Devant l'Institut d'études de politique internationale
Le 21 mai 1998
Milan (Italie)
Il y a cinq cents ans, Giovanni Caboto a touché les rives de l'actuelle Terre-Neuve, marquant ainsi le début du grand voyage de découverte qui a donné naissance au Canada.
Il y a un peu plus d'un siècle, des Italiens par milliers ont entamé leur propre voyage de découverte. Ils sont venus de lieux comme L'Aquila dans les magnifiques Abruzzes, que j'aurai le plaisir de visiter demain, et de milliers d'autres villes et villages à travers l'Italie. Ce voyage de découverte allait durer près d'un siècle. Dans ce jeune pays de l'autre côté des mers, ils souhaitaient se bâtir une nouvelle vie dans un pays nouveau.
Cette visite est aussi un voyage de découverte. Elle permet autant au Canada qu'à l'Italie de découvrir la réalité actuelle de l'autre pays, de voir au-delà des clichés et stéréotypes la réalité de deux pays dynamiques et en plein essor -- deux citoyens du monde engagés et dévoués, deux pays au seuil d'un nouveau millénaire plein de promesses.
Ce voyage de découverte mutuelle ne survient pas trop tôt. En effet, si nos pays éprouvent beaucoup d'admiration et d'affection l'un pour l'autre, nous ne nous connaissons pas vraiment.
Les Canadiens connaissent l'art de la Renaissance, la cuisine, la haute couture. Mais combien de Canadiens savent que l'Italie est la cinquième économie au monde? Combien savent que cette ville et cette région sont au coeur d'un centre de haute technologie qui compte parmi les plus importants pas seulement en Europe, mais dans le monde?
Les Italiens, pour leur part, connaissent les tuniques rouges de la Gendarmerie royale, les montagnes Rocheuses, les lacs et les grands espaces. Mais combien d'Italiens savent que le troisième constructeur d'avions au monde, après Boeing et Airbus, est Bombardier, à Montréal? Et combien d'entre eux savent que le quatrième fabricant de matériel de télécommunications est Nortel, de Brantford, en Ontario?
Combien de gens dans l'un ou l'autre de nos pays savent tout ce que nous avons en commun? Sur la scène internationale, non seulement sommes-nous souvent assis à la même table, mais en plus nous partageons souvent la même vision du monde.
Quand il s'agit de rétablir la paix dans les zones de conflit à travers le monde, le Canada et l'Italie sont présents. Quand il s'agit de combattre les efforts qui minent la souveraineté, comme la loi Helms-Burton aux États-Unis, le Canada et l'Italie sont présents. Quand il s'agit de promouvoir la libéralisation des échanges dans le monde entier -- qui représentera le moteur de la prospérité au cours du prochain siècle -- le Canada et l'Italie sont présents.
Nos deux pays sortent l'un et l'autre du gouffre d'un long déclin économique et voient enfin rayonner l'espoir et l'optimisme. Nos pays reconnaissent la nécessité du changement. Alors que nous craignions l'avenir il y a quelques années à peine, nous envisageons maintenant ses promesses avec enthousiasme.
Il n'y a pas si longtemps, aux yeux du monde, le Canada ne paraissait pas à la hauteur de ces défis. Nous voguions à la dérive, aspirés dans un tourbillon dont nous n'avions pas la force de nous sortir.
Lorsque notre gouvernement est arrivé au pouvoir il y a quatre ans et demi, notre déficit s'élevait à 42 milliards de dollars -- le plus lourd de notre histoire -- et il continuait de s'alourdir. Pire encore, il représentait six pour cent de notre PIB et était en hausse. Et nous faisions appel dans une large mesure aux emprunts à l'étranger pour financer notre dette.
Notre taux de chômage national s'élevait à 11,4 p. 100 au début de 1994. Nos taux d'intérêt restaient toujours supérieurs aux taux d'intérêt de notre plus important partenaire économique, les États-Unis. En 1994, le Forum économique mondial a classé le Canada numéro seize sur le plan de la compétitivité internationale alors qu'il était numéro cinq quelques années auparavant.
Et comme si ça ne suffisait pas, le Wall Street Journal affirmait que notre performance économique et financière faisait du Canada un « aspirant au titre de pays du Tiers-Monde ».
Maintenant, sautons maintenant de 1993 à 1998.
En février, notre gouvernement a présenté un budget équilibré -- le premier en près de trente ans -- et le seul budget équilibré des pays du G7. Et nous avons annoncé que les deux prochains budgets seront également équilibrés -- ce sera la première fois qu'un gouvernement canadien aura réussi à présenter trois budgets équilibrés consécutifs en près de cinquante ans.
Le ratio de la dette au PIB ne cessera de diminuer. Et nous avons adopté un plan de réduction de la dette -- année après année après année.
En 1997, la croissance économique au Canada a été plus rapide que celle des autres pays du G7. Et selon les prévisions, nous devancerons encore les pays du G7 en 1998. Plus d'un million d'emplois ont été créés au Canada depuis que nous avons pris le pouvoir en 1993. Notre taux de chômage a atteint son niveau le plus bas en près de huit ans.
Pour la toute première fois, les taux d'intérêt à court et à long terme au Canada sont inférieurs à ceux des États-Unis. En 1997, notre compétitivité remontait en flèche et redevenait numéro quatre dans le classement du Forum économique mondial. Le service de collecte de renseignements de la revue Economist Intelligence classe maintenant le Canada troisième parmi une soixantaine de pays où il est recommandé d'investir au cours des quatre prochaines années.
Nous avons restructuré le gouvernement en profondeur. Nous avons également développé une nouvelle approche -- qui consiste à bâtir des partenariats. Nous travaillons en partenaires des provinces, en partenaires du secteur privé, en partenaires des organisations non gouvernementales, et ce, dans tous les domaines -- de la promotion du commerce aux normes environnementales. Et ces partenariats fonctionnent dans le meilleur intérêt des Canadiens.
Aujourd'hui, les médias internationaux ne nous relèguent plus au Tiers monde. Ils parlent du « miracle de la feuille d'érable » comme le faisait récemment Business Week. Ou de « virtuosité budgétaire » pour reprendre les propos du magazine The Economist. Ou ceux du Financial Times de Londres qui, la semaine dernière, a décerné au Canada le titre de « Top Dog », soit de premier de classe du G7.
Aujourd'hui, le Canada s'apprête à entrer dans une nouvelle ère de prospérité. Nous jouons de nouveau avec assurance un rôle constructif dans la communauté des nations et dans l'économie mondialisée.
Et tout le crédit en revient au peuple canadien, à son courage, à sa discipline et à sa solidarité. Il a exigé que nous prenions les décisions difficiles qui s'imposaient pour entreprendre et compléter le redressement de nos finances publiques.
Et, aujourd'hui, les Canadiens et les Canadiennes éprouvent un sentiment de fierté : le sentiment du travail accompli. Après avoir vu leurs efforts historiques porter fruit, ils ont le sentiment que tout est possible. Avec une assurance et un optimisme renouvelés, ils misent aujourd'hui sur nos succès économiques et financiers et ils sont déterminés à faire en sorte que jamais, plus jamais, nous ne perdions la maîtrise de nos finances.
Nos nouvelles priorités au pays traduisent cette confiance nouvelle et cet engagement, ainsi que notre détermination d'assurer un niveau de vie et une qualité de vie toujours meilleurs à tous les Canadiens à l'aube d'un nouveau siècle.
C'est la raison pour laquelle, il y a trois mois, nous avons établi la Fondation des bourses d'études du millénaire qui aidera, chaque année, 100 000 Canadiens et Canadiennes à fréquenter l'université, un collège communautaire ou un établissement d'enseignement technique. C'est la raison pour laquelle nous avons établi le Réseau scolaire, qui reliera chaque école et bibliothèque publique du Canada à l'Internet et entre elles. Quand tout sera terminé l'an prochain, le Canada sera le premier grand pays industrialisé au monde à s'être doté d'un réseau scolaire national. Nous offrons ainsi un avantage considérable à nos jeunes, mais en plus nous consolidons la position de chef de file mondial du Canada dans le domaine des télécommunications.
Nous attachons aussi une haute priorité aux échanges à l'échelle mondiale. Au Canada, quarante pour cent de notre PIB dépend des exportations, soit une proportion plus élevée que dans tout autre pays industrialisé.
Nos emplois et la santé de notre économie dépendent du commerce. Et pour augmenter l'emploi et la prospérité, il faut accroître le commerce. C'est pourquoi nous avons été à l'avant-garde des efforts en vue d'éliminer les obstacles au commerce partout dans le monde. Dans les Amériques et dans la région du Pacifique, nous avons pris les devants dans le mouvement de libéralisation du commerce.
Et nous avons été les premiers à préconiser un lien commercial entre l'ALENA et l'Union européenne. L'heure n'est peut-être pas venue, mais je suis sûr qu'elle viendra. Il ne peut en être autrement.
D'une manière plus directe, le Canada encourage énergiquement le commerce sur les marchés du monde entier. Les missions commerciales Équipe Canada, que j'ai dirigées avec les premiers ministres de toutes les provinces canadiennes, ont permis de conclure des accords commerciaux d'une valeur de milliards de dollars et ont aidé à créer des milliers de nouveaux emplois.
La mission commerciale de cette semaine en Italie offre un autre exemple de notre engagement en faveur de l'accroissement des échanges entre nos deux pays.
C'est un fait que le volume des échanges entre le Canada et l'Italie devrait être plus élevé -- beaucoup plus élevé. Les échanges bilatéraux entre nos pays ne totalisent que cinq milliards de dollars par année -- soit le montant de nos échanges avec les États-Unis en cinq jours. Ce n'est clairement pas assez entre les cinquième et septième économies du monde. Les sociétés qui nous accompagnent illustrent certains des secteurs où les savoir-faire canadiens complémentent les besoins de l'Italie.
Dans les télécommunications, nous avons avec nous certains des meilleurs -- et des plus importants -- spécialistes des télécommunications au monde. En reliant le Canada -- un territoire immense ne comptant qu'une petite population -- ils ont conçu et perfectionné des moyens de transmission de données et de communications en phonie à la fine pointe de la technologie.
Notre secteur aérospatial est également bien représenté dans cette mission. Il offre aussi des possibilités immenses, pas seulement pour ce qui est d'appuyer et d'approvisionner les entreprises dynamiques que compte l'Italie dans ce domaine, mais aussi pour travailler avec elles, dans le cadre de partenariats et d'entreprises conjointes, en vue d'exporter et de conquérir de nouveaux marchés dans des pays tiers. En rassemblant nos forces, nous pourrons créer de l'emploi et des perspectives nouvelles aussi bien au Canada qu'en Italie.
Je dois mentionner que nous sommes arrivés en Italie avec un atout caché : les un million et demi de Canadiens d'origine italienne. Ils forment une communauté nombreuse et dynamique au coeur de la société canadienne.
Les quatorze députés nés en Italie ou d'ascendance italienne qui nous accompagnent en sont la preuve. Parmi eux se trouvent deux ministres, Sergio Marchi, ministre, comme il se doit, du Commerce, et Alfonso Gagliano, ministre des Travaux publics. Ces parlementaires démontrent bien le succès impressionnant des Canadiens italiens -- un succès que les communautés italiennes n'ont égalé dans aucun autre pays.
Cependant, ces parlementaires ainsi que les nombreux gens d'affaires italo-canadiens qui font partie de la mission commerciale, représentent également une nouvelle génération au Canada. Une génération dont l'Italie doit connaître l'existence. Leurs racines sont italiennes, mais ils sont fermement Nord-Américains, par leurs attitudes, par leurs opérations et par leur savoir-faire. Bon nombre d'entre eux parlent l'italien. Ils comprennent l'Italie. Ils sont un atout caché que nous n'hésiterons pas à utiliser chaque fois que l'occasion s'en présentera pour rapprocher nos pays -- et nos économies.
Mesdames et messieurs, j'ai commencé par vous parler ce soir de notre voyage de découverte mutuelle. Je veux terminer en vous parlant d'un autre voyage que nous entreprenons tous les deux. Le voyage dans l'inconnu d'un nouveau millénaire.
C'est un voyage qu'à mon avis, nous sommes faits pour entreprendre ensemble. En tant que grandes économies. En tant que puissances moyennes. En tant que pays unis par des millions de liens personnels et par un passé d'expériences et de valeurs communes.
Un voyage, mesdames et messieurs, tout aussi important que celui de Giovanni Caboto il y a cinq cents ans.
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