Déjeuner du Canadian Club
Le 17 février 1998
Ottawa (Ontario)
On ne saurait trouver de meilleure tribune que le Canadian Club pour parler aujourd'hui des défis auxquels notre pays fait face à la veille du nouveau millénaire. Et de ce que nous faisons comme gouvernement pour aider les Canadiens à se préparer à les surmonter.
Comme vous le savez, dans une semaine, le gouvernement présentera son budget. Ce sera son cinquième. Fait encore plus important, ce budget marquera, tout comme le passage au prochain millénaire, le début d'une ère nouvelle pour le Canada.
Reportez-vous un instant vers la même époque, il y a quatre ans. Notre gouvernement était arrivé au pouvoir depuis peu. Le taux de chômage était de 11,4 %. Le déficit national était de 42 milliards de dollars - le plus élevé de notre histoire. Il y avait près de trois décennies que le gouvernement avait présenté un budget équilibré.
Quelle différence quatre années peuvent faire!
Nous voici au début de 1998, et le taux de chômage, même s'il demeure trop élevé, est tombé à son plus bas niveau en sept ans. Plus d'un million d'emplois ont été créés depuis que nous avons présenté notre premier budget, il y a quatre ans. L'inflation s'est maintenue à des niveaux historiquement bas. La confiance des consommateurs et des gens d'affaires atteint par ailleurs des sommets records. Et nos taux d'intérêt se maintiennent à des niveaux plus bas qu'aux États-Unis.
Le rapport élevé de notre déficit à notre PIB, qui nous plaçait au deuxième rang parmi tous les pays du G7, est maintenant le plus bas. Nous avons ramené ce déficit de 42 milliards de dollars en 1993 à 8,9 milliards de dollars pour l'année financière 1996-1997. Et, tout comme nous avons dépassé nos objectifs à ce chapitre chaque année, j'ai bon espoir que nous continuerons à en faire autant la semaine prochaine. L'OCDE a par ailleurs prédit récemment que le Canada sera en tête des pays du G7 pour la croissance économique et celle des emplois cette année et l'année prochaine.
Quelques jours seulement avant le dépôt de notre premier budget, il y a quatre ans, le Wall Street Journal qualifiait le Canada de « candidat tiers-mondiste ». Mais il y a quelques mois à peine, la revue The Economist de Londres a plutôt qualifié le Canada de « virtuose budgétaire ».
Je veux rendre hommage à notre ministre des Finances, M. Paul Martin. Tous les Canadiens lui sont reconnaissants d'avoir réussi à mettre de l'ordre dans le gâchis des finances publiques.
Et je veux saluer également les Canadiens et Canadiennes. Parce que, au bout du compte, le redressement de nos finances n'a pas été le seul fait du gouvernement. Il a été l'oeuvre d'une nation, d'un peuple - du peuple canadien. Ce sont les Canadiens et les Canadiennes qui ont porté le poids des compressions. Et je sais que beaucoup en ont profondément souffert.
Mais ce sont eux-mêmes qui voulaient que le gouvernement prenne des mesures réelles et vienne à bout de la situation. C'est ce que nous avons fait. Nous avons tenu nos promesses envers eux. Et ils ont fait de même envers nous.
Je veux leur dire aujourd'hui, une semaine avant la présentation du prochain budget, que nous ne ferons pas machine arrière. Notre gouvernement ne laissera jamais - je dis bien jamais - les finances du pays se détériorer de nouveau. Notre but, en les redressant, était de le faire une fois pour toutes. Nous exercerons la même discipline inébranlable dans le prochain budget - et lors de tous les suivants.
Permettez-moi d'être le plus clair possible, nous ne gaspillerons pas notre dividende budgétaire en appliquant une foule de solutions à courte vue et à saveur politique mais sans avantages à long terme pour le Canada. On ne prend pas la mesure d'un gouvernement à sa façon de traiter les questions de l'heure. On le juge sur la façon avec laquelle il prépare l'avenir. Nous ciblerons des domaines où nos actions auront le plus d'effets. Nous nous y attaquerons avec la plus grande détermination. Et nous interviendrons de façon décisive là où nous pouvons faire une différence véritable et donner un avantage à long terme au Canada.
Si le défi de notre premier mandat a été de redresser les finances du pays, celui de notre mandat actuel consiste à prendre les mesures appropriées et à faire les investissements nécessaires pour aider les Canadiens à relever leur niveau de vie.
Le Canada ne peut pas prendre pour acquis qu'il est un des principaux intervenants dans l'économie mondiale. Nous ne sommes pas une grande puissance. Et nous ne pouvons pas compter sur notre seul pouvoir économique pour trouver des créneaux appropriés dans une économie mondialisée. Le défi que notre pays doit relever est d'encourager l'innovation et de favoriser l'établissement d'un milieu de travail capable d'attirer les investissements, les emplois et les échanges commerciaux dont dépend notre avenir.
Nous, Canadiens, avons toujours eu un don spécial comme peuple pour nous adapter aux circonstances et aux réalités nouvelles. Nous avons chaque fois fait les investissements nécessaires pour nous développer et réussir. Nous avons chaque fois étendu les possibilités offertes à un plus grand nombre de personnes.
L'histoire de notre pays en témoigne. Pensons à Macdonald, qui a investi dans un chemin de fer canadien, un grand « rêve national », pour unir le pays d'un océan à l'autre. A Laurier, qui a ouvert l'Ouest canadien. A King, et Saint-Laurent, et C.D. Howe, qui ont investi dans l'infrastructure pour faire de nous une puissance industrielle. Ces hommes ont relevé le défi de chaque époque nouvelle. Ils ont créé des possibilités nouvelles et une prospérité nouvelle pour les générations qui se sont succédé.
Mesdames, Messieurs, c'est là le défi de notre temps, tout comme ce l'était à l'époque de ces grands Canadiens. Mais nous devons maintenant aider les Canadiens à achever la transition vers une nouvelle ère post-industrielle. Une ère où le savoir constituera la matière première la plus importante. Une ère où la technologie - et non pas les ressources - déterminera la richesse des nations. Une ère où les pays et les continents seront reliés par des câbles à fibres optiques, et non pas seulement par des câbles en acier. Une ère où les concepts mêmes du travail et de la sécurité seront en mutation.
L'éducation et l'apprentissage ont toujours été importants. Ils ont toujours été le gage d'un avenir meilleur. Le gage d'une plus grande sécurité et de perspectives plus intéressantes.
Je suis bien placé pour le savoir. Mon père travaillait comme machiniste le jour et il acceptait différents petits travaux le soir pour pouvoir nous envoyer à l'école, mes frères, mes soeurs et moi. Même lorsque je m'attirais des petits ennuis en classe ou dans la salle de billard, jamais mes parents n'ont cessé de croire que seule l'éducation pouvait être garante de mon avenir. C'est pourquoi les enfants Chrétien, même s'ils étaient issus de la classe ouvrière de Shawinigan-Nord, sont devenus l'un gynécologue, l'autre pharmacien, un autre encore travailleur social; il y a aussi dans notre famille des infirmières, des gens d'affaires, un éminent chercheur médical dont les travaux ont sauvé des centaines de vies, et un premier ministre du Canada dont le poste est convoité par plusieurs même s'il gagne moins d'argent que le joueur le moins bien payé de la Ligue nationale de hockey.
L'accès à des études postsecondaires a donc toujours été important. De telles études ont toujours ouvert un large éventail de possibilités. La grande différence aujourd'hui, c'est que les études postsecondaires ne sont plus seulement une garantie d'avenir meilleur pour les gens : elles sont notre seule chance de connaître la croissance et la prospérité au prochain siècle.
A Shawinigan, quand j'étais jeune, beaucoup de mes amis n'allaient ni au collège ni à l'université, mais ils trouvaient du travail dans des usines qui les payaient bien et qui leur offrait une sécurité. Aujourd'hui, bon nombre de ces usines sont disparues. Et la sécurité aussi.
La situation à Shawinigan est la même que partout ailleurs au Canada. C'est la même pour toutes les familles. Il suffit de regarder les faits. Au cours de la dernière récession, de 1990 à 1993, 640 000 emplois ont été perdus chez les gens qui n'avaient fait que des études secondaires. Or, durant la même période, 450 000 emplois ont fait leur apparition pour les diplômés des établissements d'enseignement postsecondaire.
Depuis 1981, deux millions d'emplois occupés par des diplômés du secondaire ont disparu. Mais cinq millions d'emplois ont été créés pour les titulaires de diplômes postsecondaires.
De récentes données révèlent que les diplômés des universités, des collèges communautaires et des écoles professionnelles ont un revenu de 45 % supérieur à ceux qui n'ont fait que des études secondaires ou moins.
En 1996, le taux de chômage des titulaires de diplômes postsecondaires était de 5 % - environ la moitié de la moyenne nationale. Le même taux était de 15 % pour les gens n'ayant fait que des études secondaires ou moins.
Voilà pourquoi, en tant que société, nous devons faire tout notre possible pour garantir un meilleur accès aux études postsecondaires à nos jeunes. Notre gouvernement a déjà beaucoup investi pour bien préparer les jeunes Canadiens à cette ère de l'information. Même lorsque le déficit nous obligeait à comprimer nos dépenses, nous avons investi de l'argent frais dans des initiatives comme Rescol, ce programme qui relie chacune des 16 000 écoles canadiennes et toutes les bibliothèques publiques du pays à Internet.
La semaine dernière, j'ai eu l'honneur de livrer le 50 000e ordinateur provenant du Programme des Ordinateurs pour les écoles à une école secondaire de Winnipeg. En vertu de ce programme, notre gouvernement, en partenariat avec le secteur privé, fournit des ordinateurs mis à niveau à des écoles canadiennes, pour aider les enfants à mettre toutes les chances de leur côté.
Dans le budget de l'année dernière, nous avons créé la Fondation canadienne pour l'innovation, une organisation indépendante dotée d'un budget de 800 millions de dollars pour financer la recherche dans les universités et les hôpitaux d'enseignement partout au Canada.
Au début de l'actuelle session du Parlement, j'ai annoncé le programme qui fait toute ma fierté : le Fonds des bourses du millénaire. Comme vous le savez, il y aura une grande dotation à cette fin dans le prochain budget. Je ne vous en dirai pas plus pour l'instant, mais j'ai du mal à dissimuler mon enthousiasme.
Ce qui me rend aussi très fier, c'est de voir que l'élimination du déficit - la grande victoire de notre gouvernement - va nous permettre d'ouvrir de nouvelles perspectives à nos jeunes pour le nouveau millénaire.
Trop de Canadiens n'ont pas les moyens de poursuivre des études collégiales ou universitaires. Je ne suis pas issu d'une famille riche, mais j'ai eu de la chance. Mes parents ont été en mesure de m'aider.
Mais, contrairement à moi, ce ne sont pas tous les jeunes d'aujourd'hui qui on des parents qui peuvent les soutenir. La société a envers eux une responsabilité collective : celle de les aider. Et c'est exactement ce à quoi doit servir le fonds des bourses du millénaire.
Grâce aux bourses du millénaire, des dizaines de milliers de Canadiens aux revenus modestes pourront fréquenter les universités et les collèges communautaires. C'est le genre de projet qui en dit long sur la sollicitude des Canadiens. Nous ne voulons pas d'un monument vide de sens pour marquer l'avènement du prochain millénaire. Nous voulons au contraire léguer quelque chose qui améliorera la qualité de vie des gens et qui enrichira notre pays.
Ces initiatives et toutes les autres qui figureront dans le budget de la semaine prochaine visent un objectif commun : créer des possibilités pour les jeunes Canadiens et leur ouvrir toutes grandes les portes de l'avenir.
C'est là une responsabilité qui incombe à tous les gouvernements - je dirais même à tous les secteurs de la société. Contribuer à un avenir meilleur pour nos jeunes. Édifier une économie plus solide et un avenir plus prometteur pour notre nation.
Si incroyable que cela puisse paraître, certains trouveront à y redire.
Mesdames et messieurs, tout ce que nous voulons faire, c'est de préparer la jeunesse canadienne à entrer dans un nouveau siècle et à prendre sa place dans la nouvelle économie.
Quant à moi, je me refuse à faire de la politique au dépens de l'avenir de nos jeunes. Ils ont droit à beaucoup mieux.
Nous devons tous travailler en partenariat -- parents, étudiants, secteur privé, gouvernements provinciaux et fédéral.
L'économie mondialisée, la nouvelle économie, n'est pas affaire de compétences exclusives, elle dépend plutôt de notre capacité de bien canaliser nos forces et de travailler ensemble. Et c'est ce que nous ferons.
Le fait est que notre gouvernement veut faire de son mieux pour créer un environnement qui permette aux jeunes Canadiens de réaliser leurs rêves et leur potentiel. Loin de nous l'idée de gérer les collèges ou les universités. Nous n'avons pas à mettre notre nez dans les programmes d'études. Ce sont là des responsabilités qui appartiennent aux provinces en vertu de la Constitution. Et, d'après moi, c'est très bien ainsi.
Notre responsabilité consiste à faire en sorte que les jeunes Canadiens et Canadiennes bénéficient de l'égalité des chances et aient accès aux ressources financières leur permettant de fréquenter les établissements provinciaux; là où ils pourront acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour accroître leur niveau de vie tout en renforçant l'économie de notre pays.
Cette responsabilité a été acceptée par toutes les administrations fédérales depuis la Deuxième Guerre mondiale, et c'est ce qui a permis au Canada de devenir la société moderne que l'on connaît. C'est au nom de cette responsabilité qu'on a payé les études universitaires des soldats qui revenaient du front en 1945. Notre soutien à la recherche médicale, à la recherche en sciences et en génie, et notre appui aux arts et aux sciences nous ont enrichis à bien des égards.
Voilà notre vision de l'avenir. Vous la trouverez dans le budget de la semaine prochaine. Dans les budgets qui suivront. Dans tout ce que nous faisons. Un nouveau siècle foisonnant de possibilités. Une prospérité nouvelle. Une vie meilleure. Pour nous-mêmes, nos enfants et les générations à venir. Elle est ambitieuse, notre vision. Mais simple en même temps.
Je suis en politique depuis un bon moment déjà. Ce qui me fait le plus plaisir, c'est quand on me présente comme un politicien « à l'esprit pratique ». J'aime à penser que c'est là quelqu'un qui cherche des solutions, qui obtient des résultats. Certains prétendent que l'esprit pratique ne remplace pas la vision...
A ceux-là je réponds qu'avoir de la vision, ce n'est pas faire de beaux discours creux, c'est voir l'enfant de Rankin Inlet qui est relié au reste du monde grâce à Rescol et qui découvre que son univers arctique fascine les gens à Toronto, à New York et à Tokyo. Avoir de la vision, ce n'est pas se réfugier derrière les slogans politiques, c'est voir cette mère seul soutien de famille apprendre qu'une bourse du millénaire va lui ouvrir une nouvelle vie. Avoir de la vision, ce n'est pas se contenter d'être beau parleur, c'est voir un enfant du centre-ville de Montréal naître en santé parce que sa mère a pu bénéficier d'un programme de nutrition prénatale. Avoir de la vision, ce n'est pas se réfugier derrière des slogans politiques, c'est voir un enfant de Brandon qui va à l'école suffisamment vêtu après avoir pris un bon petit-déjeuner, grâce à la Prestation fiscale pour enfants. Avoir de la vision, ce n'est pas se réfugier derrière les slogans politiques, c'est voir un enfant du Cambodge ou de la Bosnie qui peut envisager de nouveau avoir la chance de courir dans les champs, parce qu'un pays comme le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'élimination des mines antipersonnel. Avoir de la vision, ce n'est pas se réfugier derrière les slogans politiques, c'est un gouvernement qui se préoccupe suffisamment de l'avenir de nos enfants pour alléger de façon permanente le fardeau des déficits qui pesait sur les espoirs et les rêves d'une génération.
Faire preuve de vision, pour moi, et pour la plupart des Canadiens sans doute, c'est tirer profit de cette incroyable chance que nous avons de vivre au Canada. Une chance qui a souri aux enfants Chrétien à Shawinigan et à bien d'autres comme eux. L'engagement que je prends devant vous, c'est de contribuer à offrir cette chance aux jeunes Canadiens et Canadiennes d'aujourd'hui. Faire preuve de vision, Mesdames et Messieurs, c'est s'entourer de gens qui ont à coeur le bien de leurs concitoyens.
La promesse de mon gouvernement, c'est de leur redonner l'élan dont ils ont besoin pour croître et concrétiser leurs rêves.
- 30 -
|