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LA RELÈVE, NOTRE PLUS GRAND DÉFI

Notes pour une allocution de 
Mme Jocelyne Bourgon
Greffier du Conseil privé et Secrétaire du Cabinet

Conférence des DRHC Développement des ressources humaines Canada
Cornwall, Ontario Le 6 novembre 1996


INTRODUCTION

  • Bonsoir et merci de votre invitation.
  • Ce soir, j'aimerais aborder trois points :
    • Premièrement, je tiens à passer en revue les progrès que nous avons faits, ces deux dernières années, pour ce qui est de redéfinir le rôle du gouvernement et de réduire le niveau d'endettement. Nous avons obtenu, je crois, des résultats remarquables en très peu de temps.
    • Deuxièmement, à partir de nos réalisations, j'aimerais traiter de la fonction publique en émergence et vous donner une idée de certains changements que j'entrevois.
    • Troisièmement, j'aimerais dire un mot de La Relève -- c'est-à-dire vous parler du défi qui consiste à édifier une institution moderne et dynamique et à laisser à nos successeurs une institution meilleure que celle dont nous avons hérité.

LE NOUVEAU RÔLE DU GOUVERNEMENT -- PROGRÈS À CE JOUR

  • Pour la première fois depuis longtemps, on entrevoit la lumière au bout du tunnel. Je ne le dis pas à la légère. Avant de faire cette affirmation pour la première fois, j'ai réfléchi longuement et intensément. Aujourd'hui, je suis plus convaincue que jamais de sa véracité.
  • Au cours des deux dernières années, nous avons collectivement contribué à aider le pays à retrouver la souveraineté budgétaire.
  • Il s'agit d'un remarquable revirement de situation. Les ministres ont pris des décisions difficiles. Les fonctionnaires, qui ont dû élaborer des projets ambitieux et veiller à ce qu'ils soient réalisés de façon minutieuse et professionnelle, ont également joué un rôle de premier plan.
  • Permettez-moi de vous donner une idée de ce que nous avons accompli, sans l'aide de données économiques ou statistiques. J'espère plutôt présenter les choses de façon plus évidente.
  • À mon avis, la génération des Canadiennes et des Canadiens qui occupent aujourd'hui des charges publiques et des postes au sein de la fonction publique est celle qui aura changé le cours des événements :
    • ils auront veillé à ce que la génération suivante n'hérite pas d'une dette sans cesse grandissante;
    • ils auront rétabli, au nom du pays, la capacité d'investir dans l'avenir.
  • C'est important. En effet, comment pouvons-nous gouverner le pays si nous sommes dans l'impossibilité de faire des choix, d'établir un ordre de priorité, de payer nos factures, d'investir en l'avenir? Voilà, après tout, ce que c'est que gouverner un pays. Avoir rétabli la situation en si peu de temps représente un exploit vraiment remarquable.
  • Ce rétablissement ne s'est pas fait sans souffrances ni difficultés. Il s'est toutefois effectué dans la paix et sans susciter d'agitation civile, contrairement à ce qui s'est produit dans d'autres pays.
  • Au Canada, nous avons agi dans le respect de nos traditions propres, c'est-à-dire de façon harmonieuse, compétente, professionnelle, pacifique. Il s'agit d'une réussite admirable. Il est tout à fait ironique de penser que les délégations des Nations unies défilent pour venir étudier ce que nous faisons et comment nous nous y prenons -- nous sommes le seul groupe à ne pas nous réjouir d'un tel haut fait.
  • Je pense que nous devrions reconnaître que cette réalisation qui est nôtre est remarquable : voilà ce que signifie appartenir à la fonction publique et avoir à coeur l'intérêt du public.

L'ÉMERGENCE D'UNE NOUVELLE FONCTION PUBLIQUE

  • Ainsi, nous avons rédigé un chapitre exceptionnel de l'histoire du Canada.
  • Pendant que les gouvernements prenaient des décisions pour redéfinir leurs rôles et équilibrer leurs budgets, ils faisaient subir un profond changement à la société canadienne.
  • Les Canadiens ne sont pas encore pleinement conscients de la portée du changement qui se produit. En raison des milliers et des milliers de décisions prises par les gouvernements, une nouvelle fonction publique a commencé à prendre forme. Il faudra apprendre à :
    • forger de nouveaux liens entre les gouvernements;
    • jeter les bases de partenariats;
    • changer les rapports entre l'État et le citoyen.
  • Permettez-moi de préciser ma pensée.
    1. Nouveaux liens entre les gouvernements
      • Vous vous rappellerez que, pendant de nombreuses années, les préoccupations touchant les chevauchements et le double emploi entre les administrations gouvernementales de même que l'inefficience de celles-ci ont dominé le débat public -- en fait, ces questions étaient à l'avant-plan des préoccupations des premiers ministres à l'occasion des négociations de Charlottetown, il y a cinq ans à peine. Elles se trouvaient au coeur des préoccupations du public, des médias et des élus.
      • À mon avis, chevauchements et double emploi sont désormais choses du passé. Le débat public n'a pas suivi l'évolution de la réalité. Ces questions ont été réglées ou sont en voie de l'être.
      • Les gouvernements comprennent aujourd'hui que ni la rationalisation, quelle qu'en soit l'ampleur, ni la redéfinition des rôles et des responsabilités ne peuvent remplacer l'obligation qui leur incombe de travailler ensemble. La notion de compartiments étanches appartient à une vision du passé qui ne nous sera d'aucun secours dans la gestion future des affaires publiques.
      • Les gouvernements doivent apprendre à gérer leur interdépendance. Ils doivent tisser de nouveaux liens, ils doivent arrêter ensemble l'ordre de priorité, ils doivent prendre des décisions d'un commun accord; ils doivent comprendre que les actions de l'un se répercutent sur tous les autres.
    2. Nouveaux partenariats
      • En réalignant le rôle des gouvernements, nous avons également reconnu que la recherche du bien public n'est pas l'apanage des gouvernements. En fait, le secteur privé, les organismes sans but lucratif, les associations de bénévoles et tous les citoyens ont à cet égard un rôle à jouer et peuvent contribuer au bien public.
      • Pour être au diapason de la modernité dans leur rôle, les gouvernements doivent comprendre et encourager la contribution des autres, reconnaître leurs points forts et en tirer profit. Ils doivent donner des orientations. Les partenariats sont riches d'enseignement.
      • Qui dit partenariat dit responsabilité. Les partenaires doivent avoir une existence propre, sinon ce ne sont pas des partenaires. Ils ne sont pas les agents les uns des autres. Le partenariat n'est ni une fusion ni une prise de contrôle. Les partenaires s'associent librement parce que, collectivement, ils peuvent faire plus que ce que chacun peut faire isolément. Dans certains cas, ils agissent de concert; dans d'autres, ils agissent seuls.
    3. Nouveaux rapports entre l'État et le citoyen
      • Les Canadiens se sont montrés remarquablement solidaires des gouvernements face à leurs efforts pour équilibrer les budgets et rétablir la souveraineté budgétaire.
      • Ils ont accepté les sacrifices nécessaires pour atteindre ces buts, mais ils exigent quelque chose en retour. Ils exigent une gestion plus saine des affaires publiques, et ils en ont le droit.
      • Ainsi, ils veulent des services qui répondent à leurs besoins, et non des services qui arrangent ceux qui les fournissent. De plus, ils veulent des services qui répondent à tous leurs besoins. Ils ne tolèrent pas les fiefs intouchables ni les querelles fédérales-provinciales ou interministérielles. Ils ne veulent plus qu'on les renvoie aux pages jaunes, ni qu'on leur dise d'appeler un autre numéro ou de s'adresser ailleurs.
      • Ils nous rappellent que les services gouvernementaux visent d'abord et avant tout les citoyens. Ils exigent une approche intégrée de la prestation des services.
  • C'est donc ce que nous avons fait -- nous avons fait partie de l'équipe qui a écrit un chapitre important de l'histoire du Canada portant sur le rétablissement de la souveraineté budgétaire du pays. Ce faisant, nous avons jeté les bases du chapitre suivant, à savoir l'établissement d'un lien plus moderne entre les gouvernements, un partenariat avec d'autres au nom du bien public et des rapports modernes entre l'État et le citoyen.

QU'EST-CE QUE CELA ENTRAÎNE POUR LA FONCTION PUBLIQUE?

  • Que cela signifie-t-il pour la fonction publique et notre future façon de faire? Que nous nous apprêtons à entamer une phase nouvelle et fructueuse de la vie de la fonction publique.
    • Après avoir réinventé le rôle du gouvernement, nous nous apprêtons à repenser la prestation des services.
  • La fonction publique en général doit s'orienter vers l'intégration tant des services offerts que des politiques à élaborer.
  • Voilà qui aura de profondes répercussions sur la fonction publique.
  • Nous continuerons de respecter nos valeurs de base et nous continuerons d'exécuter nos fonctions de base qui ne changent pas, soit la prestation des services et l'élaboration des politiques.
  • Mais nous devrons faire les choses différemment :
    • nous devrons faire passer l'intérêt du public avant celui des particuliers ou des ministères -- dans les pratiques de gestion, dans la prestation des services et dans l'élaboration des politiques;
    • nous devrons forger des partenariats et travailler en équipe;
    • nous devrons axer la prestation des services sur les besoins des citoyens et chercher sans relâche à améliorer la qualité des services;
    • nous devrons axer l'élaboration de politiques sur les besoins des représentants dûment élus par les Canadiens et aborder collectivement les enjeux horizontaux et à long terme auxquels les gouvernements sont confrontés aujourd'hui et auxquels ils devront faire face à l'avenir.
  • Quels sont donc les obstacles à la prestation de services intégrés et à l'élaboration de politiques intégrées? Certains d'entre eux se trouvent dans notre esprit :
    • nous avons été formés à penser au «ministère» plutôt qu'au «gouvernement»;
    • nous avons été formés à penser aux «programmes» plutôt qu'à «l'intérêt public»;
    • nous avons été formés à penser à «notre division» plutôt qu'au «pays».
  • Ce que nous devons faire -- tous et chacun d'entre nous -- c'est de nous concentrer sur le pays, le citoyen, le gouvernement du Canada, l'intérêt public et, dans ce contexte, réaliser le mandat de notre ministère, de notre organisation, de notre service et de notre poste. Il s'agit d'un changement en profondeur.
  • Parfois, nous devrons renoncer, à l'égard d'un point de vue stratégique particulier ou d'une option donnée en matière de prestation de services, à certains objectifs qui nous sont chers, selon la perspective plus étroite de notre ministère ou de notre service, faute de quoi nous risquons de compromettre l'atteinte d'intérêts supérieurs.
  • En nous assoyant à la table, nous devons nous demander : «Quelle est la meilleure chose que je puisse faire pour le pays? Dans ce contexte, que puis-je donc pour aider mon ministère ou mon service à s'acquitter de son mandat?» Voilà un tout autre état d'esprit.
  • Ainsi, je dirai que le premier défi est d'ordre culturel. La solution ne réside pas dans la restructuration, quelle qu'en soit l'ampleur. Nous devons changer non pas la structure, mais plutôt notre façon de faire. À cet égard, nous devrons :
    • diversifier notre expérience -- être sensibilisé à un large éventail de questions;
    • adopter un mode de pensée mondial, horizontal et englobant;
    • devenir des spécialistes du travail d'équipe et du partenariat;
    • apprendre, enseigner, diriger et travailler avec les autres.
  • Voilà l'avenir.
  • Que cela signifie-t-il donc pour nous, fonctionnaires? Avant d'aborder cette question, nous devons reconnaître ce par quoi nous sommes passés. Entendons-nous et partageons notre vécu pour en arriver à des solutions en prise sur la réalité.

LA SITUATION AUJOURD'HUI

  • La réalité, c'est que nous avons géré une décroissance continue pendant très longtemps. En quatre ans, 55 000 postes auront été supprimés. C'est un défi colossal, et ce n'est pas encore terminé.
  • Aucune organisation publique ou privée ne peut gérer une réduction d'effectif de cette ampleur sans en subir certaines conséquences. Ne pas accepter ni reconnaître ces conséquences serait une erreur fondamentale.
  • La réduction de l'effectif a de nombreuses répercussions sur une organisation et les personnes qui la composent. Pour ceux qui partent, c'est l'incertitude et la crainte face à l'avenir. Pour ceux qui restent, c'est plutôt un stress formidable qui s'accompagne d'une charge de travail plus lourde, d'exigences accrues et de pressions plus fortes.
  • Voilà qui a fragilisé notre engagement envers l'intérêt public. Nous avons commencé à nous poser des questions :
    • Ai-je l'énergie et la motivation de continuer?
    • Étant donné le manque de reconnaissance et le manque de soutien et de respect de la part du public, pourquoi devrais-je continuer à travailler pendant de si longues heures?
    • Pourquoi devrais-je conserver mon engagement envers l'organisation?
  • Voilà qui fait partie de notre réalité actuelle. Toute organisation tenue de gérer une réduction d'effectif de cette ampleur serait fragilisée. Il est surprenant que nous fassions malgré tout preuve d'autant d'énergie -- et que nous trouvions encore de meilleures façons de servir nos clients.
  • Au moment même où, individuellement et collectivement, nous avons été amenés à nous demander : «Pourquoi devrais-je réaffirmer mon engagement envers l'intérêt public?», d'autres facteurs nous compliquaient la tâche :
    • Les fonctionnaires -- peu importe qui ils sont, où ils sont et ce qu'ils font -- exercent aujourd'hui sur le secteur privé un attrait plus fort que jamais auparavant, non pas tant parce que nous avons changé, mais bien parce que le secteur privé n'est plus le même.
    • Le secteur privé était dans la production, et nous, dans la gestion de l'information; il était dans la fabrication, et nous, dans la gestion de réseaux; il était dans la transformation, et nous, dans la gestion d'alliances stratégiques et l'établissement de consensus. Aujourd'hui, il est dans l'industrie des services, il gère de l'information, il gère des réseaux, il gère des objectifs contradictoires. Voilà précisément ce que nous avons toujours fait et pourquoi nous disposons du personnel le plus qualifié au pays pour s'attaquer à ce genre de problème.
    • Aux yeux du secteur privé, nous revêtons sans contredit une très grande valeur. Au moment même où nous sommes le plus vulnérables, d'autres aimeraient s'assurer nos services.
    • Au même moment, la capacité de payer du secteur privé est supérieure à la nôtre. Pour les cadres et de nombreux groupes professionnels, les écarts salariaux se sont creusés. La fonction publique aura du mal non pas tant à attirer des candidats qualifiés, mais bien à les maintenir en poste après cinq ou dix années de service.
    • Au fil de la diversification de la population canadienne, la réduction des activités de recrutement à l'extérieur élargit l'écart entre qui nous sommes et qui nous servons.
  • À l'intérieur de la fonction publique, le monde change aussi :
    • Au moment même où nous avons le plus besoin de gens possédant une expérience diversifiée et au fait d'un large éventail d'enjeux, la mobilité interministérielle n'a jamais été aussi faible. Certains d'entre nous pensent que c'est à la possibilité de servir, d'apprendre et de tenter différentes choses que tient la valeur d'une carrière dans la fonction publique -- et cette possibilité s'envole.
    • En raison de la réduction de l'effectif, les possibilités d'avancement sont très limitées. Professionnels et cadres de niveaux supérieurs demeurent en poste de plus en plus longtemps en raison des faibles possibilités d'avancement et de promotion qui s'offrent à eux.
    • Les salaires ont été gelés depuis 1991.
  • Mais le tableau n'est pas si sombre à tous les points de vue -- il y a eu certains progrès. Le gel des salaires est chose du passé, les augmentations d'échelon annuelles de même que les primes au rendement sont de retour et la négociation collective a repris ses droits.
  • On fait néanmoins face à un problème très réel, de même qu'à certaines questions fondamentales :
    • Quelles sont aujourd'hui les raisons qui incitent les gens à réaffirmer leur volonté de faire carrière dans la fonction publique?
    • Comment pouvons-nous nous acquitter de notre responsabilité et faire en sorte que les Canadiens et ceux qui sont élus pour les représenter continuent à l'avenir de compter sur l'une des meilleures fonctions publiques du monde?

LA RELÈVE, NOTRE PLUS GRAND DÉFI

  • La réponse n'est évidente pour aucune des deux questions qui précèdent. Toutefois, je crois que la réponse réside dans ce que j'appelle La Relève.
  • La Relève est un défi -- celui d'édifier une organisation moderne et dynamique, centrée sur les gens, qui soit pour nos successeurs meilleure que celle dont nous avons hérité.
  • La Relève, c'est un engagement -- l'engagement de chacun de nous -- celui de faire tout en notre pouvoir, individuellement et collectivement, pour garantir pour demain une organisation moderne et vigoureuse.
  • La Relève, c'est notre devoir -- en tant que porte-étendard et gardiens de l'institution -- à l'égard de ceux qui nous succéderont, de leur léguer une organisation dont le personnel est le plus qualifié et le plus compétent possible.
  • La Relève, c'est ce que vous pouvez faire et ce que je peux faire. Ce sont aussi les moyens pour tous de s'entraider et de se soutenir mutuellement. C'est la responsabilité de chacun. Et il faut que ce soit l'engagement de chacun.
  • Voilà La Relève -- ce n'est pas un plan directeur, ce n'est pas une liste. Si vous attendez qu'un rapport soit déposé au Parlement, qu'un «scénario» suive, vous serez déçu. Nul besoin de nouvelles études ou d'analyses. Ce qu'il nous faut, c'est un préjugé en faveur de l'action -- une action pragmatique et pratique.
  • Cela peut paraître vieux jeu, mais je crois qu'il ne peut y avoir de plus grande source de motivation que l'occasion de faire une contribution, de se distinguer. Et il n'y a pas plus grande stimulation, pour une carrière dans la fonction publique, que la diversité et la complexité des questions qui se présentent. C'est une carrière à nulle autre pareille.
  • Je crois qu'il est possible d'avoir un effectif extrêmement motivé et extrêmement compétent. Il suffit de réaliser les objectifs suivants :
    • Dissiper l'incertitude. Je disais tout à l'heure que, pour la première fois depuis longtemps, nous entrevoyons la lumière au bout du tunnel. Voilà un élément qui contribuera à dissiper l'incertitude et à rendre le milieu plus stable.
    • Promouvoir la diversité des expériences et la mobilité interministérielle. Il nous faut chercher d'abord et avant tout à obtenir les expériences diverses et les compétences qui se révéleront nécessaires dans la fonction publique de l'avenir -- une fonction publique qui offre des services intégrés et met au point des politiques intégrées.
  • Comment y parviendrons-nous?
  • Il faudra trouver un nouvel équilibre entre les responsabilités individuelles de l'employé et les responsabilités collectives. Il est injuste de laisser aux seuls employés la tâche de renouveler la fonction publique -- cette tâche incombe à toute l'institution. Chaque ministère a un rôle à jouer et doit assumer sa part de cette responsabilité.
    1. Ministères
      • La Relève, c'est la responsabilité de chacun. L'engagement de chacun est essentiel. Chaque ministère, chaque organisation et chaque service doit mettre au point son propre plan en vue de préparer l'avenir et de répondre aux besoins de ses employés.
      • Chaque ministère doit avoir une bonne idée de ses propres ressources humaines, de ses gens, des points forts et des faiblesses de son organisation, de ses besoins futurs et de la façon dont il s'y prendra pour y répondre le mieux possible. Qu'allez-vous faire pour favoriser la diversité chez vos employés? Pour leur offrir plus de mobilité? Pour leur donner de nouveaux défis à relever?
      • Je crois vraiment que cela nous aide à renouveler notre engagement envers l'institution : si nous savons que les gens nous connaissent, qu'ils se soucient de nous et qu'ils veulent nous aider à apprendre et à croître. À mes yeux, il n'y a pas plus grande récompense pour un fonctionnaire que d'avoir l'occasion de servir, et il n'y a pas plus grande récompense que de faire l'expérience de toute la diversité de son institution.
      • Je trouve cela stimulant, mais il faut que chacun retourne à son service, à son organisation, à son ministère et qu'il y prépare son plan d'action. Quand chacun s'y met, c'est ainsi que se prépare La Relève.
      • À cette fin, je vous soumets trois lignes de conduite :
        • n'attendez personne pour agir -- soyez pratique et faites ce qui est en votre pouvoir;
        • ne renvoyez pas à vos supérieurs les problèmes que vous pouvez régler vous-même;
        • ne demandez pas d'autorisation si vous avez déjà le pouvoir de faire quelque chose.
      • Dans la fonction publique, nous faisons souvent l'erreur de nous attendre l'un l'autre, comme s'il n'y avait qu'une seule façon de faire les choses. Attendre cette bonne recette unique mène tout droit à la paralysie. Il nous faut apprendre que la diversité est non seulement acceptable, mais qu'elle est valorisée. Il nous faut apprendre que bien dire fait rire, mais que bien faire fait taire. Il nous faut apprendre qu'il vaut mieux agir que d'être cynique et de trouver les mille et une raisons qui expliquent pourquoi une solution ne fonctionnera pas. Il nous faut un préjugé en faveur du progrès, du pragmatisme et de l'action. C'est ça La Relève.
  • Quelle est la contribution du collectif des chefs de file à La Relève? Vous avez le droit de vous demander : «Quelle sera la contribution globale de la Commission de la fonction publique, du Secrétariat du Conseil du Trésor, du Centre canadien de gestion et du Bureau du Conseil privé?»
  • Je crois qu'en tant qu'organisations centrales de l'institution, nous devons faire ce qui suit pour vous aider.
    1. Profil des compétences
      • La fonction publique doit établir le profil des compétences qui lui seront nécessaires à l'avenir. Voilà quelque chose que bien des ministères ont commencé à faire. Pourquoi est-ce si important?
      • Parce que :
        • cela nous est précieux de connaître les valeurs, les talents et les compétences nécessaires à une organisation;
        • cela nous permet de prendre en main notre propre perfectionnement du fait que nous connaissons les valeurs de l'organisation;
        • cela nous donne une base à partir de laquelle nous pouvons doter les postes et former nos employés;
        • cela nous donne une base à partir de laquelle nous pouvons prendre des décisions quant à la dotation en personnel.
    2. Mobilité interministérielle
      • Il nous faut agir en toute hâte pour promouvoir la mobilité interministérielle et prévoir la diversité d'expériences nécessaire pour offrir des services intégrés et élaborer des politiques horizontales. Tout cela est impossible si chacun est laissé à lui-même, à travailler seul dans son coin.
      • Il existe trois groupes au sujet desquels il me paraît urgent d'agir. Je me préoccupe des SMA, des EX et des analystes de politiques. À mes yeux, ce sont les cas les plus pressants : les deux premiers parce qu'ils sont les leaders au sein de l'institution et le dernier en raison de la nature même du travail. Je soulignerais que ce n'est là qu'un début. Je me préoccupe en effet de l'ensemble de la fonction publique.
      • Par le passé, lorsque l'institution était en croissance, elle offrait une foule d'occasions d'acquérir une expérience diversifiée. Toutefois, en raison des réductions, elle n'en offre plus autant à ceux qui la composent aujourd'hui. Par conséquent, l'organisation a, globalement, la responsabilité de faire quelque chose pour corriger la situation.
      1. Sous-ministres adjoints
        • Les sous-ministres et les sous-ministres délégués représentent déjà une ressource collective pour l'organisation et sont gérés conformément. Et, qui dit ressource collective, dit évaluations et rétroaction de l'ensemble des chefs de file, rotations, congés sabbatiques et formation.
      • Je crois que les sous-ministres adjoints devraient, eux aussi, être considérés comme une ressource collective de l'organisation et être gérés comme tel. Je sais que la question ne fait pas l'unanimité, mais je suis d'avis que le secteur public dans son ensemble doit assumer une plus grande responsabilité -- une responsabilité collective -- pour la gestion de l'ensemble des SMA.
      • Je proposerais que le régime de nomination à un niveau déterminé s'applique aux nouveaux SMA. Permettez-moi de m'expliquer. Le régime en place -- celui qui a très bien servi la plupart d'entre nous en période de croissance -- celui où chacun est laissé à lui-même -- n'offre pas la mobilité requise à une époque marquée par les réductions.
      • J'estime que nous devons changer la formule du «chacun pour soi» pour rééquilibrer les choses un tant soit peu, pour que les gens aient droit à une rétroaction, à une évaluation, à un appui et à un plan de carrière impliquant l'ensemble des chefs de file.
      • Faut-il en déduire que cela doit être obligatoire en toutes circonstances? La réponse est «non». Dans une organisation comme la nôtre, il n'y a pas de raison d'obliger les gens à quitter contre leur gré la région qu'ils habitent-- cela serait insensé. Par contre, s'il y a parmi nous quelqu'un qui travaille en Colombie-Britannique, mais qui aimerait travailler à Ottawa pour diversifier son expérience d'apprentissage, ou vice-versa, l'institution devrait être prête à l'appuyer pour que cela se concrétise.
      • Dans le cas des sous-ministres adjoints, le soutien de l'ensemble des chefs de file ne veut donc pas dire que les décisions se prennent dans le noir et que personne n'a voix au chapitre. Je ne voudrais pas non plus imposer un nouveau régime avec effet rétroactif. Je ne veux pas modifier les règles pour quiconque est actuellement nommé à un poste et veut demeurer assujetti à ce régime.
      • Je propose quand même que nous cessions d'étudier le régime de nomination à un niveau déterminé. Nous l'étudions depuis 15 ans. Essayons de voir s'il fonctionne. Qui sait? La magie pourrait opérer!
      • Je demanderais aux sous-ministres adjoints, à ceux qui sont en poste aujourd'hui, de nous aider à concevoir, pour ceux qui seront nommés plus tard, un système qui soit dans l'intérêt des gens et qui leur procure le soutien dont ils ont besoin et auquel ils ont droit de la part de l'institution. Voilà ce que j'entends par nomination à un niveau déterminé.
      • C'est l'idée d'avoir les compétences nécessaires pour un niveau donné et non pas pour tel emploi, de se voir offrir affectations et réaffectations, d'avoir une institution qui s'engage globalement à ce que vous ayez de la rétroaction, une formation et une autre affectation. Cela veut dire que le sous-ministre adjoint n'est pas laissé à lui-même lorsque vient le temps de trouver sa prochaine affectation.
      • Cela veut aussi dire que, de temps en temps, nous soyons obligés de demander : «Faites-vous encore partie du système de rotation?» Pendant certaines périodes de ma vie, je n'étais certainement pas mobile, je ne voulais pas déménager. Il y a la famille, la situation personnelle, et il faut tenir compte de tout cela.
      • Je propose donc vivement que nous mettions ça à l'essai. Essayons d'en apprendre à ce sujet. Voyons comment nous pouvons améliorer le sort des gens. Et si la mesure obtient le succès escompté, ceux qui sont actuellement au niveau de sous-ministre adjoint devraient avoir le droit de dire : «J'en suis» s'ils le souhaitent. Et nous devrions leur répondre : «Vous êtes les bienvenus». Et à ceux qui disent : «Ce n'est pas pour moi», nous devrions répondre : «Nous respectons votre choix.»
      1. Le groupe EX
      • Selon moi, le groupe EX dans son ensemble serait mieux servi par un régime semblable. Tout de même, pour être franche, je ne crois pas que nous puissions le faire tout de suite. Je crois que nous ne sommes pas encore prêts.
      • Nous gérons actuellement, en tant qu'institution, une structure composée d'environ 50 personnes -- sous-ministres et sous- ministres délégués -- et je crois que nous accomplissons un travail exceptionnel.
      • L'arrivée de nouveaux sous-ministres adjoints nous amènerait à accueillir tous les ans un nombre relativement faible de personnes. Les choses se feraient progressivement. Je sais que nous pouvons le faire. Je suis convaincue que cela sera une grande réussite.
      • Mais le groupe EX compte 3 000 personnes. Je ne crois pas que nous soyons prêts. Mais, si vous pouvez me prouver le contraire, je serai tout oreilles. Allons-y avec tout ce que vous estimez faisable. Toutefois, j'ai tendance à agir avec pragmatisme et de façon à être assurée de franchir avec succès toutes les étapes.
      • En attendant, il faut ouvrir le système et donner plus d'occasions d'avancement et d'expériences diversifiées à titre volontaire. Nous allons donc mettre en place un programme pour ceux qui veulent se porter candidats à une nomination au niveau de sous-ministre adjoint. Lorsque des postes se libéreront, le répertoire des candidats préqualifiés retenus pourra être consulté.
      • Deuxièmement, tous les postes de sous-ministre adjoint à combler sont actuellement affichés, de sorte que tous les membres du groupe EX intéressés peuvent poser leur candidature.
      • Troisièmement, la Commission de la fonction publique doit lancer au début de 1997 un programme accéléré de perfectionnement pour des employés choisis des groupes EX 1 à EX 3. Ce programme permettra aux membres de ces groupes de poser leur candidature et de se soumettre à une évaluation en vue d'un perfectionnement accéléré qui prendra la forme d'affectations et de programmes d'apprentissage personnalisés.
      • Ces mesures viseront à accroître le bassin de candidats qualifiés prêts à faire les sacrifices personnels voulus, en temps et en efforts, pour acquérir l'expérience et les compétences requises pour occuper les charges les plus élevées dans la fonction publique de l'avenir.
      1. Analystes des politiques
      • De tous nos employés, les analystes des politiques sont ceux qui traitent avec le plus large éventail de questions.
      • Les questions inhérentes aux politiques gouvernementales sont beaucoup plus complexes aujourd'hui qu'elles ne l'étaient auparavant. Une politique donnée n'est plus le propre d'un seul ministère. Par exemple, 19 ministères ont des intérêts liés au commerce. Et un mémoire au Cabinet traitant de richesses naturelles peut effleurer les pêches, l'agriculture, les mines, les forêts, les sciences. Il faut réconcilier de nombreuses perspectives. Cela prend du temps et de longues années de pratique. L'art de l'élaboration des politiques s'acquiert difficilement.
      • Souvent, nous réunissons nos analystes en espérant qu'ils découvriront le travail en équipe. Mais le travail d'équipe, c'est quelque chose qui s'acquiert. Cela exige des connaissances. Ce n'est pas facile. Ça ne se fait pas par magie. Il ne suffit pas de le prêcher, il faut créer les conditions propices pour que cela se fasse.
      • Ma question est donc : «Que pouvons-nous faire pour aider nos analystes à acquérir une expérience diversifiée?»
      • Chaque fois que vous assumez des responsabilités accrues, vous avez le droit de demander ce que l'organisation dans son ensemble peut faire. Il doit y avoir un équilibre dans l'action. Peut-on faire quelque chose, au niveau de l'institution, pour améliorer la mobilité des analystes de politiques entre divers ministères? Des mesures comme les affectations ministérielles et les échanges interministériels peuvent être utiles.
    3. Systèmes de gestion des ressources humaines
      • Quand il est question d'assurer La Relève et de créer une organisation moderne, il faut de toute urgence simplifier ce que nous faisons. Et plutôt que d'essayer de vous convaincre qu'il nous faut simplifier, je me contenterai de vous lire le passage suivant :
      • «La fonction publique du Canada compte 72 groupes, 106 sous-groupes, 79 unités de négociation, 72 régimes de classification, 63 conventions collectives, plus de 80 régimes de rémunération et de 800 listes de paie, plus de 150 allocations et primes, et 70 000 règles régissant la rémunération.»
      • On me dit que le régime de classification coûte de 50 à 60 millions de dollars par année.
      • Est-il concevable que nous puissions simplifier les choses? Est-il concevable que nous puissions nous simplifier la vie, sans perdre de vue nos valeurs, notre engagement envers le principe fondamental de l'équité? Est-ce concevable?
      • Je dois avouer que j'ai tendance à répondre oui. Encore une fois, pourrions-nous cesser de faire des études et passer à l'action?
      • Tout cela fait partie de La Relève.
    4. Politique de rémunération
      • Enfin, la politique de rémunération est incontournable.
      • Je ne suis pas naïve, je sais à quel point les choses vont être compliquées. Cela ne se réglera pas du jour au lendemain.
      • Par contre, assurer la Relève, c'est s'engager à faire tout en son pouvoir pour se donner une institution moderne et dynamique. Si nous sommes fidèles à cet engagement, nous devons nous attaquer aussi à cette question.
      • Oui, il faudra beaucoup de courage, mais c'est une question que nous devons régler. Sinon, les autres efforts ne donneront pas les résultats escomptés.

CONCLUSION

  • Fondamentalement, je crois que nous avons écrit un chapitre important de l'histoire du Canada. Tout de même, je crois que le suivant sera encore plus palpitant. Le suivant porte sur la façon dont nous servons les gens, notre façon de travailler avec les Canadiens, notre façon de moderniser la fédération, notre façon de donner un sens nouveau à l'intérêt public.
  • Ce chapitre portera sur nous en tant qu'institution. Et sur nous en tant que personnes. Nous allons pouvoir dire, avec le recul : «Au chapitre 1, j'ai fait partie de l'équipe qui a redonné au Canada sa souveraineté financière. Au chapitre 2, j'étais de l'équipe qui a donné aux Canadiennes et aux Canadiens un pays uni et qui veillait à ce qu'ils soient servis par la meilleure institution du monde».
  • Pas mal pour deux chapitres. Le premier a été possible parce que tout le monde y a mis du sien. Le deuxième ne pourra être écrit que si nous faisons de même. Permettez-moi donc de répéter une seule chose : je me suis engagée envers vous, je vais faire de mon mieux.
  • Mais je n'ai pas d'illusion sur ce que cela veut dire quand une personne agit seule -- et je n'ai pas, non plus, d'illusion quant à ce que nous pouvons faire si nous disons tous ensemble : «Je m'engage moi aussi.» J'ai donc besoin de votre engagement, à vous aussi.
  • Voilà donc La Relève.
  • Je vous remercie tous de m'avoir invitée.

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Mise à jour : 2006-10-02 Haut de la page Avis importants