Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 1, 1977-1978

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Festin d'Absalom de Mattia Preti

par John T. Spike*


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*Cet article présente certaines recherches entreprises pour ma dissertation en cours, « Mattia Preti, "il Cavalier Calabrese" », qui sera soumise au département des beaux-arts, université Harvard. Mes recherches à l'étranger ont été possibles grâce aux Harvard University Travelling Fellowships. Je suis reconnaissant au Professeur Sydney J. Freedberg qui a bien voulu lire le manuscrit et y apporter quelques corrections. L'auteur seul est responsable du contenu de cet article.

Absalom, fils du roi David, pour venger le viol de sa soeur Tamar, organise un festin auquel il convie le coupable, son demi-frère Amnon. Lorsque le coeur d'Amnon a été mis en gaîté par le vin, Absalom donne le signal de le mettre à mort. Cette histoire, tirée de l'Ancien Testament (II Sam 13:1-28), est le thème d'une importante toile baroque réalisée par le peintre italien Mattia Preti (1613-1699), connu sous le nom « il Cavalier Calabrese ». Cette oeuvre a été acquise par la Galerie nationale du Canada en 1977 (voir détail en couverture, frontispice et fig. 1). (1)

Festin d'Absalom a été peint vers 1665 au moment où Preti séjournait à Malte pour y décorer l'église Saint-Jean à La Valette. Preti était alors au faîte de son talent et de sa gloire. Malgré des origines fort humbles - il était né en Calabre - en 1661, sa réputation lui avait valu d'être nommé Chevalier de la Grâce de l'Ordre de Malte et des Hospitaliers de Saint-Jean, ordre auquel n'appartenaient que les plus grands aristocrates d'Europe.

Il semble que Preti n'ait jamais quitté Malte pendant les quarante dernières années de sa vie (1661-1699) mais qu'il ait continué à exécuter des commandes pour ses nombreux mécènes italiens. De 1657 à 1660, il avait travaillé à Naples, sans aucun doute la ville d'Italie la plus ouverte sur le plan artistique; Preti y jouissait d'une solide réputation, acquise grâce au brio avec lequel il savait rendre les thèmes violents particulièrement chers aux Napolitains du XVIIes. (Festin d'Absalom illustre bien ce style).

La longue biographie de Preti par Bernardo De Dominici, dans Vite dei pittori...Napoletani (Naples 1742-1743), nous apprend que les collectionneurs de Naples possédaient un très grand nombre d'oeuvres de Preti dont la plupart s'apparentent à celles réalisées par l'artiste après son départ pour Malte. De Dominici donne une description détaillée du Festin d'Absalom, qui à l'époque appartenait à Don Antonio Caputo, président de la 
« Summaria ») de Naples et généreux mécène de Preti. Voici ce que De Dominici en dit:

Dans l'autre toile, il décrit cette effroyable scène du festin quand Absalom fait exécuter Amnon pour avoir violé Tamar. Dans un coin, on remarque tout particulièrement l'élan d'Absalom se levant de sa chaise, la main gauche appuyée sur la table, et qui de la main droite donne le signal de l'exécution d'Amnon. Ce dernier, saisi d'effroi et assailli par ses bourreaux, se jette sur la table, les mains suppliantes, tentant d'échapper à la mort qui s'abat sur lui. Entre Absalom et Amnon, coiffée d'un bonnet orné de plumes et de joyaux, Tamar est assise, pâle et étonnée de ce drame soudain. Les autres personnages, dans leur étonnement, ont un mouvement de recul. Tout est terreur et horreur. (2)
Aujourd'hui, ce tableau de Preti n'inspire plus le même effroi, non parce que nous demeurons indifférents au drame qui s'y joue, mais en raison du style même choisi par l'artiste. Preti, pour illustrer la violence de la scène, n'a rien sacrifié du faste du décor, et la profusion des teintes est éblouissante.

Bien que surtout reconnu pour son art de peindre les émotions, il semble que Preti ait choisi, dans Festin d'Absalom, de souligner le mouvement plutôt que le pathétique de l'action. Tout ce qui bouge se trouve dans un violent éclairage: le bras, les poignards, la victime. Les expressions, férocité, effroi, étonnement, sont dissimulés dans l'ombre. Seul Absalom, avec son costume rutilant - manches bouffantes bleues, veste orange, cap or - paraît en pleine lumière et retient l'attention.

L'artiste en plongeant dans l'ombre les principaux personnages, sauf Absalom, accentue les surfaces planes découpées, en contraste, sur les éléments plus légers du décor: la table, le ciel et les colonnes en arrière-plan. Le point de vue, placé très bas, révèle partiellement les détails que nous apercevons entre les têtes et les bras des personnages. Preti fait alterner les plans d'ombre et de lumière et donne à ses formes le modelé nécessaire pour établir entre elles une certaine perspective et pour assurer la netteté des volumes essentiels. Mais décrivant les ombres comme n'ayant presqu'aucun relief (la main droite du page africain en acquiert par les touches de gris clair au bout des doigts) et chevauchant les détails avec audace, Preti fractionne ses personnages en éléments picturaux et donne à chacun une importance égale, quelle que soit la place qu'il occupe dans cette mise en scène.

Le baroque tardif, ce style qui attache une attention particulière à la profusion d'ornements et à une liberté des formes qui crée l'impression de mouvement, constitue la transition entre le baroque des années 1650 et le rococo du XVIIIe siècle. Dans le plein baroque, une grande vérité d'expression caractérise les personnages, qui tous contribuent à l'enchaînement de l'action dans un décor sobre et continu. Par contre, dans le baroque tardif, l'importance donnée à l'effet décoratif de l'ensemble ne laisse qu'une place discrète aux personnages, tous représentés selon un modèle de beauté uniforme.

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