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Festin d'Absalom de Mattia Preti
par John T. Spike
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La nature de l'interaction
entre Preti et Giordano a constitué une énigme dans les études
sur Preti depuis l'analyse de leur violent conflit par De
Dominici. Cette énigme a été résolue grâce à la récente découverte
de documents portant sur les oeuvres réalisées par Preti au cours
de cette période, à Naples (dans les églises de San Pietro a
Maiella et de San Lorenzo Maggiore) et pour les Chevaliers de
l'Ordre de Malte. Giordano a sans doute été pour Preti un
concurrent acharné, mais nous savons aujourd'hui que, pour les
commandes importantes, c'est le vieux maître qui reçoit la part du
lion. Nous savons également que les modifications stylistiques
qui annoncent le baroque tardif apparaissent d'abord dans les
toiles de Preti et sont aussitôt imitées par Giordano. Vers 1660,
Preti et Giordano ont assoupli leur composition et peuplé l'espace
afin de mettre leur riche coloris en évidence. C'est vers cette époque
que Giordano met au point sa maniera dorata en teintant chaque
couleur d'un reflet doré, comme l'avait fait le Titien à la fin de
sa carrière. Selon Oreste Ferrari, c'est sans doute au contact de
Preti que Giordano est amené à s'inspirer de la palette vénitiennes. (5)
Grâce aux connaissances acquises au cours d'une plus longue carrière,
Preti possède une palette plus riche et plus complexe que Giordano;
il sait emprunter les résonances argentées et les tons chair du
Guerchin et de Lanfranco pour enrichir ses coloris vénitiens. (6)
Quand Preti quitte Naples pour Malte, au printemps de 1661, sans
doute pour s'accorder une trève dans ce conflit, il décide de
bifurquer vers Rome pour travailler à Valmontone. L'application
de ses nouvelles techniques de composition à la fresque décorative
produit une oeuvre que l'on classe aujourd'hui dans le baroque
tardif. Bien adaptée au plafond relativement bas de la Stanza dell'Aria (pièce aujourd'hui gravement abîmée mais néanmoins
restaurable du Palazzo Dorio-Pamphili à Valmontone) la fresque
de Preti, Allégorie de l'air, réussit à créer une illusion
d'espace, en accordant une importance égale aux divers personnages,
qui semblent flotter au hasard sur la voûte.
Dès son arrivée à Malte en 1661, Preti se consacre à la décoration de l'abside de la voûte et de la façade intérieure de la
cathédrale Saint-Jean, à La Valette, jusqu'en décembre 1666,
date à laquelle il termine ces travaux (fig.2). Les oeuvres de la
cathédrale constituent un point de référence à partir duquel il
est possible d'établir la chronologie des tableaux réalisés par
Preti au cours de cette période. Il est donc utile d'examiner les
étapes qui ont mené à la réalisation de ces oeuvres. A ce sujet,
le récit de De Dominici contient, encore une fois, de nombreuses
inexactitudes. (7) Fort heureusement, la progression des travaux exécutés
à la cathédrale est retracée avec assez de précision dans les
documents découverts parmi les archives des Chevaliers de l'Ordre
de Malte par Misfud (8) en 1913, puis par Valerio Mariani en 1928. (9)
Mais les lettres de Preti à Don Antonio Ruffo, (10) grand
collectionneur et aristocrate sicilien, sont une source inestimable
de renseignements.
Le 18 septembre 1661, Preti écrit à Ruffo qu'il a présenté des
plans portant à la fois sur « la décoration et le réaménagement
»
de l'église Saint-Jean. Il importe de souligner que
Preti, trois jours plus tôt, venait d'être nommé Chevalier de
l'Obédience de l'Ordre de Malte, sur recommandation écrite du pape
Alexandre VII.
Le dernier jour de septembre, le Comité de chevaliers chargé de l'étude
des plans présente son rapport au Conseil de l'Ordre. Le Comité se
dit favorablement impressionné par les idées proposées par
Preti pour illustrer la vie de saint Jean-Baptiste et d'autres récits
des livres sacrés. Mais le réaménagement proposé pour assurer un
meilleur éclairage est rejeté comme étant dangereux. Seule
l'imposte au-dessus du portique sera agrandie.
Preti s'attaque à la tâche immédiatement. A la mi-décembre 1661,
il explique à Ruffo qu'il tarde à terminer un tableau commandé en
raison des difficultés qu'il éprouve à réaliser « les intailles
selon ma conception aussi bien que les peintures » pour l'église
Saint-Jean. La première étape des travaux est cependant terminée
avant la fin de l'année. Le 2 janvier 1662, Preti annonce fièrement
à Ruffo que le Grand Maître de l'Ordre se dit enchanté de son
travail et qu 'il lui a donné une chaîne en or, d'une valeur de
600 scudi, pour le récompenser de ses efforts. Il semble que cette
récompense ait été accordé à Preti pour les intailles, ainsi
que pour la peinture dans l'abside.
Même s'ils n'ont aucune preuve documentée, tous les critiques
supposent que Preti a d'abord peint Saint Jean-Baptiste recevant
la bannière de l'Ordre, qui est dans l'abside. D'après la facture,
cette supposition est la plus plausible. Quoi qu'il en soit, nous
savons, d'après l'ouvrage de sir Hannibal Scicluna sur l'histoire
de l'église, que la fresque de la lunette a été dévoilée au
cours d'une grande cérémonie, la veille de la Saint-Jean, le 23
juin 1662, laquelle est « décrite en détail dans les archives »,
mais il ne cite pas le volume. (11)
En se fondant sans doute sur le récit de De Dominici, ces auteurs
supposent que Preti a ensuite peint le Triomphe de l'Ordre de
Saint-Jean, sur la lunette de la façade, et décoré l'arc qui lui
est adjacent. Mariani semble avoir oublié sa propre découverte: le
Conseil de l'Ordre n'a autorisé l'agrandissement de la lunette de
la façade, - et l'exécution de la moulure dorée qui l'accompagne,
que le 3 mars 1664. Il est évident que la lunette actuelle fait
partie intégrante de la composition de Preti et qu'elle n'a pu être
modifiée ultérieurement. De plus, du côté droit et gauche de
la lunette apparaissent les frères Raphaël et Nicholas Cotoner, en
costume de Grand Maître. Or, nous savons que Nicholas Cotoner, à
gauche, n'a accédé à ce titre que le 23 octobre 1663, date à
laquelle Preti avait déjà terminé certaines parties de la voûte.
Le 17 juin 1663; Preti reçoit une nouvelle chaîne en or, cette
fois d'une valeur de 300 scudi. En septembre, il écrit à Don
Antonio Ruffo lui disant que cette chaîne lui a été remise pour
l'exécution de la « troisième partie » de son oeuvre à
Saint-Jean. L'artiste avait divisé la voûte de l'église Saint-Jean en six sections correspondant à chacune des entrées à la
chapelle. Chaque section devait comporter trois scènes séparées
par des éléments architecturaux en trompe-l'oeil. Étant donné
que Preti n'avait pas encore commencé la lunette, cette
« troisième
partie » correspondrait à la deuxième ou la troisième section
de l'oeuvre, compte tenu que Preti y comprenait l'abside comme une
« partie ». Tous les travaux de décoration de Saint-Jean furent
terminés en décembre 1666.
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