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J.R. (Jim) Miller est chaire de recherche du Canada et professeur d'histoire à l'Université de la Saskatchewan; il est spécialisé dans l'histoire des Premières nations et des nouveaux arrivants. Il a écrit de nombreux livres, et ses derniers s'intitulent Lethal Legacy: Current Native Controversies in Canada (McClelland & Stewart, 2004) et (avec les coauteurs Arthur J. Ray et Frank Tough) Bounty and Benevolence: A History of Saskatchewan Treaties (McGill-Queen's University Press, 2000). Il est maintenant en train de terminer un ouvrage sur l'histoire de la conclusion des traités entre les Autochtones et la Couronne au Canada depuis l'arrivée des Européens pour la University of Toronto Press.
Les traités entre les peuples autochtones et la Couronne sont d'importantes composantes de base du Canada d'aujourd'hui. Ils confirment la présence des nouveaux arrivants non autochtones grâce à des ententes sur le partage des territoires. Ils encouragent la cohésion sociale en facilitant les relations entre les Autochtones et les nouveaux arrivants. Et depuis qu'ils ont obtenu une protection constitutionnelle en vertu de la Constitution adoptée en 1982, les traités font partie des documents fondamentaux du pays.
Les premiers traités sont apparus pour des raisons économiques. Les premiers Européens qui sont arrivés dans les régions nordiques de l'Amérique du Nord, et les commerces de fourrure qui ont tiré profit des droits reconnus par la Charte établie par la Couronne française ou anglaise, ont pris part à des accords commerciaux pour leur permettre de continuer à faire le commerce de la fourrure de façon efficace. Sans l'aide des peuples autochtones que de tels accords garantissaient, il aurait été impossible pour les commerçants français de la Compagnie des cent associés francophones, par exemple, ou les commerçants britanniques de la Compagnie de la Baie d'Hudson (HBC) d'établir des postes de traite et d'obtenir des fourrures.
Au départ, ce que les Européens n'ont pas compris était que les accords commerciaux auxquels ils prenaient part avec les Innus, les Dénés, les Hurons, les Iroquois et autres reposaient sur des pratiques et coutumes autochtones préeuropéennes. Les réseaux de commerce que les Européens établissaient avec les Premières nations représentaient l'élaboration de systèmes commerciaux préexistants. De plus, les Européens devaient adopter et mettre en pratique les protocoles indigènes des Premières nations pour tisser des liens avec les Autochtones. Ces protocoles comportaient des cérémonies complexes et composées de séances d'accueil et de salut, de discours, d'échanges de cadeaux, de partage du calumet et de repas en groupes. Ces coutumes se répétaient à certains intervalles lorsque les parties se rencontraient après des périodes d'absence pour renouveler l'association qu'ils avaient établie plus tôt. Ces coutumes représentaient le moyen utilisé des Premières nations pour tisser des liens étroits avec d'autres peuples, et les commerçants européens qui prenaient part à de tels protocoles entraient par le fait même dans leur société et devenaient leurs partenaires commerciaux du même coup. Les accords commerciaux de l'époque du commerce de la fourrure, au même titre que les protocoles complexes des Premières nations, n'étaient que le premier exemple des nombreuses façons par lesquelles les peuples autochtones ont influencé le comportement des nouveaux arrivants dans un monde de relations reposant sur des traités.
À la fin du XVIIe siècle et pendant le XVIIIe siècle, une deuxième forme de conclusion des traités a pris de l'importance dans les forêts du Nord-Est. Il y avait des traités de paix et d'amitié sur lesquels la France et l'Angleterre comptaient de plus en plus pour obtenir un soutien diplomatique et militaire, car les deux nations européennes se dirigeaient vers une bataille militaire décisive qui allait engendrer une lutte pour gagner le contrôle de l'Amérique du Nord. Du point de vue des Premières nations, il n'y avait pas de différence entre les accords commerciaux et les traités de paix et d'amitié, car dans le monde autochtone, le commerce et les relations politiques étaient indissociables. Il en était ainsi, car pour les Premières nations, il était impossible de faire affaire avec d'autres peuples sur le plan commercial s'ils n'avaient pas d'abord établi une espèce d'alliance avec eux au début. Comme l'a déclaré un diplomate iroquois en peu de mots en 1735 : « Pour nous, le commerce et la paix ne font qu'un ». Pour les Européens, par contre, c'était différent. Dans l'Est de l'Amérique du Nord en 1700, les traités de paix et d'amitié devenaient plus importants pour la France et l'Angleterre en raison du conflit qui les séparait.
Les traités de paix et d'amitié comportaient une diplomatie complexe et subtile et étaient extrêmement importants pour les Européens qui les négociaient. La France, par exemple, mettait sur pied un réseau complexe et vaste de partenariats et d'alliances liés au commerce avec les Premières nations dans l'Est de l'Acadie, au Nord de la colonie du fleuve Saint-Laurent du Canada, dans les Pays d'en haut ou la région de Michigan-Wisconsin, dans la vallée de l'Ohio et dans la région du fleuve Mississippi. De leur côté, les Britanniques ont établi leur propre système d'alliance, connu sous le nom de La chaîne d'alliance, lequel était axé sur la Confédération iroquoise représentant aujourd'hui l'État de New York, et par l'entremise des Iroquois, ils se sont alliés à de nombreuses autres Premières nations du Sud et du Sud-Ouest. Ces systèmes d'alliance étaient établis sous forme de discours complexes, de séances de partage du calumet, de fêtes et de cadeaux offerts aux Premières nations. Une grande partie du « pouvoir effectif » militaire que les puissances européennes pouvaient flaire fléchir en Amérique du Nord résidait dans ces alliances, lesquelles représentaient des réseaux de traités de paix et d'amitié.