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Festin d'Absalom de Mattia Preti
par John T. Spike
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Il est extrêmement difficile
d'établir des comparaisons entre les peintures sur toile de Preti
et ses décorations de la voûte, que l'on ne voit qu'à distance.
(Notre travail aurait été considérablement facilité si l'on
avait pensé prendre autant de photographies que possible au moment
du nettoyage de l'église il y a dix ans.) Quoi qu'il en soit, le
rendu de la voûte est extrêmement harmonieux même si Preti y a
travaillé pendant cinq ans, période au cours de laquelle son style
a beaucoup évolué si l'on en juge d'après ses toiles. Le seul
changement que l'on peut signaler dans la décoration de la voûte
se rapporte aux dimensions des personnages, plus petits et regroupés
au fur et à mesure que l'on s'éloigne du portique vers l'autel.
Parmi les rares toiles de Preti que l'on peut comparer à une scène
de la voûte, citons l'une de deux peintures découvertes dans l'église
de Sambughè, village du nord de l'Italie situé à proximité de Trévise;
ces toiles avaient été offertes à l'église en 1667. (12) Il
existe, en effet, des liens étroits entre la Comparution du Christ
devant Hérode (fig. 3) de Sambughè, et le Saint-Jean-Baptiste blâmant
Hérode (côté gauche, cinquième section de la voûte de la cathédrale)
réalisé vers 1665. Sans chercher à savoir laquelle de ces deux
oeuvres a inspiré l'autre, on est frappé par leurs caractéristiques
communes: même corps frêle des protagonistes, même physionomie
chargée d'une spiritualité intense. Contrairement aux autres
personnages, saint Jean-Baptiste se distingue, comme le Christ, non
par un physique robuste mais par un regard ardent qui jaillit de
petits yeux enfoncés.
Les mêmes observations peuvent s'appliquer au Christ et la
Samaritaine qui, sans aucun doute, date de la même époque (Heim
Gallery , Londres; fig. 4). (13) Nous en sommes maintenant au tableau
d'Ottawa, Festin d'Absalom, qui présente une similitude étonnante
avec le Christ et la Samaritaine. Preti a recours aux mêmes effets
en dirigeant une lumière blanche et brillante sur les visages à
carnation laiteuse de la Samaritaine et d'Absalom. Que Preti ait
choisi de représenter un homme et une femme sous des traits
identiques, sans que cela ne choque, illustre bien le haut niveau
d'abstraction de son style à cette époque. Les deux personnages
ont les mêmes narines rosées et une chevelure couleur cuivre. Dans
les tableaux d'Ottawa et de Londres, le rendu des tissus présente
des similitudes très marquées. Les lourdes étoffes se bouclent
dans leurs plis. Comparez la cape d'Absalom et celle de la
Samaritaine, ou les manches d'Absalorn et le manteau du Christ.
Les costumes de ces deux derniers sont du même bleu foncé avec une
légère résonance de vert sombre qui perce l'ombre là où Preti
laisse transparaître la couche de fond.
Si le Festin d'Absalom se compare aisément au Christ et la
Samaritaine, il est plus difficile de l'apparenter à d'autres toiles réalisées
vers la même époque, par exemple, la Résurrection de Lazare, qui
se trouve maintenant au Palazzo Spinola à Gênes. Ces oeuvres représentent
des personnages au physique décharné et à l'expression intense,
comme pour le Christ de la Samaritaine de Heim, mais qui n'ont rien
de commun avec la stature imposante d'Absalom dans son lourd
costume. On peut donc supposer que la réalisation du tableau
d'Ottawa se situe à la limite chronologique de ce groupe. Il est évidemment
impossible de classifier rigoureusement les oeuvres d'un artiste
aussi prolifique et varié que Preti. Nous espérons, en examinant
d'autres oeuvres de Preti, en arriver à savoir si le Festin
d'Absalom suit ou précède les oeuvres contemporaines de la cinquième
section de la voûte de Saint-Jean.
Il existe deux toiles qui nous permettront de conclure que le Festin
d'Absalom a été exécuté avant la cinquième section de la voûte,
et que Preti a effectivement décoré la cathédrale en partant du
portique pour se diriger vers l'autel. Ces deux toiles qui, je
crois, ont été réalisées en même temps que la sixième section
de la voûte de Saint-Jean (du même style que les oeuvres conservées
à l'église de Sambughè) représentent la Madone avec saint
Nicholas, saint Pierre et saint Raphaël (le retable dédié aux
saints patrons des frères Cotoner de l'église Tal-Mirakli, Lija,
Malte) et la Délivrance de saint Pierre (Akademie der Bildenden Künste,
Vienne; fig. 5). On sait, par ailleurs, que le réaménagement de l'église
Tal-Mirakli a été entrepris sous les auspices du Grand Maître
Nicholas Cotoner en 1664. (14) Ces deux tableaux sont caractérisés
par une saturation de couleur et une fluidité des formes absentes
dans le Festin d'Absalom, et qui mettent en évidence la recherche
de l'effet décoratif: le drapé des étoffes manque de réalisme,
mais il offre de magnifiques champs de couleurs. Ce même genre de
drapé se retrouve dans le costume de certains personnages peints
de chaque cote des fenetres de la sixieme section de la voute.
L'examen d'une huile initulée Gloire du Christ reuscité parmi les saints
(Prado, Madrid; fig. 6) et des deux peintures de la première section de la
voûte de Saint-Jean nous éclaire sur le style de Preti tout au
début de son séjour à Malte. Comme nous l'avons déjà
mentionné, Preti réalisa cette section
avant le 17 juin 1663, mais elle constitue sans doute sa première
étape de décoration de la voûte, probablement entreprise au milieu de 1662. (15) Des
portraits du bienheureux Pietro G. Mecatti (fig. 7) et de sainte Toscane flanquent
des fenêtres de chaque côté de la nef. Or, ces deux types de personnages sont
repris le tableau du Prado comme si l'artiste s'était servi des mêmes modèles, bien
qu'ils semblent être imaginaires. Parmi d'autres similitudes
mentionnons le drapé des bures franciscaines.
A cette époque, les physionomies et les étoffes que peint Pret
sont beaucoup plus différenciées et moins abstraites que dans le
Festin d'Absalom d'Ottawa. Dans le tableau du Prado, le volume des
personnages est accentué et leur disposition bien définie daru un
fond bien aéré. La composition est loin de témoigner d'une
recherche d'effets décoratifs. Pour retracer l'évolution du
style de Preti, citons, à mi-chemin de cette translation du réalisme
au décoratif, Pilate se lavant les mains, toile réalisée vers le
milieu de 1663 et récemment acquise par le Metropolitan Museum of
Art New York.
Le style du Festin d'Absalom constitue donc un retour aux moyens
d'expression du baroque tardif, perfectionnés par Pretti entre 1658
et 1661, mais abandonnés lors de la décoration de l'église
Saint-Jean, La Valette. Valerio Mariani fait remarquer que la
composition du tableau de l'abside est particulièrement décevante
et banale, mais il faut noter que Preti, à son arrivée à Malte,
était peut-être soumis aux goûts conservateurs des Chevaliers
de l'Ordre, ou encore intimidé par l'ampleur du projet.
Les autres tableaux qui, croyons-nous, sont contemporains du tableau
d'Ottawa, témoignent de la même recherche décorative tant dans
les coloris utilisés que dans les traits idéalisés. La plupart
de ces oeuvres, dont notamment les toiles de Sambughè, sont destinées
à l'étranger. Le retable à Lija (v. 1666) nous prouve, toutefois,
que l'artiste n'adopte pas un style pour l'Italie et un autre
pour Malte.
La présence du Festin d'Absalom ainsi que plusieurs autres toiles
de Preti à, Naples font passer son oeuvre à la postérité. (16) En
effet, tous les successeurs napolitains de Preti s'inspireront de
ses techniques, ên dépit de la suprématie exercée par Giordano
dans la seconde moitié du XVIIe siècle. La portée de l'oeuvre de
Preti n'est cependant comprise qu'un siècle plus tard, lorsque
l'extraordinaire renommée de l'école de Giordano est éclipsée
par celle de Francesco Solimène (1657-1747) et de ses élèves.
Quoique fortement influencé par Giordano, Solimène se penche aussi
sur l'oeuvre d'autres artistes. C'est ainsi qu' il a l'occasion
de découvrir le naturalisme et la qualité du dessin des oeuvres de
Preti. Bernardo De Dominici a même affirmé que l'on peut considérer
Solimène comme un élève de Preti et lui attribue ces paroles: « Quiconque suit le Calabrais
trouve la voie de la perfection ». (17) En enrichissant son legs napolitain
d'oeuvres expédiées depuis
Malte, Mattia Preti a fondé une « école » in absentia. (18)
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