Cas # 2010-076

Abus d'alcool, Mesures correctives, Mise en garde et surveillance (MG et S)

Sommaire de cas

Date de C & R : 2011–01–27

À la suite d’un dîner militaire où on l’a vu consommer de l’alcool, le plaignant a été impliqué dans un accident de voiture, et a par la suite été accusé de conduite avec facultés affaiblies. Le jour suivant, le plaignant a apparemment exprimé des regrets pour ses actions à son commandant (cmdt) et à son cmdt adjoint. Selon ce dernier, le plaignant a également déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir conduit un véhicule. Étant donné que le plaignant a été accusé de conduite avec facultés affaiblies, le cmdt l’a placé en mise en garde et surveillance (MG et S) en raison d’un « abus d’alcool ». Le plaignant n’a pas contesté cette MG et S.

Un an plus tard, lorsque l’affaire a été instruite devant un tribunal civil, le plaignant a été acquitté de toutes les accusations. En fonction de nouveaux renseignements qui ont été révélés au cours du procès, le plaignant a présenté un grief suggérant qu’il estimait avoir été placé en MG et S à tort en raison de fausses hypothèses et de renseignements inexacts. Il a soutenu qu’il ne se souvenait aucunement de la soirée en question (en raison d’une commotion qu’il a subie lors de l’accident), et qu’il a supposé qu’il avait conduit avec les facultés affaiblies seulement en se fondant sur le rapport d’incident de la police et sur ce que les autres lui ont dit. Compte tenu des nouveaux renseignements présentés, le plaignant a fait valoir qu’il n’existait pas de preuve qu’il avait conduit avec les facultés affaiblies, et qu’il existait un doute quant à savoir s’il avait même conduit, voire pas du tout, lors la soirée en question. Il a également prétendu que la décision qu’il soit placé en MG et S en raison de l’incident, plutôt que de se voir imposer une mesure administrative moins sévère, était excessivement sévère, compte tenu de son dossier impeccable de 18 ans de service.

Le plaignant a demandé que la décision relative à la MG et S soit annulée, que son rapport d’appréciation du rendement soit modifié afin de supprimer toute mention de la MG et S, et qu’un autre comité de sélection se réunisse dans le but d’examiner les nouveaux renseignements.

L’autorité initiale (AI) a rejeté le grief, déclarant que l’acquittement du plaignant n’annulait pas la décision relative à la MG et S et concluant que le fait que le plaignant était le conducteur ou un passager lors de l’accident de voiture était finalement attribuable à une grave erreur de jugement commise par le plaignant après qu’il eut consommé de l’alcool, et constituait donc un abus d’alcool.

Le Comité était d’avis que le cmdt semblait avoir supposé que, puisque le plaignant avait été accusé, on pouvait en tirer une conclusion concernant la quantité d’alcool consommé, donnant lieu à un abus d’alcool. Le Comité était également d’accord avec le plaignant pour dire que la MG et S était excessivement sévère dans ce cas, étant donné que la politique des Forces canadiennes suggère une série progressive de mesures à prendre dans les cas d’abus d’alcool; ces mesures n’ont pas été prises dans le cas du plaignant.

Le Comité a conclu que la décision de placer le plaignant en MG et S en raison d’un abus d’alcool était injustifiée et déraisonnable compte tenu des circonstances. Le Comité avait également de graves préoccupations concernant les conclusions de l’AI. Il a souligné qu’il n’y avait aucune preuve que le plaignant était le conducteur, et que le raisonnement selon lequel si le plaignant avait consommé une trop grande quantité d’alcool, il a commis une erreur de jugement en donnant les clés de sa voiture à une autre personne, était tout simplement incompréhensible.

Le Comité a recommandé que le grief soit accueilli.

Sommaire de la décision du CEMD

Date de la décision du CEMD : 2012–10–25

Le CEMD n'a pas souscrit à la recommandation du Comité d'accueillir le grief. Comme le Comité, il a conclu que la décision de l’AI était déraisonnable, mais il était en désaccord avec la conclusion du Comité selon laquelle le degré de fiabilité de la preuve entraînait une lacune importante dans l'enquête. Le CEMD était également en désaccord avec la conclusion du Comité selon laquelle le rapport de la police militaire (PM) était un élément de preuve insuffisant pour entraîner une mesure administrative; il estimait que le rapport de la PM n'était pas un élément clé dont disposait le commandant, mais qu’il appuyait l’aveu spontané du plaignant. Le CEMD n'était pas d'accord avec la déclaration du Comité selon laquelle les mesures administratives ne devraient pas être prises avant de connaître l'issue de l'instance civile.

Le CEMD a donné le bénéfice du doute au plaignant et a considéré que ses aveux précédents, selon lesquels il conduisait sa voiture, étaient des éléments de preuve qui n’étaient pas fiables, étant donné que le plaignant avait subi une commotion cérébrale durant l'accident et que le CEMD ne pouvait pas établir s'il avait subi des pertes de mémoire, comme il le prétendait. Le CEMD a donc effectué un nouvel examen, y compris un examen des transcriptions du procès du plaignant. Le CEMD n'a pas souscrit à l’avis du Comité selon lequel il n’existait pas d'éléments de preuve permettant de conclure que le plaignant ne conduisait pas sa voiture : il a plutôt conclu que les éléments de preuve étaient concluants selon la prépondérance des probabilités. Contrairement au Comité, le CEMD a conclu qu'il existait un lien causal entre la consommation d'alcool du plaignant et son accident de voiture, et que les gestes posés constituaient de l'abus de l'alcool conformément à l'OAFC 19-31. Le CEMD a conclu que la DOAD 5019-7 ne s'appliquait pas, car elle n’existait pas au moment où le plaignant a été assujetti à une MG et S. Le CEMD a conclu que le plaignant avait été traité correctement en ce qui a trait à la politique applicable et que la MG et S était raisonnable