Allocution du Premier ministre Paul Martin à l'occasion d'une réception officielle du Conseil commercial Canada-Chine
Janvier 21, 2005
Beijing (Chine)
C’est un grand plaisir pour moi d’avoir encore une fois l’occasion de prendre la parole devant le Conseil commercial Canada-Chine, cette fois-ci à Beijing, où vous êtes si nombreux à réussir. Le CCCC incarne les liens commerciaux de longue date, et qui se multiplient rapidement, entre la Chine et le Canada – une relation qui présente des avantages aux peuples des deux pays et qui symbolise notre désir commun de poursuivre et de mettre à profit un énorme potentiel encore inexploité.
D’abord, j’aimerais vous dire ce soir que mon séjour à Beijing a été bien rempli et productif. Je tiens à remercier mes hôtes, le Président Hu et le Premier ministre Wen, de l’accueil chaleureux qu’ils m’ont réservé, de leur gracieuse hospitalité et des discussions que nous avons eues – qui ont été à la fois stimulantes, fécondes et franches.
Ce soir, j’aimerais vous parler de la façon dont je perçois les relations entre le Canada et la Chine – aujourd’hui et dans les années à venir.
Je suis venu en Chine pour la première fois en 1972, pendant les années de déclin de la Révolution culturelle. J’étais alors homme d’affaires. À cette époque, la Chine était mystérieuse à mes yeux et pour une bonne partie du monde; c’était une étrangère exotique. J’y suis revenu bon nombre de fois depuis. J’ai été témoin de l’évolution et de la croissance de ce grand pays.
Au XXIe siècle, un nouveau dynamisme s’est installé, et la Chine en est au premier plan. De nouvelles économies prennent leur essor. La structure du pouvoir à l’échelle planétaire subit actuellement sa première transformation en profondeur depuis plus de cinq décennies. Et la Chine joue maintenant un rôle de plus en plus crucial sur la scène internationale.
Cela est accueilli favorablement par le Canada. Nous souhaitons développer notre relation avec la Chine – créer un véritable partenariat qui comprenne non seulement des activités économiques, mais aussi le programme politique mondial : santé publique, questions environnementales, droits de la personne et culture. Nous voulons, essentiellement, rapprocher davantage nos deux pays – encourager la circulation des capitaux et des biens et services dans les deux sens, tout en élargissant notre dialogue, nos échanges d’idées et de croyances. Car c’est ainsi que des amitiés sont approfondies et que le monde se renforce.
En 2003, la Chine est devenue le deuxième partenaire commercial du Canada. Notre commerce bilatéral est passé d’une valeur annuelle de 5 milliards de dollar il n’y a que dix ans à quelque 25 milliards de dollars. En effet, nos échanges commerciaux ont augmenté d’encore 50 pour cent l’an passé seulement, et nul doute que cette expansion se poursuivra.
Cette croissance s’effectue au même moment où le Canada et la Chine évoluent en tant que pays commerçants. Le visage changé de la Chine a été bien documenté – un pays perçu autrefois surtout comme un fabricant à faibles coûts se transforme en un pays fier de sa main d’œuvre très instruite et novatrice.
Au Canada, la croissance axée sur les produits est toujours aussi importante pour nous, mais notre pays s’est développé et diversifié pour donner lieu à une économie du savoir propulsée par l’ingéniosité. Nous avons pris d’importantes mesures pour créer une économie robuste qui nous servira bien dans un monde en mutation. Nous investissons très activement dans l’apprentissage en bas âge, dans l’éducation et dans la recherche et l’innovation relatives aux nouvelles technologies – car nous comprenons depuis longtemps qu’il s’agit là des éléments essentiels à l’édification réussie d’une économie du XXIe siècle et d’un pays capable de faire concurrence dans toutes les régions du monde.
Nous savons que des pays comme la Chine auront davantage besoin des ressources naturelles du monde, à mesure que la demande des consommateurs s’accroît. Le Canada en retirera un avantage. Cependant, au cours de la dernière décennie, notre secteur des ressources naturelles est devenu, surtout et avant tout, un exportateur de savoir-faire en gestion et de technologies. À l’heure actuelle, notre industrie est active partout dans le monde; elle participe à des projets conjoints, gère de nouvelles découvertes, accomplit de nouvelles réalisations, et ce, en raison justement de son expertise.
Il en est ainsi pour d’autres secteurs importants de notre économie. Ceux qui travaillent avec les entreprises canadiennes offrant des services financiers ici en Chine sont conscients des divers atouts que présente le Canada dans ses activités. De même que ceux qui achètent des simulateurs aéronautiques, qui collaborent à la recherche sur les technologies environnementales ou les télécommunications, qui forment des partenariats avec des éducateurs canadiens ou avec les fabricants de la technologie utilisée pour les écrans plats, ou ceux qui construisent des wagons porte rails.
La liste est très longue. Et elle met en relief les nombreux secteurs où nos deux pays, intégrés grâce à des économies compatibles, peuvent profiter de ce que l’on pourrait appeler une voie d’accès aux possibilités et qui permettrait d’accroître la prospérité et de réussir sur le plan économique.
En parlant de possibilités, j’aimerais justement en mentionner une qui existe déjà – l’infrastructure qui facilite la circulation de biens entre la Chine et le Canada, entre l’Asie et l’Amérique du Nord. Dans un monde où le commerce est d’ordre planétaire, l’économie nord américaine demeure un puissant moteur de croissance. C’est encore le marché auquel tous veulent avoir accès. Et grâce à quinze ans de libre échange et à une décennie sous le régime de l’ALENA, le Canada peut assurer l’accès à un continent où il y a peu d’obstacles.
Pour les entreprises en Chine, le principal port en eau profonde et le plus grand aéroport international qui sont les plus proches en Amérique du Nord se situent à Vancouver, en Colombie-Britannique. Plus loin, au nord de cette province, Prince Rupert offre un autre port en eau profonde important qui est en pleine expansion et dont les liens commerciaux avec la Chine s’affermissent de plus en plus. Les faits sont clairs : De la Colombie-Britannique, le Canada constitue la voie d’accès idéale de la Chine en Amérique du Nord, et de l’Amérique du Nord en Chine.
L'augmentation remarquable de notre commerce bilatéral a suscité un certain nombre de difficultés temporaires en matière de capacité. Mais ne vous y trompez pas : nous sommes en train de les régler. Le premier ministre de la Colombie-Britannique, par exemple, tient à établir définitivement Vancouver et Prince Rupert en tant que voies d’accès de l’Amérique du Nord aux possibilités – une plaque tournante du commerce transpacifique. C’est une question de bon sens d’un point de vue géographique. Et grâce aux mesures comme celle visant à accroître la capacité ferroviaire dans l’Ouest canadien, nous veillerons à ce que cela ait du sens aussi du point de vue global des affaires.
Les secteurs public et privé du Canada investissent déjà près de 2 milliards de dollars dans les infrastructures de la Colombie-Britannique, soit les autoroutes, les chemins de fer, les installations portuaires et la frontière, afin que la circulations des biens dans cette province et dans l’Ouest canadien se fasse plus efficacement. D’autres améliorations seront apportées également, à mesure que nous cultivons et approfondissons la relation commerciale entre nos deux pays.
Il existe en Chine une tradition consistant à décorer les entrées, de manière à favoriser la bonne fortune de tous ceux qui les franchissent. À mon avis, la voie d’accès entre nos deux pays sera porteuse des mêmes bienfaits et avantages – la prospérité accompagnera ceux et celles qui passent par là.
Le chemin est déjà tracé, et il met à profit la relation de plus de trente ans entre le Canada et la Chine, ainsi que l’arrivée, au cours de la dernière décennie, de nombreux immigrants de la Chine continentale et de la diaspora chinoise – lesquels ont enrichi notre culture et contribué au dynamisme et à l’envergure internationale de l’économie canadienne. Bon nombre travaillent maintenant à la promotion du commerce, des transferts technologiques ou des investissements entre le Canada et la Chine. Ils connaissent les deux pays et les comprennent bien. Ils permettent de jeter un pont entre nos territoires.
Voilà pourquoi je suis très heureux que le Premier ministre Wen et moi ayons pu, aujourd’hui, revoir les progrès accomplis par le Groupe de travail stratégique Canada-Chine et donner à ce dernier un nouvel élan. Ce groupe de travail a été mis sur pied par nos gouvernements afin d’encourager la coopération au sein de tribunes multilatérales, de promouvoir la circulation des investissements dans les deux sens, de protéger les investissements étrangers et de repérer les moyens d’accroître nos échanges commerciaux et nos investissements.
Ce n’est qu’une des ententes fort diverses que nous avons signées hier. Des ententes qui reflètent la profondeur et l’ampleur grandissantes de la relation entre la Chine et le Canada, que ce soit aux chapitres de la coopération culturelle, du développement durable, de la coopération scientifique, de l’agriculture, de la recherche sur l’énergie nucléaire civile et son développement, ou de bien d’autres domaines, y compris la gouvernance nationale.
Par exemple, le Canada soutient des projets qui aideront la Chine à réformer les services de son ministère public; à mettre au point un système d’aide juridique; à mieux protéger les droits des femmes; et à élaborer un système judiciaire en conformité avec les positions de la communauté internationale. Nous participons aussi à un projet de coopération parlementaire ayant pour but de mettre sur pied des audiences en matière législative.
Nous prenons part aussi à un projet qui permettra de renforcer les moyens du Centre de recherche sur les droits de la personne à Beijing afin que celui-ci puisse contribuer aux efforts visant la ratification et la mise en œuvre dans un proche avenir de conventions internationales sur les droits de la personne. À mesure que la Chine évolue en tant que puissance économique et politique, de nouvelles possibilités se présenteront – et aussi de nouvelles obligations. Les droits doivent être respectés. Mais ils doivent aussi être favorisés. À cet égard, il faut une transformation positive qui suit le rythme de la transformation économique de la Chine.
Le Premier ministre Wen et moi avons discuté de tout cela. Car au pouvoir et à l’influence se joindront des perspectives intéressantes et des responsabilités accrues, tant au pays qu’à l’étranger.
J’ai aussi discuté avec le Premier ministre et le Président du besoin de travailler à la réforme des institutions mondiales, afin qu’elles puissent mieux refléter le monde en mutation et notre humanité commune. L’époque où nous vivons, avec toutes ses technologies, peut, à certains égards, paraître froide et impersonnelle. À vrai dire, nous n’avons jamais été aussi liés en tant qu’êtres humains sur cette Terre. J’ai entrepris ma visite en Asie au Sri Lanka et en Thaïlande, deux endroits parmi de nombreux autres où la réponse internationale au désastre causé par les tsunamis illustre les rapports qui nous rapprochent de plus en plus. Cette vaste planète est devenue, de notre vivant, une collectivité étroitement liée où les gens sont plus conscients les uns des autres, où on se soucie davantage de son prochain.
Nos institutions doivent nourrir la foi et l’optimisme des populations du monde. Elles doivent être capables d’agir, avec rapidité et efficacité, dans les intérêts de ces populations lorsque le besoin s’en fait sentir. Les Nations Unies font du bon travail en aidant à coordonner les efforts de secours et à gérer la réponse internationale aux tsunamis. Nous devons maintenant nous assurer qu’elles peuvent agir tout aussi efficacement et rapidement dans le cadre d’un plus large éventail d’interactions humaines, par exemple dans des pays où la définition traditionnelle de la souveraineté empêche le monde d’intervenir pour aider les peuples en difficulté dans des États effondrés ou en voie d’effondrement.
Les institutions mondiales seront toujours des instruments imparfaits, mais les pays progressistes ont le devoir de s’efforcer à faire en sorte qu’elles reflètent la réalité du monde d’aujourd’hui, et non celle du monde dans lequel elles ont été créées. C’est pourquoi le Canada a mis de l’avant un nouveau multilatéralisme qui présente une vision du monde tel qu’il est, et tel qu’il sera – non tel qu’il était. Un monde qui sauvegarde la responsabilité de protéger ses peuples. Un monde qui se consacre à l’élaboration de vraies solutions pour répondre à des problèmes pressants en temps opportun.
Pour la même raison, le Canada croit que les pays peuvent s’appuyer sur la réussite du G8 – que nous devrions passer à la prochaine étape et rassembler non seulement les dirigeants des pays les plus industrialisés, mais aussi ceux des puissances régionales, comme l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Inde – et, bien entendu, la nouvelle puissance mondiale qu’est la Chine. Réunir ces vingt dirigeants du monde, et leur donner l’occasion de s’occuper définitivement de problèmes internationaux urgents comme le terrorisme, la santé publique et la dégradation de l’environnement. Pas de discours, pas de séance préparée d’avance : simplement une nouvelle façon opérante de mettre au point une action multilatérale concertée et efficace qui produira des résultats concrets. Le Président Hu et le Premier ministre Wen m’ont indiqué qu’ils appuyaient l’idée d’une réunion du L20, et j’espère que nous pourrons conjuguer nos efforts pour la réaliser.
Mesdames et messieurs, ma visite en Asie permet de décrire ce que nous, en tant que gouvernement, sommes déterminés à accomplir par l’entremise de notre politique étrangère. Le Canada a été, pendant une grande partie de son histoire, une force progressiste active dans le monde, et il poursuivra sur cette voie.
Au Sri Lanka, notre Équipe d’intervention en cas de catastrophe a été déployée pour venir en aide aux victimes des ras de marée meurtriers de l’Asie. Là bas, en Thaïlande et ailleurs, nous nous sommes engagés à apporter une aide concrète et ciblée à ceux qui en ont besoin.
À New Delhi, à Tokyo et ici, à Beijing, pendant mes discussions avec les dirigeants de puissances établies et nouvelles, j’ai soulevé le besoin de concevoir des institutions internationales qui reflètent les temps modernes et qui répondent d’une manière effective aux problèmes de notre époque. À titre de gouvernement, nous nous engageons à l’égard d’un nouveau multilatéralisme qui permettrait d’accroître la sécurité dans le monde, de favoriser une prospérité plus inclusive et de mieux aider les peuples en difficulté partout dans le monde.
La Chine jouera un rôle crucial dans la réussite d’un nouveau multilatéralisme, et c’est pourquoi nous tenons à cultiver une relation mutuellement bénéfique – un partenariat qui reconnaît les changements qui s’opèrent dans la façon dont le monde interagit et dans l’exercice des activités économiques. Nous tenons à transmettre à Beijing et au monde entier le message suivant : que notre main d’œuvre très instruite et hautement qualifiée et l’économie diversifiée et novatrice du Canada, axée sur l’exportation, font de notre pays un partenaire idéal dans le commerce international du XXIe siècle. En effet, nous croyons que la mondialisation, et la spécialisation qu’elle exige souvent, créeront de nouveaux débouchés pour les économies avancées comme les nôtres.
Cette relation fera sûrement face à des défis. Nous devons nous attacher ensemble, par exemple, à la protection des investissements, à la mise en œuvre intégrale des engagements relatifs à l’Organisation mondiale du commerce, à la mise au point d’un système judiciaire plus transparent et à l’application sans faille de la primauté du droit aux litiges commerciaux. Il arrivera parfois comme nous soyons en désaccord, comme c’est le cas entre amis.
Cela dit, je crois fermement qu’il y a, de part et d’autre, la volonté d’établir un véritable partenariat entre le Canada et la Chine. Tout ce que j’ai entendu aujourd’hui, et toutes mes discussions avec nos hôtes chinois, m’en ont convaincu. J’aimerais conclure sur ce point : Vers la fin de cette décennie, le drapeau olympique flottera sur Beijing, ville hôtesse des Jeux d’été 2008, puis sur Vancouver, qui accueillera les Jeux d’hiver 2010. J’espère que ce lien symbolisera alors une relation plus approfondie et plus complexe.
Voilà pourquoi nous nous appliquons à enrichir la voie d’accès aux possibilités – non seulement en tant que moyen pratique de lier plus étroitement nos économies et nos entrepreneurs, mais en tant que symbole d’ouverture et de confiance, signe de la volonté d’explorer de nouvelles amitiés, des façons inédites de faire les choses ensemble en faisant appel au partenariat, à l’imagination et au travail acharné.
Nous voulons bâtir avec vous un partenariat qui englobe la complexité et l’influence grandissante de la Chine du XXIe siècle. Une nouvelle Chine qui entretient des rapports différents avec un monde qui évolue et se transforme rapidement. Un monde qui profitera des immenses bienfaits de ses échanges avec la Chine.
Je vous quitte sur cette pensée finale : Le ministre des Affaires étrangères de la Chine, Li Zhaoxing, a composé récemment un poème au sujet des relations entre les Canadiens et les Chinois. Le poème s’intitule Nous sommes essentiellement un. Et il se termine par les vers suivants.
D’une colline parfumée à Beijing jusqu’à Vancouver, les érables règnent, Le soleil se lève sur le même paysage cramoisi, embrasé et rempli.
Comme le suggèrent ces mots et ces images, nos pays ont beaucoup en commun. Tirons parti de cette liaison. Engageons nous ensemble sur la voie d’accès et vers l’avenir.
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