Dîner de la Fondation pour les Autochtones
Le 19 mars 1998
Ottawa (Ontario)
Je suis honoré de prendre la parole au premier dîner-bénéfice de la Fondation autochtone pour les Autochtones.
Vous n'ignorez pas que cette fondation a été établie pour encourager les Autochtones à participer en plus grand nombre au processus politique. C'est un objectif important, et les organisateurs du dîner méritent d'être félicités.
Pourquoi cet objectif est-il important?
Elijah Harper a déclaré que la politique fédérale n'intéressait pas les Autochtones pour une bonne raison : elle n'était pas un sujet de discussion dans leurs familles parce qu'ils n'ont obtenu le droit de vote au niveau fédéral qu'en 1960. Rétrospectivement, cet état de chose devrait faire honte aux Canadiens.
Nous étions tous responsables de cette injustice, ainsi que d'innombrables autres formes d'ostracisme. Et, maintenant, si nos déclarations concernant l'autonomie gouvernementale autochtone, les droits inhérents et le traité, sont sincères, il nous incombe à tous de veiller à ce que les Autochtones puissent faire entendre clairement leur voix au sein du gouvernement, à ce qu'ils aient le droit de participer aux discussions sur un pied d'égalité et à ce qu'ils soient invités à participer au processus démocratique :
- non en tant qu'adversaire;
- mais en tant que partenaires et amis.
En 1958, deux ans avant que le droit de vote ne soit accordé aux Autochtones, le sénateur Len Marchand, au mépris de la loi, a voté lors des élections générales. Dix ans plus tard, il était élu député, pour devenir ensuite le premier Autochtone à être nommé ministre fédéral. Nous lui sommes très redevables de son leadership et de sa détermination.
Les Len Marchand sont nombreux dans l'histoire de notre pays, un fait que les Canadiens ne reconnaissent pas encore, mais qui doit l'être. Des gens comme Poundmaker, Crowfoot, Jake Fire, Isaiah Smith, et d'innombrables autres, ont contribué à faire du Canada un pays fort. Ces gens font partie intégrante de ce qui fait le Canada ce qu'il est.
J'ai été ministre des Affaires indiennes. Bien que j'ai souvent dit, en plaisantant, que c'était une bien lourde responsabilité, c'est celle qui m'a apporté la plus grande satisfaction personnelle. Les amis que je me suis fait à cette époque sont encore des amis aujourd'hui, trente ans plus tard.
J'avais l'habitude de penser aux engagements historiques qui avaient été pris, « aussi longtemps que le soleil brillera, que l'herbe poussera et que les rivières couleront ».
L'expérience politique aidant, j'ai compris que ces engagements, ces promesses, n'étaient pas des post-scriptum, mais plutôt des ententes, des documents évolutifs qui doivent orienter nos relations dans les années 2000.
En d'autres mots, ces promesses n'étaient pas une fin en soi, mais des indicateurs sur la voie qui nous mènera au but ultime.
Vous n'ignorez pas que « Canada » est un terme autochtone qui signifie « village ». J'ai toujours maintenu, depuis mon entrée en politique, que les habitants de ce village peuvent être différents, notamment par la langue et la culture, mais être quand même des Canadiens, unis par un même amour pour ce pays et fiers d'avoir en commun l'esprit de tolérance, la compassion, l'ouverture d'esprit et la bienveillance.
Nous avons déjà une Commission des peuples autochtones. Et deux Autochtones ont été élus sous la bannière libérale. Mais deux députés autochtones, c'est franchement insuffisant.
Les questions autochtones sont si diverses et si complexes qu'un plus grand nombre d'Autochtones doivent siéger au Parlement. Des personnes passionnées et bien informées qui porteront les questions autochtones à l'attention de la nation. C'est ce que je pense sincèrement, et je vous promets que nous ferons des efforts soutenus pour trouver des candidats autochtones et les aider à être désignés candidats, puis à être élus députés, afin qu'ils prennent la place qui leur revient à la Chambre des communes.
Les relations entre les peuples autochtones et les autres Canadiens évoluent constamment. Un des plus récents faits marquants de ces relations a été la publication de Rassembler nos forces -- Le Plan d'action du Canada pour les Autochtones.
Dans notre Déclaration de réconciliation, nous reconnaissons qu'il nous faut renoncer aux anciennes façons de faire.
En tant que gouvernement et en tant que libéraux, nous avons reconnu qu'il y avait de nouvelles façons d'aborder l'avenir, des façons qui mettront particulièrement l'accent sur la création de gouvernements et de collectivités autochtones forts, dans un partenariat élargi, avec les peuples autochtones et d'autres gouvernements, organisations et Canadiens.
Pour pouvoir vivre ensemble dans notre grand pays, et célébrer nos différences, nous devons nous connaître et nous comprendre les uns les autres. Le legs du passé fait de cet objectif un défi pour l'avenir. Comment mieux nous connaître et mieux nous comprendre, si nous n'arrivons même pas à trouver des façons de nous rapprocher?
Les Autochtones doivent s'organiser et parler de manière à être entendus de tous les Canadiens, en toutes circonstances, que ce soit lorsqu'ils font des affaires ou négocient des traités modernes.
Cela ne veut pas dire pour autant qu'il revient entièrement aux Autochtones de se faire comprendre de nous. Les Autochtones font de la politique dans ce pays depuis beaucoup plus longtemps que nous.
Ce que j'entends par là en fait, c'est que les peuples autochtones sont confrontés à l'énorme défi d'élaborer, dans un monde moderne, des structures et des organisations politiques qui traduisent qui ils sont et ce qu'ils veulent.
Il y a parmi nous ce soir des dirigeants autochtones au Canada qui peuvent nous dire à quel point cela est difficile, mais également combien il est gratifiant de voir les attitudes changer pour le mieux.
Gouverner est difficile. Il est toujours plus facile d'être dans l'opposition. Pour chaque étape franchie, il y a un détracteur qui vous attend au tournant. Mais il faut du courage pour franchir ces étapes. Dans chaque relation, il y a des moments décisifs. Et le plan d'action « Rassembler nos forces », que nous abordons ici ce soir, est un de ces moments décisifs. Les dirigeants autochtones et les ministres de mon Cabinet ont été bien avisés de se réunir en janvier lorsque Jane Stewart a prononcé la Déclaration de réconciliation au nom du gouvernement du Canada.
Ce soir, je veux féliciter ces dirigeants et ces ministres. Je veux leur dire à quel point je suis fier d'eux. Leur dire qu'ils peuvent compter sur mon soutien personnel - et sur celui de mon gouvernement - peu importe les difficultés qu'ils trouveront sur leur chemin.
Ainsi que l'a dit le chef Richard Poorman, « ce processus est loin d'être parfait », mais nous devons avancer. Et nous avancerons.
Un énorme défi se pose à nous. Pendant trop longtemps la « politique des Indiens » et la politique dominante ont été considérées comme deux entités distinctes - deux courants distincts.
Les vétérans ont judicieusement observé que lorsque les aspirations des Autochtones sont graduellement comblées, un malaise s'installe.
Nous avons vu l'émergence de la « politique à mot-code ». Des mots, qui selon toute évaluation rationnelle, ont pour but de monter les non-Autochtones contre les Autochtones. Il s'agit là d'une politique malsaine, qui ne sera tolérée par aucun libéral.
Nous avons besoin de votre aide. Des alliés ne peuvent que se soutenir mutuellement. Nous ne nous protégerons que si nous participons et nous n'avancerons que si nous unissons nos forces. C'est là une leçon que nous Canadiens pouvons enseigner au monde.
Lorsque que je prends du recul pour regarder la manière dont nos relations évoluent en ce moment, je suis encouragé par ce que je vois. Je suis optimiste pour l'avenir.
Comme pour toutes relations, la relation entre les Autochtones et les non-Autochtones au Canada exige un effort constant. La Commission royale sur les peuples autochtones nous a demandé d'essayer de nouer des relations de respect et de reconnaissance, de responsabilité et de partage mutuels. C'est là une dynamique qu'il nous faut renforcer à tous les niveaux - de personne à personne, de collectivité à collectivité et de gouvernement à gouvernement.
Nous devons à présent faire en sorte que les peuples autochtones du Canada prennent la place qui leur revient dans toutes les sphères de la société - sociale, économique et politique. Nous, en tant que parti et que gouvernement, et en tant que Canadiens, avons tout à gagner.
Ce soir, nous franchissons une « deuxième » étape importante. Encore une fois, je tiens à vous remercier d'être venus témoigner votre soutien.
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