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Rapport d'enquête du SR 111
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2.18 Défaillances techniques connues
Pour les pilotes, la première indication d'une défaillance liée aux systèmes a été le débrayage du pilote automatique à 1 h 24 min 9 s (voir la rubrique 1.18.8.6). Vingt-quatre secondes plus tôt, à 1 h 23 min 45 s, le commandant de bord avait réglé le commutateur CABIN BUS sur OFF. Ce réglage est la première mesure à prendre d'après la liste de vérifications de Swissair en cas de fumée ou d'émanations d'origine inconnue. Il semble que, jusque-là, les conditions à l'intérieur du poste de pilotage étaient telles que les pilotes avaient l'impression qu'ils étaient en présence de fumée provenant d'une source de conditionnement d'air.
Les essais relatifs à la circulation de l'air ont montré qu'une fois les ventilateurs de recirculation arrêtés, comme ce serait le cas lorsque le commutateur CABIN BUS est réglé sur OFF, la circulation de l'air dans l'espace inoccupé avant allait principalement en sens inverse, de sorte qu'au lieu d'aller vers l'arrière en direction des ventilateurs, une bonne partie de l'air se dirigeait vers l'avant dans l'espace inoccupé du poste de pilotage, puis vers le bas en passant du poste de pilotage au compartiment avionique situé sous ce dernier.
Entre le moment où le commandant de bord a réglé le commutateur CABIN BUS sur OFF, à 1 h 23 min 45 s, et le moment où les enregistreurs de bord ont cessé d'enregistrer, à 1 h 25 min 41 s, les effets de l'incendie dans le poste de pilotage ont commencé, ce qu'a confirmé la succession rapide des défaillances liées aux systèmes. Les conditions à l'intérieur du poste de pilotage ont aussi commencé à se détériorer rapidement, une quantité croissante de fumée, de chaleur et de flammes pénétrant dans le poste de pilotage par le plafond.
Les défaillances des systèmes qui se sont produites jusque-là doivent avoir réduit la capacité des pilotes à maîtriser l'avion et à naviguer, surtout qu'il faisait nuit, qu'il y avait de la fumée dans le poste de pilotage et qu'on se trouvait en conditions météorologiques de vol aux instruments. La perte du pilote automatique a alourdi la charge de travail des pilotes, et le fait d'entendre le klaxon d'avertissement doit avoir été troublant; le klaxon du pilote automatique a retenti jusqu'à ce que le CVR cesse de fonctionner. Le voyant d'avertissement principal doit s'être allumé au moment de la perte du canal A du calculateur de commandes de vol 1, à 1 h 24 min 57 s; on ne sait si les pilotes avaient réinitialisé le voyant d'avertissement principal. La perte du bus c.a. d'urgence de gauche à 1 h 25 min 06 s aurait, en partie, entraîné la perte des écrans d'affichage 1 et 3 du commandant de bord. L'écran d'affichage 2 afficherait un X rouge, et le voyant d'avertissement principal s'allumerait. Là encore, on ne sait pas si les pilotes avaient réinitialisé ce voyant mais, s'ils l'ont fait, la perte du réchauffage Pitot du commandant de bord, environ 10 s plus tard, l'aurait rallumé. Ces défaillances auraient été accompagnées d'un grand nombre d'alertes, de signaux et de messages d'anomalie. Le fait d'avoir à s'occuper d'un tel nombre de défaillances et de messages aurait créé de la confusion et de la distraction, et il aurait été difficile d'y faire face.
La perte des trois écrans d'affichage du copilote, à environ 1 h 25 min 30 s, aurait forcé ce dernier à se servir des instruments de secours pour maintenir l'orientation spatiale de l'avion (voir la rubrique 1.18.8.21). La transition aux instruments de secours aurait constitué un défi, à cause de la petite taille de ces instruments et de leur position les uns par rapport aux autres, surtout dans le contexte de la détérioration des conditions (épaississement de la fumée et hausse de la chaleur) dans le poste de pilotage.
À ce moment-là, même si le commandant de bord avait réussi à récupérer toutes les données de l'écran principal de vol, comme l'assiette, la vitesse, le cap et l'altitude de l'avion sur l'écran d'affichage 2, les écrans d'affichage 1 et 3 ne fonctionnaient plus, et il aurait été impossible de rétablir ces deux écrans. Même si les trois bus d'alternateur de 115 V c.a. fonctionnaient au moment de l'impact, les dommages causés par l'incendie aux bus de distribution, aux fils et aux câbles ainsi qu'aux disjoncteurs ont perturbé l'alimentation électrique à certains systèmes, si ce n'est à tous (si l'écran d'affichage 2 était perdu), qui fournissaient les données principales sur l'assiette, assuraient la navigation et les communications et exécutaient diverses autres fonctions. Par conséquent, les pilotes auraient eu à exécuter une multitude de tâches, dont bon nombre étaient hautement anormales, alors que les conditions se détérioraient rapidement dans le poste de pilotage.
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