Cas # 2010-056

Examen administratif, Inconduite sexuelle, Libération - Obligatoire

Sommaire de cas

Date de C & R : 2010–12–17

Le plaignant a été déclaré coupable d’agression sexuelle et de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, et s’est vu infliger une sévère réprimande et une amende de 2000 $. Il a ensuite fait l’objet d’un examen administratif (EA), qui a entraîné une mise en garde et surveillance (MG et S) en raison d’une inconduite sexuelle. Il a mené à terme avec succès sa période de probation et a été retiré de la MG et S, mais a été avisé que d’autres incidents d’inconduite sexuelle donneraient fort probablement lieu à une recommandation de libération.

Quatre ans plus tard, à la suite d’une querelle de ménage, le plaignant a été accusé de voies de fait, d’agression sexuelle, de séquestration et d’avoir proféré des menaces. En raison de ces accusations, le Directeur – Administration (Carrières militaires) (DACM) a procédé à un EA, et a recommandé que le plaignant soit libéré des Forces canadiennes (FC). Le plaignant a demandé que l’EA soit reporté jusqu’à la fin de la procédure criminelle puisqu’il n’était pas en mesure de présenter des observations appropriées dans le cadre de l’EA; il a suivi le conseil de son avocat, qui lui a dit que le fait de présenter des observations pourrait compromettre la poursuite au civil. Le commandant du plaignant, qui a assisté aux audiences préliminaires, a aussi fortement recommandé que l’EA soit reporté jusqu’à ce que l’affaire pénale soit entendue. Se fondant principalement sur le résumé préparé par la police militaire (PM), où il est allégué que le plaignant a fait des aveux, le DACM a jugé qu’il avait assez d’éléments de preuve afin de conclure que le plaignant a contrevenu à la politique des FC sur l’inconduite sexuelle, et a donc ordonné que le plaignant soit libéré.

En ce qui concerne l’équité procédurale, le Comité a examiné en détail la jurisprudence et a conclu que les membres des FC doivent bénéficier d’un haut degré d’équité procédurale, particulièrement dans le cadre de procédures administratives pouvant donner lieu à la libération.

Le Comité a reconnu que le plaignant avait obtenu la divulgation complète des renseignements examinés par le DACM. Toutefois, il était également clair que le plaignant n’était pas en mesure de faire des observations, même s’il avait été invité à le faire, en raison d’une poursuite criminelle en cours.

Le Comité a souligné que, contrairement aux autres procédures des FC, comme une commission d’enquête où on accorde aux membres des FC la protection contre l’auto-incrimination et où ils peuvent être tenus de témoigner, le processus d’EA n’offre aucune protection aux membres, qui seraient dans une situation impossible où ils devraient choisir entre potentiellement compromettre leur défense dans le cadre de la procédure pénale ou être libérés des FC sans avoir la possibilité de répondre aux allégations portées contre eux.

Dans les circonstances, le Comité a conclu que le plaignant ne s’était pas vu accorder l’équité procédurale dans le cadre du processus d’EA qui a mené à sa libération. Le Comité n’a pas pu trouver de motif impérieux d’accélérer la procédure de libération du plaignant avant la fin de la poursuite criminelle, et a conclu que la décision du DACM de procéder à l’EA et à la libération était déraisonnable en l’espèce.

En invoquant la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, le Comité a déterminé que la libération du plaignant devait être considérée comme nulle parce que son droit à l’équité procédurale a clairement été violé au cours de l’EA. Par conséquent, le Comité a conclu que la libération du plaignant devait être annulée et son service militaire devait être réputé n'avoir jamais cessé. Le Comité a expliqué que cela ne voulait pas dire que le plaignant ne pouvait pas être libéré de nouveau, en autant que la décision subséquente de le libérer soit prise conformément aux règles d’équité procédurale et aux principes de la justice naturelle. Le Comité a ajouté que si une telle décision est prise à nouveau, par le chef d’état-major de la Défense (CEMD) ou à la suite d’un nouvel EA, elle devra être en vigueur à la date à laquelle elle est prise.

En dernier lieu, le Comité a conclu que même si le CEMD était en désaccord avec ses conclusions au sujet de la question de l’équité procédurale, il devrait quand même être convaincu que la preuve au dossier appuie la conclusion selon laquelle la décision du DACM de libérer le plaignant était raisonnable. À ce sujet, le Comité a souligné que les rapports de la PM ne constituaient pas en soi des preuves suffisantes, et ne pouvaient être acceptés sans réserve, sans qu’il n’y ait aucune autre enquête. Le Comité a expliqué qu’on ne devrait pas accorder d’importance à ce type de preuve sans vérification, examen supplémentaire ou corroboration par d’autres preuves directes, puisqu’elles constituent manifestement du « ouï-dire ». Le Comité était d’avis qu’il était déraisonnable de conclure que les déclarations du plaignant dans le rapport de police non contesté ont été faits entièrement de la façon supposée, et qu’ils constituaient des éléments de preuve clairs et convaincants, même selon la prépondérance des probabilités.

Le Comité a recommandé que le grief soit accueilli.

Le Comité a recommandé que la libération du plaignant soit considérée comme nulle ab initio et que le plaignant soit traité comme s’il n’avait jamais été libéré.

Sommaire de la décision du CEMD

Date de la décision du CEMD : 2013–04–19

Le CEMD n'a pas souscrit à la recommandation du Comité d'accueillir le grief. Le CEMD a conclu qu'il n'y avait pas eu de manquement à l'équité procédurale et que, même s'il y avait eu un tel manquement, les audiences "de novo" qui ont eu lieu par la suite y auraient remédié. Le CEMD a donc conclu que le plaignant avait été dûment libéré des FC, mais il a demandé au DGCM de modifier le motif de libération de 5 f) à 1b).