Discours du Premier ministre Paul Martin à l’occasion d`un déjeuner organisé par la Chambre de commerce de Laval
Mai 17, 2004
Ottawa (Ontario)
DISCOURS DU PREMIER MINISTRE
Seul le texte prononcé fait foi Mesdames et Messieurs,
D’abord, je veux dire un grand merci à la Chambre de commerce et d’industrie de Laval de m’avoir invité à partager quelques moments avec vous aujourd’hui.
C’est toujours bon de revenir chez-soi, au Québec, et de retrouver tant d’amis et de visages familiers. Votre accueil me fait chaud au cœur et je vous en remercie.
C’est aussi un grand plaisir de me retrouver en compagnie de la communauté lavalloise. Cette Chambre est une organisation dynamique, dans une ville dynamique.
Pas besoin de parler longtemps avec le maire Vaillancourt, pour réaliser que les projets sont légion à Laval, une ville qui se démarque par sa vitalité, son développement et sa capacité de préparer l’avenir. Et d’ailleurs c’est justement d’avenir dont je veux vous parler aujourd’hui.
Au cours des dernières années, nous avons fait ce qu’il fallait faire pour prendre le contrôle de notre destinée.
La dette fédérale, qui représentait 67 % du PIB en 1993-1994, est descendue sous la barre des 45 % cette année. Et nous nous sommes engagés à la réduire à 25 % d’ici les dix prochaines années. Il y a onze ans, notre déficit représentait presque 7 % de notre PIB, tandis qu’en Allemagne il n’était qu’un peu plus de 2 %. Aujourd’hui, l’Allemagne a un déficit qui dépasse 3 %.
Nous, nous sommes le seul pays du G 8 en surplus. Il y a cinq ans, j’ai mis en place un plan de réduction des impôts de 100 milliards de dollars. Juste pour cette année, ce sera une réduction de 31 milliards. C’est la réduction d’impôts la plus importante de l’histoire du Canada. Évidemment, cela ne veut pas dire qu’on ne doit pas continuer à être vigilant. Le service de la dette est encore important.
Nous avons aussi des responsabilités accrues, en matière de sécurité par exemple où nous avons dû investir sept milliards de dollars suite aux événements du 11 septembre. Et sans compter les investissements importants pour faire face à des crises imprévues comme le SRAS et la vache folle. Néanmoins, dans les derniers dix ans, ce que nous Canadiens et Canadiennes avons accompli ensemble est remarquable.
Les performances du Canada au plan financier, économique et social sont parmi les meilleures au monde. Et de cela, nous pouvons tirer deux conclusions : D’abord, on est maintenant en position de bâtir sur nos acquis et de réussir une progression remarquable, d’ici la fin de la prochaine décennie. Et deuxièmement, ça démontre ce que nous pouvons faire quand on établit des objectifs nationaux et qu’on réalise un consensus national pour les atteindre.
En d’autres mots, lorsqu’on met l’épaule à la roue ensemble, rien ne peut nous arrêter. Et c’est de cela aussi dont je veux vous parler aujourd’hui.
Comme gouvernement, nous avons un agenda très ambitieux. Nos priorités, basées sur une saine gestion économique et un contrôle très serré des dépenses, sont :
- la santé
- le savoir
- les municipalités
- les Autochtones
- et la place du Canada dans le monde
La santé, c’est la priorité des Canadiens et des Canadiennes. C’est la nôtre aussi.Notre objectif est d’assurer que tous, sans distinction de revenu ou de richesse, aient accès à un système de santé public, universel et performant.
Cet été, tel qu’entendu avec les provinces plus tôt cette année, nous allons nous asseoir afin de parvenir à une entente visant des réformes nécessaires pour améliorer notre système pour les générations à venir. Nous allons le faire parce que c’est cela qu’il faut faire.
À cette occcasion, nous allons mettre en place un nouveau mécanisme de transfert afin de fournir aux provinces un financement accru et prévisible pour la santé. Je l’ai dit en janvier, je le redit aujourd’hui, j’en fais un engagement formel, parce que c’est aussi ce qu’il faut faire. Le savoir. C’est une priorité parce que c’est par là que passe l’avenir de notre économie. Ici même dans la région métropolitaine, c’est l’élément vital de notre développement économique. Notre leadership dans les industries aérospatiale, pharmaceutique, biotechnologique, dans les technologies de l’information et les communications, en dépend. C’est pour ça que le gouvernement canadien a investi, plus de 13 milliards de dollars depuis 1997, dans la recherche fondamentale.
Les universités québécoises ont répondu à l’appel :
L’Université de Montréal a été, de toutes les universités canadiennes, la plus grande bénéficiaire de bourses de recherche cette année. L’Université de Sherbrooke a remporté la palme canadienne pour la commercialisation des investissements dans la recherche. Et plus près de chez vous, le Campus Armand-Frappier de l’I-N-R-S, et votre cité de la bio-tech assument un rôle de leadership au Canada.
Ce qui est important, c’est de continuer à investir massivement dans ce qu’on a de plus précieux : nos connaissances et nos talents. C’est la seule façon d’affronter la concurrence internationale et d’en sortir gagnants. Les municipalités – grandes et petites.
Impossible de parler de nos priorités sans parler des villes. Il faut reconnaître que le partenariat entre les gouvernements municipaux et le gouvernement canadien existe, en pratique, ici au Québec et ailleurs avec l’approbation des provinces depuis belle lurette.
Le maire Vaillancourt est un des plus ardents promoteurs d’un partenariat élargi entre le fédéral, les provinces et les municipalités. Il a raison.
Impossible de parler de logement social, d’intégration des immigrants, de l’environnement, de la sécurité publique, du transport en commun et des infrastructures en général, sans parler de partenariat avec les villes. Nous respectons les juridictions provinciales; nous n’avons aucune intention de faire de l’empiètement, mais les enjeux des villes nous concernent tous.
Et nous savons tous que les ressources financières des villes partout au pays ne suffisent plus. C’est pour cela qu’en février de cette année, nous avons bougé. Nous avons donné aux municipalités un remboursement de 100 pour cent de la TPS. Ce sont sept milliards de dollars qui retourneront dans leurs coffres au cours des dix prochaines années. Et ce n’est pas tout.
Nous avons identifié le partage de la taxe sur l’essence comme source de revenus prévisible pour aider les villes à nous aider à offrir aux Canadiens une meilleure qualité de vie. Notre but, c’est une entente dès cette année avec les provinces et les villes sur cette question.
Les peuples autochtones Il y a un mois, il y a eu une rencontre historique entre les leaders autochtones et 26 ministres du gouvernement canadien. On l’a eu parce qu’il faut un nouveau départ dans nos relations avec la population en plus forte croissance au Canada, les Autochtones. Nous avons le devoir de travailler avec eux pour résoudre leurs problèmes de santé et d’éducation sans plus tarder. Encore une fois, c’est par le partenariat entre toutes les instances impliquées, que nous trouverons des solutions qui auront un impact durable.
Quelques mots, maintenant, sur le rôle de notre pays dans le monde.
Le Canada est une puissance moyenne, mais nous avons une capacité d’influencer l’avenir qui dépasse de loin l’ampleur de notre population. Laissez-moi vous donner deux exemples du rôle dynamique que j’envisage pour le Canada à l’extérieur de nos frontières.
Dans les prochaines 24 heures, 8 000 personnes mourront du SIDA et 14 000 personnes seront infectées par le VIH dans le monde, ce qui détruira des familles et meurtrira des pays déjà fragiles. Face à ce fléau, l’Organisation mondiale de la Santé a mis de l’avant deux approches séparées : la première : la vente à des prix abordables des médicaments nécessaires en Afrique. La deuxième, un programme d’urgence pour traiter six millions de personnes qui souffrent de la maladie en Afrique et qui ne reçoivent aucun traitement. Dans ces deux cas, rien ne marchait jusqu’à ce que le Canada relève le défi.
Comme j’ai annoncé la semaine passée à Montréal, le Canada est le premier pays au monde à adopter une loi qui permettra à ses fabricants de produits pharmaceutiques d’exporter en Afrique des médicaments à faible coût contre le VIH et le SIDA. La même semaine, le Canada a contribué 100 millions de dollars à l’Organisation mondiale de la santé pour traiter 3 millions de sidatiques d’ici la fin de 2005. Cette contribution fait de nous le plus important donateur pour ce programme.
Le Canada est maintenant, comme nous l’avons été il y a cinq ans lorsque nous avons effacé la dette des pays les plus pauvres, le catalyseur qui va amorcer une révolution dans l’acceptation par les pays riches de leurs responsabilités cette fois ci à l’égard de l’Afrique et de la lutte contre le VIH/Sida.
Un deuxième exemple du rôle que nous pouvons jouer dans le monde ressort de la proposition canadienne de mettre sur pied un nouveau regroupement de pays pour compléter le G-8. Un regroupement qui inclura la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Un groupe de pays qui se rencontreraient dans le cadre le plus informel possible afin de faire progresser quelques uns des dossiers les plus épineux pour lesquels la portée du G-8 est trop restreinte. l’environnement, la collaboration dans la lutte contre le terrorisme, l’écart grandissant entre les riches et les pauvres.
Je suis convaincu qu’une réunion des dirigeants d’un tel regroupement de pays peut apporter une contribution significative. En galvanisant nos efforts à l’échelle multilatérale et en donnant l’impulsion et un meilleur sens de direction à nos institutions internationales comme les Nations Unies.
Est-ce important pour le Canada. La réponse est clairement oui parce que cela nous donnera les leviers dont nous avons besoin pour jeter un pont entre le Nord et le Sud. Et tout cela pour le Canada est crucial. Peu de pays sont aussi ouverts sur le monde que nous le sommes. Nous avons une économie qui dépend de la stabilité mondiale. Alors voilà nos priorités comme gouvernement.
Ce dont j’aimerais vous parler maintenant, c’est de la condition sine qua non pour réaliser ces priorités : Une condition qui ressort clairement de l’exemple que je viens de vous donner, d’un nouveau partenariat requis entre les grandes puissances mondiales. Si le partenariat est essentiel au niveau international, à plus forte raison, il l’est au niveau national.
Je ne suis pas ici pour vous parler de changement constitutionnel. Je suis ici pour vous parler d’un changement d’attitude. Oui, il y a des juridictions fédérales. Oui, il y a des juridictions provinciales. Et des responsabilités municipales, et il faut les respecter. Mais ce sera impossible d’atteindre les objectifs de nos priorités respectives, si on ne travaille pas ensemble, en partenariat, la main dans la main. Quand on entend parler de contribuable fédéral, de contribuable provincial ou de contribuable municipal, on oublie que c’est la seule et même personne.
Et pour moi, c’est évident qu’on a le devoir de ne pas se chicaner sur leur dos et à leurs frais.Il faut transformer les rapports entre les gouvernements de ce pays, pour pouvoir nous consacrer à résoudre les vrais problèmes qui sont si pressants. On ne mesurera pas nos succès par l’ampleur de la confrontation. On les mesurera par le niveau de concertation, par notre habilité et notre volonté de travailler ensemble, au règlement des grands enjeux qui nous concernent tous.
Ces valeurs sont au cœur de ma pensée. Comme gouvernement, nous avons une vision très claire de nos priorités. Nous avons aussi une vision très claire de concertation, de partenariat et de recherche de solutions en commun. Et c’est vrai tant dans les domaines de juridiction fédérale que de juridiction provinciale. Au plan international, par exemple, lorsque des questions affectent les domaines de compétence des provinces, je veux qu’elles soient avec nous, comme partenaires, pour promouvoir et défendre leurs intérêts et nos intérêts.
Ainsi, le Québec doit non seulement être assis avec nous à la table de l’UNESCO, mais il faut qu’il puisse prendre la parole lorsque nous discutons, par exemple, de diversité culturelle. Le Québec, c’est le foyer principal de la langue et de la culture françaises en Amérique du nord. C’est un des piliers du fait français dans le monde. Il doit pouvoir s’exprimer sur les grands sujets qui le touchent de près. La porte doit lui être toute grande ouverte, sans équivoque. Et elle le sera.
Un autre exemple : avant d’aller à Washington, il y a quelques jours, j’ai appelé mes homologues de toutes les provinces pour discuter avec eux des enjeux qui les concernaient. Je leur ai demandé de me faire part de leurs priorités. J’ai été très surpris d’apprendre que c’était la première fois que ça se faisait. Je peux vous dire que chaque point mentionné par les provinces a été soulevé soit avec le président ou les membres de l’administration. Et j’ai personellement soulevé avec le président chaque point mentionné par le Québec.
C’est ça le changement d’attitude que je préconise :Il faut faire preuve d’ouverture et d’audace pour mieux servir nos concitoyens. Être à l’écoute des provinces, c’est essentiel.
Je comprends le Québec lorsqu’on se plaint du manque de prévisibilité dans la péréquation Il y a des pistes de solution et on va les trouver. C’est cette approche ouverte que je veux aussi privilégier dans le dossier des congés parentaux avec le Québec. Je vous le dis : On va régler la question. On va la régler parce que la conciliation travail-famille, est importante dans le monde d’aujourd’hui. On va la régler en trouvant une solution juste et équitable, qui sera avantageuse pour les jeunes familles québécoises.
Et on va la régler en trouvant une solution qui reconnaîtra le rôle de pionnier joué par le Québec en matière sociale. On l’oublie parfois, mais le partenariat c’est la fondation sur laquelle le Canada s’est établi.
Ce grand atout de notre pays remonte à ses débuts, au regroupement en une seule communauté politique de deux peuples fondateurs.
Au fil des ans, nous avons ajouté une riche mosaïque de gens issus de tous les coins du monde. C’est un véritable exploit que nous avons accompli, un énorme exploit, au titre de l’intégration dans la tolérance et du respect de la diversité. Cela ne s’est pas fait sans difficultés et des erreurs ont été commises, mais le bilan évoque une réussite exceptionnelle.
Il démontre qu’un pays n’est pas seulement une langue, une culture. C’est la capacité de vivre ensemble et de vouloir réussir ensemble. C’est pour cela, si le partenariat entre les gouvernements de notre pays est une condition essentielle pour atteindre nos objectifs, il y en a une autre aussi qui est primordiale pour moi.
C’est que pour réaliser tout ce que je veux faire comme Premier ministre, j’ai besoin du Québec.
Il y a 38 ans, je suis venu vivre au Québec, touché, ému et emballé par une société qui avait décidé de se prendre en main. C’est ici que j’ai fait ma vie. C’est ici que j’ai élevé mes enfants. Ce sont mes concitoyens de LaSalle-Émard qui m’ont donné le privilège de les représenter à Ottawa. Le Québec, c’est chez-moi. C’est pour cela que j’ai besoin, plus que jamais, du Québec, des Québécois et Québécoises, pour m’accompagner dans cette démarche emballante de construire le Canada de demain.
L’adhésion du Québec à ce grand projet qu’est le Canada n’a rien à voir avec des luttes partisanes, mais a tout à voir avec la volonté de bâtir, ensemble, un pays qui doit être un exemple pour le monde. J’ai besoin du Québec, de sa créativité, du dynamisme, de sa jeunesse, qui se manifestent partout.
Nos entrepreneurs, des gens comme vous, qui partent à la conquête des marchés, ici et à l’étranger. Du Mouvement Desjardins aux Fonds de solidarité des travailleurs, de la Caisse de dépôt aux chantiers d’économie sociale, du rayonnement culturel international de nos artistes et créateurs jusqu’aux grands événements majeurs internationaux qui façonnent nos étés et nos hivers. De tout temps, le Québec a été une terre d’innovation. C’est ce qui nous a permis de mieux maîtriser notre destin économique, social et politique, et de continuer de faire progresser le Canada comme pays.
Le Canada a besoin de ce Québec confiant en sa destinée unique sur le continent nord américain. Ce Québec qui permet au Canada de se distinguer encore davantage sur la scène internationale et d’accroître sa sphère d’influence. C’est pour cela qu’au Parlement canadien on doit faire attention de ne pas s’isoler dans une opposition éternelle qui donne le pouvoir aux autres et prive le Québec de sa force politique réelle au sein de notre pays.
Certains se vantent de poser des questions. Ce dont nous avons besoin sont des députés qui vont vous donner des réponses. Les choix sont clairs : ou bien on se contente d’observer, et de critiquer, ou bien on participe de près à l’élaboration des politiques et à la mise en place des solutions.
Ce dont nous avons besoin, c’est une équipe de députés du Québec qui a le goût de participer à la direction des affaires du pays, d’un océan à l’autre. Ce dont nous avons besoin c’est des Québécois pour éclairer par leur perspective tout à fait particulière, en tant que représentants de la francophonie d’Amérique, nos grands débats sur les enjeux de l’heure, ici comme ailleurs dans le monde. Ce dont nous avons besoin c’est une équipe de députés qui fait la promotion de vos rêves et vos aspirations à la table nationale. Une équipe qui fait valoir notre vision à l’échelle internationale.
Nous sommes à l’aube d’une décennie qui déterminera la direction que prendra le Canada jusqu’à la fin du siècle. C’est aujourd’hui, et non demain, que nous devons joindre nos forces. Nous devons le faire pour renforcer les soins de santé. Nous devons le faire pour être à l’avant garde de l’économie du XXIe siècle. Nous devons le faire afin que dans l’avenir, les historiens qui se pencheront sur cette décennie puissent dire que cette génération de Canadiens a été, effectivement, à la hauteur du défi.
Nous voulons offrir aux Québécois un programme de gouvernement pragmatique, moderne, à la mesure des valeurs, des talents et des aspirations de nos concitoyens.Nous avons besoin de Québécois de toutes origines et de toutes les régions du Québec, afin de construire un Canada prospère et d’avant-garde, tolérant et conscient de ses responsabilités.
À Ottawa, on a besoin de ces Québécois qui veulent travailler à concrétiser une vision contemporaine du Canada, dans laquelle les Québécois se reconnaissent, veulent vivre, prospérer et s’épanouir. Comment allons nous faire. En saisissant l’occasion extraordinaire qui s’offre à nous : celle de jouer pleinement le rôle qui nous attend au sein du gouvernement Canadien, pour l’avenir du Québec et l’avenir du Canada.
C’est le défi que je vous lance; c’est le défi, j’en suis convaincu, que nous allons relever, ensemble.
Merci.
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