PERSPECTIVES

Octobre 2008 Vol.1, No.1

PERSPECTIVES du Comité des griefs des Forces canadiennes

Jim Price, Président par intérim

Présentés sur une base individuelle, les griefs peuvent servir d'indicateurs précieux de tendances ou de questions plus générales. Au cours de son travail, le Comité a parfois examiné des politiques qui contenaient des failles telles qu'il devenait difficile de bien les comprendre. Lorsqu'il est saisi d'un nombre important de griefs soulevant la même plainte au sujet d'une politique de cette nature, le Comité recommande au chef d'état-major de la Défense (CEMD) de faire en sorte que cette politique soit révisée.

Huit années se sont écoulées et plus de mille dossiers de griefs ont été examinés depuis la mise sur pied du Comité en juin 2000. Pendant cette période, le Comité s'est déplacé d'un océan à l'autre afin de rencontrer les membres des Forces canadiennes (FC) dans leurs différents milieux. Au cours de ces visites, des militaires demandent souvent au Comité de parler des questions soulevées dans les griefs (environ quarante pour cent des griefs reçus par l'autorité finale sont obligatoirement renvoyés au Comité. Ils visent généralement des questions de solde, de prestations financières, de harcèlement et de libération).

Au cours de récentes discussions informelles, des cadres supérieurs des FC du Quartier général de la Défense nationale ont indiqué au Comité qu'il pourrait leur être fort utile de prendre connaissance des tendances ou des questions plus générales qui se dégagent de l'examen des griefs afin de prévenir certains problèmes et d'aider à la prise de décisions futures. Le Comité communique régulièrement ses observations et d'autres informations sur ses travaux lorsqu'il visite les bases et les escadres, mais il a rarement la possibilité d'en faire autant avec les dirigeants des FC. Le but de ce présent bulletin d'information est de combler cette lacune en fournissant aux hauts gestionnaires quelques brefs exemples des questions et des préoccupations les plus fréquentes qui sont apparues lors de l'examen des griefs par le Comité.

Jim Price
Président par intérim

Incohérences dans les règlements et politiques

Le Comité a examiné des cas où certains règlements et politiques ont été appliqués de manière incohérente ou interprétés de diverses façons, créant ainsi la confusion. Par exemple :

  • Dans plusieurs cas concernant la rémunération et les avantages sociaux, notamment ceux relevant du Programme de réinstallation intégré des FC (PRI FC), le Comité a constaté que les politiques et règlements des FC contenaient différentes définitions de personnes à charge (conformément au manuel relatif au Programme de réinstallation intégré des FC et aux Directives sur la rémunération et les avantages sociaux applicables au FC). Le CEMD a reconnu que ces définitions contradictoires étaient source de confusion et a donné des instructions pour que cette situation soit examinée.
  • Un commandant de la Force de réserve, qui faisait face à des accusations devant un tribunal civil, a été relevé de ses fonctions conformément à l'article 101.08 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC). Après avoir été déclaré non coupable par le tribunal civil, le plaignant a demandé à être réintégré dans ses fonctions. Trois ans équivalents à la durée des travaux d'une commission d'enquête se sont écoulés avant que la demande de réintégration du plaignant ne soit traitée. Il a demandé à être remboursé pour la perte de solde et d'avantages subie au cours des quatre années où il a été relevé de ses fonctions. Les FC ont répondu qu'un réserviste qui n'était pas en service ne pouvait pas être rémunéré. Le Comité a cependant noté que le CEMD avait décidé, dans une affaire antérieure, que le retrait des fonctions n'incluait pas la suppression de la solde. Le Comité a également fait remarquer que rien dans les règlements n'autorisait les FC à retenir la solde et les indemnités pendant la période où un militaire est relevé de ses fonctions. Le Comité a recommandé que les FC paient le plaignant pour la période en question.

Le Comité a également soumis des conclusions au CEMD au sujet de politiques établies dans des messages ou des manuels des FC qui sont en conflit avec une réglementation supérieure, soit parce que ces politiques limitent les dispositions d'un règlement ou parce qu'elles y ajoutent de nouveaux éléments sans l'autorisation appropriée. Par exemple :

  • Un message du Directeur - Rémunération et avantages sociaux (Administration) fixait, à tort, une limite à l'aide au transport, laquelle a eu pour effet de rendre inadmissibles certains membres du personnel qui remplissaient par ailleurs les conditions d'admissibilité du Conseil du Trésor. Dans cette affaire, le CEMD a demandé l'annulation de ce message et l'élaboration d'un plan pour éliminer les irrégularités découlant de cette restriction injustifiée.
  • Parfois les politiques ne sont pas mises à jour lorsque de nouveaux règlements ou des modifications à des règlements existants sont adoptés. Cette question s'est posée dans une affaire concernant l'Ordonnance administrative des FC (OAFC) 16-1 qui habilite le Directeur - Politique de santé à annuler des congés de maladie alors que la réglementation supérieure [l'ORFC 16.16 (c)] a réservé ce pouvoir au médecin examinateur.
  • En ce qui concerne la question des tests de dépistage des drogues, l'ORFC 20.11 donne au commandant le choix de fournir au militaire concerné un résumé écrit ou verbal des motifs sur lesquels la décision de lui présenter une telle demande se serait fondée. Pourtant, l'alinéa 24 (a) de l'annexe B de l'ORFC 19–21 exige la remise d'un résumé écrit de ces motifs au militaire.

Compte tenu du grand nombre de politiques et de règlements qui guident l'administration des FC, il est impératif que le personnel chargé de les élaborer s'assure que les nouvelles politiques et les politiques révisées s'inscrivent dans les limites des dispositions réglementaires dont elles découlent. La cohérence entre celles-ci est essentielle afin de réduire la confusion auprès des utilisateurs et d'éviter les erreurs d'application.

Erreurs dans le recrutement ou l'enrôlement

Le Comité a reçu un nombre important de griefs concernant la transmission d'informations erronées aux recrues soit pendant le processus d'enrôlement, soit dans les messages d'enrôlement. Des erreurs ont été aussi commises en raison d'une mauvaise interprétation des messages d'enrôlement par le personnel administratif dans les écoles d'instruction. Le Comité a noté que, dans certains cas, les recrues s'étaient fiées à leur détriment aux informations fournies et elles avaient par la suite pris d'importantes décisions, dont des engagements financiers. Certaines recrues ont indiqué que, n'eût été la promesse d'une promotion ou d'un avantage, comme une prime de recrutement au moment de l'enrôlement, elles ne se seraient pas jointes aux FC. Par exemple :

  • Des recrues à qui on avait indiqué qu'elles seraient admissibles à une promotion dès qu'elles auraient terminé un cours se sont vu retirer leur grade par la suite parce qu'il leur avait été accordé par erreur. Ces plaignants ont subséquemment fait l'objet d'une mesure de recouvrement puisqu'ils ne pouvaient conserver la solde reçue à la suite d'une obtention de grade par erreur.
  • D'autres recrues devaient recevoir une prime de recrutement lors de leur enrôlement mais, une fois enrôlées, elles ont appris qu'entre l'offre d'enrôlement et la date de leur enrôlement, leur groupe professionnel avait été retiré de la liste des groupes professionnels militaires aux effectifs insuffisants ou, qu'en fait, elles n'auraient jamais dues être admissibles à cette prime.

Le Comité a régulièrement formulé des conclusions affirmant le droit des nouvelles recrues à des renseignements exacts et complets fournies par les centres de recrutement des FC. Après avoir examiné plusieurs de ces griefs, le Comité estime que, par équité, les FC ont l'obligation morale d'offrir une réparation aux militaires qui ont subi un préjudice après s'être fiés aux informations erronées qu'ils ont reçues.

Le Comité a appris récemment que des mesures avaient été prises pour améliorer le processus d'enrôlement. Entre autres, le personnel de recrutement reçoit une formation additionnelle. Le Comité appuie entièrement cette initiative.

Dans deux cas plus récents dont il a été saisi, le Comité a également recommandé que les messages d'enrôlement soient remplacés par une lettre en bonne et due forme. Celle-ci préciserait les détails entourant le grade et la solde que la recrue recevrait une fois enrôlée. Selon le Comité, une telle modification aiderait les FC à s'assurer que les recrues comprennent clairement et exactement tous les détails reliés à leurs conditions de service, leur grade et leur solde avant d'être effectivement enrôlées.

Problèmes d'équité procédurale

La question de l'équité procédurale a souvent fait l'objet de conclusions et recommandations du Comité, en plus d'avoir été traitée dans l'un de ses rapports annuels. Le Comité reçoit encore de nombreux griefs dans lesquels le droit à l'équité procédurale d'un plaignant a été brimé. Ces problèmes, ainsi que d'autres cas où des erreurs ont été commises, sont aggravés par le fait qu'à l'heure actuelle, le CEMD n'a pas le pouvoir d'offrir une réparation financière au plaignant. Le Comité appuie entièrement l'idée que le CEMD soit investi d'un tel pouvoir.

L'équité procédurale comprend deux droits principaux :

  • Le droit d'être entendu, lequel droit comprend celui du militaire d'être informé en temps opportun de ce qui lui est reproché afin qu'il puisse présenter ses observations à l'instance décisionnelle.
  • Le droit à une décision juste et impartiale. La jurisprudence reconnaît depuis longtemps que la portée de ce droit varie selon la nature et l'importance relative des décisions qui font l'objet d'un examen. Dans le cas d'une enquête qui conduit à des recommandations et, par la suite, à une décision imposant des mesures administratives - la perte d'un emploi, par exemple - les règles d'équité procédurale commandent que les personnes visées aient accès à tous les documents et à tous les éléments de preuve considérés par le décideur.

Ces principes s'appliquent également à la procédure régissant les enquêtes en matière de harcèlement sexuel, aux commissions d'enquête, aux comités d'évaluation des progrès et aux conseils de révision des carrières, pour n'en nommer que quelques-uns. Par exemple :

  • Un plaignant, dont la conduite a fait l'objet d'une enquête à la suite de plaintes de harcèlement, n'avait pas obtenu accès aux renseignements utilisés au cours de cette enquête et il n'avait pas eu l'occasion de présenter des observations au sujet des plaintes déposées contre lui.
  • Dans une autre affaire, un plaignant s'est vu refuser une promotion par son commandant parce que ce dernier avait reçu une lettre négative rédigée par un officier supérieur. Le commandant n'a pas révélé le contenu de cette lettre au plaignant et ne lui a pas donné l'occasion de répondre à l'évaluation négative qu'elle contenait. Pourtant, le commandant s'est fondé sur cette lettre pour prononcer une décision défavorable au plaignant.

Dans certains cas, il suffit, pour corriger les manquements à l'équité procédurale, que le décideur veille à ce que tous les renseignements disponibles soient communiqués au militaire et que ce dernier ait la possibilité de présenter des observations, avant qu'une décision ne soit prise.

Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas et, dans ce genre de situation, le processus de griefs constitue la dernière occasion pour corriger ces manquements à l'équité procédurale. Pendant l'examen des griefs, le Comité tente, dans la mesure du possible, de remédier à tout manquement qu'il constate. Lorsque le processus d'examen des griefs ne permet pas de corriger de tels manquements, il peut s'avérer nécessaire pour le Comité de recommander l'annulation de la décision défavorable au plaignant et des mesures prises contre lui. Ainsi, des décisions prises à la suite de commissions d'enquête, un processus long et coûteux, ont déjà été écartées par le Comité car l'équité procédurale n'avait pas été respectée. Par conséquent, il est essentiel que les dirigeants des FC, à tous les paliers de commandement, comprennent bien les principes élémentaires de l'équité procédurale.

Résumé

Au cours des huit dernières années, le Comité a examiné plus de mille dossiers de griefs, lesquels ont confirmé que, dans la majorité des cas, la direction des FC a traité les plaignants d'une manière satisfaisante, compte tenu du fait que les FC doivent fonctionner dans des contraintes uniques et exigeantes. Le Comité a constaté que des dérapages surviennent principalement en raison de mauvaises interprétations ou de malentendus dans l'un ou l'autre des domaines abordés dans le présent bulletin.

Ces problèmes ne sont pas simples et, malgré les meilleures intentions du monde, des erreurs continueront à se produire. Aucun système administratif de réglementation et de politiques n'est parfait dans ses dispositions ou dans sa portée. C'est en corrigeant ces erreurs, lorsqu'elles se produisent, et en offrant au plaignant une issue juste, que le processus d'examen des griefs des FC manifeste sa véritable valeur. Le Comité est fier du rôle qu'il joue dans ce processus et apprécie grandement le solide partenariat avec les FC, en général, et le Directeur général - Autorité des griefs des Forces canadiennes, en particulier, qui l'aident à accomplir sa mission. Le Comité espère que cette coopération s'élargira encore plus dans un proche avenir.

Le Comité entend continuer à communiquer avec les hauts dirigeants des FC au fur et à mesure que les griefs se présenteront à son niveau et qu'il recueillera plus de renseignements.

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