L'ISP estime les années de vie perdues ajustées sur la santé (AVPAS) en raison de maladie et de blessures en 2001. Ces estimations fondées sur l'incidence servent de mesure d'écart combinant les années perdues en raison d'un décès prématuré en 2001 et l'impact sur toute la vie des maladies et blessures diagnostiquées en 2001. La contribution de plusieurs facteurs de risque sera également estimée pour chaque maladie.
Le volet morbidité de l'AVPAS a recours à la pondération pour tenir compte de l'importance des limitations de la qualité de la vie associées à la santé. Les maladies sont réparties en différents états de santé, qui sont généralement des stades précis de l'évolution ou du traitement de ces maladies. Les conséquences des différents états de santé sont documentées à l'aide du Système de classification et de mesure de la santé fonctionnelle (CLAMES). Les scores de préférence fondés sur le CLAMES servent à pondérer les années de vie dans chaque état de santé.
Certaines données épidémiologiques, notamment sur l'incidence, la durée, les taux de rémission et les taux de létalité, sont incluses au niveau des différents stades de l'évolution des maladies et leur traitements. Les données peuvent provenir de registres sur les maladies, d'enquêtes sur les populations, d'études épidémiologiques, de bases de données administratives sur la santé et de registres de l'état civil (cause de décès).
Au cours des dernières années, la capacité croissante des systèmes de surveillance de la santé et la création de plusieurs grands ensembles de données en santé de la population ont élargi la base de données probantes dont on dispose pour prendre des décisions stratégiques. L'ISP est en train d'élaborer un cadre général permettant d'intégrer ces données de manière à les rendre plus accessibles et utiles pour la prise de décisions stratégiques.
L'AVPAS correspond à l'équivalent du nombre d'années de vie perdues par les Canadiens en raison de maladies ou de blessures. Il s'agit plus précisément de la somme de deux estimations : les années de vie perdues (AVP) en raison d'un décès prématuré et les équivalents-années perdus en raison de capacités réduites (EACR).
Les AVP correspondent à une estimation du nombre d'années de vie que l'on aurait pu éviter de perdre en l'absence de maladie. Pour chaque groupe d'âge, on multiplie le nombre de décès à cet âge par l'espérance de vie restante à cet âge (c. à d. les années restantes qui auraient pu être vécues). Il est possible de faire le total pour l'ensemble des groupes d'âge. En résumé,
AVP pour chaque groupe d'âge | = | nombre de décès X nombre hypothétique d'années de vie restantes |
L'EACR estime le nombre d'années perdues en raison d'un fonctionnement réduit, pondéré selon la gravité. Pour chaque groupe d'âge, l'incidence d'une maladie est multipliée par la durée moyenne et par un coefficient de pondération découlant d'un score de préférence (qui quantifie l'impact sur la capacité fonctionnelle). Il est possible de faire le total pour l'ensemble des groupes d'âge. En résumé,
EACR pour chaque groupe d'âge | = | nombre de nouveaux cas X durée X pondération selon la gravité. |
Les AVPAS, AVP et EACR liés aux maladies et aux facteurs de risque seront présentés dans des classeurs1 sur des feuilles de calcul renfermant des sources de données, des calculs et des hypothèses pour chaque maladie. En plus de mesurer l'impact sur la santé de la population des maladies en termes d'AVP, EACR et AVPAS, on calcule l'impact des principaux facteurs de risque au moyen de formules standard de la fraction étiologique du risque (FER). On calcule la FER au moyen de la prévalence des facteurs de risque et des risques relatifs de la maladie dans la population. 2 L'ISP aura également recours à des modèles de microsimulation en vue d'incorporer des interactions plus complexes entre les maladies.
L'ISP élargit l'approche des études sur le fardeau de la maladie effectuées à ce jour1,2, en adaptant leurs méthodes afin de se concentrer sur les maladies et les blessures les plus pertinentes dans le contexte canadien, en les appliquant aux données canadiennes et en effectuant les mesures dans un contexte social canadien.
Les années de vie corrigées de l'incapacité (AVCI), élaborées et mises de l'avant par l'OMS, la Banque mondiale et la Harvard School of Public Health dans le contexte de l'initiative de la « Charge mondiale de la morbidité» reposaient sur une approche de la morbidité fondée sur l'incidence, qui est plus sensible aux tendances épidémiologiques courantes que les méthodes fondées sur la prévalence. Les AVCI étaient novatrices en ce sens qu'elles permettaient d'examiner l'écart de santé entre les résultats actuels et les objectifs potentiels en matière de santé pour des maladies, facteurs de risque ou groupes de population spécifiques.
L'ISP élargit la mesure de la morbidité, mettant au point un Système de classification et de mesure de la santé fonctionnelle (CLAMES) qui englobe les conséquences des maladies dans la vie de tous les jours en termes de fonctionnement lié à la santé - physique, mental et social. La santé fonctionnelle constitue un but réaliste, atteignable et valable pour chaque individu. Elle est également intéressante pour les analystes des politiques en tant que paramètre de la santé ou résultat clinique mesurable pour des interventions ciblées; le maintien de la santé fonctionnelle est un défi majeur pour la société, et en particulier pour la population vieillissante.
Les mesures agrégées canadiennes refléteront le contexte social canadien, ce qui donnera un point de vue différent des études antérieures. À ce jour, les études sur le fardeau de la maladie ont obtenu leurs scores de préférence principalement auprès de panels médicaux. Le Canada est le premier pays à utiliser des mesures de préférence obtenues parmi la population en général pour une étude sur le fardeau de la maladie. Les préférences à l'égard de la santé peuvent subir l'influence de facteurs individuels tels que l'état de santé ou des caractéristiques socio démographiques 3,4,5. Nos panels ont inclu des individus de tous les groupes d'âge et ils réunissent des personnes atteintes d'une grande diversité d'affections. Selon les résultats d'essais auprès de groupes cibles, les Canadiens croient fermement que les citoyens ordinaires devraient pouvoir participer au processus d'orientation des décisions stratégiques.
L'ISP tient également compte des nombreuses critiques formulées à l'endroit des méthodes d'évaluation du fardeau de la maladie par les chercheurs et décideurs. Les coefficients de pondération de l'incapacité utilisés pour faire intervenir la gravité de la maladie dans les estimations initiales du fardeau de la maladie ont été conçus au moyen de techniques dites de compromis fondé sur le nombre de personnes. Les essais canadiens auprès de groupes cibles ont renforcé les critiques énoncées dans la littérature selon lesquelles ces techniques accordent plus de valeur à la vie des personnes en santé qu'à celle des personnes ayant des limitations fonctionnelles. L'ISP a utilisé le pari standard comme principal outil pour calculer les préférences à l'égard de l'état de santé, étant donné qu'elle est fondée sur la théorie de l'utilité; les participants des groupes cibles la préféraient aux autres techniques (p. ex., le compromis fondé sur le temps, le compromis fondé sur le nombre de personnes).
Les méthodes d'évaluation du fardeau de la maladie ont également été critiquées parce qu'elles effectuent une pondération selon l'âge. Cette pondération accorde plus de poids à la morbidité et à la mortalité chez les jeunes adultes. Certains prétendent que les « meilleures années de la vie » devraient avoir plus de valeur, mais cette pondération est critiquée par ceux qui considèrent qu'elle accorde plus d'importance aux personnes en âge de travailler qu'aux enfants et aux personnes âgées1-4. La validité méthodologique de la pondération selon l'âge a également été contestée4. Pour ces raisons, on omet d'utiliser la pondération selon l'âge dans les nouvelles études sur le fardeau de la maladie, dont l'ISP.
Le recours à l'actualisation dans les études sur le fardeau de la maladie a aussi été contesté. Cette technique, qui accorde moins de valeur aux effets futurs sur la santé qu'aux effets présents est couramment employée en économie de la santé, particulièrement dans les études coût efficacité1,3.Les estimations canadiennes appliqueront un taux d'actualisation de 3% et s'accompagneront d'outils permettant de modifier les taux d'actualisation.
L'ISP est en train de mettre au point des modèles de microsimulation qui intègrent des données sur un grand nombre de maladies à la fois et simulent l'interaction entre les maladies. Bien que certaines estimations aient été faites pour des maladies qui surviennent souvent ensemble (comorbidité), la plupart des estimations du fardeau de la maladie visent une seule maladie à la fois.
Lorsque des interventions en santé ciblent une maladie précise, elles peuvent être identifiées, justifiées et évaluées en fonction des avantages pour cette maladie. Mais dans les faits, une personne peut être atteinte de plusieurs maladies (comorbidité) et il faut donc une modélisation plus complexe pour examiner les impacts potentiels des interventions. Comme les objectifs de vie saine sont plus vastes, les stratégies intégrées doivent cibler des maladies multiples par le biais de leurs déterminants et/ou facteurs de risque communs.
Parallèlement, les analystes des politiques se préoccupent de plus en plus que les bienfaits résultant de la réduction d'une maladie puissent être annulés par l'augmentation d'autres maladies. Lorsque le taux de mortalité diminue pour une maladie, les personnes meurent d'autres causes. Il devient donc essentiel de trouver des réponses aux questions suivantes : Combien d'années de vie réussit-on à ajouter ? De quelles autres affections la personne souffrira-t-elle au cours de ces années additionnelles ? Lorsqu'une intervention reporte l'impact de la maladie sur une autre cause, elle fait augmenter le nombre d'années de vie, mais ce gain se traduit-il par des années de plus en bonne santé ou des années de plus altérées par un fonctionnement réduit?
Les modèles de microsimulation fournissent aux analystes des politique un contexte plus vaste et plus réaliste qui tient compte de la manière dont les maladies (et les facteurs de risque) se recoupent et interagissent. Les scénarios de simulation permettent plus exactement d'examiner comment un changement touchant une maladie ou un facteur de risque peut en toucher plusieurs autres en même temps.
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