Cas # 2012-044

Payé en trop, Remise

Sommaire de cas

Date de C & R : 2012–08–24

En 2005, le plaignant s’est enrôlé dans la Force de réserve (F rés) comme officier d’infanterie au grade de sous lieutenant (slt). En septembre 2006, on lui a offert de s’enrôler dans la Force régulière (F rég) dans le cadre du programme d'enrôlement direct en qualité d'officier (EDO) dans les opérations maritimes de surface et sous marines (MARSS) au grade d’enseigne de vaisseau de première classe (ens 1). Auparavant, on avait accordé au plaignant la qualification militaire de base des officiers (QMBOO). Le plaignant s’est informé pour savoir pourquoi on lui offrait un grade supérieur dans la F rég, par rapport à la F rés, et on lui a répondu que c’était à cause de son expérience antérieure et de la situation du groupe professionnel MARSS qui était en sous effectif. Le plaignant a été muté à la F rég le 8 décembre 2006.

En octobre 2009, à la suite d’un examen de dossier, un nouveau message de directive d’affectation – Enrôlement ou mutation a été envoyé pour modifier le grade du plaignant, lors de la mutation entre éléments, d’ens 1 à ens 1, par intérim (ens 1, p.i.) et le plaignant a été informé que cette modification de grade entraînait un trop payé de 17 000 $.

Le plaignant a fait valoir qu’il avait fait preuve de diligence en posant des questions quant à l’offre d’un grade supérieur et a affirmé que le recouvrement de toute somme constituerait un bris de contrat de la part du ministère de la Défense nationale. Il a indiqué que la diminution de sa solde et l’obligation de rembourser un montant élevé le plaçaient dans une situation financière difficile. Il a demandé de ne pas être tenu responsable de cette dette qui découlait d’une erreur du centre de recrutement.

Bien que le commandant du Groupe de recrutement des Forces canadiennes (GRFC) ait été désigné comme l’autorité initiale (AI), il a, par la suite, décidé qu’il ne pouvait agir en cette qualité, car il n’avait pas le pouvoir d’accorder la mesure de réparation demandée. Le grief a été envoyé au chef du personnel militaire (CPM) qui a rendu une décision sur la question. Le CPM a indiqué que le plaignant aurait dû être payé conformément au niveau C du tableau B du sous alinéa 204.211(9)a)(i) des directives sur la rémunération et les avantages sociaux (DRAS), étant donné qu’il s’était enrôlé dans le cadre du programme EDO et que le taux de solde qui s’appliquait était celui des membres qui ne sont pas d’anciens militaires du rang. Selon le CPM, la Couronne avait le droit et la responsabilité morale de recouvrer le trop payé, peu importe l’effet sur le plaignant. Il a ajouté que la réglementation du Conseil du Trésor (CT) sur la remise de dettes ne s’appliquait pas aux membres en service puisque recouvrement peut s’effectuer à la source.

À titre préliminaire, selon le Comité, la condition selon laquelle l’AI doit être en mesure d’accorder la mesure de réparation demandée ne s’applique qu’à un

« Commanding Officer » qui agit en qualité d’AI. En l’espèce, le commandant du GRFC était le « Commander » responsable du grief et il avait donc été correctement désigné comme AI.

Avant de se pencher sur la question du trop payé, le Comité était d’avis qu’il était important de confirmer que le grade modifié était, en fait, le grade qui aurait dû être accordé au plaignant lorsqu’il a été muté à la F rég. Le quartier général du GRFC a expliqué que les officiers enrôlés dans un programme d’EDO détiennent le grade d’élève-officier et sont payés selon le taux correspondant au grade de slt ou d’ens 1, p.i., et que, lorsqu’ils terminent leur QMBOO, leur promotion est rétroactive à la date de l’enrôlement. Si on applique ce raisonnement à la situation du plaignant, le quartier général du GRFC a conclu qu’étant donné qu’il avait obtenu une exemption de la QMBOO, son grade avait été correctement modifié à ens 1, p.i. Selon le Comité, le grade corrigé ne respectait pas les politiques applicables puisque l’ordonnance administrative des Forces canadiennes (OAFC) 11-6, sur laquelle le quartier général du GRFC s’était fondé pour prendre sa décision, s’appliquait à un officier enrôlé directement qui provenait de la vie civile, ce qui n’était pas le cas du plaignant qui avait été muté de la F rés.

Selon le Comité, le paragraphe 23 de l’OAFC 11-6 qui prévoit qu’un officier peut être muté à un sous élément de la F rés dans un grade ou un grade intérimaire autorisé par le quartier général de la Défense nationale (QGDN), était la disposition applicable relativement à la mutation du plaignant. De plus, le Comité a noté que le QGDN avait publié une Instruction du sous-ministre adjoint (Ressources humaines – Militaires) 07/05 – Mutation entre éléments au sein des Forces canadiennes, qui complétait la Directive et ordonnance administrative de la Défense (DOAD) 5002 3 – Mutation entre élément et sous élément constitutif, et qui traitait précisément des cas de mutation entre éléments. Cette instruction prévoyait qu’un grade, lors d’une mutation entre éléments, est protégé, en vertu de certaines conditions au niveau d’un grade non contrôlé (grade de capitaine et les grades inférieurs). Une des conditions est que le membre doit être qualifié au moment de la mutation entre éléments. Selon le Comité, un réserviste obtiendra sa qualification, peu importe le groupe professionnel militaire visé, s’il existe l’équivalent de 36 mois de service à temps plein rémunéré (STPR). Dans le cas du plaignant, il n’avait pas 36 mois de STPR lorsqu’il a été muté en décembre 2006. Selon le Comité, à moins que le chef d’état-major de la Défense (CEMD) n’invoque une exception à la politique, le plaignant aurait donc dû être muté en tant qu’aspirant de marine (Aspm).

Ceci étant dit, le Comité était d’avis qu’en l’espèce, le CEMD devrait faire une exception, car si le plaignant avait été libéré de la F rés et immédiatement ré- enrôlé dans la F rég comme civil, il aurait été enrôlé dans le cadre du programme d’EDO en tant qu’ens 1, p.i. Selon le Comité, ayant été muté d’un élément à un autre, le plaignant était désavantagé injustement par le libellé de l’instruction applicable. Fait intéressant, le Comité a indiqué que peu importe si le plaignant était muté au grade de Aspm ou d’ens 1, p.i., le taux de solde ne changerait pas. La solde du plaignant devait être établie conformément au niveau C du tableau B du paragraphe 204.211(9) des DRAS, car il n’avait pas servi en qualité de militaire du rang. Par conséquent, le Comité a conclu que le plaignant n’avait pas droit au taux de solde indiqué dans le message initial de directive d’affectation.

Concernant le trop payé, le Comité a souscrit au point de vue du plaignant selon lequel il ne devrait pas avoir à rembourser ce montant étant donné qu’il découlait de l’offre qui lui avait été faite pour le convaincre d’être muté dans la F rég. Le plaignant a été diligent en demandant que son niveau de solde soit confirmé avant d’accepter l’offre et les FC étaient les seules responsables de l’erreur en question. Selon le Comité, les FC n’ont pas tenu la promesse faite au plaignant et ce dernier devrait être compensé en conséquence.

Le Comité a indiqué dans sa décision, de même que dans des décisions antérieures, que le CPM continue d’affirmer que la remise de dettes ne s’applique pas aux militaires en service. Le Comité a réitéré son point de vue selon lequel tous les Canadiens, y compris les membres des FC, peuvent avoir recours aux dispositions réparatrices de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP).

Le Comité a recommandé que le CEMD accueille le grief.

Le Comité a recommandé que le CEMD reconnaisse l’erreur des FC qui a mené à un bris de promesse quant au grade et à la solde accordés au plaignant lors de sa mutation dans la F rég, et qu’il envisage de fournir une réparation d’ordre financière pour compenser la promesse non tenue, au moyen de tout mécanisme dont il dispose dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

Subsidiairement, le Comité a recommandé que le CEMD renvoie le dossier au directeur – Réclamations et contentieux des affaires civiles, accompagné de documents explicatifs, à des fins d’examen, étant donné qu’il s’agit d’une réclamation éventuelle pour bris de contrat.

Subsidiairement, le Comité a recommandé que le CEMD ordonne aux autorités ministérielles de préparer une présentation au CT sollicitant son approbation pour la remise de la dette, conformément à l’article 23 de la LGFP.

Dans le cas où le CEMD demandait à ce qu’une présentation au CT soit préparée et envoyée, le Comité a recommandé au CEMD de suspendre les actions en recouvrement jusqu’à ce que les ministres du CT rendent leur décision.

Le Comité a recommandé que le commandant du GRFC soit informé que, dans les situations visées par l’alinéa 7.06(1)b) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, il était l’AI appropriée.

Le Comité a recommandé que le CPM soit informé que le paragraphe 23(2.1) de la LGFP concernant les remises de dettes s’applique aux membres des FC.

Sommaire de la décision du CEMD

En attente de la décision du CEMD