Cette note a été préparée pour la gouverne des fonctionnaires qui
comparaissent devant les comités parlementaires. Elle expose les principes
constitutionnels sur lesquels se fondent les relations entre les ministres, les
fonctionnaires et le Parlement.
Responsabilité gouvernementale
Dans notre système de gouvernement, les pouvoirs de la Couronne sont
exercés par les ministres qui, a leur tour, sont comptables envers le Parlement. Les
ministres sont individuellement et collectivement responsables envers la Chambre des
communes des politiques, des programmes et des activités du gouvernement. Ils sont
secondés dans lexercice de leurs responsabilités par la fonction publique, qui est
tenue dassurer un soutien loyal, professionnel et impartial au gouvernement du jour.
Il incombe à chaque fonctionnaire de conseiller et dinformer les ministres,
dexécuter fidèlement les instructions reçues deux, et, ce faisant, de
servir la population du Canada. Les fonctionnaires doivent rendre compte à leurs
supérieurs, et ultimement à leur ministre, de lexécution correcte et compétente
de leurs fonctions.
Notre gouvernement est dit «responsable» parce quil doit
conserver la confiance de la Chambre des communes et que ses ministres doivent rendre
compte à la Chambre de tout ce qui se fait sous leur autorité. Les ministres sont
comptables au Parlement et à ses comités. Ce sont les ministres qui arrêtent les
politiques et ce sont eux qui doivent les défendre devant la Chambre, et ultimement
devant la population canadienne.
Cest donc aux ministres quil incombe de renseigner le
Parlement et ses comités, et non aux fonctionnaires, qui ne partagent pas cette
responsabilité constitutionnelle et nont pas à rendre compte de leurs actes au
Parlement. Les fonctionnaires ont cependant lobligation dappuyer leur ministre
dans ses relations avec le Parlement et cest en ce sens quon peut dire
quils secondent la responsabilité des ministres envers le Parlement.
Pouvoirs des comités
En vertu du Règlement, les comités de la Chambre et du Sénat ont
le droit dexercer la totalité des pouvoirs qui leur sont délégués. Ces pouvoirs
comprennent le droit non seulement dinviter des témoins à comparaître, mais, au
besoin, de les y convoquer. Ils comprennent aussi le droit dinterroger des témoins
sous serment.
Sommation des fonctionnaires
La Chambre des communes et le Sénat, ainsi que leurs comités, ont le
pouvoir de sommer quiconque a comparaître et ils pourraient convoquer des fonctionnaires,
même si leur ministre sy oppose. (Cependant, seuls la Chambre des communes et le
Sénat peuvent contraindre un témoin à comparaître.) Pour observer le principe
de la responsabilité ministérielle, les comités sollicitent habituellement le
témoignage de fonctionnaires de façon informelle et ninsistent pas sur la
comparution dune personne en particulier, laissant au ministre le soin de
déterminer quel fonctionnaire parlera en son nom au comité. Il appartient à un ministre
de décider à quelles questions il souhaite répondre et quelles sont celles qui peuvent
être posées à ses fonctionnaires.
Réponses aux questions des comités
On sattend à ce que les personnes qui témoignent devant un
comité parlementaire répondent à toutes les questions du comité. Cependant, quelques
considérations viennent tempérer lapplication de ce principe dans le cas des
fonctionnaires, puisque ces derniers comparaissent au nom de leur ministre.
Les fonctionnaires ont la responsabilité générale, aussi bien que
lobligation légale, de tenir confidentiels les renseignements dont ils peuvent
avoir connaissance dans lexercice de leurs fonctions. Lexercice de cette
obligation et de ces responsabilités est soumis à lapplication des lois, et en
particulier à lobligation que le gouvernement peut avoir de divulguer des
renseignements au public en vertu de la Loi sur laccès à linformation, ou
celle de protéger ces renseignements de la divulgation en vertu dautres lois, comme
la Loi sur la protection des renseignements personnels.
De façon générale, et compte tenu des lois, les fonctionnaires ont
lobligation de se comporter de manière à ce que les ministres puissent toujours
avoir pleinement confiance en la loyauté et la fidélité de ceux qui les servent. La
protection de cette relation de confiance est essentielle au bon gouvernement. Si les
fonctionnaires violent la confiance des ministres, ils minent lexercice efficace (et
démocratique) du gouvernement. Sils agissent ainsi croyant avoir des obligations
plus fortes envers le Parlement, alors ils minent le principe fondamental de la
responsabilité gouvernementale, à savoir que ce sont les ministres, et non les
fonctionnaires, qui sont comptables envers la Chambre des communes pour les actes du
gouvernement.
Les fonctionnaires comparaissent devant les comités du Parlement au nom
de leur ministre afin de fournir des renseignements que le ministre ne pourrait
raisonnablement fournir lui-même. Cependant, à lencontre du ministre, les
fonctionnaires ne sont pas directement comptables au Parlement de leurs actions ni des
politiques et programmes du gouvernement.
Les questions de stratégie et de politique qui risquent de soulever une
controverse sont essentiellement réservées aux ministres, car si les fonctionnaires
devaient rendre compte des politiques, ils seraient inévitablement entraînés dans des
polémiques qui mettraient fin à leur utilité à long terme pour le système, et
mineraient lautorité et la crédibilité de leur ministre.
Assermentation des fonctionnaires
Les fonctionnaires ont lobligation fondamentale de renseigner
fidèlement leur ministre et aussi de transmettre fidèlement, au nom de leur ministre,
les renseignements quils sont autorisés à divulguer au Parlement. Cette obligation
vaut, quil y ait eu ou non assermentation.
Il est clair, cependant, que les comités parlementaires sont habilités
à interroger les témoins sous serment. Le président de la Chambre, le président du
comité ou encore le greffier du comité, si ce pouvoir a été accordé par le président
de la Chambre, sont habilités, en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, à
faire prêter serment aux témoins (ou encore à recevoir leur déclaration lorsque le
témoin à des objections de conscience à la prestation du serment).
Cependant, même si les comités parlementaires sont habilités à
interroger le témoin sous serment, le cas ne se produit quexceptionnellement. Ce
nest pas quun fonctionnaire jouisse de privilèges refusés aux autres
citoyens mais plutôt que le fonctionnaire se trouve a témoigner non pas en son nom mais
en celui de son ministre. Comme il a été mentionné ci-haut, les fonctionnaires ont le
devoir - et ont prêté serment en ce sens - de ne pas divulguer, sans autorisation
expresse, des renseignements que seul le ministre (ou le gouvernement) a compétence de
divulguer.
Outre cela, le fonctionnaire qui est invité à prêter serment peut se
trouver dans une situation qui va à lencontre de son obligation envers le ministre
de garder le secret ou, de façon plus générale, à lencontre du serment de
discrétion quil a prêté. En pratique, on sattend à ce que les
fonctionnaires témoignent selon le principe fondamental de la responsabilité
constitutionnelle des ministres envers le Parlement. Dans ce contexte, ils ont (les
sous-ministres en particulier) lobligation fondamentale de renseigner leur ministre
avec franchise sur toute question concernant leur ministère et les politiques qui
relèvent de leur compétence. Seuls les ministres sont en mesure de décider quand et
dans quelle mesure des renseignements confidentiels peuvent ou doivent être divulgués.
Obliger un fonctionnaire à témoigner sous serment pourrait le forcer à prendre des
décisions quil nest pas habilité à prendre.
Finalement, demander à un fonctionnaire (qui nest que le
représentant du ministre) de prêter serment laisse penser que son ministre pourrait
être invité à faire de même. Cela pourrait donc avoir des incidences directes sur les
privilèges du ministre en tant que député, le serment quil a prêté en qualité
de conseiller privé et lobligation fondamentale quil a de rendre
(fidèlement) des comptes à la Chambre.
Directives aux fonctionnaires
Toutes ces considérations sur le témoignage des fonctionnaires devant
les comités se traduisent en pratique par les lignes directrices suivantes.
A) Réponse aux questions
Un fonctionnaire est habilité à donner des explications en
réponse aux questions relatives à des aspects complexes de stratégie mais il ne doit
pas chercher à défendre une stratégie ni participer à un débat sur les options du
gouvernement. Pour les autres questions, surtout en ce qui a trait à
ladministration du ministère et des programmes, le fonctionnaire répond
directement au nom de son ministre. Ici encore, le fonctionnaire doit se limiter à des
explications.
Les fonctionnaires doivent comprendre et respecter lobligation
quils ont, à titre officiel, de sabstenir de divulguer des renseignements
cotés ou de transmettre des documents confidentiels à toute personne qui nest pas
autorisée à en prendre connaissance. Pour leur part, les comités reconnaissent
généralement que la divulgation aux comités de renseignements qui ne sont pas
habituellement accessibles au public doit être une décision qui relève des ministres et
de la responsabilité ministérielle.
B) Assermentation
Un fonctionnaire qui se voit demander de prêter serment devant un
comité pourrait faire la déclaration suivante:
- Cest au nom de son ministre que le fonctionnaire comparaît afin de
fournir des renseignements que le ministre ne pourrait raisonnablement fournir lui-même;
il sagit la dune obligation très ancienne des fonctionnaires, qui vient
appuyer lobligation traditionnelle du ministre à légard du Parlement.
- De plus, si le comité a des inquiétudes quant à lexactitude des
réponses de la personne qui représente le ministre, peut-être alors préférerait-il
poser les questions au ministre lui-même.
- Ayant exposé ces considérations au comité, le fonctionnaire doit se
préparer à prêter serment. Il devrait également solliciter la compréhension du
président et des membres du comité afin quils évitent de lui poser des questions
qui pourraient le mettre dans une position contraire à lobligation quil a
envers son ministre et au serment doffice quil a prêté.
Fonctionnaires non-ministériels
Lautonomie des organismes non-ministériels ne déborde pas le
cadre des attributions et responsabilités que le Parlement leur a conférés, dont la
grande diversité rend difficile de définir des lignes directrices concernant la
comparution des agents et employés de ces organismes devant les comités.
En règle générale, sauf quelques exceptions notables, les organismes
non-ministériels nont pas été créés pour élaborer des politiques mais à des
fins de relations commerciales, dadministration ou de réglementation. Cest
lindividu ou le conseil dadministration qui dirige lorganisme (et non le
ministre, qui rend compte au Parlement), qui est investi du pouvoir dexercer les
fonctions dadministration ou de réglementation de lorganisme. Le Parlement
exige que chaque organisme lui rende compte par lentremise de son ministre de
tutelle. Lorsquun organisme fait appel au Trésor, cest le ministre de tutelle
qui présente la demande de fonds dans le cadre du budget des dépenses, et la Couronne y
donne suite dans une loi portant affectation de crédits.
Dès lors, les fonctionnaires non-ministériels, qui jouissent en
général dune plus grande autonomie que les fonctionnaires ministériels,
puisquils ont été nommés en vertu dune loi du Parlement qui leur confère
des attributions et des responsabilités particulières, ne doivent se prononcer devant
les comités parlementaires que sur les questions découlant de leurs attributions et
responsabilités. Même dans leur cas, les principes de base de la responsabilité
gouvernementale exigent quils sefforcent déviter toute polémique en
matière de politique si cela risque de semer le doute parmi les ministres et le Parlement
quant à la capacité du dirigeant de la société ou du conseil dadministration
dadministrer de façon impartiale la loi habilitante.
Conclusion
La relation entre le gouvernement et le Parlement est lexpression
du principe fondamental de la responsabilité gouvernementale, à savoir que ceux qui sont
investis par la Constitution de lautorité nécessaire pour gouverner les affaires
du pays doivent faire partie du Parlement et lui rendre des comptes. Ce sont les
ministres, et non les fonctionnaires, qui exercent cette autorité; ce sont les ministres,
et non leurs fonctionnaires, qui sont comptables au Parlement. Les fonctionnaires, quant
à eux, sont comptables à leurs ministres. Ils peuvent les seconder en répondant
directement aux comités parlementaires, mais il ne fait aucun doute que ce sont les
ministres, et non les fonctionnaires, qui, en vertu de la Constitution, doivent rendre
compte de lexercice des pouvoirs de l'État. Ainsi, la responsabilité
ministérielle, pierre angulaire de la responsabilité gouvernementale, peut-elle assurer
la suprématie du Parlement. |