Déclaration du Premier ministre, prononcée pendant une conférence de presse sur le rapport de la vérificatrice générale
Février 12, 2004
Ottawa (Ontario)
DÉCLARATION DU PREMIER MINISTRE
Depuis la publication mardi des résultats troublants de l’enquête de la vérificatrice générale, notre gouvernement a fait part très clairement du jugement qu’il porte sur des gestes considérés comme inacceptables et qui ne peuvent être tolérés. Les Canadiens sont outrés par les cas de mauvaise gestion et d’abus de confiance qui ont été mis à jour. En tant que Premier ministre, je partage entièrement ce sentiment. Les Canadiens doivent savoir que ce gouvernement prend l’entière responsabilité de régler cette affaire. Nous ne tournerons pas le dos à notre responsabilité de savoir ce qui s’est passé et de nous assurer que cela ne se reproduise jamais.
En tant que membre du Cabinet, j’assume personnellement la responsabilité en ce qui concerne la façon dont nous traitons cette affaire. Je dois répondre, d’un point de vue politique, de mes actions, et les ministres du Cabinet sont, en dernière analyse, responsables des gestes que nous posons pour le compte du public. Or, nous nous fions au fait que les gens agirons d’une manière intègre, et nous nous attendons à ce que les mécanismes de surveillance permettent de découvrir quand des personnes n’agissent pas de la sorte. Je suis désolé et très, très troublé par ce qui s’est passé. Je regrette profondément que quelque chose d’aussi répréhensible que cela se soit produit, de même que le mépris inadmissible que certaines personnes au gouvernement, des fonctionnaires comme des politiciens, ont manifesté à l’égard des lois et de ce qui constitue un comportement approprié.
Permettez-moi aussi de répéter ce que j’ai dit hier : la fin ne justifie pas les moyens. Aussi noble que soit la mission d’assurer l’unité nationale, et aussi absolument cruciale que celle-ci puisse être, elle ne justifie pas une utilisation malvenue des fonds publics ni l’infraction délibérée aux règles et aux lois. Cela ne se justifie tout simplement pas. Peu importe le montant des sommes dépensées. Le fait demeure que cela ne se justifie pas.
Un certain nombre de questions ont été posées. Plusieurs de celles-ci méritent réponse, car c’est important qu’en tant que Premier ministre je sois très clair sur ce que je connaissais et ce que je ne connaissais pas. Il est très important, en ce qui concerne la confiance du public, qu’à titre de Premier ministre, je dise clairement ce que je savais de cette affaire.
Premièrement, des gens m’ont demandé ce que, à titre d’ancien ministre des Finances, je savais à ce sujet et quand je l’ai su. C’est une bonne question. Je vous répondrais ceci. Le Programme de commandites a débuté en 1997. Nous savions tous de quoi il s’agissait. Cela dit, on a commencé à soulever des questions relatives à sa gestion en l’an 2000, lorsqu’une vérification interne a été menée par Travaux publics et rendue publique cet automne-là.
À ce moment, le ministère avait mis en œuvre un plan d’action visant à corriger les problèmes administratifs qu’il avait repérés. En 2002, le sous-ministre d’alors a affirmé devant un comité parlementaire qu’on n’avait remarqué aucun signe de malhonnêteté ou de fraude à l’époque. Cependant, au cours de la même année, en 2002, la vérificatrice générale a fait rapport sur trois dossiers concernant Groupaction et a constaté de très graves problèmes.
C’est à ce moment-là que j’ai commencé à saisir que ce qui s’était produit allait bien au-delà de manquements administratifs et qu’il s’agissait de comportements possiblement criminels. Mais même alors, personne n’a saisi toute l’ampleur de ce qui était en cause jusqu’à ce que le rapport de la vérificatrice générale paraisse récemment.
Je sais également que certaines personnes ne peuvent comprendre comment, en tant que ministre québécois, je pouvais ne pas connaître la façon dont ce programme était géré. Le fait demeure que très peu de ministres, de ministres québécois, le savaient. De plus, il n’est pas un secret que mes relations avec les personnes qui entouraient l’ancien Premier ministre n’étaient pas faciles. Et ce, principalement en raison du fait que nous ne percevions pas le Québec de la même façon. Certains parmi vous ont traité de cela dans vos articles et du fait que je voulais lui succéder. Ce qui n’a pas empêché une collaboration fructueuse et professionnelle, mais cela s’est répercuté, évidemment, sur les relations personnelles et politiques. Bref, on ne sollicitait pas régulièrement mon avis sur des questions concernant le Québec.
Avant de conclure pour vos questions, permettez-moi d’insister sur ce qui nous préoccupe aussi, soit la question de savoir si ce gouvernement est prêt à faire tout ce qui est possible pour corriger le problème. Je suis vraiment troublé par ce que j’ai vu concernant le rôle joué par les sociétés d’État dans cette affaire.
Les sociétés d’État n’ont aucun lien de dépendance avec le gouvernement. Chacune possède son propre conseil d’administration et sa propre équipe de gestion. C’est pourquoi j’ai demandé au président du Conseil du Trésor de vérifier dans quelle mesure ces sociétés ont réagi comme elles le devaient au rapport de la vérificatrice générale. Je veux qu’il soit clairement entendu qu’elles accepteront, comme elles en ont le devoir, les conclusions que renferme ce rapport. Elles devront comparaître à l’enquête ou devant le Comité des comptes publics si on les y convoque. Elles devront également seconder le président du Conseil du Trésor dans l’exercice de ses fonctions. Bref, elles devront répondre de leurs actions.
La rumeur veut, semble-t-il, que M. Gagliano bénéficie d’un régime d’indemnisation pour la période durant laquelle il a été notre ambassadeur à Copenhague. Eh bien cette rumeur est fausse!
Deux autres points en terminant. Premièrement, était-on au courant du fait que des fonds publics étaient utilisés pour défendre l’unité nationale et combattre le séparatisme québécois? La réponse à cela est oui. Deuxièmement, savait-on qu’il y avait utilisation malhonnête de cet argent, que les contrats n’étaient pas respectés, que des personnes s’enrichissaient aux dépens des autres? Je répondrai que tous ceux qui, tout en connaissant les faits, ont préféré fermer les yeux et ne pas intervenir, ceux-là devraient démissionner immédiatement. Et que tous ceux qui détiennent de l’information propre à faire la lumière sur toute cette affaire – qu’ils appartiennent à l’appareil gouvernemental ou au caucus, peu importe où ils se trouvent au pays, qu’ils soient à l’emploi d’une société d’État ou membres du Parti libéral – devraient se manifester volontairement, sans attendre qu’on ne les y contraigne.
Finalement, je vous dirai simplement que tout ce qui touche le Programme des commandites – les infractions aux règles, le mauvais usage de l’argent des contribuables, les abus de confiance – tout cela est inexcusable. Je vous assure que tous ceux et celles qui ont leur part de responsabilité dans cette affaire, qui qu’ils soient, où qu’ils travaillent, où qu’ils aient travaillé par le passé, devront assumer les conséquences pleines et entières de leurs actes.
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