L'Agence canadienne des douanes et du revenu :
vers une nouvelle forme de saine gestion publique
Allocution de
Mel Cappe
Greffier du Conseil privé et Secrétaire du Cabinet
à l'occasion du
Forum de Revenu Canada sur la gestion
de la transition vers le statut d'agence
Ottawa (Ontario)
Le 22 juin 1999
Le texte prononcé fait foi
J'aimerais d'abord vous faire part de propos tenus lors de la réunion du
Cabinet ce matin, et qui sont de nature à encourager les fonctionnaires. En effet,
de nombreux ministres ont fait remarquer que les employés de l'État jouent plus que
jamais auparavant un rôle crucial dans l'édification de la nation. Vous avez donc raison
d'être fiers de votre contribution et de la haute estime que vous témoignent les
décideurs clés, tant au sein du gouvernement qu'à l'extérieur.
Je m'adresse sans doute pour la dernière fois à un groupe aussi
important d'employés de Revenu Canada avant le lancement de la nouvelle agence, qui aura
lieu le 1er novembre. Vos réalisations sont nombreuses et vous avez autant de
raisons d'être fiers. Toutefois, il n'y a rien là de nouveau pour Revenu Canada.
Bien que dans le secteur privé certains voient une contradiction entre
"changement" et "Revenu Canada", je pense pour ma part que ce dernier
a une impressionnante feuille de route en matière de changement. Pour certains
organismes, faire face à un grand changement par décennie est suffisant. De toute
évidence, tel n'est pas le cas à Revenu Canada. Après l'intégration des douanes et de
l'accise avec l'Impôt, vous êtes maintenant sur le point de passer à une structure
organisationnelle entièrement nouvelle avec la création de l'Agence canadienne des
douanes et du revenu.
Qui aurait pensé que vous deviendriez dans les années 90 le point
de mise de la fonction publique en matière de réforme organisationnelle? De bien des
façons, vous marchez sur les traces notamment de l'Agence canadienne d'inspection des
aliments et de l'Agence Parcs Canada. La nouvelle agence ne se contente pas toutefois de
faire les choses autrement. Si je comprends bien, vous avez pris une feuille blanche et
vous l'avez remplie d'idées novatrices. Par exemple, vous discuterez plus tard cet
après-midi de votre régime de ressources humaines, dont la flexibilité et l'efficacité
vous permettront de jeter les bases d'un milieu de travail où l'expression
"l'employé d'abord"prendra tout son sens.
Je suivrai de près vos progrès, tout comme l'ensemble de la fonction
publique. Non pas parce que nous avons des craintes, mais plutôt par intérêt et par
admiration pour ce que vous êtes sur le point d'entreprendre, et pour ce que nous
pourrons apprendre de votre expérience. Cela ne m'étonnerait pas même qu'un jour tous
les employés de la fonction publique exigent le même type de souplesse administrative et
organisationnelle que vous êtes sur le point de mettre en oeuvre.
S'adapter au changement. S'il est facile pour certains de s'adapter
au changement, pour d'autres cela présente tout un défi. Ceux qui ont des enfants savent
à quel point il est facile pour eux de s'adapter au changement, qu'ils perçoivent comme
quelque chose d'agréable et d'excitant. Pour eux, chaque jour est une aventure leur
permettant de découvrir de nouvelles choses. Cette attitude est souvent celle des
entrepreneurs, qui ont la réputation, dans leur carrière ou dans leur vie, de s'adapter
au changement et même de le provoquer. À mon avis, les entrepreneurs sont des gens à
part, et, au sein de la fonction publique, l'innovation et la créativité sont des
qualités que nous devons rechercher chez nos employés. Toutefois, le changement peut
amener certaines personnes à se poser des questions, et parfois à éprouver l'anxiété
et le doute.
Cette dichotomie existe sans doute aussi au sein de Revenu Canada. Pour
certains, le lancement de la nouvelle agence marquera un nouveau départ, une étape
stimulante vers quelque chose d'entièrement nouveau. Les questions qu'ils se posent
aujourd'hui sont notamment : Quelle sera la première province à signer un accord de
perception fiscale avec la nouvelle agence? Réussirons-nous à combler un poste en moins
de trois semaines?
D'autres par contre se montreront moins enthousiastes, bien qu'ils songent
eux aussi avec émerveillement au potentiel de la nouvelle agence. La prudence de ces
employés nous permettra d'avoir la vigilance nécessaire pour faire en sorte que l'Agence
atteigne ses objectifs.
Une fonction publique efficace a besoin d'un équilibre entre ces deux
points de vue. L'audace, d'une part, et la prudence, d'autre part, sont les clés d'une
gestion des risques fructueuse. J'invite donc instamment chacun de vous à chercher cet
équilibre intérieur en cette période où vous êtes appelés à faire votre part pour
assurer le succès de la transition.
Atteindre les objectifs. La création de l'Agence canadienne des
douanes et du revenu implique des changements considérables que seul un effort d'équipe
permettra d'effectuer avec succès. Un projet de cette envergure ne réussit que dans la
mesure où tous participent à l'effort commun pour atteindre les objectifs. Chacun
d'entre vous sera appelé à gérer les attentes, à vaincre les peurs, à répondre à
des questions et à faire preuve d'audace. Vous devrez toujours garder à l'esprit votre
objectif ultime, qui est de servir les Canadiens.
Si vous ne deviez retenir qu'une seule chose de tout ce que je vous ai dit
aujourd'hui, la voici : le succès de la transition que vous êtes sur le point
d'entreprendre repose sur votre détermination. Si vos objectifs sont peu élevés, vos
réalisations seront de même nature. Après tout, que deviendrait l'homme s'il ne pouvait
aspirer qu'aux seules choses qui se trouvent à sa portée? Imaginez ce qu'il est possible
de réaliser lorsque vous vous fixez des objectifs qui sont selon certaines personnes hors
de portée pour vous et notre entourage.
Que vous travailliez dans le secteur des systèmes, de la vérification,
de la perception, du règlement et de la législation ou autre, vous avez la
responsabilité de vous fixer des objectifs élevés et de tout mettre en oeuvre pour les
atteindre. Si vous avez une amélioration à proposer, proposez-la. Si vous voyez des gens
qui disent une chose et en font une autre, cherchez à connaître les raisons de leur
incohérence : Pour viser l'excellence et le professionnalisme, il faut établir des
normes, fixer des objectifs et proposer des moyens de les atteindre.
La communication et la coopération. Je vous invite à considérer
à quel point vous avez de la chance. Vous avez la possibilité de participer à un
processus de réforme unique en son genre au sein de la fonction publique. De ce point de
vue, le succès de la nouvelle agence repose sur un principe fondamental et très canadien
: la coopération. Grâce au Conseil de gestion maintenant en place, qui sera en lien avec
le ministre du Revenu national, et avec l'aide de votre commissaire désigné, Rob Wright,
vous bénéficierez de tous les conseils et de toutes les balises nécessaires pour
effectuer votre travail et répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes.
Tous ces éléments sont essentiels, rehaussant du fait même l'importance
des communications. Les gestionnaires ont besoin d'information pour comprendre les
besoins. De la même manière, le personnel de première ligne a besoin de directives
claires et cohérentes pour y répondre. La relation doit être fondée sur le soutien
mutuel et la coopération. Je ne soulignerai jamais assez l'importance de la coopération
et du travail d'équipe. Je pense sincèrement que la somme de travail réalisée par un
groupe est toujours plus élevée que tout ce qu'on peut accomplir seul.
Je vous invite donc à appliquer ce principe dans vos unités de travail,
dans vos fonctions et dans l'orientation future de l'Agence. Si les employés se font
confiance et en viennent à croire que le succès se partage mieux entre collègues, la
collaboration deviendra la norme. Si vous traitez les citoyens avec respect et les
considérez comme des éléments clés, vous les rallierez à votre cause et vous
améliorerez vos façons de faire. Si vous pouvez convaincre les autres que vous êtes
attentifs à leurs préoccupations et à leurs besoins, ils voudront travailler en
partenariat avec vous, estimant que vous pouvez les aider à atteindre leurs objectifs.
Donc, si vous considérez les employés, les contribuables et les provinces comme des
partenaires visant les mêmes buts, vous vous ouvrez à la possibilité d'accomplir de
grandes choses.
Les valeurs. Si l'on nous avait dit il y a dix ans que la
perception de l'impôt, l'une des fonctions les plus fondamentales de l'État, serait
confiée à une agence, la plupart d'entre nous aurions hoché la tête, incrédules.
Certains ont toujours du mal à y croire. À ces sceptiques invétérés, je dis oui, la
création de l'Agence peut être perçue comme une réforme radicale par certains, mais
elle repose sur une analyse claire et solide et sur la conviction que l'on peut toujours
réussir bien ce que l'on a bien entrepris.
Au fil du temps, l'Agence canadienne des douanes et du revenu deviendra
très différente de l'actuel ministère du Revenu. Toutefois, sur de nombreux plans,
certaines valeurs fondamentales sont au coeur de toute organisation publique. C'est
visiblement le cas ici, et on n'a qu'à examiner les valeurs exprimées et inhérentes du
ministère actuel et de la future organisation. Nous parlons entre autres de valeurs
démocratiques, pour promouvoir la démocratie et respecter le rôle des élus; de valeurs
professionnelles, celles dont tous les employés, du commis au vérificateur, sont
conscients dans l'exercice de leurs fonctions; de valeurs éthiques, notamment
l'intégrité et la promotion du mandat public; de valeurs personnelles, comme le souci et
le respect des autres.
Que ce soit au sein d'une agence ou d'un ministère, je sais pertinemment
que vous continuerez de servir l'intérêt public, de respecter le mérite et
l'impartialité, de promouvoir la règle de droit, de défendre les droits des citoyens,
d'agir en toute objectivité et en toute impartialité, et de vous comporter avec
intégrité. Ces valeurs, comme de nombreuses autres, constituent la base de toute
organisation publique; elles guident nos pensées et nos actions, et constituent la base
des principes à respecter. Perdre de vue les valeurs qui nous définissent sèmerait
inévitablement la confusion dans l'esprit de tous.
Prenons l'objectif de servir l'intérêt public. Dans une entrevue que
j'ai donnée récemment à une station de télévision d'Ottawa, il a été question de l'
image de la fonction publique, et l'on m'a demandé pourquoi les douaniers traitaient les
gens qui se présentent aux frontières comme s'ils étaient des criminels. D'abord, ce
n'est pas le cas. Le journaliste perdait de vue que les douaniers ont tout simplement à
coeur de bien servir l'intérêt public, c'est-à-dire d'empêcher les criminels et les
terroristes de franchir les frontières que les Canadiens ont réussi à établir. Je suis
convaincu que tous les services d'une organisation aussi financièrement responsable que
Revenu Canada s'attachent à servir l'intérêt public. En d'autres mots, la perception de
l'impôt n'est pas une fin en soi, mais le moyen de fournir des services aux Canadiens, de
redistribuer le revenu équitablement dans la société, et de s'assurer que tous les
citoyens sont traités avec équité.
L'expérience m'a enseigné que lorsque nous sommes dans le
"mode" de servir l'intérêt public, la valeur et l'importance de notre travail
sont accrues et mieux comprises, pas seulement par les citoyens, mais aussi par
nous-mêmes. C'est déjà suffisamment assommant de lire et d'entendre à tout bout de
champ que la fonction publique semble n'avoir aucune valeur. Mais c'est franchement
intolérable de constater que certains fonctionnaires le pensent. Je crois que nous
entrons dans une nouvelle période de renouvellement où nous n'aurons plus à défendre
ce que nous faisons et où la valeur de notre contribution à la société sera
entièrement comprise.
Le rôle des dirigeants. En tant que dirigeants à Revenu Canada,
vous avez une responsabilité particulière. Comme je l'ai déjà mentionné, la
communication et la collaboration seront des éléments importants du succès de la
nouvelle agence, et vous serez à l'avant-poste de l'action et de l'information. J'ai
aussi parlé de culture de changement et, là aussi, je m'attends à ce que vous soyez des
promoteurs et des rassembleurs. C'est à vous également que revient la tâche de définir
les valeurs de votre organisation, et je vous demande instamment d'adapter celles de la
fonction publique à vos services. Ce sont des outils dont vous pouvez vous servir pour
recruter et maintenir en poste des employés qui chercheront à s'associer à des gens et
à des organisations partageant les mêmes valeurs et aspirant à l'excellence. Mais
attention : parler de valeurs est une chose, agir en est une autre. Vos gestes
concrets parleront toujours beaucoup plus fort que vos paroles.
Conclusion. Je termine en vous disant que, d'une certaine façon,
je vous envie. Ce que vous vous apprêtez à faire n'a jamais été tenté sur une aussi
grande échelle. Le défi est de taille, mais l'occasion est belle. Vous êtes pour ainsi
dire au rez-de-chaussée de l'édifice que vous allez ériger. Vous avez la chance
d'adapter cette agence à vos besoins et à ceux du pays. En franchissant l'étape ultime
vers cette forme unique de gestion centrale, le gouvernement a mis toute sa confiance en
vous. Il croit manifestement que vous avez ce qu'il faut pour faire le boulot.
Mais la question à laquelle vous devez répondre est la suivante y
croyez-vous? Pendant que vous y réfléchissez, je vous invite à faire preuve d'audace,
pour ne pas dire d'une confiance aveugle. N'écoutez pas les opposants systématiques et
les éternels sceptiques. Mieux encore, dites-leur d'emboîter le pas. Et rappelez-vous
les valeurs dont j'ai parlé et leur influence sur vos actions, surtout en ce qui a trait
à l'orientation que vous prendrez en tant qu'organisation.
Pendant cette transition professionnelle et même personnelle, je vous
offre tous mes voeux de succès. Merci et bonne chance!
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