ici 1998-1999, le gouvernement présentera un budget équilibré pour la première fois en près de trente ans. En conjuguant nos efforts avec les députés, les provinces et, surtout, avec les Canadiens et Canadiennes, nous parvenons à éliminer un déficit qui pesait très lourd sur notre avenir. Désormais, les problèmes actuels ne doivent plus être légués aux futures générations de Canadiens. Désormais, nous n'aurons plus à subir de déficits écrasants qui empêchent le gouvernement de répondre aux besoins véritables des personnes. Désormais, personne ne pourra plus dire que le Canada est un pays en faillite qu'il serait préférable de quitter.
M. le Président, le Canada fonctionne tellement bien que les dirigeants d'un peu partout dans le monde parlent du miracle canadien et du Canada comme d'un modèle à suivre. Une nouvelle vague d'optimisme traverse le Canada. Les Canadiens ont recommencé à rêver et le défi que devra relever cette législature consiste à se montrer à la hauteur de ces rêves. Nous devons maintenant progresser ensemble vers ce nouveau millénaire.
Nombre d'entre vous goûtez pour la première fois à une présence en Chambre. Riche de quelques années d'expérience, je peux vous dire que ce que vous y goûterez sera source de satisfaction - quelque peu épicé parfois - mais toujours satisfaisant. Il y en a qui se plaisent à dénigrer l'utilité du Parlement. Je peux vous affirmer qu'ils ont tort. Au cours des ans, j'ai pu observer jusqu'où de simples députés ont pu faire avancer une cause qui suscite leur intérêt ou celui de leurs électeurs et des Canadiens. Au cours des quatre dernières années, notre gouvernement a fait des ouvertures sans précédent au chapitre des projets de loi d'initiative parlementaire, de la portée des travaux des commissions parlementaires, et de la participation aux débats de la Chambre. Et nous continuerons en ce sens. Mais je dois vous avouer que la situation actuelle est toutefois bien meilleure que lorsque je suis devenu député. Mais même alors, en tant que simple député, j'ai quand même réussi à faire adopter un projet de loi d'initiative parlementaire modifiant le nom de la Trans Canada Airlines. J'ai travaillé avec mes collègues des deux côtés de la Chambre pour y parvenir, et nous avons partagé ce succès. Lorsque je suis monté pour la première fois à bord d'un avion d'Air Canada, je savais que Jean Chrétien, un simple député, avait fait toute la différence. Nombre d'entre vous vivrez de tels moments, à titre personnel ou en tant que membre d'une grande législature.
Permettez-moi de vous dire ce que nous pouvons accomplir ensemble, en tant que Canadiens et parlementaires. Lorsque je suis entré au Parlement pour la première fois, le Canada faisait face à un grave problème de pauvreté chez les aînés. Malgré un climat de prospérité, un grand nombre d'aînés étaient quant à eux victimes de l'inflation ou du fait qu'il leur avait été impossible d'épargner suffisamment pendant les années de guerre et de dépression.
Il s'agissait d'un énorme défi à relever et nous avons partagé la responsabilité de le résoudre. Le gouvernement fédéral avait bien son propre mécanisme de pensions de la vieillesse mais les provinces étaient, quant à elles, principalement responsables en matière de santé, de bien-être et de logement. Le gouvernement du Canada a travaillé de concert avec les provinces et, par le biais de la législature, a pu s'attaquer au problème de la pauvreté des aînés grâce à la souplesse et à la créativité de notre régime fédéral. Nous avons alors démontré que nous avons plus en commun que nous ne voulons l'admettre, et que nos différences sont moins importantes que nous le laissons croire. La Saskatchewan a ouvert la voie en matière d'assurance-santé, le Québec a oeuvré efficacement dans le domaine des pensions, tandis que l'Ontario et le Nouveau-Brunswick ont innové en matière de logement. C'est toutefois le gouvernement du Canada qui a imprimé la direction nationale nécessaire pour faire en sorte que la créativité déployée individuellement par les provinces bénéficie à tous les Canadiens et Canadiennes.
Aujourd'hui, le taux de pauvreté chez les aînés représente moins du tiers de ce qu'il était, il y a une génération à peine. Lorsque les Nations unies affirment que le Canada est le pays où l'ont vit le mieux, c'est parce que nos aînés vivent maintenant plus longtemps et dans une plus grande aisance financière. Au cours de ce mandat, notre gouvernement assurera la sécurité des aînés pour l'avenir. Dès cet automne, nous déposerons un projet de loi relatif à la viabilité du Régime de pensions du Canada et de la Prestation aux aînés. Le Canada deviendra ainsi le premier pays du G7 dont le régime public de pensions sera viable et abordable à l'aube du nouveau millénaire.
Tout comme nous avons été en mesure de régler les problèmes relatifs à la santé et à la pauvreté des aînés, nous devons aujourd'hui nous attaquer à un problème auquel fait face une nouvelle génération de Canadiens. Il s'agit de la génération à laquelle nous léguerons le Canada au début du nouveau millénaire - nos enfants et nos petits-enfants. Le jugement qu'ils porteront sur notre génération dépendra de la façon dont nous les aurons préparés en fonction du XXIe siècle.
Les campagnes électorales sont captivantes, pour moi comme pour nous tous, parce qu'elles nous donnent l'occasion de rencontrer une grande diversité de Canadiens et de Canadiennes. Mon épouse a observé que je suis encore plus captivé lorsque je discute avec des jeunes. Les aspirations et les rêves de la jeunesse canadienne sont pour moi une source d'inspiration, mais lors des récentes campagnes j'ai trop entendu la peur se mêler à leurs rêves. M. le Président, permettez- moi de dire en toute franchise que nous avons beaucoup de travail à faire. Avec la crise budgétaire qui tire à sa fin, notre gouvernement a une plus grande marge de manoeuvre. Comme le ministre des Finances l'a déclaré dans son dernier budget, « ...un gouvernement libéré du fardeau du déficit n'est pas un gouvernement libéré de ses responsabilités. C'est, tout au contraire, un gouvernement capable de mieux s'en acquitter ». Et notre plus importante responsabilité est celle que nous avons envers les jeunes, l'avenir même du Canada. Lorsque je revois l'espoir quelque peu troublé qui brillait dans les yeux des jeunes gens que j'ai rencontrés cet été, je suis encore plus déterminé à faire en sorte que notre gouvernement ne se défilera pas devant ses responsabilités et ses possibilités.
Comme chacun de nous, je sais que la pauvreté est le facteur qui nuit le plus à un bon départ dans la vie, aussi bien dans une collectivité autochtone qu'en plein coeur de Vancouver, de Toronto, de Montréal ou d'Halifax. L'amour parental, le soutien familial et des collectivités saines sont certes des antidotes aux blessures qu'inflige la pauvreté, mais ce n'est pas assez. La population a également besoin de notre aide. En investissant dès à présent dans le bien-être des enfants d'aujourd'hui, nous renforcerons à long terme les tissus social et économique de notre société.
Ensemble, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent intervenir par le biais du système national de prestations pour enfants dont nous avons entrepris l'élaboration. Au cours de cette législature, nous promettons de faire des efforts additionnels pour répondre aux besoins des familles à faible revenu qui ont des enfants. Nous y parviendrons en augmentant la Prestation fiscale pour enfants et en collaborant avec les provinces à mesure qu'elles investiront dans les services à l'enfance. Les enfants doivent demeurer prioritaires dans notre plan d'action national, et nous devons faire en sorte qu'ils connaissent un bon départ vers un avenir prometteur, et ce, quelles que soient leurs origines et l'endroit où ils vivent.
Connaître un bon départ n'offre aucune garantie quant à savoir si vous gagnerez ou, même, terminerez la course. Aujourd'hui, les jeunes Canadiens sont plus instruits qu'à tout autre moment de notre histoire. Mais un trop grand nombre d'entre eux ne terminent pas leurs études ou n'arrivent pas à trouver du travail. M. le Président, le chômage chez les jeunes est trop élevé. Le secteur privé a créé près d'un million d'emplois au cours des quatre dernières années. Toutefois, notre société se doit d'en faire davantage pour créer de nouveaux emplois pour les jeunes. Nous aborderons ce sujet et bien d'autres à la réunion des premiers ministres cet automne.
Nous intensifierons nos efforts en faveur des premiers emplois pour les jeunes par le biais des programmes de stages et des emplois d'été. Nous lancerons au secteur privé le défi de former les jeunes Canadiens pour les aider à jouer un rôle de premier plan dans la société de l'information de demain. Nous élaborerons, avec les provinces, un programme national de mentorat et, en partenariat avec les provinces et les collectivités, améliorerons les possibilités d'acquisition de compétences et d'expérience professionnelle offertes à la jeunesse à risque. Meilleure sera l'instruction des jeunes, meilleures seront leurs chances de trouver un emploi.
Nous lancerons aux parents, aux collectivités, aux écoles et aux gouvernements provinciaux, le défi d'encourager les jeunes à poursuivre leurs études.
Dans ma famille, tout ce que mes parents arrivaient à épargner était destiné à l'éducation des enfants. Pour mes parents, l'herbe était toujours plus verte de l'autre côté de la clôture et, pour eux, l'instruction était le meilleur moyen à la disposition de leurs enfants pour y accéder. Même si j'ai parfois été un élève difficile à l'école, mes parents n'ont jamais dévié de leur rêve, ni pour moi ni pour mes frères et soeurs qui étaient des élèves nettement plus faciles. La détermination de mes parents et la confiance qu'ils plaçaient dans notre instruction est ce qui nous a donné les moyens de franchir cette clôture.
Aujourd'hui, c'est aux parents, aux collectivités et aux gouvernements qu'il appartient de faire en sorte que les obstacles qui se dressent devant les jeunes Canadiens et Canadiennes ne les empêchent pas de franchir cette clôture.
La lutte au déficit n'avait pas pour objectif de nous permettre de célébrer nos réalisations budgétaires. Nous avons entrepris cette lutte pour alléger le fardeau de la dette qui pèse sur l'avenir d'une génération entière; nous avons entrepris cette lutte pour réduire nos versements aux institutions bancaires et pour commencer à investir dans l'avenir de la jeunesse. Et c'est précisément ce que nous allons faire.
Nous, de ce côté de la Chambre, ne pensons pas que le rôle du gouvernement doit être celui qui était le sien au XIXe siècle, soit un État guidé par le laissez-faire qui attend d'intervenir en situations d'urgence. M. le Président, nous pensons plutôt que le gouvernement du XXIe siècle doit être un partenaire efficace dont le rôle consiste à effectuer des investissements judicieux et stratégiques dans des domaines d'une réelle importance pour la prospérité future de notre pays. Le savoir et l'apprentissage comptent parmi les plus importants de ces domaines. Ils représentent la clé de l'emploi et de la croissance au cours des prochaines années. C'est la raison pour laquelle nous avons annoncé, dans notre dernier budget, la mise sur pied de la Fondation canadienne pour l'innovation. A titre de dividende de notre gestion rigoureuse des finances publiques, nous avons effectué un investissement unique de 800 millions de dollars destiné à rebâtir l'infrastructure de recherche de nos universités et de nos hôpitaux d'enseignement.
Bien que je n'aie pas l'intention de révéler le contenu de la Mise à jour financière du ministre des Finances, qui sera rendue publique à la mi-octobre, ce n'est un secret pour personne que, grâce à l'excellent travail du ministre des Finances, notre situation financière en 1997-1998 est bien meilleure que les prévisions initiales. Par conséquent, je m'attends à ce que, dans les semaines qui suivront la mise à jour financière du ministre des Finances, nous soyons en mesure de tirer parti d'un autre dividende de notre saine gestion budgétaire et d'annoncer les détails d'un autre investissement unique dans le domaine de l'apprentissage et des connaissances, semblable à ce que nous avons fait l'an dernier en mettant sur pied la Fondation canadienne pour l'innovation, mais sur une plus grande échelle. Cette fois-ci, le but de cet investissement dans notre avenir sera de réduire les barrières à l'enseignement postsecondaire.
Il ne pourrait y avoir ni plus grand projet canadien en vue du prochain millénaire ni meilleur rôle pour le gouvernement que celui d'aider les jeunes Canadiens à se préparer à entrer dans la société axée sur l'information du siècle prochain. Ainsi, notre projet du millénaire le plus important sera la mise sur pied d'un fonds des bourses d'études du millénaire, autonome du gouvernement.
Les recettes de ce fonds récompenseront l'excellence académique et se traduiront chaque année par des milliers de bourses d'études, dès l'an 2000, pour aider des Canadiens et des Canadiennes à revenu faible et modeste à poursuivre des études collégiales et universitaires. Nous participerons en étroite collaboration avec les partenaires appropriés à la conception proprement dite de ce fonds.
Ce n'est peut-être pas un monument fait de mortier et de brique, mais les Canadiens de demain pourront en constater les effets partout où ils tourneront le regard. J'espère que cela aura les mêmes répercussions en faveur de notre économie et de notre pays que celles qu'avait eu pour la fin du XXe siècle l'investissement consenti après la Seconde Guerre mondiale en faveur de l'enseignement postsecondaire pour les soldats qui rentraient au pays. Sur une note plus personnelle, j'espère que, pour des milliers et des milliers de jeunes Canadiens, cela pourra faire, à une époque différente, ce que mes parents ont été en mesure de faire pour moi ainsi que mes frères et soeurs.
En plus de cette dotation unique, le gouvernement effectuera d'autres changements au Programme canadien de prêts aux étudiants et augmentera l'aide aux étudiants avec personnes à charge. Avec ces mesures et d'autres qui seront élaborées au cours des prochains mois, en collaboration avec les provinces, nous pourrons poursuivre le progrès amorcé dans le dernier budget pour nous attaquer au problème de l'escalade des coûts des études postsecondaires et de l'endettement accru des étudiants.
Quand j'étais jeune, j'ai dû quitter la maison pour poursuivre mes études dans un pensionnat. Les petites collectivités ne disposaient alors pas des ressources nécessaires pour soutenir des établissements d'enseignement supérieur. Ce qu'il y a de merveilleux avec les technologies modernes, c'est que même les collectivités les plus éloignées peuvent être en communication avec nos meilleures institutions. Le Réseau scolaire [RESCOL], mis au point par le ministère de l'Industrie, permet aux écoles de présenter la même information, simultanément, à Whitehorse et Weyburn, à Victoria et Victoriaville. Bill Gates a déclaré que le RESCOL est « le meilleur programme au monde lorsqu'il s'agit de permettre aux enfants d'élargir leurs horizons en utilisant l'ordinateur ». Nous savons que nous en sommes capables, et nous devons en faire davantage.
Lors de mes déplacements au Canada durant les quatre dernières années, j'ai pu observer comment les technologies nouvelles renforcent le Canada rural. Dans notre programme électoral, nous promettions d'aider le Canada rural à adapter de nouvelles technologies et nous respecterons cet engagement. Il est extrêmement important de savoir que, d'ici l'an 2000, notre grand pays, avec ses millions de kilomètres-carrés, sera le pays le plus « branché » de la planète. Les distances auront alors beaucoup moins d'importance, et nous nous apercevrons que les différences ne sont pas nécessairement source de division. La technologie est un univers de promesses, mais elle doit avoir une âme.
Cet été, j'ai été déconcerté de lire les résultats d'une enquête indiquant que les jeunes Canadiens se connaissent très peu entre eux et qu'ils savent très peu de chose sur nos réalisations collectives. Selon l'enquête, dans toutes les provinces à l'exception du Québec, un plus grand nombre de Canadiens pensent que Neil Armstrong, et non Marc Garneau, est le premier astronaute canadien. Seulement 28 p. 100 des jeunes Québécois savent que John A. Macdonald a été le premier Premier ministre canadien, alors que 78 p. 100 d'entre eux ont identifié correctement Wilfrid Laurier comme le premier Premier ministre francophone. Trop souvent, nous oublions ou nous ignorons tout ce que nous avons accompli ensemble. Il est inacceptable que les jeunes Canadiens en sachent autant sur les ordinateurs et si peu sur leur pays.
C'est une des raisons pour lesquelles, à l'avenir, nos mesures en faveur de la jeunesse mettront l'accent sur les échanges. Je ne connaissais pas vraiment le Canada avant d'avoir pris un repas dans une cuisine de la Saskatchewan, avant d'avoir fait du ski dans les Rocheuses ou d'avoir marché dans la toundra arctique ou d'avoir joué au billard sur l'île Fogo, à Terre-Neuve, ou d'avoir parlé autour d'un feu de camp avec des aînés autochtones. L'histoire du Canada a produit un effet semblable dans mon coeur et dans ma façon de penser à mesure que j'ai découvert sa richesse. J'ai été profondément ému d'apprendre qu'il y a plus de 150 ans, soit lorsque la religion et la race étaient à l'origine de conflits partout ailleurs dans le monde, ici, au Canada, Robert Baldwin démissionnait de son siège au Parlement du Canada-Uni pour que son collègue, Louis- Hippolyte LaFontaine puisse faire se faire élire pour représenter le coeur du Canada anglais. LaFontaine est devenu le député francophone catholique d'une circonscription largement protestante et d'expression anglaise. En travaillant ensemble, Baldwin et LaFontaine nous auront donné un gouvernement responsable. Combien de jeunes Canadiens savent qu'il y a un peu plus d'un siècle, une époque où le monde était aux prises avec des guerres de religions, le Canada, un pays qui comptait pourtant une forte majorité de protestants et de Britanniques, élisait le premier Premier ministre francophone catholique de son histoire ? Et qu'il a eu le bon sens de réélire Laurier pour trois autres mandats, un objectif raisonnable pour tout Premier ministre, il me semble.
Nous devons trouver des moyens pour aider les jeunes à connaître ce qu'ils ont en commun, à apprendre ce que nous avons accompli ensemble, et à éprouver de la fierté envers les grandes réalisations de leur pays. Le gouvernement du Canada travaillera avec nos grands musées, avec d'autres institutions fédérales et provinciales ainsi qu'avec des organismes bénévoles pour élaborer des moyens d'élargir les connaissances des Canadiens sur ce que nous avons accompli ensemble.
Nous avons bâti un pays étonnant, respecté et même envié du monde entier. Cet automne, les représentants de plus de cent pays viendront à Ottawa signer un traité interdisant à jamais l'utilisation des mines antipersonnel. Je suis fier de mon gouvernement qui, par l'entremise du ministre des Affaires étrangères, a refusé catégoriquement d'accepter un traité diminué. Le ministre des Affaires étrangères mérite toutes nos félicitations. Nous avons travaillé avec ceux qui pensent comme nous et démontré à ceux qui entretenaient des doutes que le Canada peut faire une différence dans le monde. Lors d'une réunion internationale à laquelle j'ai récemment participé, un chef d'État m'a confié que seul le Canada aurait pu jouer ce rôle de premier plan dans la lutte contre les mines antipersonnel. Par ailleurs, je suis amplement d'accord avec le commentaire émis récemment par le député de l'opposition de Esquimalt-Saanich, un médecin qui sait à quel point les mines antipersonnel mutilent un corps humain et qui a travaillé avec nous pour obtenir cette interdiction. Il a déclaré à un journaliste que le traité sur les mines antipersonnel marque « le début d'une nouvelle ère pour la politique étrangère canadienne, soit celle où nous utilisons notre force morale à des fins humanitaires. Ce traité sauvera des milliers de vies humaines ».
Cette force morale nous vient de ce que nous sommes, de tout ce que nous avons accompli ensemble, et des valeurs que nous partageons. Les Canadiens ont manifesté cette force lors des inondations au Saguenay et au Manitoba. Que nous ayons été debout sur les digues ou observateur de la force torrentielle des flots, c'est en Canadiens que nous avons partagé ces expériences. Notre gouvernement ressent cette force morale dans tout ce que nous entreprenons.
C'est la raison pour laquelle la promotion et le renforcement de l'unité canadienne est un dossier que nous aborderons sous l'éclairage le plus large et le plus complet possible. Chaque fois que nous cherchons à réaliser les aspirations supérieures des Canadiens, nous contribuons à rendre le Canada plus uni.
Je salue l'initiative prise à Calgary par les premiers ministres provinciaux et les leaders des territoires. Il s'agit d'une affirmation constructive et positive des valeurs importantes qui décrivent ce qu'est le Canada et ce qui nous rend canadiens.
Elle présente un message clé, soit que le fait français est une partie fondamentale de l'identité canadienne. A ce titre, le caractère unique de la société québécoise par sa majorité d'expression française, sa culture et sa tradition de code civil est essentiel au bien-être du Canada. Cette dimension française est une partie essentielle de mon identité, elle a contribué à mon développement, elle m'a apporté la force et m'a procuré mon identité propre. Elle fait de moi le Canadien que je suis.
Je salue l'engagement pris par les premiers ministres et les leaders des territoires de donner voix à ces valeurs en faisant participer les populations de leurs provinces et de leurs territoires au renforcement de l'unité de notre pays.
Le message adressé aux Québécois, à tous les Canadiens d'expression française, de fait, à tous les Canadiens, est un message d'ouverture et de solidarité. C'est un message qui doit être entendu.
Je salue l'approche très constructive mise de l'avant par les chefs du Parti réformiste, du Nouveau Parti démocratique et du Parti conservateur sur cette question.
Je demande aux Québécois et aux Québécoises d'entendre le message de Calgary et de s'unir pour y donner suite. Les mots de Calgary doivent être pris pour ce qu'ils sont : un message rassembleur qui arrive à point pour être entendu de tous. C'est un autre pas important pour bâtir la compréhension mutuelle et la confiance. Comme ce document n'a pas de portée constitutionnelle ou juridique, je demande aux Canadiens de ne pas se laisser entraîner dans des analyses légalistes d'un énoncé de valeurs. Le jour pourrait venir - et j'espère qu'il viendra - où il y aura un texte légal ou constitutionnel qui pourra être considéré comme tel. Les mots de Calgary tentent d'exprimer les valeurs canadiennes qui importent et c'est ainsi qu'ils devraient être reçus.
Je promets à tous les Canadiens que nous sommes ouverts à toutes les bonnes idées pour renforcer l'unité de notre pays. Nous invitons d'ailleurs tous les partis d'opposition à soumettre leurs idées. Mais jamais, nous ne nous laisserons tenir en otages par des demandes qui diminuent ou nient à chaque citoyen canadien les bénéfices de sa citoyenneté et de notre existence en tant que nation indépendante, reconnue comme telle aux Nations unies. Nous continuerons d'être francs et ouverts sur les conséquences de ce que proposent ceux qui veulent la partition du Canada. La clarté ne provoque pas la peur, c'est l'ennemi de la peur. Notre ennemi, c'est la confusion. Dans la clarté des choses, je suis convaincu que les Québécois et les autres Canadiens resteront ensemble, car c'est le meilleur choix qu'ils puissent faire pour eux-mêmes et leurs enfants. Comme je l'ai souligné aujourd'hui, nous nous sommes engagés à travailler en collaboration et en partenariat avec tous ceux qui, de bonne foi, veulent réaliser le formidable potentiel qui attend le Canada et les Canadiens.
Nos atouts, notre détermination et nos récents succès nous ont bien placés pour développer notre potentiel de nouvelle manière et relever les nouveaux défis d'un nouveau siècle.
Au début de ce siècle, notre pays était un petit pays, nous n'avions pas de drapeau, nous n'avions pas notre propre citoyenneté canadienne. Terre-Neuve n'en faisait même pas partie. L'Alberta et la Saskatchewan n'étaient pas encore des provinces. Les quartiers défavorisés de Montréal affichaient un taux de mortalité infantile plus élevé que ce qu'on retrouve aujourd'hui dans les quartiers défavorisés de Calcutta, là même où Mère Teresa a oeuvré. Bien peu de Canadiens avaient rencontré d'autres Canadiens qui vivaient à plus de cinquante milles de distance. Dans les Prairies, les nouveaux colons vivaient isolés au cours des longs hivers sans savoir qu'ils étaient assis sur de riches gisements pétroliers. Pourtant, nous savions que l'avenir s'ouvrait devant nous.
Au début du siècle, Laurier exprimait ce rêve d'avenir lorsqu'il a déclaré :
« Il y a trois ans en Angleterre, j'ai visité un de ces modèles d'architecture gothique que la main du génie, guidée par une foi inébranlable, a su façonner dans un tout harmonieux. La cathédrale était faite de granit, de chêne et de marbre. Elle représente l'image de la nation que je veux devenir. Je veux que le marbre demeure le marbre; que le granit demeure le granit; que le chêne demeure le chêne. Je veux réunir tous ces éléments et bâtir une nation qui deviendra une grande puissance du monde. »
Nous avons bâti ce pays et nous continuons d'en façonner les éléments. Les jeunes le feront à leur tour au prochain siècle. Leur architecture sera nouvelle mais demeurera canadienne. Cette grandeur aura acquis un sens nouveau mais demeurera canadienne. Aujourd'hui, on a retrouvé au Canada la merveilleuse sensation de vivre dans un pays en mouvement, un pays qui a son importance, un pays qui rêve encore. Pendant trop longtemps, pour trop de Canadiens et de Canadiennes, le Canada semblait être en panne. Mais aujourd'hui, des Canadiens de tous les coins du pays - des Canadiens ensemble - font des choix en fonction du prochain millénaire. Je promets aux Canadiens que cette législature et ce gouvernement seront à la hauteur de leurs rêves et de leurs aspirations.
Avec toutes nos énergies, avec l'appui de nos collègues et de nos compatriotes canadiens, nous maintiendrons l'unité de notre magnifique pays, ce Canada, notre Canada. Et ensemble nous entrerons dans le nouveau millénaire dans un pays prospère, moderne et solidaire. Un modèle pour le monde.
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