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Allocution du Premier ministre Paul Martin à une conférence internationale avec la diaspora haïtienne

Décembre 11, 2004
Montréal (Québec)

Le texte prononcé fait foi

Monsieur le Premier ministre

Mesdames et Messieurs les ministres du gouvernement d’Haïti

Monsieur le Représentant du Secrétaire Général des Nations Unies

Mesdames et Messieurs les ministres du gouvernement du Québec

Mesdames et Messieurs les représentants des pays amis d’Haïti

Compatriotes membres de la grande diaspora haïtienne au Canada et
délégués des diasporas haïtiennes ailleurs dans le monde

Distingués invités

Je tiens d’abord à vous souhaiter la plus chaleureuse bienvenue à Montréal, ville canadienne de la plus grande concentration de la diaspora haïtienne au pays. Plus particulièrement, je tiens à vous remercier toutes et tous de votre présence à cet événement si important pour faire avancer la cause d’Haïti, cause qui me tient très à cœur.

Je voudrais profiter de votre présence ici pour souligner l’importante contribution que votre communauté apporte à la nation canadienne. Depuis des décennies, des générations d’Haïtiens et d’Haïtiennes sont venus enrichir la mosaïque canadienne et jouent aujourd’hui un rôle enviable dans tous les secteurs de notre société. Votre intégration parmi nous a permis de tisser des liens uniques entre le Canada et Haïti.

Ce profond attachement entre les populations d’Haïti et du Canada, et tout particulièrement du Québec, s’est exprimé de manière marquée par une solidarité spontanée au moment de la tragédie des Gonaïves. Je voudrais féliciter tous ceux et celles qui ont fait preuve de cette compassion qui est l’un des fondements de notre identité collective.

Il y a un an presque jour pour jour, je prenais mes responsabilités de Premier ministre du Canada. Dès ce moment, je signalais clairement mon intention de faire en sorte que le Canada assurerait un rôle de leadership au plan de l’appui international nécessaire à la construction d’un projet de société en Haïti. Dès les premiers jours de crise qui ont frappé le pays au début de mars cette année, le Canada est passé à l’action en envoyant une force de stabilisation significative pendant six mois.

Depuis juillet, le Canada a déployé plus de 100 policiers au sein de la force multinationale de maintien de la paix. Le Canada s’est également joint au gouvernement provisoire et aux différents joueurs de la communauté internationale pour définir un vaste cadre de coopération intérimaire.

Et dès juillet, nous annoncions un appui massif de 180 M $ à ce même cadre de coopération intérimaire qui vise à mettre en place un plan de reconstruction en Haïti, mais aussi d’y bâtir un ordre démocratique. D’ailleurs, le Canada va jouer un rôle central dans l’appui au processus électoral en 2005. Le Canada va aussi se joindre aux efforts visant à supporter les grands travaux créateurs d’emplois.

Et depuis la conférence de Washington en juillet dernier, au sein de tous les forums internationaux, avec tous nos partenaires, nous n’avons cessé de discuter et signaler notre intérêt à l’égard de notre pays frère si important dans l’hémisphère. D’abord, tôt cet automne, lors de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec de nombreux leaders du monde entier sur Haïti. Le 14 novembre dernier, avec une dizaine de parlementaires canadiens, j’ai visité Haïti. Nous avons pu engager un dialogue franc et direct avec non seulement les membres du gouvernement provisoire mais aussi avec les représentants réunis de de la société civile et de tous les principaux partis politiques, incluant Lavalas.

Les messages que nous y avons laissés soulignaient l’importance fondamentale du dialogue national et de la mobilisation pour la reconstruction et pour l’ordre démocratique. Nous avons dit qu’il faut bâtir sur l’avenir et non pas sur la nostalgie du passé. Nous avons également renforcé l’engagement d’un appui canadien à long terme.

De passage au Brésil, notre délégation a salué l’engagement formidable du gouvernement du Président Lula à la tête du contingent de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSTAH. Et puis, au Sommet de la Francophonie, au Burkina Faso, nous avons appuyé l’engagement international vis à vis d’Haïti, dans la déclaration de Ouagadougou, mais aussi en initiant, avec d’autres partenaires au sein de la Francophonie, des projets concrets d’appui aux réformes judiciaires en Haïti.

Le Canada va contribuer avec l’Union Européenne et l'Organisation de la Francophonie à améliorer le système judiciaire. Plus spécifiquement, ce projet soutiendra la formation de magistrats. Il développera et renforcera les capacités des tribunaux de paix. Il développera un système de médiation et de formation de juges médiateurs. Il instaurera une Cour des petites créances et cherchera à moderniser la procédure pénale. Le Programme soutiendra également la préparation et publication d'une Revue générale du droit haïtien et des arrêts de la Cour suprême.

Aujourd’hui, Haïti se trouve à nouveau à la croisée des chemins. L’occasion s’offre d’un nouveau départ, d’une reconstruction fondée sur l’État de droit, la démocratie, la sécurité et l’accès à des conditions de vies décentes pour tous les Haïtiens et Haïtiennes. Le Canada entend être aux côtés des Haïtiens et Haïtiennes pour les aider à relever ce nouveau défi sous la conduite du gouvernement de transition. En raison de leur engagement constant, les communautés haïtiennes du Canada et des autres pays doivent jouer un rôle central dans la reconstruction d’Haïti.

Ce que je vous propose aujourd’hui est de devenir des partenaires privilégiés de cette reconstruction et de l’action que mènent le Canada et d’autres pays en Haïti. Voici ce que nous allons faire.

Dans le domaine de l’éducation et de la santé, nous avons déjà fait beaucoup en collaboration avec La Fondation Gérin-Lajoie, Tecsult, CAC, CECI et plusieurs autres organisations, dont le Rassemblement des organisations Canado-haïtiennes pour le développement. Nous allons encore bonifier nos appuis dans ces domaines vitaux pour l’avenir d’Haïti.

Dans le domaine de la gouvernance politique, nous contribuerons avec d’autres pays à financer les coûts des élections en 2005. Nous allons aussi accompagner le processus électoral avec les Nations Unies et l’OÉA.

Dans le domaine de l’énergie, grâce à ce que nous avons réalisé à Jacmel avec la collaboration d’Hydro Québec où depuis maintenant 6 ans, il y a de l’électricité 24 heures sur 24, nous allons bâtir sur ce succès et adapter le modèle à d’autres villes secondaires du pays.

Nous appuyons déjà fortement la police et allons encore faire davantage. En plus de l’initiative en matière de justice dont j’ai déjà parlée, nous réhabilitons des palais de justice et appuyons des organisations impliquées dans la promotion des droits de la personne et plus particulièrement les droits des femmes. A la demande du Premier ministre Latortue, nous considérons aussi la possibilité de financer la « route du rail » qui permettrait une deuxième sortie de Port-au-Prince vers le sud. Nous sommes aussi venu en aide aux populations victimes de catastrophes humanitaires.

Depuis l’année 2004, le Canada a consacré 15 millions de dollars en aide. Ceci étant dit, et quoi que je sois convaincu que la communauté internationale fera des efforts considérables pour venir en aide à Haïti, elle ne pourra accomplir ses engagements sans l’existence d’une réconciliation nationale entre tous les Haïtiens. L’un ne peut pas aller sans l’autre. C'est la responsabilité première.

Je sais à quel point vous êtes prêts à contribuer à la sécurité, au désarmement, à la reconstruction économique ainsi qu’à la réconciliation et à la relance du processus démocratique haïtien. La violence est un sérieux frein à l’amélioration des conditions de vie de tous les Haïtiens. Il est urgent d’entreprendre des mesures pour assurer la sécurité par le désarmement. Cependant, la MINUSTAH ne peut réussir seule. Le succès de son mandat dépend d’une coordination efficace avec une force policière haïtienne et un système judiciaire renforcé, efficace et intègre.

La population attend impatiemment des résultats concrets. Il est urgent maintenant de passer à l’action afin de répondre aux attentes des Haïtiens et des Haïtiennes. Ces défis ne peuvent être relevés sans une réconciliation nationale impliquant l’ensemble des acteurs de la société haïtienne, y compris le parti Lavalas. Il s’agit d’une étape incontournable pour assurer la relance du processus démocratique.

La démocratie est un droit pour chaque citoyen haïtien. Elle est une condition absolument nécessaire pour améliorer le bien-être économique et social de chaque citoyen. Les élections de 2005 doivent être le symbole de cette démocratie recouvrée. Il y a de la place pour tous dans cette entreprise mais pour réussir, il est essentiel que les partis politiques et la société civile laissent de côté les rancœurs du passé. Il faut regarder plutôt vers l’avenir afin de sortir Haïti de la spirale de la violence et de la pauvreté.

L’avenir du pays appartient d’abord aux Haïtiennes et aux Haïtiens eux-mêmes. C’est à eux tous, qu’il revient de dégager un consensus sur les valeurs, de créer les institutions et de former la société qui amèneront la sécurité, l’harmonie et la prospérité.

Je réitère aujourd’hui non seulement l’appui du Canada envers Haïti pour le long terme, mais aussi mon engagement à appuyer vos efforts et votre contribution dans cette entreprise. Je suis certain que les discussions et les travaux que vous vous apprêtez à entamer aujourd’hui, vont porter sur les questions fondamentales. Les réponses que vous apporterez feront partie de notre réflexion, car votre contribution est essentielle. Vous êtes la voix du cœur et de la raison. Je suis convaincu que vous tous, de la diaspora, disposez de possibilités uniques pour apporter une contribution formidable aux efforts de reconstruction en Haïti, au-delà même de votre apport financier déjà exceptionnel à votre pays d’origine.

Je ne saurais dire assez toute mon admiration pour cet apport et pour votre détermination à jouer un rôle historique pour votre pays.

Je souhaite que cette réunion puisse déboucher sur des propositions concrètes d’action, des projets et des mécanismes qui permettront d’encadrer et de multiplier les efforts pour mettre en oeuvre les objectifs du cadre de coopération intérimaire.

Je vous remercie beaucoup.


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Mise à jour : 2006-07-28 Haut de la page Avis importants