Cas # 2012-031

Libération - Médicale, Limitation d'emploi médicale

Sommaire de cas

Date de C & R : 2012–07–30

Le plaignant s'est opposé à la décision de le libérer des Forces canadiennes (FC) pour raisons médicales et a demandé la révision des expertises médicales sur lesquelles s'appuie cette décision. Selon le plaignant, aucune des contraintes à l'emploi pour raisons médicales (CERM) n'était fondée. A son avis, la décision de la Directrice Politique de santé (D Pol San) de modifier sa catégorie médicale était basée sur des informations incomplètes et inexactes; il a prétendu ne pas avoir été évalué par un médecin militaire et, qu'en plus, la D Pol San a rendu une décision sans demander à voir son dossier médical. Selon lui, son état de santé ne contrevient pas à la politique des FC à l'effet qu'un militaire est en violation du principe de l'Universalité de service s'il doit prendre des médicaments dont l'arrêt l'empêche de fonctionner normalement. Il a prétendu que la prise de médicament n'est pas impérative dans son état et a indiqué que ses médecins sont clairs sur ce point.

Le plaignant a demandé d'être réintégré dans les FC avec une compensation et a indiqué réserver son droit de recours quant à la présentation future d'une demande pour dommages et intérêts.

Le Chef du personnel militaire, agissant à titre d'autorité initiale (AI) a rejeté le grief. En ce qui concerne les CERM, l'AI a précisé que l'établissement des normes revient à la D Pol San et que cette dernière ne discrimine personne quel que soit son diagnostique. L'AI a mentionné que la décision de la D Pol San est prise après considération du dossier médical complet des militaires et que cette dernière et son personnel s'assurent que le diagnostic posé est supporté. Tout comme la D Pol San, l'AI a conclu que les CERM imposées sont conformes avec le diagnostic et la prise de médicaments du plaignant.

Le Comité a tenu à préciser que son rôle n'est pas de se substituer aux experts médicaux, mais plutôt de déterminer si la décision était raisonnable et justifiée à la lumière de la preuve contenue au dossier. C'est dans cet optique que le Comité a examiné les arguments soulevés par le plaignant à l'effet que les CERM imposées ne correspondent pas à son état de santé réel.

Le Comité a noté que lors de la demande de transfert du plaignant de la Première réserve vers la Force régulière, le personnel du Centre de recrutement a soumis un questionnaire au psychiatre du plaignant touchant l'évaluation et mise à jour, plus précisement si des restrictions et limitations s'appliquaient au plaignant et si ce dernier avait besoin de suivi et médication. Le médecin a indiqué que le plaignant était symptomatique avant de recevoir le diagnostic et un traitement sans que cela ne cause de problème; le médecin a ajouté que le plaignant pouvait en cas extrême cesser le traitement sans complication. Quelques semaines plus tard, le médecin de la clinique médicale de l'École de leadership et de recrues des Forces canadiennes a recommandé les CERM temporaires suivantes: G - Suivi médical moins fréquent qu'aux 6 mois. Prise de médication dont l'arrêt peut se faire sans complications. O - Aucune restriction.

Malgré que les médecins des FC aient entériné l'avis professionnel du psychiatre civil du plaignant quant à la prise de médication et à l'effet potentiel advenant une interruption, les CERM proposées ont été modifiées significativement à la suite de l'analyse du dossier par le personnel de la D Pol San. Ces modifications étaient telles qu'elles ont mené à la conclusion que le plaignant n'était plus apte à servir au sein des FC. Selon le Comité,la CERM imposée par le personnel de D Pol San à l'effet que le plaignant "doit prendre des médicaments à tous les jours, sans lesquels il peut y avoir une crise reliée à une condition médicale chronique nécessitent les services d'un médecin spécialiste sans délai" était inconciliable avec les faits au dossier. Le Comité a reconnu qu'il n'est pas contesté que l'état de santé du plaignant puisse nécessiter les services d'un spécialiste et qu'il est essentiel d'en tenir compte; cependant, la sévérité des conséquences doit être minutieusement considérée et les CERM méticuleusement rédigées puisque de subtiles nuances peuvent avoir un effet déterminant sur la carrière d'un militaire.

Selon le Comité, la CERM permanente imposée au plaignant allait à l'encontre des opinions médicales du médecin militaire qui a rencontré le plaignant et de son psychiatre qui le suivait depuis plusieurs années et ce, sans explication quelconque afin de justifier l'écart significatif entre les recommandations et les CERM. Le Comité a conclu qu'à défaut d'opinion médicale pertinente qui supporterait la CERM telle que rédigée, celle-ci n'était pas justifiée.

Le Comité a aussi noté qu'un changement significatif dans les politiques, voire la philosophie des FC concernant la retention de militaires présentant des CERM eut lieu en septembre 2008. En effet, la matrice de risque (médical) entrée en vigueur à ce moment prévoit la considération des facteurs médicaux suivants: le prognosis établi, la sévérité de la condition et les effets à court et long termes. De plus, des facteurs militaires sont aussi considérés: l'employabilité à l'intérieur des CERM, l'habileté aux déploiements et les besoins médicaux du militaire. L'entrée en vigueur de cette matrice a été annoncée par l'entremise du CANFORGEN 187/08 le 14 octobre 2008. Le Comité était d'avis que puisque la décision de libérer le plaignant a été rendue le 15 janvier 2009, la situation du plaignant aurait dû faire l'objet d'une évaluation en fonction de la matrice de risque avant que sa libération ne soit ordonnée.

Le Comité a recommandé que le chef d'état-major de la Défense (CEMD) accueille le grief.

Le Comité a recommandé au CEMD de déclarer nulle la décision de libération afin que le plaignant soit considéré comme n'ayant jamais été libéré.

Le Comité a recommandé au CEMD d'ordonner la tenue d'un examen de novo du dossier du plaignant afin d'évaluer son aptitude à servir au sein des FC, selon les normes applicables. Lors de cet examen administratif (EA) CERM, les autorités concernées devront s'assurer qu'une attention particulière est portée au dossier médical du plaignant afin que, s'il y a lieu de lui en octroyer, les CERM soient appuyées et représentatives de son état de santé. De plus les autorités devront s'assurer que cet EA/CERM soit fait en considération de la matrice de risque (médical).

Sommaire de la décision du CEMD

En attente de la décision du CEMD