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Déclaration du Premier ministre à l’occasion de la Conférence sur la gouvernance progressiste

Octobre 14, 2004
Balatonoszod (Hongrie)

« D’abord, j’aimerais vous dire combien je regrette de ne pas pouvoir assister à la table ronde aujourd’hui. Je vous souhaite beaucoup de succès, tandis que vous avancerez des idées et que vous discuterez de vos propres expériences de manière à ce que nous puissions tous, ensemble, apprendre les uns des autres et bâtir de meilleurs gouvernements pour les peuples que nous représentons.

La philosophie progressiste sur laquelle repose la gouvernance souligne l’égalité des chances, la responsabilité mutuelle et la participation des citoyens. À Budapest, le Canada souhaite contribuer au consensus qui se dégage quant à la façon d’atteindre ces objectifs. J’aimerais commencer par vous faire part de deux choses : l’expérience que nous avons vécue, et vivons toujours, en tentant de mettre ces principes en œuvre chez nous, et notre vision du renforcement du principe de la responsabilité sur la scène internationale.

Après avoir supporté des déficits pendant plusieurs décennies, le Canada a démontré au cours des dix dernières années comment trouver le juste milieu entre le maintien d’une discipline financière et la préservation des fondations sociales. Nous avons réussi à faire l’équilibre entre ces deux éléments, et cela nous permet d’accepter les marchés libres et d’en tirer profit tout en aidant ceux qui en ont le plus besoin, au Canada et ailleurs dans le monde. Le meilleur du marché et le meilleur des biens publics, dans le cadre de budgets équilibrés – voilà le juste milieu que nous voulons maintenir, car c’est cela justement qui nous a mis en position de force.

Lorsque j’ai été nommé ministre des Finances en 1993, le Canada risquait de devoir abdiquer de sa souveraineté financière. Nous avions permis qu’une culture marquée par des déficits chroniques prenne le dessus. En tant que nation, nous nous étions enfermés dans un cercle vicieux. Nos insuffisances budgétaires avaient un effet négatif sur la confiance des gens d’affaires et des consommateurs, ce qui provoquait un retard dans l’économie, et cela, en retour, augmentait encore davantage les déficits. Le cycle semblait infini.

Nous en avons conclu qu’en tant que gouvernement, nous ne pouvions être un agent positif, nous ne pouvions bâtir le type de société que nous envisagions, si nous ne prenions pas rapidement les mesures qui s’imposaient pour mettre de l’ordre dans nos finances. La gouvernance progressiste ne peut se concrétiser en l’absence des moyens financiers qui permettent d’intervenir dans les dossiers prioritaires pour les citoyens. Sans un budget équilibré et une économie robuste, il n’y aura pas de prospérité à partager.

Nous sommes donc passés à l’action, nous avons pris des décisions difficiles, nous avons réduit nos programmes. Des sacrifices ont été exigés, mais ils étaient exigés de tous. Nous avons agi ensemble, en tant que nation. Et nous avons agi en vue d’une prospérité commune à venir.

Après sept budgets équilibrés consécutifs, le cercle vicieux a été brisé. Le Canada profite maintenant des avantages d’un cercle vertueux, où l’exercice de la responsabilité financière du gouvernement contribue à la confiance accrue des consommateurs et des gens d’affaires, ce qui nous aide à maintenir la vitalité et le dynamisme de notre économie, et cela, à son tour, renforce encore davantage l’économie et produit continuellement des surplus budgétaires. Chemin faisant, nous sommes parvenus à offrir la réduction d’impôt la plus importante de l’histoire de notre pays tout en respectant nos engagements à l’égard de la prudence financière, des responsabilités sociales et des besoins changeants en matière de sécurité.

Au cours des cinq dernières années, la croissance du nombre d’emplois et l’amélioration de notre niveau de vie nous ont permis de nous classer au premier rang parmi les pays du G-7. Notre taux de chômage a baissé de près de 40 pour cent pendant la dernière décennie.

Le résultat? Nous sommes maintenant en mesure de réfléchir à nos besoins non immédiats et de planifier l’avenir – notre propre avenir et celui de la prochaine génération – afin de nous assurer que nos programmes sociaux sont assez forts pour résister aux pressions démographiques et financières.

Premièrement, nous nous sommes appliqués à la dure tâche de réformer notre régime de pension universel pour que celui-ci soit viable sur le plan financier pendant au moins les 75 prochaines années.

Deuxièmement, nous nous sommes engagés à réduire la dette de manière intelligente et raisonnable, afin que, chaque année, un montant moins élevé soit consacré aux versements d’intérêts.

Troisièmement, nous avons récemment conclu avec nos provinces et nos territoires un accord de dix ans sur le financement et la réforme des soins de santé – une entente à long terme qui mettra en place une véritable réforme et qui apportera des améliorations tangibles au système de santé, et qui repose sur une information comparable sur les résultats pour les patients dans le but d’accroître les comptes rendus aux Canadiens. Au cours des prochaines années, les pressions financières sur notre système de santé public et universel s’intensifieront, ce qui est inévitable, à mesure que notre population vieillit et que de nouveaux traitements bénéfiques mais coûteux sont mis au point. Pour maintenir notre système, pour conserver un acquis social qui est au cœur même de notre identité canadienne, nous savions qu’il fallait intervenir sans tarder pour asseoir le système sur une base financière solide et pour nous assurer qu’il répond avant tout aux besoins du patient.

Quatrièmement, nous avons reconnu le besoin d’investir dans nos villes et dans nos collectivités afin qu’elles puissent demeurer notre signature dans le monde – afin qu’elles disposent des moyens de s’offrir les bonnes routes, les parcs propres et les réseaux de transport de qualité qui sont essentiels pour faire de nos villes des endroits où il fait bon vivre et des modèles du développement durable.

Cinquièmement, et finalement, nous avons entrepris un projet ambitieux qui consiste à faire de l’apprentissage permanent une réalité en améliorant l’accès aux études postsecondaires, en élaborant des programmes qui soutiennent l’acquisition de compétences et le perfectionnement continu, et en créant un système national d’apprentissage et de garde de jeunes enfants – un système de haute qualité, abordable, ouvert à tous et fondé sur le développement, de manière à ce que nos enfants aient le meilleur départ possible dans le vie et qu’ils soient prêts à apprendre dès qu’ils prennent le chemin de l’école.

À l’échelle internationale, le Canada est fier d’avoir été l’un des principaux collaborateurs au programme progressiste lancé après la Seconde Guerre mondiale. Les Canadiens ont apporté une contribution importante à la construction du système moderne d’institutions multilatérales et à l’évolution et à l’amélioration des démarches entourant l’aide au développement. Le Canada s’est toujours fait le champion de la démocratie et du pluralisme à l’étranger.

Aujourd’hui, malgré tous les progrès des 60 dernières années, le monde est confronté à une panoplie redoutable de nouveaux défis aux chapitres de sa sécurité, de sa prospérité et de son unité. À mon avis, le Canada et les pays de même opinion doivent réagir en réaffirmant leur détermination à faire avancer un plan d’action progressiste international. Depuis sa création, ce réseau formé de gouvernements progressistes s’entend pour dire que son engagement à l’égard de collectivités fortes doit s’appliquer autant à l’étranger qu’au pays. Cette aspiration n’a jamais été aussi pertinente. Comme je l’ai dit devant l’Assemblée générale des Nations Unies le mois passé, si nous ne mettons pas notre humanité commune au cœur de notre politique étrangère, nous n’en arriverons jamais à de véritables solutions.

Nous pouvons commencer par nous concentrer sur nos responsabilités communes. Le Canada croit que dans cinq secteurs, les gouvernements progressistes du monde entier peuvent aider à définir le concept de responsabilité dans le système international.

Premièrement, nous devons assumer une responsabilité de protéger, c’est-à-dire fixer les règles et manifester la volonté politique qui permettront à la communauté internationale d’intervenir pour prévenir des tragédies humanitaires comme celle que vit actuellement le Darfour. Nous avons offert 20 millions de dollars pour aider l’Union africaine à mieux y restaurer la sécurité, et nous continuons à inciter d’autres pays à nous aider à faire en sorte que cette responsabilité existe bel et bien, au Canada et à l’étranger. Nous invitons la communauté internationale à créer les systèmes mondiaux de droit et de responsabilisation qui faciliteront les interventions multilatérales dans les cas d’urgence humanitaire extrême.

Deuxièmement, nous avons une responsabilité d’interdire le recours aux armes de destruction massive et de veiller à ce qu’elles ne tombent pas entre les mains d’États ou de terroristes prêts à les utiliser en toutes circonstances et, en particulier, contre des civils innocents. Nous plaidons en faveur du renforcement des systèmes et d’un appui politique plus grand au régime international de non prolifération et de désarmement.

Troisièmement, nous avons une responsabilité de respecter l’être humain. Cela englobe une vaste notion des droits fondamentaux qui inclut les droits individuels et collectifs et reconnaît que la diversité culturelle est étroitement liée à la liberté. Nous devons vigoureusement dénoncer et confronter ceux qui violent ces droits.

Quatrièmement, nous avons une responsabilité de bâtir, non pas seulement les infrastructures mais aussi les institutions publiques qui sont à la base de la prospérité économique et sociale. Les progrès à long terme sont bien plus probables quand les citoyens savent qu’ils obtiendront des résultats et que leur collectivité réagira à l’énergie déployée et au sens de responsabilité manifesté en établissant des lois justes, en offrant des services homogènes et en donnant la chance d’être entendu. Il incombe à chaque pays d’assurer une saine gestion publique. En tant que membres de la communauté internationale, nous avons aussi l’obligation de nous entraider dans les efforts déployés en ce sens. Comme nous l’avons constaté en Haïti, l’aide au développement ne peut pas avoir beaucoup d’impact si les institutions publiques d’un pays ne fonctionnent pas. En tant que progressistes, nous devons nous engager à aider les pays qui ont la tâche difficile d’établir ou de rétablir les systèmes qui constituent un État dynamique. C’est là le travail patient, persévérant qu’il faut poursuivre afin d’atténuer, voire d’éviter les tragédies de pays éclatés ou en voie d’éclatement.

Si nous suivons le plan tracé, nous créerons les conditions de la prospérité. La Commission des Nations Unies pour le secteur privé et le développement a clairement indiqué que, dans le monde en développement, un secteur privé dynamique est indispensable à la réduction de la pauvreté. Elle invite donc les gouvernements, les entreprises privées et les organisations de la société civile des pays en développement et développés à établir les conditions propices à l’évolution de l’entrepreneuriat local.

Nous devons en outre créer les conditions de la prospérité en formulant les règles commerciales sur lesquelles nous pourrons tous nous fonder, afin que la richesse planétaire augmente, certes, mais augmente équitablement. Le Canada a accueilli favorablement l’entente-cadre qui a été conclue en juillet par les membres de l’Organisation mondiale du commerce, et qui permettra la reprise du cycle de Doha pour le développement. Ce cycle doit en effet nous amener à réduire les subventions agricoles qui faussent le commerce et restreignent également les perspectives de beaucoup de pays en développement.

Enfin, nous avons une responsabilité envers l’avenir, c’est à dire une responsabilité qui est de préserver et d’accroître les chances de nos enfants dans la vie. Nous devons poursuivre une approche collective, stratégique et sérieuse dans une foule de domaines comme la gestion des océans, des ressources naturelles et de l’espace. C’est également vrai pour le secteur qui nous tient le plus à cœur, c’est à dire notre santé. Le Canada connaît trop bien les risques et les ravages de maladies infectieuses comme le VIH/sida et le SRAS qui n’ont pas de frontières. C’est pourquoi une approche progressiste de défense contre la maladie exigera non pas seulement de l’argent, mais aussi la collaboration et l’engagement. Dernièrement, nous avons annoncé une contribution de 100 millions de dollars à l’Organisation mondiale de la santé pour l’aider à établir l’appui technique de son initiative « 3 millions d’ici 2005 » qui vise à offrir, d’ici 2005, une thérapie médicamenteuse à trois millions de personnes infectées par le VIH/sida dans le monde en développement. Cette initiative nous a beaucoup plu, car elle favorisera la concrétisation d’autres efforts déployés en offrant l’infrastructure indispensable à l’atteinte des objectifs fixés.

Ces cinq points s’inscrivent dans une démarche qui consiste à voir comment nous, Canadiens, pouvons le mieux nous acquitter de notre responsabilité commune. Les affaires internationales continueront de poser de nouveaux grands défis, et les nations progressistes du monde développé et en développement ne doivent jamais baisser la garde. Il faut continuer d’expérimenter, de tester de nouvelles approches, d’apprendre les uns des autres et de dégager des consensus.

C’est dans cet esprit que nous avons proposé que les dirigeants d’une vingtaine de pays développés et en développement se réunissent pour discuter, en se fondant sur une foule de points de vue, de nos vives préoccupations communes que sont la santé publique mondiale, la lutte contre le terrorisme et le développement durable. Dans ce groupe de pays, dans les discussions cette semaine et dans toutes nos collectivités, nous devons trouver les moyens d’unir nos forces et de faire avancer un programme centré sur notre humanité commune.

Conclusion

À notre avis, un gouvernement véritablement progressiste s’emploie à établir de nouvelles approches favorisant l’égalité des chances et à les défendre au cours des années à venir, tant au pays qu’à l’étranger. Pour durer et être véritablement efficaces et bénéfiques, ces approches doivent être soutenues par des gouvernements qui ont à cœur le bien public, la responsabilité financière et leur engagement de jouer un rôle actif et progressiste sur l’échiquier mondial. »


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Mise à jour : 2006-07-28 Haut de la page Avis importants