Allocution du Premier ministre Paul Martin devant le Empire Club et le Canadian Club
Avril 16, 2004
Toronto (Ontario)
DISCOURS DU PREMIER MINISTRE
Le texte prononcé fait foi Il y a un siècle, un grand banquet avait lieu à quelques rues de la colline du Parlement. C’était une autre époque.
Les murs étaient décorés du drapeau britannique. L’air était rempli de fumée de cigare et de pipe. Les femmes dans l’assistance portaient des gants blancs. Et sir Wilfrid Laurier était sur l’estrade.
Le gouverneur général se leva, le chef de l’Opposition se leva — tous se levèrent pour applaudir lorsque l’illustre Premier ministre libéral proclama avec audace que le XXe siècle appartiendrait au Canada.
Un siècle s’est écoulé depuis cette soirée et cette déclaration, mais le sentiment d’optimisme national atteint des sommets tout aussi élevés de nos jours.
Nous sommes sûrs de notre identité et de ce que nous voulons accomplir comme nation. Le pays est fortement uni. Tant d’autres nous envient nos programmes sociaux.
La diversité culturelle de notre société fait sa richesse. Notre budget est équilibré — un exploit qu’aucun autre pays du G8 n’a pu réaliser. Nous contribuons activement à faire régner la paix et la liberté dans les régions troublées du monde.
Aujourd’hui, la confiance de Laurier résonne aux quatre coins de ce grand pays, mais le monde a changé. Pour notre génération, réussir ne signifie pas veiller à ce que le XXIe siècle appartienne au Canada, mais à ce que le Canada appartienne au XXIe siècle.
Il ne suffira pas de vouloir être à l’avant-garde. Il faudra y mettre tous les efforts. Nous vivons dans un monde où les distances sont réduites, les défis sont plus pressants et les obstacles plus redoutables.
Les occasions se présentent moins facilement; il faut les créer.
Qu’est-ce que cela signifie pour nous Canadiens? Cela veut dire que dans tout ce que nous entreprenons, nous ne pouvons pas nous contenter d’être simplement bons.
Nous devons viser collectivement à donner le meilleur de nous-mêmes, car nous devrons faire face à la concurrence du monde entier.
Le gouvernement n’est pas à l’abri des réalités des temps modernes. De son côté, il doit aussi offrir aux citoyens le meilleur gouvernement possible. C’est pourquoi, même s’il n’y a pas longtemps que nous formons le gouvernement, nous avons apporté d’importants changements aux modes de fonctionnement à Ottawa.
Ces changements comprennent le rétablissement de l’influence des députés au moyen de votes libres et l’accroissement de leur rôle dans la nomination des titulaires de charges publiques importantes; de nouveaux mécanismes de surveillance et de contrôle des dépenses gouvernementales; et une nouvelle façon de rendre des comptes à la population canadienne.
Voilà ce que doit faire le gouvernement. Nous avons constaté un problème : le déficit démocratique. Nous avons donc pris des mesures immédiates conçues pour entraîner un changement transformateur.
Je m’arrête là un instant. Un changement transformateur. De quoi s’agit-il? Pour moi, cela signifie une approche ou une orientation entièrement nouvelle, et non des mesures provisoires, imposées progressivement.
Il faut s’y consacrer avec une détermination farouche. Mais ces efforts sont récompensés par des résultats tangibles, par des progrès visibles qu’on peut mesurer.
Permettez-moi de vous donner un autre exemple. Remontons dans le temps, il y a une dizaine d’années, alors qu’on préparait le budget de 1995 au ministère des Finances.
À vrai dire, l’état des finances canadiennes était lamentable. Les gouvernements successifs tentaient depuis près de 30 ans de s’attaquer au problème à coup de mesures additionnelles.
On s’est retrouvé avec un gouvernement qui avait tellement emprunté qu’il devait répondre d’abord à ses créanciers et ensuite seulement aux besoins de ses propres citoyens.
C’est alors que nous avons compris qu’il ne suffirait pas de réduire le déficit mais qu’il faudrait l’éliminer. Et que pour y arriver, il faudrait mettre au rancart les vieilles méthodes, les vieilles hypothèses et les idées reçues.
Or, c’est exactement ce que nous avons fait dans le budget de 1995. C’était controversé; c’était difficile.
Mais, il nous a permis d’atteindre en quelques années l’équilibre budgétaire, de réduire la dette et d’accorder les plus importantes baisses d’impôt dans toute l’histoire du Canada.
Surtout, il nous a redonné les moyens de déterminer notre propre avenir et de faire nos propres choix. De regarder par en avant.
Mais revenons au présent.
Le gouvernement est aux prises avec des défis différents, mais je crois que nous devons adopter une approche tout aussi audacieuse.
Nous devons agir avec une détermination immuable. Nous devons contester le statu quo. Par conséquent, nous avons cerné, parmi les nombreuses missions et responsabilités importantes du gouvernement, cinq domaines où nous devons agir avec une énergie, une créativité et une urgence particulières.
Ces cinq domaines constitueront nos priorités absolues.
Il s’agit de la santé, de l’apprentissage, des peuples autochtones, de nos collectivités — grandes et petites — et du rôle du Canada dans le monde, soit autant de domaines où nous devons faire œuvre de pionnier.
Tout en poursuivant ces buts, nous demeurerons prudents sur le plan financier. Cela ne signifie pas, cependant, que nous serons entravés par des contraintes impossibles.
Grâce à un examen rigoureux des dépenses — comme celui que nous avons entrepris —, à la réaffectation des ressources et aux nouvelles recettes engendrées par la croissance économique, nous pourrons en fait réunir les fonds nécessaires pour réaliser des progrès véritables dans les domaines qui préoccupent le plus les Canadiens.
Notre approche sera progressiste et responsable. Et elle produira les résultats voulus! Nous reconnaissons que le Canada sera dans dix ans le pays que nous aurons façonné par les choix que nous faisons aujourd’hui.
Toute discussion des priorités de notre gouvernement doit commencer par les soins de santé, car aucun autre enjeu ne revêt une importance aussi vitale, aussi viscérale, pour les Canadiens. Dans aucun autre domaine, l’interaction entre le gouvernement et la population n’est-elle plus lourde de sens et de conséquences.
La plupart d’entre nous ont vécu des moments d’anxiété dans une salle d’urgence. Nous sommes nombreux à avoir attendu avec appréhension les résultats de tests diagnostiques. Certains d’entre nous ont passé de longues nuits à fixer avec espoir les moniteurs d’une unité de soins intensifs.
Il ne se passe pas de jour dans nos hôpitaux sans que le cours de vies humaines ne soit transformé. C’est dans ces moments-là que les gens ont le plus grand besoin de leurs gouvernements.
Que voulons-nous alors? Nous voulons une réforme. Une réforme dont le point de départ et la finalité est le patient et sa famille.
Une réforme qui fait en sorte que les médecins, les infirmières et les autres professionnels de la santé sont disponibles au moment et à l’endroit nécessaires.
Une réforme qui assure un accès en temps opportun à des services de qualité qui produisent de meilleurs résultats sur le plan de la santé.
Une réforme qui répond aux besoins et aux désirs des Canadiens et Canadiennes où les tests diagnostiques, les chirurgies et les traitements sont dictés par les besoins et non rationnés par l’attente.
Nous avons besoin d’une réforme qui garantisse de manière absolue que notre système universel de soins de santé — qui a vu le jour alors que la génération du baby-boom arrivait à l’âge adulte — sera là pour leurs petits-enfants et pour ceux qui viendront après.
Bien sûr, cela coûtera de l’argent. Le système doit être adéquatement financé. Toutefois, la réforme ne se résume pas à une question monétaire.
Le gouvernement fédéral a déjà affecté 37 milliards de dollars en argent neuf aux soins de santé sur cinq ans. Cela représente une augmentation des dépenses de plus de 8 p. 100. Et je vous informe aujourd’hui que nous allons investir davantage.
Mais voici la réalité. Les dépenses du Canada au chapitre de la santé sont déjà plus élevées par habitant que celles de la grande majorité des pays industrialisés. Alors que nos résultats sont bons, ils ne sont pas nettement meilleurs.
Guidés par les travaux de Roy Romanow et des nombreux autres qui ont étudié à fond le système de soins de santé, et en collaboration étroite avec les professionnels de la santé qui travaillent en première ligne, nous devons réaliser une réforme véritable qui produise des résultats concrets pour les Canadiens. Des résultats qu’on puisse mesurer et dont on puisse rendre compte de manière transparente afin que nous puissions tous voir si le système fonctionne bien et quels sont les aspects à améliorer.
Notre tâche consiste à rétablir la confiance du public dans le système de santé et dans notre capacité de le réparer. Pour y parvenir, nous devons d’abord réaliser des progrès véritables dans certains secteurs précis, c’est-à-dire ceux où les pressions qui pèsent sur le système sont les plus visibles — ceux qui touchent trop de Canadiens de très près.
Quand on parle de santé, on risque de se perdre en généralités. J’essaierai donc de vous parler en termes précis : nous devons réduire les listes d’attente. Les Canadiens, où qu’ils habitent, ont besoin de savoir combien de temps il faut attendre pour une imagerie par résonance magnétique, pour consulter un médecin, pour se faire opérer la hanche et pour faire voir son enfant à l’urgence.
Les Canadiens ont également besoin de savoir comment les gouvernements vont réduire ces listes d’attente.
Que peuvent faire les gouvernements pour réduire les listes d’attente? De concert avec les provinces et les territoires, nous devons trouver des façons de remédier à la pénurie de fournisseurs de services médicaux qui sévit en trop d’endroits au Canada. Nous devons ouvrir des places en médecine dans nos universités, tant pour les jeunes Canadiens que pour les immigrants récents voulant faire reconnaître leurs titres de compétence. Nous devons élargir de manière appropriée le rôle des infirmières praticiennes et d’autres travailleurs paramédicaux. Nous devons aussi veiller à ce que nos installations de diagnostic soient adéquates et pleinement utilisées.
En collaboration avec nos partenaires provinciaux et territoriaux, nous devons également poursuivre les progrès amorcés dans le secteur des soins primaires en vue d’assurer l’intervention qui est nécessaire par le fournisseur de soins qui convient. Nous devons en outre travailler à mettre sur pied un programme de soins à domicile et de services de santé communautaires.
Pourquoi? Parce que des soins à domicile de qualité allégeront la charge des services de soins de première ligne. Ils amélioreront la qualité des services offerts aux Canadiens et se traduiront à terme par un système moins coûteux et plus viable.
Le plan de réforme devra également inclure une stratégie nationale sur les médicaments, car une pharmacothérapie ne devrait pas représenter un fardeau financier excessif pour un Canadien qui en a besoin.
La mise en œuvre de ces importantes réformes s’inscrit dans un plan échelonné sur dix ans que nous allons essayer d’établir avec les provinces et les territoires. Fini la bousculade annuelle pour trouver des solutions à court terme.
À l’heure actuelle, les provinces ont besoin d’un accord à long terme leur permettant de compter sur un financement prévisible. En fait, nous avons tous besoin d’un engagement fondamental envers la réforme.
L’assurance-maladie n’est pas un programme gouvernemental comme un autre. Elle constitue l’expression de nos valeurs comme société. C’est pourquoi je vais rencontrer les premiers ministres cet été — pas seulement pour déjeuner, pour dîner ou pour la fin de semaine.
Mais pour tout le temps qu’il faudra pour nous entendre sur un plan de réforme en profondeur à long terme qui débouche sur un système de santé adéquatement financé et clairement viable.
Les soins de santé sont la priorité absolue de notre gouvernement. Nous allons parvenir à une entente avec les provinces parce que c’est cela qu’il faut faire. Nous allons mettre en œuvre un plan à long terme parce que c’est cela qu’il faut faire. Et parce que c’est cela qu’il faut faire, nous allons améliorer le système pour les générations à venir.
J’aimerais maintenant vous parler d’apprentissage. Je voudrais d’abord en souligner l’importance en le situant dans son contexte. Nous savons tous qu’une économie vigoureuse représente le fondement d’une société prospère.
C’est pourquoi nous essayons de réduire les impôts et la dette. C’est pourquoi nous investissons dans la recherche et le développement et cherchons à commercialiser le fruit de ces activités.
C’est pourquoi nous cherchons à conclure des accords commerciaux internationaux et à assurer que notre frontière avec les États-Unis reste ouverte.
C’est pourquoi le développement durable ne peut pas être uniquement un vœu pieux, mais doit sous-tendre la croissance économique.
Et surtout, c’est pourquoi il faut reconnaître la nécessité d’une population apte à innover pour soutenir la concurrence au XXIe siècle.
C’est bien simple, dans l’intérêt des citoyens et du pays tout entier, le bassin de talents – des Canadiens bien instruits -- doit compter parmi les meilleurs et les plus profonds que l’on puisse trouver.
Dans certains pays, il n’est pas rare d’entendre les gens parler de la nécessité de restreindre le commerce, de fermer les frontières à la concurrence internationale.
Cette approche est clairement malavisée, mais le fait est qu’au Canada, ce n’est même pas une option envisageable avec une population de seulement 31 millions.
Nous n’avons pas le choix. Nous devons affronter la concurrence internationale et en sortir gagnants. C’est la raison pour laquelle nous devons réduire les obstacles à l’apprentissage continu.
Certes, nous comptons parmi les pays où le pourcentage des citoyens qui font des études postsecondaires est le plus élevé. Mais il faut faire encore mieux.
Il faut remédier au fait que le pourcentage des étudiants qui obtiennent un diplôme d’études supérieures est beaucoup moins élevé chez nous qu’aux États-Unis.
Le gouvernement a un rôle important à jouer dans le secteur de l’enseignement postsecondaire, en particulier en ce qui concerne l’accès. Notre société ne peut pas enlever cette chance aux gens pour la simple raison que leur famille est démunie.
C’est pour cette raison que le budget du mois dernier prévoyait d’importantes mesures qui permettront de commencer à régler la question de l’accessibilité. Nous avons créé un bon d’apprentissage pour les enfants des familles à faible revenu.
Nous avons augmenté la contribution correspondante du gouvernement aux épargnes d’études. Nous avons bonifié le Programme canadien de prêts aux étudiants.
Nous offrirons aux étudiants issus de familles à faible revenu une bourse pour la première année de cours, ce qui leur permettra de mettre un pied dans la porte.
Cela dit, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire!
Par exemple, il nous faut reconnaître que le Canada est aux prises avec une pénurie grandissante de main-d’œuvre et que nous devons commencer à parler d’ouvrir des places d’apprentis pour nos jeunes dans les métiers spécialisés.
Bref, il nous faut travailler avec les provinces, les collèges, avec les syndicats et avec les conseils sectoriels de l’industrie pour trouver des moyens de faire comprendre aux jeunes que l’éducation comporte de multiples facettes.
Le dernier budget représentait le deuxième en quelques années à être axé en grande partie sur l’éducation, mais ce n’est qu’un début. Il faut reconnaître que le succès au niveau postsecondaire se prépare dès la plus tendre enfance, en fait avant la naissance jusqu’à l’âge de six ans, alors qu’il est possible de favoriser le développement intellectuel et affectif.
Il faut encourager tôt l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Il faut identifier tôt ceux qui ont besoin d’une aide d’appoint. Et plus tard dans la vie, les Canadiens doivent avoir accès à une culture de recyclage professionnel permanent reposant sur une série d’initiatives grâce auxquelles, avec le temps, l’apprentissage continu devient un mode de vie.
Notre objectif est de faire en sorte que beaucoup plus de Canadiens et Canadiennes puissent poursuivre leur apprentissage et leur formation au-delà du secondaire, et qu’ils soient beaucoup plus nombreux à continuer leurs études en vue d’obtenir un diplôme de cycle supérieur, et à perfectionner sans cesse leurs compétences tout au long de leur carrière. Il en résultera une meilleure qualité de vie pour un plus grand nombre. Et leur succès individuel favorisera le succès collectif du pays tout entier.
Les peuples autochtones du Canada représentent le secteur de la société en plus forte croissance. Ils forment aussi le groupe le plus jeune au sein de la population.
Les enfants autochtones représentent une partie importante de notre avenir. Or, leur histoire en est une d’opportunités peu utilisées et de promesses non remplies.
Pendant des décennies, les politiques gouvernementales bien intentionnées n’ont pas produit les effets escomptés.
Notre objectif consiste à changer de cap.
Le gouvernement fédéral a pris diverses mesures dans les domaines des services de santé, du logement, de l’éducation des jeunes enfants et, plus récemment, de la salubrité de l’eau. Il s’agit toutefois de problèmes qui ne se règleront pas simplement en signant un chèque.
Il faut avoir l’intelligence de faire les choses autrement. Laissez-moi vous en donner un exemple.
Les jeunes Autochtones se dirigent de plus en plus vers nos grands centres urbains en quête d’un emploi et d’une vie meilleure. Imaginez le choc culturel : un jeune d’une petite réserve isolée débarquant seul au centre d’une grande ville.
Comment s’étonner qu’ils soient si nombreux à avoir du mal à s’adapter.
Si les jeunes Autochtones s’installent dans les grandes villes en grand nombre, nous devons leur offrir la possibilité de réussir. Nous devons supprimer les obstacles qui limitent leurs perspectives d’avenir, et c’est ce que nous allons faire.
En d’autres mots, s’il faut nourrir l’espoir et multiplier les possibilités dans les réserves, le besoin est tout aussi grand au cœur des villes.
Nous veillerons à éliminer les obstacles et à créer des occasions pour nos peuples autochtones. Nous contribuerons à nourrir l’espoir et à multiplier les possibilités.
Car ce sont là les éléments d’une équation humaine immuable : l’espoir et les possibilités représentent la clé du succès dans les réserves comme dans la ville.
Si nous voulons réaliser des progrès mesurables, il faudra clairement changer d’approche, et cela vaut pour tout le monde.
Le gouvernement doit mettre fin à l’attitude paternaliste qui caractérise tant de ses activités.
Les dirigeants autochtones doivent maintenant concrétiser les principes d’ouverture et d’imputabilité.
Pour réaliser des progrès véritables, il faudra travailler en partenariat, avec tous les droits et responsabilités qu’un tel partenariat implique de part et d’autre.
C’est pourquoi j’ai invité les dirigeants autochtones de toutes les régions du pays à venir s’asseoir à Ottawa dès lundi avec plus d’une vingtaine de ministres et moi.
Il s’agira d’un important sommet. Le message doit être le suivant. Les changements que nous souhaitons tous ne se mesureront pas en propos ronflants, mais en améliorations sensibles des indicateurs de qualité de vie que sont des soins de santé de qualité et des logements convenables. Qui plus est, les changements se mesureront au moyen des indicateurs économiques essentiels que sont le nombre de jeunes qui terminent leurs études secondaires et qui fréquentent l’université et le nombre d’entreprises autochtones prospères, soit autant de facteurs qui contribuent au développement économique et à l’autonomie.
Bref, nous avons besoin d’un nouveau départ — que ce soit lundi.
Parlons maintenant de nos milieux de vie.
Notre gouvernement a déjà accordé la priorité à la tâche d’aider les collectivités à trouver de nouvelles sources de financement prévisible à long terme, autant les grands centres que les plus petites villes. En dispensant les municipalités de verser la TPS, nous leur remettons plus de sept milliards de dollars sur dix ans. Cela nous semble un bon début.
Mais ce ne peut être que le début. Dans tout le pays, les municipalités sont sur la ligne de front de tous les problèmes sociaux et de l’activité économique.
Le problème c’est qu’elles doivent faire face aux réalités économiques du XXIe siècle avec un plan du XIXe siècle. Par conséquent, le gouvernement fédéral demandera aux premiers ministres et aux dirigeants municipaux d’entamer des discussions sur les moyens de fournir aux villes et villages les ressources dont elles ont besoin.
Il sera question de partenariats plus innovateurs qui nous permettront de mieux faire face à l’énorme déficit sur le plan des infrastructures auquel font face le pays et les municipalités.
Il sera aussi question, d’ici la fin de l’année, de la taxe sur l’essence.
Nos grandes villes sont les points de convergence de l’innovation économique, sociale et culturelle. De leur succès dépend celui du pays.
C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés à fournir aux villes et aux collectivités de nouvelles sources de revenus prévisibles et à long terme.
Mais ce n’est pas seulement une affaire d’argent. Il faut décider comme pays de quelle façon nous allons nous organiser pour affronter l’avenir.
Quel que soit le programme ou le gouvernement responsable, c’est au niveau communautaire qu’il touche le citoyen.
La qualité de l’air et de l’eau, le logement pour les familles à revenu modeste, les soins aux enfants, aux personnes âgées ou handicapées, les émissions de gaz à effet de serre ou l’assainissement des terrains industriels, l’immigration et le besoin d’accroître notre population, la lutte contre le racisme — toutes ces questions ont une grande portée nationale, et l’action fédérale et provinciale sera beaucoup plus efficace si elle est menée en concertation avec les municipalités, car ce sont elles qui connaissent le mieux leurs collectivités.
De passage à Toronto il y a deux semaines pour une annonce sur le transport en commun, j’ai évoqué la lourde responsabilité qu’assument désormais nos plus grands centres urbains. Ceux-ci sont les porte-étendards du Canada dans le monde. Notre succès dépend du leur.
Je tiens à mentionner aujourd’hui nos plus petites municipalités, dont les problèmes de congestion urbaine ne sont peut-être pas aussi aigus, mais dont les besoins de développement économique sont sans doute plus considérables.
J’ai eu l’occasion de discuter avec un grand nombre de dirigeants dans les petites collectivités du pays.
Ils comprennent que l’innovation permettant d’augmenter la valeur ajoutée dans les secteurs de l’agriculture, des pêches, des mines et des forêts, est essentielle non seulement au développement de leurs municipalités, mais de tout le pays.
Ils savent que la haute technologie et la recherche-développement sont essentielles à la croissance de leur économie et qu’elles sont indispensables pour permettre à leurs enfants de revenir contribuer à l’économie des lieux où ils ont grandi.
C’est pourquoi il est vital d’aider ces petites agglomérations à régler les problèmes les plus pressants en leur fournissant les outils nécessaires pour mener la tâche à bien eux-mêmes.
C’est pourquoi nous devons veiller à soutenir la recherche-développement aussi bien dans les universités régionales que dans les plus grandes, et encourager l’investissement de capital de risque dans les régions ainsi que dans les grappes économiques qui s’y trouvent.
Pour résumer, nous respectons le fait que les provinces ont la responsabilité première des municipalités. Mais en même temps, les municipalités de toutes tailles sont des acteurs à part entière dans la conduite des affaires nationales.
Il faut que le gouvernement fédéral en tienne compte dans sa manière de traiter avec elles.
Pour atteindre de grands objectifs nationaux, il faut que tout le monde soit à la table.
Pour cette raison, nous travaillons avec les provinces pour nous assurer que les collectivités ont leur mot à dire sur les décisions nationales qui les concernent. Ce n’est pas leur intérêt individuel qui est en jeu, mais notre intérêt collectif.
La mission de bâtir des collectivités où il fait bon vivre n’est pas seulement une entreprise altruiste pour le gouvernement du Canada. C’est un impératif économique. Et c’est l’un des moyens les plus concrets d’améliorer la qualité de vie des Canadiens.
Enfin, notre rôle dans le monde. Dans ce domaine aussi, le Canada doit appartenir au XXIe siècle.
Le gouvernement a entrepris une vaste étude de ses politiques internationales dont les résultats seront rendus publics cet automne. Sans préjuger de ses conclusions, je peux affirmer que notre objectif ne fait aucun doute : veiller à ce que l’influence de la perspective canadienne s’accroisse sur la scène mondiale.
Il faudra à cette fin rompre avec les vieilles habitudes. Songez à la guerre froide.
Nous savions qui était l’ennemi et où il se trouvait. Nous pouvions prédire où serait le front, et un océan complet nous séparait de tous les conflits.
Le monde d’aujourd’hui n’est plus le même. Aujourd’hui, il faut s’attendre à l’imprévu. De l’instabilité régionale des États à la dérive à l’intensification des maladies infectieuses, nous devons redoubler de vigilance sur notre territoire et être prêts à être plus actifs loin de nos foyers.
Qu’est-ce que cela signifie? Cela signifie un monde où nos adversaires sont imprévisibles et difficiles à identifier, où nous ne pouvons plus envisager notre sécurité sous des angles distincts — intérieur, continental et international.
À une époque où des massacres aveugles sont perpétrés par de petites cellules terroristes, le front s’étend de nos jours des rues de Kaboul aux voies ferrées de Madrid; il traverse Manhattan et les villes de toute l’Amérique du Nord. Le conflit n’est pas « là-bas ». Il n’existe plus de problème international qui ne se répercute pas sur nous d’une manière ou d’une autre.
Nous devons aborder la sécurité du Canada en fonction de cette nouvelle réalité. Notre présence en Afghanistan illustre en tous points le nouveau type d’opération que les Forces canadiennes seront appelées à mener.
Il s’agit d’une mission multilatérale destinée à redresser un État à la dérive à des fins humanitaires, mais aussi à priver les terroristes d’un terrain d’action. Cette mission marie les trois éléments que sont la défense, la diplomatie et le développement. Elle représente le modèle dont sera inspirée la participation canadienne à toute crise internationale dans l’avenir.
Nous souhaitons être un peuple qui contribue à rétablir et à maintenir la paix dans les régions troublées. Nous allons donc concevoir un appareil militaire qui soit en mesure d’accomplir cette mission et lui en fournir les moyens financiers.
Nous souhaitons être une nation qui contribue au développement d’institutions solides. C’est pourquoi nous créons le Corps Canada qui alliera le savoir-faire canadien à l’énergie et à l’idéalisme des jeunes pour aider à faire progresser la démocratie et la primauté du droit dans les États fragiles.
Notre stratégie visant à faire entendre la voix du Canada dans le monde repose sur une simple réalité : l’interdépendance mondiale grandissante.
C’est pourquoi il faut penser plus loin que le G8 et inclure à titre de partenaires à part entière des puissances émergentes comme la Chine, l’Inde et le Brésil.
Aucune solution aux défis de l’avenir — que ce soit la viabilité de l’environnement, la libéralisation du commerce, la stabilité financière ou la paix et la sécurité — ne sera possible si ces pays ne sont pas à la table.
C’est pour cette raison que le gouvernement du Canada préconise un G20 des dirigeants, dans le prolongement du succès du G20 des ministres des Finances créé au lendemain de la crise financière asiatique.
En même temps, nous sommes déterminés à préserver et à faire progresser notre association la plus importante, soit celle qui nous entretenons avec les États-Unis.
Parce qu’elle est si essentielle à nos intérêts respectifs, nous devons établir une relation plus subtile fondée sur un dialogue éclairé, un ensemble de valeurs communes et le respect de nos différences.
La politique est foncièrement locale. Et les États-Unis sont comme toutes les démocraties. Ainsi, ce sont les intérêts régionaux des États-Unis au Congrès qui ont conduit les dossiers du bois d’œuvre et de la maladie de la vache folle dans l’impasse.
C’est pour cela que nous établissons à Washington un nouveau secrétariat qui facilitera de précieux contacts entre les élus canadiens et américains, et favorisera des liens plus étroits entre les députés fédéraux et provinciaux et leurs homologues du Congrès.
Le Canada est un pays souverain indépendant. Nous sommes ambitieux et déterminés. Nous assumons avec confiance notre rôle en Amérique du Nord et dans le monde.
Nous sommes conscients des avantages du multilatéralisme. Nous reconnaissons qu’une réforme de bon nombre des grandes institutions internationales s’impose, y compris des Nations Unies.
Nous sommes conscients que pour trop de gens, les avantages de la mondialisation sont un mythe entrevu à travers un regard obstrué par la maladie, la famine et la guerre. Nous sommes conscients que nous pouvons améliorer les choses et nous sommes résolus à le faire.
Il ne saurait y avoir de plus grande manifestation de notre souveraineté que d’œuvrer à rendre le monde meilleur qu’il ne l’était avant nous.
Mesdames et messieurs, voilà nos priorités. Dans plusieurs des cinq domaines mentionnés, les premières responsabilités sont de compétence provinciale. Nous respectons ceci.
Certains voient là une raison pour limiter nos efforts. Nous voyons cela comme une occasion de développer la coopération et le partenariat.
De démontrer aux Canadiens que leurs gouvernements partagent la même volonté de réaliser des progrès véritables dans les dossiers qui les préoccupent le plus.
De prouver aux Canadiens que leurs gouvernements comprennent que leurs actions et priorités actuelles façonnent le Canada de demain.
Quand Wilfrid Laurier s’est adressé à la nation en 1904, il ne pouvait pas savoir tout le succès que le Canada connaîtrait au cours du siècle qui suivrait, tous les progrès qu’il accomplirait, ni toute la vaillance dont il ferait preuve.
Mais c’était un homme d’une grande vision, et il incarnait les convictions progressistes qui sont une partie intégrante de nos réalisations nationales.
« Je suis un libéral, a-t-il dit au début de sa carrière politique. Je suis de ceux qui pensent qu’en toute chose humaine, il y a des abus à corriger, de nouveaux horizons à ouvrir et de nouvelles forces à développer. »
Laurier savait, comme nous le savons aujourd’hui, qu’on n’ouvre pas de nouveaux horizons du jour au lendemain. La réalisation de nos objectifs est donc devant nous.
Mais la vision c’est tout de suite.
Un pays capable de relever les défis d’une époque incertaine. Un peuple qui a suivi la voie du changement tout en s’affirmant comme nation.
Je vous remercie.
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