Notes pour une allocution de
Mme Jocelyne Bourgon
Greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet
Congrès canadien du leadership étudiant
Ottawa (Ontario)
le 24 janvier 1997
I. INTRODUCTION
- J'aimerais tout d'abord remercier l'organisatrice de cette rencontre, Sally Campbell, de
m'avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd'hui, ce qui me donne l'occasion,
rare entre toutes, de m'adresser à des étudiants en leadership, nos leaders de demain.
- On m'a demandé :
- de vous expliquer en quoi consiste la fonction de greffier du Conseil privé, de
secrétaire du Cabinet et de chef de la fonction publique;
- de vous parler brièvement des qualités qui me semblent nécessaires chez un leader,
surtout dans le secteur public;
- de vous parler de l'avenir de la fonction publique et du rôle que vous, à titre de
leaders de demain, pourriez y jouer.
- J'ai cru que ce dernier point pourrait vous intéresser particulièrement, c'est
pourquoi j'ai décidé de le garder pour la fin.
II. UNE JOURNÉE DANS LA VIE DU GREFFIER DU CONSEIL PRIVÉ
- Je commencerai par vous dire quelques mots au sujet du poste que j'occupe.
- La fonction publique du Canada est au service des Canadiens et de leurs représentants
élus. Le greffier est responsable des deux principaux rôles de cette institution :
élaborer des politiques et servir le Canada. Il m'incombe donc :
- de faire en sorte que le Premier ministre et son Cabinet reçoivent des conseils
éclairés à partir desquels ils pourront prendre leurs décisions;
- de veiller à ce que les fonctionnaires offrent aux citoyens des services et des
programmes de qualité découlant des décisions gouvernementales.
- En tant que chef de la fonction publique, je dois m'assurer que la fonction publique ne
cesse de s'adapter aux besoins du gouvernement et des Canadiens. Je dois aussi m'assurer
que la Fonction publique du Canada reste moderne et dynamique et qu'elle soit composée
d'un personnel professionnel, compétent et dévoué, toujours prêt à relever les défis
de l'heure.
- Mais qu'est-ce que cela signifie en termes pratiques, me direz-vous. Comment cela se
traduit-il au quotidien?
- Mon travail de greffier du Conseil privé m'amène à côtoyer tous les jours le Premier
ministre, des ministres, des sous-ministres, des groupes d'intérêts et des citoyens.
- Mon poste n'est pas un poste électif; j'ai été nommée, ce qui rend ma fonction très
différente de celle d'un ministre.
- Mon rôle consiste à donner les meilleures assises possibles au travail du Premier
ministre et des ministres. Autrement dit, à m'assurer que les fonctionnaires se livrent
aux recherches et aux analyses les plus solides et qu'ils en dégagent les diverses
avenues possibles, afin que le Premier ministre et ses ministres disposent de tous les
outils nécessaires pour prendre des décisions déterminantes pour l'avenir du pays. Leur
travail consiste à diriger l'évolution du Canada, le mien, à diriger sa fonction
publique.
- Au poste que j'occupe, on est bien placé pour connaître le Canada et admirer le
travail des ministres de même que le dévouement des fonctionnaires.
- Chaque semaine, le Bureau du Conseil privé est appelé à donner des conseils sur toute
la gamme des questions de politiques et des problèmes opérationnels auxquels doit faire
face le gouvernement.
- Les fonctionnaires ont une lourde responsabilité. Ils sont en effet responsables de la
qualité de leur travail et des conseils qu'ils donnent. La qualité de leur travail
déterminera dans une large mesure comment le ministre s'acquittera de son mandat; de leur
travail dépend le nombre de réformes que le ministre aura le temps de proposer ainsi que
la façon dont elles seront exécutées.
- Cette fonction de conseiller exige :
- des gens dynamiques et compétents dans tous les ministères et organismes;
- un personnel extrêmement qualifié au sein du Bureau du Conseil privé capable de
répondre aux besoins et de veiller à la bonne marche de l'appareil gouvernemental.
- Dans un poste comme le mien, on saisit vite l'importance de pouvoir s'appuyer sur des
collaborateurs solides et d'éliminer les obstacles qui empêchent les ministres et les
hauts fonctionnaires de donner leur pleine mesure.
- La responsabilité des décisions finales appartient au Premier ministre et au Cabinet.
Le Cabinet, comme vous le savez, est la structure dans laquelle les élus du peuple
dirigent ensemble le pays et prennent des décisions qui, en définitive, toucheront tous
les Canadiens. Dans ce système, les ministres assument collectivement la responsabilité
des décisions prises par le gouvernement.
- Dès que ces décisions ont été prises, je dois voir, avec mes collègues des divers
ministères et organismes, à ce qu'elles soient exécutées au mieux des intérêts des
Canadiens. Vous vous en doutez bien, cette phase n'est jamais facile. C'est la mise en
oeuvre qui permet de juger de la valeur réelle d'une mesure.
- La mise en oeuvre des décisions gouvernementales fait appel à un réseau formé de 24
ministères, 37 sociétés d'État, 26 tribunaux et organismes quasi judiciaires, et au
moins 48 organismes de prestation de services de toutes sortes. Chaque organisation a son
utilité; chacune a un mandat, une culture et un style de gestion qui lui sont propres.
III. QU'EST-CE QUE LE LEADERSHIP?
- Après cette brève description de mon rôle, j'aimerais maintenant dire quelques mots
au sujet du leadership. En gros :
- tous les titulaires de charges publiques exercent des pouvoirs, mais cela n'en fait pas
pour autant des leaders;
- tous les gens à la tête d'une organisation font de la gestion, mais cela n'en fait pas
nécessairement des leaders.
- Autrement dit, il existe des personnes en situation d'autorité, des gestionnaires, qui
font plus que simplement établir des priorités, organiser le travail, obtenir des
résultats, nommer ou congédier des employés, prendre des décisions, donner des ordres.
Ces personnes suscitent chez ceux et celles qui les entourent le désir de les suivre, de
faire partie de leur équipe, de prendre part à leurs entreprises. Savoir susciter ce
désir est l'un des traits du leadership.
- Plusieurs savent comment exercer le pouvoir, et le faire brillamment, mais très peu
maîtrisent l'art du leadership.
- On reconnaît chez quelqu'un le sens du leadership au nombre de personnes qui marchent
dans son sillage. Sans elles, on ne saurait parler de leadership.
- Au risque de vous ennuyer, puisque vous avez déjà commencé à vous initier aux
rudiments de cet art, j'aimerais vous faire part de certaines de mes réflexions sur la
question. Au cours des vingt dernières années, j'ai eu la chance d'observer divers
leaders dans le feu de l'action, que ce soit sur la scène politique, au sein du
gouvernement, dans le secteur privé ou bénévole, ou dans ma vie privée.
- Cela m'a permis de dégager certains traits communs à propos des leaders :
- ils ont les idées nettes;
- ils savent exprimer leurs convictions et leurs valeurs;
- ils ont une bonne connaissance de la nature humaine;
- ils comprennent bien le rôle de leur organisation.
- Le sens du leadership requiert une certaine dose de psychologie. D'abord et avant tout,
le véritable chef sait reconnaître le talent et la compétence. Il sait aussi que c'est
à l'avantage de l'ensemble de l'organisation que chacun puisse mettre à contribution
tout son talent.
- Tous autant que nous sommes, quel que soit notre rang dans la hiérarchie, avons les
mêmes aspirations. Nous voulons :
- nous sentir utiles et mettre nos talents au service de l'organisation;
- participer à l'effort collectif;
- comprendre les besoins de l'organisation;
- répondre de notre contribution au reste du groupe;
- faire notre marque et tirer une certaine fierté des résultats obtenus.
- Les gestionnaires ayant du leadership sont ceux qui contribuent à créer un climat
répondant à ces besoins. Cela dit, soyons réalistes : tout gestionnaire sait qu'il y a
des jours où c'est facile d'être un bon chef, et d'autres où il doit se contenter
d'être un bon gestionnaire; il y en a même certains où il s'appuie sur les autres et
leur emboîte le pas.
- Les leaders de la fonction publique doivent avoir toutes ces qualités, plus quelques
autres.
- Les leaders de la fonction publique doivent penser aux intérêts du pays. Ils doivent
travailler avec loyauté et dévouement à l'intérêt public tel que personnifié, et tel
qu'interprété, par le gouvernement élu.
- Ils doivent croire fermement à la démocratie et respecter les lois en satisfaisant les
besoins et en protégeant les droits des citoyens.
- À cause de la confiance que leur accorde la population, les fonctionnaires doivent, en
tout temps, faire passer le bien commun avant leur intérêt personnel.
- Les fonctionnaires sont au service non pas de clients, mais bien de citoyens. Et les
citoyens ont des droits égaux en tant que membres d'une collectivité qui doit
constamment trouver un juste équilibre entre des intérêts divergents.
- Enfin, les fonctionnaires doivent rester neutres et éviter toute attitude partisane.
IV. UNE CARRIÈRE DANS LA FONCTION PUBLIQUE DE DEMAIN
- En ma qualité de chef de la fonction publique, je dois veiller à ce que nous
disposions des ressources humaines qu'il nous faut pour répondre et aux défis
d'aujourd'hui et à ceux de demain.
- Je m'adresserai donc à ceux et celles d'entre vous qui envisagent une carrière dans la
fonction publique -- ou mieux encore peut-être, à ceux et celles qui n'ont jamais
envisagé de faire carrière dans la fonction publique, mais qui pourraient bien se
raviser.
- Le secteur public joue un rôle très important dans la performance d'un pays. Il
favorise sa compétitivité, lui donne un avantage concurrentiel dans l'accroissement de
son commerce et de ses investissements, et contribue au niveau et à la qualité de vie
des citoyens.
- Un pays serait affaibli s'il ne pouvait compter sur une fonction publique solide,
compétente et professionnelle. En fait, tout État serait handicapé s'il ne pouvait
s'appuyer sur une fonction publique de haute qualité, capable de mener à bien ses
politiques et ses programmes.
- Les Canadiens et leurs représentants élus ont toujours pu compter sur une des
meilleures fonctions publiques du monde. Les hommes et les femmes qui se consacrent à la
vie publique et qui font carrière dans la fonction publique sont résolus à tout mettre
en oeuvre pour que les Canadiens continuent de vivre dans un pays considéré comme l'un
des meilleurs du monde. Cela signifie, entre autres :
- que le Canada doit continuer de travailler à restaurer son autonomie financière;
- que le Canada doit se doter des avantages concurrentiels nécessaires pour réussir au
sein de la communauté des nations, (par ex., éducation, apprentissage, technologies de
l'information);
- que les Canadiens doivent moderniser leur union sociale, leur réseau d'entraide;
- que la fonction publique doit repenser son rôle (par ex., technologies nouvelles,
partenariats, prestation des services);
- qu'il faut renouveler les effectifs de la fonction publique.
- Pour relever ces défis, la fonction publique doit être en mesure d'attirer des femmes
et des hommes hautement compétents, talentueux et motivés qui l'aideront à faire face
à l'avenir.
- C'est très emballant de faire carrière dans la fonction publique. Nulle part ailleurs
pourrez-vous trouver, dans une même organisation, une diversité et une complexité
comparables, ni la possibilité d'acquérir autant d'expérience.
- Il n'y a jamais eu non plus de période plus stimulante que celle que nous vivons
actuellement pour travailler dans la fonction publique. Nous avons l'occasion de faire en
sorte que le Canada entame le XXIe siècle comme un pays uni, l'un des meilleurs du monde.
- Ceci étant dit, qu'est-ce qui pourrait bien vous amener à faire carrière dans la
fonction publique? Je ne vous donnerai que quelques raisons.
- Premièrement, pour servir. Notre mandat est de servir le gouvernement et les citoyens
du pays, de contribuer au bien public, de changer ce qui doit l'être.
- Deuxièmement, pour travailler avec ceux et celles qui sont en train de redéfinir le
rôle de l'État, -- s'adapter à la mondialisation, élaborer les politiques nationales
et voir aux besoins des citoyens.
- Troisièmement, pour apprendre et relever des défis. Aucune autre organisation au pays
ne peut vous offrir la diversité qui existe au sein de la fonction publique du Canada ni
vous permettre d'acquérir autant d'expérience.
- Quatrièmement, pour vous joindre à une équipe remarquable. Pour travailler avec des
gens qui viennent des quatre coins du Canada et qui ont autant de talent et de
détermination que vous.
- Cinquièmement, pour découvrir la richesse de ce pays et de ses habitants. C'est une
chance que bien peu d'employeurs sont en mesure de vous offrir.
- La sixième raison, et je m'arrêterai ici, est la possibilité de travailler sur de
grands dossiers. Quand vous regarderez les nouvelles ce soir, ou lirez les journaux
demain, rappelez-vous que quelqu'un dans la fonction publique du Canada a travaillé sur
le dossier qui a attiré votre attention dans le journal, au Téléjournal ou au Point.
Qu'il s'agisse de l'unité nationale, de la création d'emplois ou du système de soins de
santé, vous pourriez faire partie de l'équipe chargée de ces dossiers chauds.
- Cela dit, ce genre de carrière n'est pas à la portée de tout le monde. Le genre de
personnes que nous cherchons
- ne pensent pas qu'à s'enrichir, quoique vous êtes en droit de vous attendre à une
juste rémunération pour votre travail;
- ne pensent pas à la gloire et au prestige, car le travail se fait dans les coulisses;
- ne s'attendent pas à une sinécure.
- Mais si vous êtes à la recherche d'un milieu de travail qui vous permettra de vous
consacrer d'une façon unique à votre pays et de contribuer à un avenir meilleur, vous
devez regarder du côté de la fonction publique.
- Tout compte fait, l'une des meilleures raisons d'envisager une carrière dans la
fonction publique réside précisément dans le fait que le type de leadership que je
viens de vous décrire est exactement ce dont la fonction publique aura besoin. Si vous
possédez ces qualités, nous avons besoin de vous pour mieux préparer notre pays à
faire face à l'avenir.
- Merci.
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