Allocution de M. Mel Cappe
devant l'Institut d'administration publique du Canada
Le 28 août 2000
Le texte prononcé fait foi
Introduction
- Je tiens tout d’abord à remercier Jocelyne Bourgon de m’avoir si
gentiment présenté.
- Et permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à Ottawa pour cette
conférence. Quand les organisateurs m’ont demandé de parler de la
gouvernance au XXIe siècle, ils m’ont dit que j’avais
seulement 15 minutes pour le faire.
- Mais je dois admettre que je ne pense pas pouvoir identifier, et encore
moins relever, tous les défis de la gouvernance avec vous pendant ce petit
quart d’heure. Et quand bien même j’y réussirais, que resterait-il à
faire et à dire pour les autres conférenciers?
- Le thème choisi cette année est à propos : « marquer l’histoire
-- la gouvernance au XXIe siècle ».
- Donc aujourd’hui, j’aimerais vous soumettre quelques idées au sujet
de la nature et de la rapidité des changements et vous transmettre un
message clé, soit l’importance d’être en mesure de s’adapter et
de relever les défis de la gouvernance au XXIe siècle.
- Le XXe siècle a été marqué par de formidables progrès et d’énormes
changements, auxquels nos systèmes de gouvernance ont réussi à s’adapter.
- Au cours des 100 dernières années, nous sommes passés :
- des frères Wright aux premiers pas de l’homme sur la lune en 70 ans
- de la découverte de la pénicilline au séquençage du génome humain en
70 ans
- d’Edison à Internet en 100 ans
- Quand nous pensons à l’avenir, nous devons nous demander si nos systèmes
de gouvernance continueront de pouvoir s’adapter à la rapidité et à la
complexité des changements qui se produiront au XXIe siècle. Nous
avons donc l’occasion de marquer l’histoire.
Les tensions qui influent sur nos choix
- Dans mes discours, j’aime parler de ma propre expérience et citer les
grands esprits. J’en citerai un tout de suite, Yogi Berra, qui a dit que
« le futur n’est plus ce qu’il était ».
- Je le cite parce qu’il n’y a pas si longtemps, les gens essayaient de
prédire l’avenir en traçant une ligne droite entre le passé et le présent.
Par exemple, les gouvernements prenaient de plus en plus d’importance, non
seulement à titre de fournisseurs de services ou de dirigeants d’institutions
clés, mais aussi partout dans la vie économique et sociale canadienne. Donc,
en traçant une ligne droite, on avait à peu près la même chose.
- Mais Yogi avait bien raison : le futur n’est plus ce qu’il était.
- Nous travaillons dans un milieu où il faut tenir compte de ce que font les
gouvernements des autres pays et juridictions. Les citoyens ont des attentes
plus précises à l’égard de leur gouvernement. Ils ont une meilleure idée
du rôle qu’il doit jouer et des services qu’il doit offrir. Nous
établissons de plus en plus de partenariats avec le secteur privé et celui du
bénévolat.
- Alors, que signifie tout cela en termes de gouvernance? Évidemment, le caractère
propre à la gouvernance évolue. Cela signifie qu’il n’y a pas de ligne
droite vers le futur, ni pour les institutions, ni pour le gouvernement.
- Prenons les jeux olympiques d’été quadriennaux -- les athlètes s’entraînent
entre les jeux, mais en ce qui concerne les « Olympiques de la
gouvernance », on doit sans cesse relever les défis qui se présentent
quotidiennement.
- Ainsi, alors que nous nous entraînons en vue de marquer l’histoire des
Olympiques de la gouvernance du XXIe siècle, demandons-nous
quels obstacles nous devrons franchir pour adopter une démarche souple et
adaptable en matière de gouvernance.
- Uniformité / unicité
- D’un côté, nous devons décider à quel point nous voulons ressembler au
reste du monde, et de l’autre, à quel point nous désirons et pouvons être
uniques. C’est l’uniformité contre l’unicité.
- Selon certains, notre culture favorise de plus en plus l’homogénéité :
tout le monde se retrouve dans le même moule!
- Je ne parle pas seulement des postes de radio qui diffusent les
Backstreet Boys dans le monde entier; je pense aussi aux théories et aux
tendances des gouvernements et des administrations publiques. Les idées et les
pratiques, qu’elles soient exemplaires ou non, font leur chemin plus librement
que jamais. Les gens sont parfois tentés de s’inspirer de ce qui se fait
ailleurs simplement parce que c’est nouveau et que cela fait partie d’une
tendance internationale.
- D’un autre côté, nous observons une résistance de plus en plus grande à
cette uniformisation apparente. Nombreux sont les débats où les gens pensent
qu’il faut préserver à tout prix nos caractéristiques nationales,
régionales ou locales, simplement parce que ce sont des traits qui nous
distinguent.
- C’est la même chose pour la gouvernance : il faut rester ouverts aux
idées nouvelles, mais sans nécessairement jeter la tradition par-dessus bord.
À cet égard, je suis fier de vous rappeler qu’au Canada, nous sommes des
spécialistes du « juste milieu ». Nous avons notre façon bien à
nous de faire les choses, non seulement dans le contexte de la gouvernance, mais
dans celui des politiques publiques en général.
- Règles / souplesse
- Le deuxième obstacle à franchir consiste à décider comment passer d’un
régime décisionnel fondé sur des règles rigides à un processus plus souple
axé sur des valeurs et des objectifs communs, et aussi comment gérer ce
passage sans rejeter l’idée de base des règles.
- Auparavant, les lois et règlements régissant les activités économiques
restaient longtemps en place sans subir de véritables changements. Mais dans le
contexte de l’évolution rapide de l’économie et du monde des affaires, les
modèles de gouvernance applicables aux activités économiques doivent tenir
compte de la rapidité des changements et de la mondialisation de nombreuses
entreprises.
- Dans ce cas-ci, l’enjeu est d’établir un climat prévisible, sur les
plans du fonctionnement et de la législation, pour tous les acteurs et pour les
citoyens qui s’attendent à ce que nous mettions en place des protections
fondamentales dans la gestion de notre économie. Parallèlement, il faut
permettre aux entreprises canadiennes d’évoluer de manière à tirer le
maximum des nouvelles possibilités qui s’offrent à elles tant au pays qu’à
l’étranger.
- Nous avons le même obstacle à franchir pour nos propres opérations. Nos
programmes étaient autrefois régis par des règles explicites et détaillées,
ce qui faisait que les choses ne fonctionnaient pas toujours bien. Les citoyens
se plaignaient de devoir se perdre dans des dédales administratifs pour obtenir
de l’aide. Notre personnel se plaignait de passer plus de temps à mettre les
barres sur les « t » et les points sur les « i » qu’à
obtenir des résultats. Notre défi a été d’assouplir les règles et de nous
concentrer sur les résultats en nous assurant que les bonnes décisions sont
prises et que l’argent dépensé est bien investi.
- Il va de soi que cela est essentiel si nous voulons assurer les citoyens que
nous faisons ce qu’il faut comme il faut -- que nous servons l’intérêt
public.
- Rapidement / lentement
- La troisième difficulté consiste à déterminer à quelle vitesse avancer.
C’est un problème pour tous les gouvernements, car bon nombre de citoyens, d’entreprises
et d’autres intervenants exigent que les choses se fassent tout de suite,
indépendamment des conséquences pour les autres.
- Cela nous ramène à une différence fondamentale entre le secteur public et
le secteur privé et qui concerne la façon de percevoir l’échec. Dans le
monde des affaires, un échec peut être acceptable. En fait, on le voit avec
beaucoup de ces point.coms qui apparaissent et disparaissent sur
Internet. Mais même dans les entreprises plus traditionnelles qui fabriquent
des produits, leurs dirigeants savent que si les ventes fléchissent, la plupart
des nouveaux produits disparaîtront et même les plus anciens seront touchés.
- Nous n’avons pas ce luxe dans le domaine des politiques publiques.
- Nous parlons beaucoup de prendre des risques, et je dirais que nous sommes
plus prêts que jamais à en prendre, mais le public, lui, ne tolère guère l’échec
d’une politique.
- Nous sommes tenus de servir l’intérêt public.
- Les ministres, sans oublier les parlementaires, n’ont pas l’habitude de
dire « nous en rirons tous un jour. »
- C’est pourquoi je propose que ce problème de rapidité/lenteur se règle
de manière différente. Plutôt que de voir les « affaires à la
vitesse de la pensée », comme le voudrait Bill Gates, notre objectif
devrait être « le gouvernement à la vitesse de l’intérêt
public ». Cela nous rappelle que le temps est essentiel, mais ne constitue
pas l’essentiel en soi. Il nous faut encore réfléchir aux choix que nous
offrons aux ministres. Il nous faut encore considérer certains facteurs comme
les répercussions de l’équité sur les choix et les conséquences pour
toutes les parties intéressées.
- Absence de pouvoirs / habilitation
- Le quatrième obstacle à franchir -- et nous avons déjà parcouru plus de
100 mètres -- concerne le pouvoir. Qui a le pouvoir d’agir au sein de
nos organisations? Qui a le pouvoir d’agir dans notre société?
- Dans ce cas-ci, la marche à suivre est assez claire. Nos modèles de
gouvernance doivent être élaborés autour de l’habilitation des citoyens.
Cela implique une consultation où l’on ne fait pas qu’écouter poliment les
gens venus s’exprimer. Cela suppose une réflexion profonde sur des notions
comme la démocratie électronique, sans pour autant recourir à la
désintermédiation des élus.
- Cela signifie qu’il faut se demander comment nos lois et règlements
confient le pouvoir aux gens et aux institutions ou comment ils le donnent au
gouvernement ou à d’autres. Cela signifie que le gouvernement joue un rôle
de plus en plus grand de pourvoyeur d’information et d’outils, ainsi que d’assureur.
- Regardez les effets que cela a eu sur nos politiques environnementales. Il y
a plusieurs années, la politique environnementale était axée sur des lois et
des limites strictes, et elle fonctionnait plus ou moins bien. Par contre, l’arrivée
des nouvelles technologies fait en sorte que nous pouvons de plus en plus mettre
en ligne de l’information et des outils que les gens peuvent utiliser pour
agir à l’égard des dossiers environnementaux de leurs propres communautés.
Ces gens disposent des pouvoirs et des moyens nécessaires pour que les choses
se fassent là où la loi ne peut agir.
- Aujourd’hui, nous concentrons nos efforts sur le rendement et le résultat
plutôt que sur les suggestions, et les nouvelles technologies nous permettent
de le faire.
- Hiérarchie / nivellement
- Ces moyens d’action que nous voulons donner aux citoyens posent un autre
genre de problème à nos gouvernements : celui d’avoir des organisations et
des employés qui ont la souplesse voulue pour faire avancer les choses.
- Il y a une tension légitime entre le fait d’avoir une hiérarchie où des
décisions judicieuses sont prises dans le respect de notre système
démocratique, et le fait d’avoir des organisations décloisonnées où les
employés de première ligne sont capables de répondre aux besoins des
localités ou des individus. Mais cette tension ne se retrouve
pas que dans nos organisations. Si nous voulons vraiment répondre aux
attentes des citoyens, il faut commencer par écouter ce qu’ils ont à nous
dire.
- Les citoyens veulent que nous arrivions à des résultats concrets, ce qui
peut vouloir dire établir des réseaux et assouplir nos structures pour sortir
de l’isolement. Ils ne veulent plus se faire reprocher d’avoir cogné à la
mauvaise porte pour obtenir un service, et ils trouvent souhaitable que les
gouvernements travaillent ensemble ou avec d’autres partenaires pour
identifier les meilleures mesures à prendre lorsqu’il s’agit par exemple du
bien-être des enfants ou de la vigueur de notre économie.
- Économie / société / culture / environnement
- La souplesse dont nous aurons besoin au XXIe siècle en
matière de gouvernance ne concerne pas seulement notre façon d’élaborer nos
structures. Elle devra également s’appliquer à notre manière d’intégrer
notre réflexion sur les questions d’intérêt public. Nous devrons regrouper
nos politiques économiques, sociales, culturelles et environnementales.
- Il n’y a pas si longtemps, les modèles de gouvernance étaient composés d’une
série de petites cases toutes simples. Tel ordre de gouvernement s’occupait
de telle chose et tel autre d’autre chose. Il y avait une politique
économique. Il y avait une politique sociale. Nous avons connu le
cloisonnement, mais pas l’intégration.
- Le défi du XXIe siècle consistera à intégrer toutes nos
politiques tout en définissant un grand ensemble. Nous voyons d’ailleurs
déjà de nombreux signes de cette orientation. Par exemple, nos politiques
environnementales doivent tenir compte de ce que nous savons au sujet de l’économie,
nos politiques économiques doivent être le reflet de ce que nous voulons que
soient notre environnement et notre société, nos politiques sociales devront s’appuyer
sur une saine économie pour tous les citoyens, et toutes devront traduire l’importance
d’une culture en plein essor.
- Le tout a des répercussions sur les responsabilités et l’obligation de
rendre compte.
- Scène internationale / Scène nationale
- La prochaine difficulté dont je veux vous parler est celle de nos modèles
de gouvernance qui doivent de plus en plus s’adapter à l’internationalisation
des enjeux. Il faut dire que le gouvernement du Canada a toujours été sensible
aux réalités internationales. Mais c’était avant tout l’affaire de
quelques ministères. Maintenant, je ne pense pas qu’il y ait un seul
ministère qui ne s’occupe pas d’activités internationales.
- Aujourd’hui, nous devons devenir des « fonctionnaires sans
frontières » pour relever ce défi.
- Stabilité / changement
- J’aimerais vous parler du dernier obstacle à franchir, lequel est
peut-être le moins important en ce moment : le désir de stabilité et la
force du changement. Lorsque j’ai été nommé sous-ministre à
Environnement Canada, je suis arrivé au ministère avec l’intention d’y
instaurer la stabilité.
- Quelques mois plus tard, le gouvernement annonçait l’Examen des
programmes.
- Il se peut que la stabilité soit une chose du passé. Il semble en effet que
nous vivons dans un monde de changement perpétuel. C’est pourquoi il se peut
que, dans notre quête de la médaille d’or des olympiques de la gouvernance,
nous nous trouvions confrontés à de nouveaux obstacles, juste au moment où
nous pensions avoir atteint un segment de piste ouvert et plat.
Le gouvernable et l’ingouvernable
- Et comme si les obstacles de la gouvernance n’étaient pas assez difficiles
à franchir, même la piste sur laquelle nous progressons ne cesse de changer.
On nous presse constamment de revoir ce qui est gouvernable et ce qui est
simplement devenu ingouvernable, du moins dans le sens conventionnel du terme.
- Je tiens à insister sur ce point, car, dans la brochure de la conférence,
on laisse entendre que, ces dernières années, l’accent a surtout été mis
sur la prestation améliorée des services et sur la modernisation de la
fonction publique, plutôt que sur la gouvernance.
- Vous avez raison pour ce qui est de l’accent mis sur le service et sur la
fonction publique, mais je ne suis pas d’accord sur la question de la
gouvernance, du moins au niveau fédéral. Nous avons passé la majeure partie
de la dernière décennie à revoir notre rôle et à déterminer comment
obtenir des résultats.
- Le vieux modèle de gouvernance, très compartimenté, ne nous aurait jamais
permis d’évaluer des démarches de type intergouvernemental plus intégrées
à l’égard de certains enjeux fondamentaux du Canada. Nous n’aurions jamais
pu répondre aux besoins des enfants en adoptant un plan d’action national
pour les enfants, lequel est de type coopératif et laisse une place évidente
aux collectivités et au secteur bénévole.
- L’ancien modèle aurait été tout à fait incapable de s’adapter à une
réalité comme Internet, qui est partout et nulle part à la fois. Partout dans
le monde, les gouvernements se rendent compte qu’ils n’ont pas les moyens
nécessaires pour contrôler et encadrer une réalité aussi insaisissable que
le Web.
- Et ce changement a ouvert la porte à de nouvelles approches de la
gouvernance à l’appui des objectifs politiques traditionnels, mais ces
approches ne sont pas toujours du ressort des gouvernements.
- Permettez-moi de vous donner un exemple intéressant. Nombre de gens ont
manifesté leur inquiétude au sujet de la pornographie et des jeux de hasard
sur Internet. Les autorités en place peuvent assurément faire quelque chose au
sujet des sites qui sont situés sur leur territoire. Mais les gouvernements à
l’étranger n’ont pas tous la capacité ou la volonté d’agir. De plus, un
site peut déménager d’un pays à l’autre presque instantanément.
- La gouvernance n’offre-t-elle donc aucune option à cet égard? Ce n’est
pas exclu puisqu’il existe actuellement au sein du secteur privé
international un processus visant à régler les questions de pornographie et de
jeux de hasard. Fait intéressant, et peut-être un avant-goût de ce que sera l’avenir,
le processus exclut explicitement les gouvernements.
- Certaines personnes y verront le début d’une spirale dans laquelle les
gouvernements seront de moins en moins en mesure de s’acquitter des rôles
traditionnels, peu importe le modèle de gouvernance. D’autres considèrent la
chose comme un avertissement, estimant que nous ne devons pas tenir nos
fonctions pour acquises, que nous devons faire preuve d’ouverture et
déterminer les secteurs où les citoyens nous demandent d’agir et où nous
pouvons nous mobiliser pour agir, de la meilleure façon possible.
Les valeurs, notre point de repère d’aujourd’hui et de demain
- Alors, est-ce tout? La gouvernance future ne sera-t-elle qu’une longue
course, qu’un long exercice de rattrapage? Serons-nous toujours en train d’essayer
de prouver que nous avons quelque chose à offrir?
- Je ne le pense pas. Peu importe ce qui arrivera, les gens attendront sans
doute de leurs gouvernements qu’ils jouent un rôle de premier plan dans le
choix des politiques publiques et qu’ils facilitent la prise des mesures
nécessaires, et même qu’ils les prennent eux-mêmes. Les gens s’attendent
à ce que nous suivions avec le changement sans être à sa merci.
- Deux facteurs nous aideront à définir des modèles de gouvernance
flexibles, adaptables et efficaces, et à agir à cet égard. Le premier est un
engagement renouvelé envers quatre grandes valeurs de la fonction publique.
- Je crois fermement à l’importance d’une fonction publique
professionnelle, non partisane, représentative, nationale et bilingue pour
assurer la santé et la force de la société et de l’économie. Je me rends
également compte que le personnel de la fonction publique se trouve constamment
aux prises avec des questions difficiles en raison, précisément, de la
rapidité des changements. Il doit répondre à ces questions tout en étant au
service des ministres, à qui les Canadiens ont confié l’intérêt public. Il
doit régler ces questions tout en traitant avec le public, les partenaires et d’autres
personnes dans la fonction publique.
- Je crois fermement que les quatre valeurs fondamentales de la fonction
publique doivent servir de point de repère pour toutes nos décisions. Elles
guident assurément nos choix de gouvernance.
- Il y a premièrement les valeurs démocratiques. Nous devons nous rendre
compte que nous sommes ici pour aider les ministres à agir pour le bien commun
conformément à la loi et à la Constitution. Nous devons nous laisser guider
par une appréciation essentielle de la règle de droit et de notre régime
gouvernemental, de même que de l’intérêt public.
- Viennent ensuite nos valeurs professionnelles, ce qui veut dire qu’il faut
vraiment essayer de faire un bon travail en fonction des nombreuses facettes de
la citoyenneté des gens. Cela veut aussi dire la prestation d’un service
objectif et impartial envers la personne qui se présente à nos bureaux ou
vient visiter notre site Web. Cela signifie qu’il faut faire des choix qui
respectent les intérêts des contribuables. Cela veut aussi dire qu’il faut
porter une attention particulière aux politiques, programmes et services qui
donnent les meilleurs résultats.
- Pour mettre ces résultats en pratique, il faut un engagement envers l’excellence
et le mérite. Cela signifie qu’il faut conseiller les ministres de façon
objective et impartiale.
- Troisièmement, il y a nos valeurs éthiques. Nous voulons que le
gouvernement continue d’être reconnu pour des actions qui sont guidées par l’honnêteté
et l’intégrité. Nous voulons que les gens soient conscients que les choix
que nous faisons et les décisions que nous prenons visent le bien commun et non
pas notre profit personnel.
- Quatrièmement, il y a l’élément humain. Nous devons toujours chercher ce
qui est raisonnable et équitable pour les individus et leurs droits.
Privilégier l’élément humain, c’est aussi montrer que nous respectons la
diversité de la société.
- J’ai voulu insister sur l’importance des valeurs parce qu’elles sont le
fondement de toute bonne décision qu’un gouvernement est appelé à prendre.
Dans mon esprit, il est inconcevable d’avoir une vraie bonne gouvernance si
elle ne s’appuie pas sur de véritables valeurs.
L’élément humain, la seule solution sûre
- Mais les valeurs n’existent pas dans l’abstraction. Et cela m’amène à
mon dernier point ce matin.
- Les valeurs existent parce que les gens font des choix. Ainsi, parler de
gouvernance sans parler de la place centrale qu’occupent les agents publics
qui font vivre ces valeurs, c’est comme parler de transport sans reconnaître
l’importance vitale de l’énergie.
- Ce sont des gens qui décident du degré de souplesse et d’adaptation de
nos modèles de gouvernance. Ce sont des gens qui décident comment nous
exprimons et appliquons nos valeurs. Ce sont des gens qui font la différence
entre des gouvernements qui sont de leur temps ou des gouvernements qui sont
simplement dépassés parce qu’ils ne voulaient pas changer ou n’ont pas
fait les bons changements.
- Les gens sont au coeur de mes préoccupations de gestion au sein de la
fonction publique fédérale, et il en est de même pour bon nombre de mes
collègues des autres organisations publiques du pays. Nous nous tournons vers l’avenir
et nous sommes à la recherche de gens qui nous y mèneront.
- Je pourrais d’ailleurs parler de cette question pendant beaucoup plus de
15 minutes, mais je me permettrai seulement de faire quelques remarques. Au
cours de la prochaine décennie, la fonction publique fédérale vivra un
changement de génération sans précédent. Les têtes grisonnantes qui se
trouvent parmi nous et qui ont eu la chance d’entrer sur le marché du travail
au moment où les gouvernements embauchaient à pleine porte se préparent
déjà à souligner dignement leur retraite. Et cela ne fait que s’ajouter aux
lacunes existantes de notre effectif.
- Pour que nous connaissions le succès et que nous ayons notre place au XXIe siècle,
j’ai parrainé des projets touchant le recrutement, le maintien de l’effectif
et l’apprentissage dans l’ensemble de l’administration centrale. Il nous
faut attirer des gens qui considèrent notre milieu de travail comme un endroit
où ils pourront apporter leur contribution. Nous devons trouver ce qui pousse
des employés de tous les âges à nous quitter, afin que nous puissions les
garder dans notre effectif, tirer profit de leurs compétences et assurer leur
engagement. Enfin, nous devons faire évoluer notre organisation de façon
encore plus marquée vers la promotion de l’apprentissage.
- La plupart des ministères sont déjà très avancés dans l’application
des mesures concernant les trois priorités. Nous étudions en ce moment ce qui
peut être fait à l’échelle gouvernementale pour étendre ces initiatives.
Tout cela nous aidera à attirer des personnes qui sauront faire preuve de
souplesse et qui possèdent un grand sens des valeurs.
Conclusion
- Deux conclusions possibles me viennent à l’esprit aujourd’hui.
- La première est que nous pouvons nous féliciter d’avoir si bien réussi
à nous adapter jusqu’ici.
- Nous avons utilisé la technologie pour accélérer nos processus, nos
communications et nos services.
- Nous avons modifié la Constitution cinq fois.
- Nous avons créé le nouveau territoire du Nunavut.
- Nous avons changé nos politiques pour répondre aux attentes des citoyens
(je pense par exemple aux congés parentaux).
Nous pouvons à juste titre prétendre que nous avons marqué l’histoire.
- L’autre conclusion est que, si l’un d’entre nous s’était endormi il
y a 25 ans et qu’il se réveillait aujourd’hui, en l’an 2000, il
remarquerait que les choses sont semblables à ce qu’elles étaient en 1975,
pimentées ici et là de haute technologie afin d’en masquer la fadeur.
- J’imagine que les deux conclusions comportent des éléments de vérité. C’est
peut-être là la vraie mesure du succès. Nous ne nous situons pas aux
extrêmes. Nous n’avons rien bouleversé, mais nous n’avons pas non plus eu
peur du changement. Nous sommes tournés vers l’avenir, mais nous sommes
toujours guidés par les valeurs fondamentales de la fonction publique.
- Il faut donc se demander si nos structures de gouvernance continueront d’évoluer
et de s’adapter.
- Les Olympiques de la gouvernance battent leur plein au Canada; que les
gens le sachent ou non, la course est engagée.
- Je pense que vous êtes de ceux qui savent ce que nous avons à faire.
Vous avez en ce moment une vraie occasion de marquer l’histoire par votre
propre travail et grâce à une réflexion créatrice axée sur les valeurs.
En vous engageant envers l’innovation et la souplesse, vous laisserez
derrière vous une gouvernance qui fait bien ce qu’elle fait et doit
faire.
- Je vous invite à profiter de cette conférence non seulement pour
discuter d’observations et de théories, mais aussi pour critiquer,
réfléchir et agir.
- Demandez-vous si vous êtes en mesure de vous adapter au XXIe siècle.
- Si vous vous endormiez aujourd’hui, pour vous réveiller 25 ans plus
tard, pourriez-vous reconnaître la gouvernance au XXIe siècle?
- Et n’oubliez pas que celui qui réfléchit peu, mais parle beaucoup, n’a
pas sa place dans la fonction publique. Ayez de grandes idées et soyez
prêts à agir.
- Je vous souhaite une bonne et fructueuse conférence. Merci.
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