5. UNE FONCTION PUBLIQUE EXEMPLAIRE
5.1 La situation actuelle
5.1.1 Les communications et la prestation de services
5.1.2 La langue de travail
5.1.3 La participation des Canadiens d’expression française et d’expression
anglaise
5.2 Notre plan
Au cours des 30 dernières années, le gouvernement du Canada a investi pour
créer une fonction publique compétente et bilingue, pour offrir des
possibilités d’emploi aux Canadiens d’expression française et d’expression
anglaise, et pour servir la population dans la langue officielle de son choix.
Les résultats sont palpables. La situation s’est grandement améliorée
depuis l’avènement de la première Loi sur les langues officielles en
1969 et son renforcement en 1988. La fonction publique fédérale n’est plus
du tout l’institution quasi unilingue qu’elle était il y a 30 ans. Par
exemple, la proportion des francophones à tous les échelons de la hiérarchie,
ainsi que le nombre de postes désignés bilingues, se sont accrus de façon
notable. Cependant, nous allons le voir, il reste beaucoup à faire avant que la
fonction publique fédérale soit conforme à la vision du Canada qui se trouve
énoncée dans la Loi sur les langues officielles.
5.1 La situation actuelle
5.1.1 Les communications et la prestation de services
LES BUREAUX DÉSIGNÉS BILINGUES REMPLISSENT DIFFICILEMENT LEUR
MANDAT.
Durant les années 1990, l’offre de services dans les deux langues est
restée stable ou a décliné, si bien qu’à l’exception du Québec où,
selon l’appréciation de la Commissaire aux langues officielles, les services
en anglais sont offerts de façon satisfaisante, les bureaux censés offrir
leurs services dans les deux langues ne peuvent le faire assez souvent55.
D’après des études effectuées par le Commissariat aux langues officielles,
trop de bureaux ne possèdent pas de personnel suffisamment bilingue pour
assurer les services requis.
Graphique 21 – Accueil et services dans les deux langues
officielles, bureaux désignés bilingues, 1994 – 2000
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La nouvelle politique sur les modes de prestation de services, entrée en
vigueur le 1er avril 2002, oblige maintenant les institutions fédérales à
considérer leur incidence sur les langues officielles et à consulter les
communautés en situation minoritaire lorsque des changements dans la façon d’offrir
les services pourraient avoir un effet sur leur développement. La Commissaire
aux langues officielles croit que cette politique « …peut contribuer à
améliorer l’offre de services bilingues, pourvu qu’un suivi adéquat soit
assuré »56.
Graphique 22 – Pourcentage des bureaux désignés bilingues ayant
un ou plusieurs employés bilingues, 1994 – 2000
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5.1.2 La langue de travail
LE DÉSÉQUILIBRE PERSISTE EN FAVEUR DE L’ANGLAIS LANGUE DE TRAVAIL.
Une étude (septembre 2002) sur les attitudes face à l’utilisation des
deux langues officielles au sein de la fonction publique57
a confirmé le déséquilibre dans l’utilisation de leur langue seconde par
les anglophones et les francophones. En règle générale, l’anglais demeure
la langue de travail privilégiée au détriment du français, sauf à
Montréal.
Graphique 23 – Portion du temps où le travail s’effectue dans la
deuxième langue officielle, régions bilingues, 2002
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LA PROPORTION DE POSTES BILINGUES A AUGMENTÉ MAIS TOUS NE SONT PAS
COMBLÉS PAR DES TITULAIRES BILINGUES.
Selon les rapports annuels du Conseil du Trésor, la proportion des postes
désignés bilingues a augmenté considérablement depuis le milieu des années
70. À l’heure actuelle, 37 p. 100 des postes dans la fonction publique
fédérale sont désignés bilingues; 28 p. 100 d’entre eux requièrent le
plus haut niveau de compétence dans la langue seconde et 67 p. 100 un niveau
intermédiaire. La proportion de titulaires de ces postes qui se conforment
pleinement aux exigences est de 84 p. 100. Au niveau de la haute direction,
proportionnellement plus de postes sont étiquetés bilingues (78 p. 100) mais
le niveau de conformité tombe à 72 p. 100.
Graphique 24 – Postes bilingues dans la fonction publique, 1974 –
2001
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Il demeure problématique de constater que des titulaires de postes
bilingues, encore aujourd’hui, ne peuvent exercer leurs fonctions dans les
deux langues. Il faut agir maintenant, à moins de compromettre les obligations
en matière de langue de travail, de communication avec le public et de
prestation de services énoncées dans la Loi. Les retards accumulés dans l’évaluation
et la formation linguistiques à la suite des compressions des dernières
années doivent donc être comblés le plus rapidement possible.
5.1.3 La participation des Canadiens d’expression française et d’expression
anglaise
AMÉLIORATION SAUF AU QUÉBEC, OÙ LA PROPORTION D’ANGLOPHONES DANS LA
FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE DEMEURE INSUFFISANTE
Les rapports annuels du Conseil du Trésor démontrent que le taux de
participation des francophones dans la fonction publique a augmenté, de 25 p.
100 qu’il était en 1978 à 31 p. 100 en 2002, et ceci même pour la
catégorie de gestion (18 p. 100 en 1978 et 28 p. 100 en 2002)58.
Leur taux de participation est supérieur à leur proportion de la population
(24,1 p. 100)59.
La proportion de sous-ministres francophones était de 28 p. 100 en 2001, de
32 p. 100 en 2002. Il faut cependant se rappeler que la communauté des
sous-ministres est restreinte : le départ ou l’arrivée d’un ou deux
francophones fait fluctuer les statistiques. Du côté des sous-ministres
délégués, la proportion est sensiblement la même. Dans le cas des
sous-ministres adjoints, cette proportion s’est maintenue à 26 p. 100. Près
de 75 p. 100 des sous-ministres adjoints sont bilingues60.
Graphique 25 – Participation des francophones dans la fonction
publique, 1978-2002
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En 2002, les institutions fédérales dont le Conseil du Trésor n’est pas
l’employeur employaient 53 101 personnes dans la région du Québec (sauf la
région de la capitale nationale), dont 8 500 étaient des anglophones. Ces
derniers représentaient donc 16 p. 100 de l’effectif, une proportion
supérieure à leur présence dans la population québécoise (12,9 p. 100)61.
Cependant, en 2001, parmi les 20 136 fonctionnaires oeuvrant au Québec dont le
Conseil du Trésor était l’employeur, 1 512 étaient anglophones. Leur taux
de participation n’était donc que de 7,5 p. 100, un sujet de préoccupation
pour la communauté anglophone comme pour le gouvernement62.
Le gouvernement s’inquiète de n’avoir pu recruter assez d’anglophones
dans la région du Québec pour que leur nombre dans la fonction publique
corresponde à leur poids dans la population provinciale. La Loi exige qu’ils
aient des chances égales d’emploi et d’avancement dans toutes les
institutions fédérales, dont les effectifs devraient en outre refléter la
présence des deux collectivités de langue officielle. Il s’agit d’un
engagement solennel qui lie chaque institution. Le gouvernement croit important
de rectifier la situation. Aujourd’hui, pour arriver à une représentation de
12,9 p. 100, il faudrait un millier d’anglophones de plus.
5.2 Notre plan
REPLACER LES LANGUES OFFICIELLES PARMI LES PRIORITÉS ET MODIFIER LA
CULTURE ORGANISATIONNELLE DE LA FONCTION PUBLIQUE
En dépit des gestes posés en matière de recrutement pour rendre la gestion
et le personnel affecté à la prestation de services suffisamment bilingues et
élaborer un cadre réglementaire et de politiques adéquat, le programme des
langues officielles a manqué de souffle depuis une dizaine d’années alors
que le pays et la fonction publique se tournaient en priorité vers la lutte au
déficit budgétaire. Il importe maintenant de replacer les langues officielles
au coeur de la mission des institutions en cause. Un changement durable, y
compris un meilleur service au public et une plus grande utilisation des deux
langues officielles au travail, ne sera possible que si la culture d’ensemble
de la fonction publique change à l’égard de la langue.
Les compressions budgétaires ont frappé de plein fouet ce programme, menant
à une application inégale de la Loi dans la fonction publique. Pour le
Secrétariat du Conseil du Trésor en particulier, les compressions ont
représenté une perte de 60 p.100 et conduit à une réduction des activités
de suivi. Des ressources supplémentaires sont requises si l’on veut réussir
à adapter les politiques et programmes de langues officielles aux réalités d’aujourd’hui,
aux besoins des gestionnaires qui ne sont pas des spécialistes des langues
officielles, et aux exigences de la technologie moderne.
En tout, au cours des cinq prochaines années, le gouvernement investira des
fonds nouveaux totalisant 64,6 millions de dollars pour rendre la fonction
publique exemplaire en matière de langues officielles. Pour le Conseil du
Trésor, les nouveaux fonds représentent une majoration de 208 p. 100 pour l’ensemble
des activités qu’il entreprendra avec d’autres institutions fédérales
pendant les cinq ans du Plan d’action; l’augmentation correspondante pour l’évaluation
et la formation linguistiques à la Commission de la fonction publique est de 48
p. 100.
Pour valoriser la dualité linguistique dans toute la fonction publique,
ministères et organismes devront en faire un élément intégral de leurs
pratiques, ancré dans leurs valeurs de base. On mettra l’accent sur les
comportements issus de ces valeurs plutôt que sur l’imposition de normes
minimales obligatoires.
La recherche sur les perceptions, les attitudes, les obstacles et les
facteurs favorables à l’utilisation des deux langues officielles dans la
fonction publique, commencée en 2001-2002, devra être mise à jour et
approfondie de manière continue. Pour ce faire, le Conseil du Trésor voudra s’adjoindre
des partenaires parmi les ministères et organismes intéressés.
INVESTIR DANS L’INNOVATION
Même si la coordination générale du programme des langues officielles
relève du Conseil du Trésor, les ministères et organismes doivent assumer sa
mise en oeuvre dans leurs propres sphères de compétence. Le Conseil du Trésor
s’efforcera de les guider en investissant pour appuyer des activités
ciblées, favorisant une meilleure gestion des langues officielles, un
changement de culture organisationnelle, de nouvelles méthodes de prestation de
services, et l’apprentissage linguistique en milieu de travail. Le Plan d’action
prévoit une allocation de 14 millions de dollars à cette fin au cours des cinq
prochaines années.
Un nouveau Fonds régional pour les partenariats permettra aux bureaux
régionaux de plusieurs ministères de se mettre ensemble pour parrainer des
projets vraiment adaptés aux situations locales. Actuellement, les ministères
présents en région se butent au problème du financement et à la lourdeur d’administrations
centrales souvent éloignées des préoccupations locales. Grâce au nouveau
fonds régional, des projets taillés sur mesure pourront être entrepris dans
des domaines où plusieurs ministères peuvent se compléter. Cette
collaboration visera soit les services au public, soit la participation
équitable des francophones et des anglophones, ou la langue de travail dans les
régions bilingues. La consultation avec les communautés de langue officielle
en situation minoritaire sera privilégiée. L’évaluation des projets et le
partage des pratiques exemplaires feront partie des exigences de base pour que
les résultats soient bien connus et que les bons coups soient partagés.
Un Fonds d’innovation en matière de langues officielles sera
établi pour permettre aux institutions fédérales d’améliorer leur
capacité de fournir des services dans les deux langues officielles, de créer
un milieu favorable à l’emploi des deux langues au travail, d’encourager un
changement culturel et d’améliorer leur gestion du programme. Ce fonds
opérera grâce à une contrepartie des institutions soumettant des projets.
Ainsi, plus de ressources y seront injectées. Les promoteurs devront y mettre
le sérieux nécessaire du point de vue de la coordination, de la définition
des objectifs et de la mesure des résultats car les processus d’évaluation
seront rigoureux.
RENFORCER L’EXPERTISE ET LA CAPACITÉ DE SUIVI DES INSTITUTIONS
FÉDÉRALES
Une fonction de vérification et d’évaluation viendra renforcer l’imputabilité
des institutions fédérales. En ce moment, la Direction des langues officielles
du Secrétariat du Conseil du Trésor fonctionne avec 2,6 millions de dollars
par année dans son budget de base. Avec 12 millions de plus pour les cinq
prochaines années, on pourra élaborer des instruments d’évaluation et des
mesures que les institutions pourront ensuite utiliser pour s’auto-évaluer.
Le Conseil du Trésor encouragera les institutions à entreprendre des examens
de leurs infrastructures, ce qui voudra dire, pour les 80 organismes dont il est
l’employeur63, revoir leur capacité d’offrir
des services bilingues au public dans les bureaux désignés, appuyer l’utilisation
des deux langues officielles au travail, et gérer les langues officielles en
général.
RECRUTER PLUS DE PERSONNEL BILINGUE, AMÉLIORER LA FORMATION LINGUISTIQUE
ET L’OFFRIR PLUS TÔT EN CARRIÈRE
L’enjeu des compétences linguistiques touche le recrutement, la formation
en langue seconde et le maintien des acquis. Augmenter la capacité de
bilinguisme de la fonction publique se fera donc de trois manières : favoriser
davantage le recrutement de candidats déjà bilingues, offrir un meilleur
accès à des cours de langues en début de carrière pour ceux et celles qui ne
le sont pas, et accentuer les efforts dans le domaine de la rétention et de l’amélioration
des compétences linguistiques. La Commission de la fonction publique recevra
38,6 millions de dollars répartis sur les cinq prochaines années pour appuyer
ces efforts.
Il est primordial que les compétences linguistiques soient vues comme des
prérequis pour les personnes qui aspirent à des postes de haut niveau dans la
fonction publique. On repensera les politiques à ce sujet au cours de la
prochaine année. Le matériel de recrutement fera ressortir la dualité
linguistique comme un atout et un argument de promotion. Le gouvernement se
servira de projets pilotes pour déterminer les meilleures façons de trouver
des candidats qualifiés qui démontrent les connaissances linguistiques
requises au départ.
« Un engagement clair et tangible ne peut exister seul. Il doit être
assorti à un ensemble de politiques et d’outils. Dans le but de
moderniser notre approche, nous devons moderniser nos pratiques et en
être tenus responsables. À l’heure actuelle, le Secrétariat du
Conseil du Trésor procède à un examen des politiques et celles qui
touchent les langues officielles n’y échappent pas. Cela représente
une occasion unique de se remettre en question, et peut-être même de
revoir certaines pratiques que nous considérons fondamentales. »
Discours
de l’honorable Lucienne Robillard, présidente du Conseil du Trésor, au
Symposium du Conseil fédéral du Nouveau-Brunswick sur la langue de
travail, le 6 novembre 2002 à Dieppe, p. 4.
|
La formation linguistique constitue un élément important de développement
de carrière. Le financement supplémentaire aidera à rattraper les retards
accumulés et à mettre à jour les listes de candidats qui suivent un test de
classification linguistique. On doit trouver des méthodes qui faciliteront l’apprentissage
pendant ou à l’extérieur des heures de travail; on doit rendre la formation
accessible à toutes les personnes motivées, et adapter la formation prévue
par la Loi aux besoins d’une main-d’oeuvre de plus en plus diversifiée -
aux origines et donc aux expériences variées. Une plus grande priorité sera
accordée au maintien des acquis. Par exemple, des programmes de formation
assistée, sur ordinateur, seront fournis au plus grand nombre possible. On
explorera la possibilité d’organiser des forums où discuter de l’utilisation
de la langue seconde; on tiendra des portions prédéterminées de réunions
dans cette langue et on gardera sous la main du matériel didactique adapté au
travail des fonctionnaires.
* * *
Les mesures du Plan d’action visant à faire de la fonction publique
fédérale un modèle seront déterminantes, avec notamment le nouveau Fonds
régional pour les partenariats, le nouveau Fonds d’innovation en matière de
langues officielles et une Direction des langues officielles substantiellement
mieux outillée. Prises ensemble, ces nouvelles mesures permettront de bien
cerner les problèmes. Par exemple, il sera possible de mieux travailler avec
les ministères et les organismes situés dans la région du Québec en vue d’améliorer
la représentation des anglophones parmi leurs effectifs. Le Conseil régional
fédéral du Québec, qui rassemble les hauts fonctionnaires en poste dans la
région, collaborera étroitement avec la communauté anglophone dans ce but.
Grâce à ces mesures, toutes les institutions fédérales devraient être
capables, non seulement de remplir les obligations que leur assigne la Loi, mais
d’être vraiment habitées de la culture des langues officielles. À cette
fin, la présidente du Conseil du Trésor pourra compter sur l’appui de ses
collègues. Par exemple, le ministre de la Défense nationale s’est engagé
tout récemment à « améliorer de façon substantielle le rendement des Forces
canadiennes dans le domaine des langues officielles ou du bilinguisme »64.
Le Plan d’action favorisera le changement d’attitude nécessaire pour l’utilisation
des deux langues officielles au travail. Par-dessus tout, il aidera les
Canadiens à recevoir les services gouvernementaux dans la langue officielle de
leur choix.
-
Bilan national des services au public en français et en anglais – un
changement de culture s’impose, Commissariat aux langues officielles,
avril 2001.
-
Commissariat aux langues officielles, op. cit. (Note 11), page 54.
-
Groupe FC inc., Attitudes face à l’utilisation des deux langues
officielles dans la fonction publique du Canada, étude préparée pour
le Secrétariat du Conseil du Trésor, septembre 2002.
-
Secrétariat du Conseil du Trésor, Rapport annuel sur les langues
officielles, 2001-2002.
-
Aux fins de la participation équitable, nous utilisons la première
langue officielle parlée. Cette variable dérivée est basée sur la
connaissance des langues officielles, la langue maternelle et la langue
parlée le plus souvent à la maison.
-
Bureau du Conseil privé, 2002.
-
Aux fins de la participation équitable, nous utilisons la première
langue officielle parlée. Cette variable dérivée est basée sur la
connaissance des langues officielles, la langue maternelle et la langue
parlée le plus souvent à la maison.
-
Secrétariat du Conseil du Trésor, Rapport annuel sur les langues
officielles, op. cit. (Note 58), pp. 42 et 44.
-
Au 31 décembre 2001, Loi sur la gestion des Affaires publiques.
-
Discours de l’honorable John McCallum, ministre de la Défense
nationale, prononcé lors de la Conférence des associations de la défense,
le 27 février 2003.
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