Transcription Allocution du Premier ministre Jean Chrétien Allocution devant les délégués au Congrès du parti libéral du Canada (Québec)
Le 28 novembre 1999
Hull (Québec)
Madame la présidente, messieurs et mesdames les ministres, députés et sénateurs, membres de l'exécutif, chers amis libéraux.
Tout d'abord permettez-moi de féliciter très sincèrement madame Françoise Patry pour sa réélection comme présidente de l'aile québécoise du Parti libéral du Canada. (Applaudissements)
Elle a fait un travail magnifique. Je suis sûr qu'elle va continuer à faire un excellent travail au cours de son deuxième mandat et je dois vous dire que je lui souhaite un troisième mandat aussi. (Applaudissements)
Mais ce qui est le plus important, c'est le succès qu'elle a remporté avec ce congrès. Nous avons eu plus de 1 100 délégués inscrits, et près de 40 p. 100 étaient des jeunes. (Applaudissements)
Quand je réalise les progrès que nous avons faits depuis 1990, je suis très ému de voir que notre parti est en aussi bonne santé. Je voudrais remercier les militants pour le travail qu'ils font et je voudrais remercier les ministres, les députés, les bénévoles qui, sous la direction d'Alfonso Gagliano, ont fait des tournées au Québec qui ont remporté un succès considérable.
La présence du Parti libéral fédéral a été extrêmement bien perçue partout au Québec et que de fois des ministres et des députés ou Alfonso et des sénateurs me disaient nous sommes très bien reçus, et que les gens nous demandent de revenir. Je trouve que c'est très très encourageant. Et je sais – et tantôt madame Patry vous le disait – que nous sommes très fiers, nous sommes très fiers de ce que nous sommes. Nous sommes des citoyens du Québec.
Nous ne sommes pas tous francophones, mais nous sommes tous des Québécois fiers de l'être. Voilà ce que je pense – nous sommes tous de la même province, mais nous sommes aussi tous Canadiens, comme vous l'avez d'ailleurs dit, madame Patry. (Applaudissements)
Et je sais que vous avez bien travaillé, vous avez adopté des résolutions qui serviront le parti très bien. Nous allons les étudier sérieusement. Ces résolutions seront aussi débattues lors du congrès de mars, alors que tous les libéraux du Canada se réuniront pour préparer le programme électoral. Parce qu'un jour nous ferons face à une élection. Nous sommes au gouvernement depuis plus de six ans et le deuxième mandat, nous en avons déjà exercé plus de la moitié. Ça fait deux ans et demi que nous avons été élus. Alors il y a aura des élections très bientôt et il nous faut un bon programme.
Vous savez, nous avons eu beaucoup de succès avec nos programmes électoraux. Nous avons travaillé fort, le Livre Rouge numéro un, le Livre Rouge numéro deux ont été d'une très grande utilité pour le gouvernement. Et il faut continuer. Et comme c'est mon devoir comme chef du parti de nous préparer, parce qu'on ne sait jamais ce qu'il peut arriver, j'ai demandé à mon bon ami John Rae de diriger le comité de préparation de l'élection, et maintenant nous allons trouver des gens pour écrire le programme.
Monsieur Martin avait travaillé avec Chaviva Hosek pour le premier, ensuite ça a été madame Robillard qui a fait le travail avec l'aide de tout le monde, alors il faut que ce soit quelque chose de bâti par le parti dans son entier. Alors, je vous dis, membres du Parti libéral du Canada section Québec : votre travail a été bien fait, je vous en remercie et je suis très fier de vous. (Applaudissements)
Mais avant de parler d'un sujet qui attire l'attention ces jours-ci, et qui s'appelle la Cour suprême et le référendum, je voudrais prendre quelques minutes pour vous parler du rôle du Premier ministre et du Cabinet dans un gouvernement responsable.
Nous sommes au gouvernement depuis plus de six ans. Nous étions extrêmement heureux lorsque nous avons eu le mandat de la population canadienne en 1993 de former le gouvernement. Seulement, avec le gouvernement arrive les responsabilités, et je voudrais partager certaines situations que nous avons vécues ensemble.
Je voudrais vous parler du mois de décembre 1993, lorsque notre bon ami Paul Martin est venu me voir, et le déficit qui était prévu à 31 milliards de dollars était soudainement entre 42, allait être entre 42 et 44 milliards de dollars. Alors qu'on se faisait dire par les financiers étrangers que le Canada était au bord de la faillite. Certains ont même dit durant cette période que nous allions bientôt devenir un pays du tiers monde.
Je suis pas sûr que Paul était très très content d'avoir accepté mon offre de devenir ministre des Finances cette journée là quand il m'a dit ça. Et qu'il m'a dit en plus, nous avons un gouverneur de la Banque du Canada qui est très prestigieux, son mandat se termine. Nous avons discuté lui et moi de l'opportunité de le remplacer, parce que nous avions à ce moment-là des taux d'intérêt de plus de 11 p. 100, le chômage était à 11,4 p. 100, les hommes d'affaires et le marché adoraient monsieur Crow et nous avons décidé de le remplacer. Ni Paul, ni moi n'avons dormi cette nuit-là, et alors nous avons commencé notre travail.
Nous avions 121 milliards de dépenses par année, l'année 1993-1994. Nous nous sommes attaqués à ce problème-là, et nous avons ramené les dépenses à 101 milliards de dollars. Nous avons été obligés de laisser aller 65 000 fonctionnaires, et comme je le disais hier, Marcel Massé nous a énormément aidés pour ce travail absolument incroyable et nous l'avons fait dans l'ordre. (Applaudissements)
Et c'est pourquoi aujourd'hui le ministre des Finances du Canada a une réputation internationale. On l'a choisi comme président du Groupe des Vingt pour essayer de bâtir un nouveau système mondial pour la circulation des capitaux. Nous avions commencé ce travail Paul et moi en 1995 au Sommet de Halifax du G7, et je pense que je dois publiquement le remercier, mais je pense que tous les Canadiens doivent le remercier pour le travail extraordinaire qu'il a fait. (Applaudissements)
Ensuite arrive 1995, une autre crise. Nous avions demandé aux pêcheurs de Terre-Neuve d'arrêter de pêcher la morue sur les bancs de Terre-Neuve – et les autres poissons aussi – parce que le poisson allait disparaître. Mais les Espagnols et les Portugais venaient sur nos côtes, venaient sur le plateau continental – parce que le plateau continental est plus de 200 milles dans la mer – et vous vous rappelez, nous avons arrêté un bateau espagnol.
Notre ami Tobin et notre ami Ouellet ont travaillé sur ce dossier-là. Je me rappelle très bien, le Vendredi saint, je suis revenu d'un voyage en tournée avec Aline et là on a dit, Aline m'a dit le soir on va se reposer pour la fin de semaine. Bien j'ai dit sais-tu Aline, demain je vais faire la guerre aux Espagnols. Elle n'a pas dormi de la nuit. (Rires) Et de fait le matin suivant, nous avons donné ordre à l'armée canadienne d'envoyer les navires pour chasser les pêcheurs espagnols qui ne voulaient pas respecter la conservation qui était nécessaire, et aujourd'hui le droit international a été changé à cause de cette initiative. (Applaudissements)
Il y a dix ans à l'École polytechnique il y a eu un massacre épouvantable et nous, à la suite de ce geste insensé, nous avons décidé de faire une législation sur le contrôle des armes à feu. Monsieur Rock s'est promené à travers le pays. C'était difficile, c'était extrêmement difficile. Mais aujourd'hui, peut-être que ces personnes qui ont perdu leur vie à la Polytechnique n'ont peut-être pas perdu leur vie pour rien.
Nous avons au Canada cinq fois moins de meurtres par arme à feu qu'aux États-Unis. Ce n'était pas facile de s'attaquer à ce problème-là, parce que les armes à feu pour bien des citoyens, c'est extrêmement important, mais nous avons réussi. On aurait pu ne rien faire, c'est facile de ne rien faire mais nous avons agi. (Applaudissements)
Un autre dossier que nous avons ouvert en 1994 lors du Sommet à Naples, le dossier des mines antipersonnel. Quand j'ai parlé de ça la première fois, ce n'était pas très populaire. Aujourd'hui nous avons le traité d'Ottawa qui a été signé par 140 pays. Et aujourd'hui, à cause de notre action, dans bien des pays du monde on enlève les mines antipersonnel. Il y a 140 pays qui ont décidé de ne plus jamais utiliser les mines antipersonnel, ce qui veut dire qu'il y aura des jeunes filles et des jeunes garçons et des femmes et des hommes qui ne perdront pas des bras ou des jambes ou leur vie parce qu'il y a eu un conflit, et qu'ils en ont planté dans le sol, et qui sont encore dans le sol vingt ans après la guerre. Et pour ça notre excellent ministre des Affaires étrangères a été louangé à travers le monde.
C'est ça que d'être un gouvernement responsable. Et il y a eu le référendum de 1995, une expérience qu'on a tous vécue. À quelques jours, le dimanche avant le référendum – je vois là madame Robillard qui nous représentait et qui me regarde – nous étions en arrière. On m'a demandé de revenir de New York où j'étais par affaires, parce qu'il ne fallait pas qu'on soit trop présent. Et je suis revenu et là nous avons dit, nous avons fait des choses, on a fait des discours à Verdun, on a parlé à la nation, nous avons organisé le grand ralliement à Montréal le vendredi, le grand ralliement ici à Hull le dimanche et nous avons dit que nous allions voter une résolution sur la société distincte et nous l'avons fait. Et le Bloc québécois a voté contre. (Applaudissements)
Nous avions dit que nous allions donner un veto législatif au Québec, parce qu'un veto constitutionnel il faut changer la Constitution, ce qui semblait impossible. Il y a eu un veto pour le Québec, l'Ontario et éventuellement la Colombie-Britannique, ce qui veut dire qu'on ne pourra pas jamais changer la Constitution sans changer la loi et enlever le veto au Québec, à l'Ontario, à la Colombie-Britannique. Je pense que c'est pas mal fort et encore une fois le Bloc québécois a voté contre.
Ensuite la troisième promesse, c'est que la meilleure chose qui pouvait arriver aux Québécois c'est si on leur transférait la main-d'oeuvre. Si on transférait la main-d'oeuvre, le Québec allait devenir soudainement quelque chose d'extraordinaire. J'aime mieux ne pas en parler, c'est tellement triste ce gâchis qu'ils ont fait. (Applaudissements)
Mais nous avons pris nos responsabilités, et durant toutes ces années, dans tous ces dossiers et bien d'autres, nous avons travaillé comme une équipe. C'est avec plaisir que j'ai travaillé avec mes ministres, que je les ai appuyés, que je les ai défendus, que les ministres mutuellement se sont appuyés et se sont défendus dans des moments difficiles, et on a passé à travers et je suis très fier de mon équipe. Je pense que nous avons une équipe extraordinaire. (Applaudissements)
Et maintenant parlons de la Cour suprême et du référendum. Pourquoi en parler maintenant? Pourquoi en parler maintenant? Je n'en parle pas très souvent, mais je sais qu'à toutes les semaines, sinon à tous les jours dans les journaux, on parle des conditions gagnantes. Le Parti québécois travaille pour ses conditions gagnantes. Combien de fois avez vous lu ça dans les journaux au cours des douze derniers mois?
À tous les mois, monsieur Bouchard nous répète qu'il va faire un référendum. Je voudrais vous rappeler l'incident du Mont Tremblant. Alors que monsieur Bob Rae, l'ancien premier ministre de l'Ontario, et Henning Voschereau, l'ancien bourgmestre de Hambourg en Allemagne, avaient organisé avec l'aide de monsieur Dion et de bien d'autres une conférence sur le fédéralisme où le Président Clinton – le Président de la plus grande fédération au monde – peut-être pour la première fois dans les sept ans qu'il a été Président, a accepté d'aller faire un discours académique où que ce soit. Et que le Président d'une autre grande fédération, le Président Zédillo du Mexique est venu nous honorer de sa présence et nous faire un discours académique sur le système fédéral.
Alors que nous avions 500 délégués. Qui venaient des Indes – pays qui a énormément de difficultés avec des douzaines et des douzaines de langues et de dialectes et des religions différentes, et qui essaie de vivre avec un système fédéral et qui voulaient apprendre des autres pour améliorer leur situation. Il y avait des délégués de la Bosnie, qui essaie de bâtir un gouvernement avec des Musulmans, des Croates et Serbes et qui veulent savoir comment on peut faire pour gérer les problèmes des minorités dans une société. Et il y avait des délégués du Sri Lanka où il y a des gens qui meurent à tous les jours parce qu'ils sont pas capables de trouver une formule de gouvernement pour améliorer, pour régler les problèmes des minorités à l'intérieur. On pourrait parler du Brésil, on pourrait parler de la Belgique qui ont quelques problèmes aussi, et de la Suisse qui nous a aidé à bâtir cette chose-là et qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont essayé de faire un détournement de ça. Pensez-vous que c'est acceptable? Et je dois me fermer, je dois ne rien dire?
La semaine d'après, monsieur Facal a appelé le National Post – ça n'a pas été une improvisation, il a appelé le journaliste du National Post pour lui dire qu'ils n'allaient pas respecter la décision de la Cour suprême. Il aurait pu parler au Devoir pour faire plaisir à ses amis. Non, il dit que c'est moi qui est provocant, mais il appelle le National Post pour que ça soit bien connu au Canada anglais qu'ils ne respecteront pas la décision de la Cour suprême.
Ensuite il y a madame Beaudoin, madame Beaudoin (rires) qui s'en va à travers le monde dénigrer le Canada. J'ai bien hâte qu'elle aille le dire aux Américains qu'on n'est pas démocratique au Canada. Il y en a qui ont déjà voulu faire la sécession aux États-Unis. Vous vous rappelez ce qui était arrivé. Elle allait dire ça aux Français aussi qu'on n'est pas démocratique au Canada. (Applaudissements) Elle ira expliquer ça aux Basques, aux gens de la Corse, que les Français ont tort de vouloir une constitution qui défend la partition de quelque nature que ce soit, de la France ou ailleurs.
Il y a bien d'autres priorités que ça au Canada. Et là il y a dix jours, monsieur Bouchard nous a promis un autre référendum, vous l'avez vu, et encore je vais me fermer? Il y a deux semaines de ça. Pour moi, je dois vous dire que je n'ai pas beaucoup de choix. Cette semaine, monsieur Bouchard a déclaré qu'il ferait une déclaration unilatérale d'indépendance s'il n'avait pas ce qu'il veut, si ça ne se passe pas comme il veut. Et quand on lui a dit bien oui, mais si vous faites votre déclaration unilatérale d'indépendance, comment allez-vous atteindre votre partenariat avec le reste du Canada? Alors il a été obligé de dire qu'il ferait une déclaration unilatérale de partenariat. (Rires et applaudissements)
On va en parler de démocratie. On a eu deux référendums avec des questions « claires » et, vous pensez, ils n'ont jamais accepté le vote populaire. Et on devrait attendre, on devrait attendre, rien faire jusqu'à deux semaines avant le référendum pour dire ce qu'on pense? Vous voulez savoir, mes chers amis, ça serait irresponsable.
Je viens de parler de la responsabilité des gouvernements. (Applaudissements) C'est la Cour suprême dans son jugement qui a dit que les acteurs politiques devraient prendre leurs responsabilités. Vingt-cinq fois dans le jugement de la Cour suprême on a parlé, on a utilisé le mot clarté. Vingt-cinq fois. Et je voyais un professeur, là, qui disait que le mot clarté voulait dire que si le vote est, si tout le monde ont bien voté, c'est ça qu'ils ont voulu dire. Ça a pris vingt-cinq fois pour nous dire qu'on a un système assez reconnu de faire des élections au Canada qui fonctionne assez bien?
Puis ensuite, on continue, on parle de clarté. Je voyais Bernard, monsieur Bernard, qui est un grand conseiller du gouvernement, qui disait dans La Presse il y a deux jours qu'à Terre-Neuve, il y avait eu deux référendums, que le premier avait été 48 p. 100 et l'autre 52 p. 100, vous l'avez lu. Ça c'est un des experts conseillers de tous les premiers ministres mais il ne sait pas que, oui, il y a eu deux référendums. Le premier référendum avait trois questions, voulez-vous rester une certaine colonie de la Grande-Bretagne, voulez-vous avoir un pays indépendant ou devenir une province du Canada. À 86 p. 100 ils ont décidé de se séparer de la Grande-Bretagne. Et là sur les deux autres questions, devenir un pays indépendant ou une province du Canada, c'était divisé à 44-42. Et là ils ont été obligé de faire un nouveau référendum pour savoir où ils s'en allaient là, ils étaient pris au milieu de l'océan (rires) alors ils ont décidé de devenir une province du Canada.
C'est pas, c'est pas ça qu'on vous dit là quand on parle de clarté dans les discours. Si on parle de clarté, on va en parler de clarté. Je vais vous donner un exemple. Voici comment les péquistes travaillent. En février 1995, au Point, monsieur Bouchard a dit et je cite « Il nous faut être clairs et directs. Oui nous voulons nous séparer du reste du Canada » – écoutez bien ça, il a dit ça – « oui nous voulons nous séparer du reste du Canada. Nous voulons avoir notre propre pays indépendant ». Ça c'est clair, ça c'est au mois de février 1995.
Maintenant je vais vous lire la question sur laquelle vous avez voté en octobre, en novembre 1995, en automne 1995. Écoutez bien la clarté de la question : « Acceptez-vous que le Québec devienne souverain après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du Québec et de l'entente signée le 12 juin 1995? » Répétez après moi. (Applaudissements)
Maintenant parlons de la majorité claire. On va briser un pays par un vote de majorité après un recomptage judiciaire. Yvon Deschamps a dit : il est pas mieux que mort celui qui va avoir voté pour faire briser le pays, cette voix-là, le gars est pas ou la femme est pas mieux que morte. Regardons des exemples. Tout près de nous l'Assemblée nationale elle-même pour le protecteur des citoyens, le vérificateur général et le président des élections, ça prend les deux tiers des députés de l'assemblée législative, pas 50 p. 100 plus 1, les deux tiers. La CSN, grande institution démocratique qui nous a donné ce cher monsieur Duceppe (rires et applaudissements) eh bien pour expulser un syndicat comme je l'ai dit en Chambre cette semaine, ça prend les deux tiers à l'assemblée.
Prenez monsieur Joe Clark, notre bon ami monsieur Joe Clark, qui est pour 50 p. 100 plus 1. Seulement il avait eu 66 p. 100 des votes au congrès conservateur et puis il n'avait pas un mandat assez clair pour rester chef. (Applaudissements)
Et un peu plus tard en novembre 1996, monsieur Bouchard lui-même avait eu 76 p. 100 des votes, et puis il a demandé un moment de réflexion de quelques heures pour savoir s'il avait un mandat assez clair pour rester le chef du Parti québécois. (Applaudissements)
Et au Mont Tremblant il y a pas longtemps, madame Harel a dit 92 p. 100 ce n'était pas assez clair. Moi je dois vous avouer que j'ai eu deux revues de mon leadership et puis je suis tombé de 93 à 91 p. 100 et puis je pense que c'était assez clair. (Rires et applaudissements)
Et plus sérieusement le 60 p. 100 du non en 1980, ce n'était pas assez clair pour qu'on arrête de parler de la séparation.
Je dois remplir mes obligations. Et je veux connaître la position des Canadiens lorsqu'il est temps de défendre notre pays. Quelle est la position de M. Manning, le chef de l'Alternative dés-Unie? (Rires) qui s'élevait contre moi parce que je n'étais pas assez ferme? Aujourd'hui, il croit que je suis trop ferme parce que je veux que la question soit claire. Et Joe Clark – dont j'ai déjà parlé – quelle est sa position dans cette affaire? Il n'a rien dit depuis que j'ai affirmé que nous passerions à l'action mardi dernier. Pas un mot. C'est très courageux de sa part. La même chose vaut pour Mme McDonough. Mais vous connaissez notre position, et nous devons prendre nos responsabilités. Qu'y-a-t-il de si extraordinaire lorsque je dis que j'exigerai, à titre de Premier ministre du Canada, que la décision de la Cour suprême soit respectée intégralement? (Applaudissements)
L'Assemblée nationale va poser la question. Nous ne poserons pas la question pour l'Assemblée nationale. C'est l'Assemblée nationale qui va poser la question. Je n'ai pas l'intention de leur dicter une question. Mais nous avons une responsabilité. C'est nous qui déciderons s'il y a une négociation. Pour qu'il y ait une négociation avec le Canada, c'est nous qui allons décider. Et on ne leur dira pas après le référendum quelles sont les conditions, on va leur dire longtemps avant un référendum. (Applaudissements)
Je suis le chef de ce parti, et je tiens à vous remercier très sincèrement pour ce que vous, les délégués à ce congrès, avez fait sur ce sujet. Avec toutes les pressions que vous avez eues de toute part et les peurs qu'on a essayé de soulever chez la population au Québec, vous vous êtes tenus debout. Et je tiens à vous en remercier du plus profond de mon coeur. (Applaudissements)
Il est très vrai que comme chef du Parti libéral, peut-être la meilleure chose que je pourrais faire c'est de ne rien faire. C'est peut-être vrai, peut-être. Je suis un politicien, j'aime à gagner des élections, et comme chef du parti peut-être ça aurait été mieux que je ne fasse rien ou qu'on ne dise rien. Mais comme chef du Parti libéral du Canada, je suis aussi le Premier ministre du Canada. Et comme Premier ministre, je n'ai pas le choix, je dois faire mon devoir, je dois prendre mes responsabilités. (Applaudissements)
Comme chef du Parti libéral, il est possible que la meilleure chose à faire soit de ne rien faire du tout. C'est facile de ne rien faire. C'est très facile. Pas besoin de passer des mois et des nuits à réfléchir. On n'a qu'à relaxer et à se laisser flotter. Mais quand on fait face à un problème comme celui-là, c'est difficile. Mais à titre de Premier ministre du Canada, j'ai la responsabilité de veiller au respect de la Constitution canadienne. Moi et mon gouvernement avons la responsabilité veiller au respect de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement dans notre pays. (Applaudissements)
Mais mes chers amis ça fait 35 ans que ça dure. Êtes-vous fatigués d'entendre parler de ça? (OUI!) Êtes-vous tannés d'entendre parler de constitution et de référendum et de séparation? (OUI!) Êtes-vous écoeurés d'entendre parler de ces affaires-là? (OUI!)
Eh bien, eh bien, je vais vous dire quelque chose. Vous ça fait 35 ans que vous en entendez parler et moi ça fait 35 ans que j'en parle. (Rires) Je n'ai pas seulement à en entendre parler, je suis obligé d'en parler. Vous pensez pas que j'aimerais ça arrêter après 35 ans de parler de ça?
Alors, monsieur Bouchard, peut-être vous m'écoutez. (Rires et applaudissements) Pourquoi vous et moi ne poserions-nous pas un beau geste? Pourquoi ne ferions-nous pas le plus beau cadeau possible pour le millénaire à tous les Québécois, à toutes les Québécoises et à tous les Canadiens? Pourquoi, alors que 72 p. 100 des Québécois ne veulent pas avoir de référendum, vous ne dites pas que vous ne ferez pas de référendum au cours de votre mandat. Et moi je vous promets aussi de faire le même geste. Je ne parlerai plus de constitution, de référendum, de clarté de la question, de la Cour suprême, on va arrêter d'en parler. (Rires et applaudissements)
Nous pourrions tous entrer dans le nouveau millénaire ensemble du bon pied et nous pourrions continuer à parler des vrais problèmes. On pourrait continuer à parler de ce que nous avons mis dans notre discours du Trône. Notre lutte contre la pauvreté chez les enfants, où nous avons investi jusqu'à date 1,7 milliard de dollars et nous travaillons avec les provinces parce que, pour moi, c'est un programme qui est aussi important pour la jeunesse d'aujourd'hui, pour qu'ils commencent bien dans leur vie, que ne l'ont été les programmes comme l'assurance-maladie ou les pensions de vieillesse sous les St. Laurent et les Pearson et les Trudeau. Nous pourrions travailler ensemble pour préparer l'avenir de nos jeunes en leur permettant de faire des études, de devenir et de continuer à être parmi les étudiants les mieux préparés dans le monde. (Applaudissements)
Nous pourrions continuer à travailler pour garder nos cerveaux ici au Canada, comme on l'a fait et qu'on continue à le faire en mettant de l'argent dans la recherche et le développement. À continuer à travailler avec la Fondation pour l'innovation, pour aider les gens à faire des progrès pour qu'on soit à l'avant-garde des autres pays. À continuer avec les chaires d'excellence que nous proposons aux universités pour pouvoir garder les meilleurs et faire venir les meilleurs ici au Canada. Nous pourrions continuer à être le pays le mieux branché au monde et continuer d'être à l'avant-garde de tous les pays dans les technologies modernes.
Ce sont les vrais problèmes d'aujourd'hui. Nous pourrions continuer à travailler parce que, à cause des actions de ce gouvernement, nous avons un surplus et d'ici le mois de février, notre ami Paul aura un budget dans lequel nous allons pouvoir continuer à réduire les impôts sur le revenu des citoyens. Ce sont les vrais problèmes ces choses-là. (Applaudissements) Et je pourrais continuer.
Je pourrais continuer ainsi, mais je vais m'arrêter. Je dois vous dire, mesdames et messieurs, après avoir été convaincu pendant 36 ans que le Canada est le meilleur pays du monde, on ne renonce pas si facilement à ce pays. (Applaudissements) Et comme je l'ai dit, oui, le Canada, ça me regarde, et ça me regardera toujours.
Parce que je me promène dans le monde avec mes collègues. Et vous le savez il y a des jeunes Américains qui se promènent dans le monde en mettant sur leur sac à dos le drapeau du Canada parce qu'ils sont mieux reçus. Vous allez n'importe où dans le monde, et quand vous dites que vous êtes un Canadien on vous reçoit à bras ouverts.
Lorsque j'étais au Nigéria il y a quelques semaines et que le Président du Nigéria, qui avait été mis en prison durant le régime de terreur qu'ils ont connu et qui avait été fouetté dans sa prison, et qu'il a dit aux journalistes après me l'avoir dit en privé, vous les Canadiens, vous avez sauvé ma vie et vous avez sauvé notre pays de la noirceur. J'étais fier, j'étais fier d'être Canadien. (Applaudissements)
Quand je sais que les problèmes qu'il y a dans le monde aujourd'hui sont des problèmes de tolérance et de partage et de générosité, que le défi du monde sera comment vivre dans un village global et garder nos identités. Que vous alliez n'importe où dans le monde, il y a une minorité qui vit avec une majorité. Et comme le disait le Président Clinton, s'il fallait qu'on ait un pays par langue, combien de pays y aurait-il aux Indes, en Indonésie, en Nouvelle-Guinée? Et si on faisait la même chose pour les religions? Et si on faisait la même chose pour les couleurs?
Mais ici au Canada, on a réussi à le faire. Il y a eu les premiers citoyens qu'on doit respecter, les Autochtones, et c'est une des tâches les plus difficiles mais qui me laisse les meilleurs souvenirs que d'avoir été ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. (Applaudissements)
Ensuite les Français sont venus, ensuite les Anglais sont venus, ensuite les gens sont venus de tous les pays du monde. Et vous vous rappelez au congrès que nous avons eu il y a quelques années avec quelle fierté je pouvais dire que 40 de mes députés étaient nés en dehors de notre pays, de différentes couleurs, de différentes langues et de différents sexes et qui font partie de notre société.
Quelle était la fierté des Canadiens lorsqu'il y a peine deux mois, une réfugiée politique durant la guerre – d'origine chinoise – est devenue Gouverneure générale de notre pays. (Applaudissements) Mes chers amis c'est ça le Canada. Et c'est ça que demeurera le Canada dans le 21e siècle. Vive le Canada. Merci beaucoup. (Applaudissements)
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