Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 1, 1977-1978

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Festin d'Absalom de Mattia Preti

par John T. Spike


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La nature de l'interaction entre Preti et Giordano a constitué une énigme dans les études sur Preti depuis l'analyse de leur violent conflit par De Dominici. Cette énigme a été résolue grâce à la récente découverte de documents portant sur les oeuvres réalisées par Preti au cours de cette période, à Naples (dans les églises de San Pietro a Maiella et de San Lorenzo Maggiore) et pour les Chevaliers de l'Ordre de Malte. Giordano a sans doute été pour Preti un concurrent acharné, mais nous savons aujourd'hui que, pour les commandes importantes, c'est le vieux maître qui reçoit la part du lion. Nous savons également que les modifications stylistiques qui annoncent le baroque tardif apparaissent d'abord dans les toiles de Preti et sont aussitôt imitées par Giordano. Vers 1660, Preti et Giordano ont assoupli leur composition et peuplé l'espace afin de mettre leur riche coloris en évidence. C'est vers cette époque que Giordano met au point sa maniera dorata en teintant chaque couleur d'un reflet doré, comme l'avait fait le Titien à la fin de sa carrière. Selon Oreste Ferrari, c'est sans doute au contact de Preti que Giordano est amené à s'inspirer de la palette vénitiennes. (5) Grâce aux connaissances acquises au cours d'une plus longue carrière, Preti possède une palette plus riche et plus complexe que Giordano; il sait emprunter les résonances argentées et les tons chair du Guerchin et de Lanfranco pour enrichir ses coloris vénitiens. (6)

Quand Preti quitte Naples pour Malte, au printemps de 1661, sans doute pour s'accorder une trève dans ce conflit, il décide de bifurquer vers Rome pour travailler à Valmontone. L'application de ses nouvelles techniques de composition à la fresque décorative produit une oeuvre que l'on classe aujourd'hui dans le baroque tardif. Bien adaptée au plafond relativement bas de la Stanza dell'Aria (pièce aujourd'hui gravement abîmée mais néanmoins restaurable du Palazzo Dorio-Pamphili à Valmontone) la fresque de Preti, Allégorie de l'air, réussit à créer une illusion d'espace, en accordant une importance égale aux divers personnages, qui semblent flotter au hasard sur la voûte.

Dès son arrivée à Malte en 1661, Preti se consacre à la décoration de l'abside de la voûte et de la façade intérieure de la cathédrale Saint-Jean, à La Valette, jusqu'en décembre 1666, date à laquelle il termine ces travaux (fig.2). Les oeuvres de la cathédrale constituent un point de référence à partir duquel il est possible d'établir la chronologie des tableaux réalisés par Preti au cours de cette période. Il est donc utile d'examiner les étapes qui ont mené à la réalisation de ces oeuvres. A ce sujet, le récit de De Dominici contient, encore une fois, de nombreuses inexactitudes. (7) Fort heureusement, la progression des travaux exécutés à la cathédrale est retracée avec assez de précision dans les documents découverts parmi les archives des Chevaliers de l'Ordre de Malte par Misfud (8) en 1913, puis par Valerio Mariani en 1928. (9) Mais les lettres de Preti à Don Antonio Ruffo, (10) grand collectionneur et aristocrate sicilien, sont une source inestimable de renseignements.

Le 18 septembre 1661, Preti écrit à Ruffo qu'il a présenté des plans portant à la fois sur « la décoration et le réaménagement » de l'église Saint-Jean. Il importe de souligner que Preti, trois jours plus tôt, venait d'être nommé Chevalier de l'Obédience de l'Ordre de Malte, sur recommandation écrite du pape Alexandre VII.

Le dernier jour de septembre, le Comité de chevaliers chargé de l'étude des plans présente son rapport au Conseil de l'Ordre. Le Comité se dit favorablement impressionné par les idées proposées par Preti pour illustrer la vie de saint Jean-Baptiste et d'autres récits des livres sacrés. Mais le réaménagement proposé pour assurer un meilleur éclairage est rejeté comme étant dangereux. Seule l'imposte au-dessus du portique sera agrandie.

Preti s'attaque à la tâche immédiatement. A la mi-décembre 1661, il explique à Ruffo qu'il tarde à terminer un tableau commandé en raison des difficultés qu'il éprouve à réaliser « les intailles selon ma conception aussi bien que les peintures » pour l'église Saint-Jean. La première étape des travaux est cependant terminée avant la fin de l'année. Le 2 janvier 1662, Preti annonce fièrement à Ruffo que le Grand Maître de l'Ordre se dit enchanté de son travail et qu 'il lui a donné une chaîne en or, d'une valeur de 600 scudi, pour le récompenser de ses efforts. Il semble que cette récompense ait été accordé à Preti pour les intailles, ainsi que pour la peinture dans l'abside.

Même s'ils n'ont aucune preuve documentée, tous les critiques supposent que Preti a d'abord peint Saint Jean-Baptiste recevant la bannière de l'Ordre, qui est dans l'abside. D'après la facture, cette supposition est la plus plausible. Quoi qu'il en soit, nous savons, d'après l'ouvrage de sir Hannibal Scicluna sur l'histoire de l'église, que la fresque de la lunette a été dévoilée au cours d'une grande cérémonie, la veille de la Saint-Jean, le 23 juin 1662, laquelle est « décrite en détail dans les archives », mais il ne cite pas le volume. (11)

En se fondant sans doute sur le récit de De Dominici, ces auteurs supposent que Preti a ensuite peint le Triomphe de l'Ordre de Saint-Jean, sur la lunette de la façade, et décoré l'arc qui lui est adjacent. Mariani semble avoir oublié sa propre découverte: le Conseil de l'Ordre n'a autorisé l'agrandissement de la lunette de la façade, - et l'exécution de la moulure dorée qui l'accompagne, que le 3 mars 1664. Il est évident que la lunette actuelle fait partie intégrante de la composition de Preti et qu'elle n'a pu être modifiée ultérieurement. De plus, du côté droit et gauche de la lunette apparaissent les frères Raphaël et Nicholas Cotoner, en costume de Grand Maître. Or, nous savons que Nicholas Cotoner, à gauche, n'a accédé à ce titre que le 23 octobre 1663, date à laquelle Preti avait déjà terminé certaines parties de la voûte.

Le 17 juin 1663; Preti reçoit une nouvelle chaîne en or, cette fois d'une valeur de 300 scudi. En septembre, il écrit à Don Antonio Ruffo lui disant que cette chaîne lui a été remise pour l'exécution de la « troisième partie » de son oeuvre à Saint-Jean. L'artiste avait divisé la voûte de l'église Saint-Jean en six sections correspondant à chacune des entrées à la chapelle. Chaque section devait comporter trois scènes séparées par des éléments architecturaux en trompe-l'oeil. Étant donné que Preti n'avait pas encore commencé la lunette, cette « troisième partie » correspondrait à la deuxième ou la troisième section de l'oeuvre, compte tenu que Preti y comprenait l'abside comme une « partie ». Tous les travaux de décoration de Saint-Jean furent terminés en décembre 1666.


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