Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 3, 1979-1980

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Un choix de livres illustrés par des
artistes québécois entre 1916 et 1946

par Jean-René Ostiguy

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L'histoire du livre illustré par des artistes canadiens pour la période allant de la fin du XIXe siècle jusqu'au milieu du XXe a déjà fait l'objet d'un certain nombre d'études. (1) Malgré leur aspect rudimentaire, ces études ont certainement permis une accélération marquée des acquisitions par diverses bibliothèques, dont celles des musées. L'exemple le plus notable demeure celui de la Galerie nationale du Canada qui commandait en 1966 un article intitulé: Book Illustration and Design by Canadian Artists 1890-1940, (2) pour le septième numéro de son bulletin de recherches. Son auteur, Sybille Pantazzi, alors bibliothécaire à l'Art Gallery of Toronto, terminait l'étude en ces mots: « Principalement, j'ai voulu montrer le rôle important joué par la Toronto Art Students' League et par le Groupe des Sept dans l'évolution de l'illustration et de la conception du livre au Canada, mais il reste beaucoup à découvrir et à étudier. » (3) Le voeu de Madame Pantazzi a sans doute été exaucé en partie car la bibliothèque de la Galerie nationale entreprit alors d'enrichir méthodiquement ses collections en ce domaine. L'illustration du livre au Québec, qui jusqu'alors y paraissait fort négligée, fut l'objet d'attentions particulières. Pour la seule période de la première moitié du XXe siècle, les collections de la Galerie se chiffrent maintenant à plus de cinquante titres.

Cependant la richesse de cette collection ne peut être mise en évidence qu'à l'aide d'études historiques et esthétiques. En un certain sens, parler ici des richesses c'est utiliser un bien grand mot. L'édition du livre illustré au Québec, comme ailleurs au pays, fut somme toute fort limitée en comparaison avec celle en Europe, en Angleterre, ou même en Amérique qui lui servait de modèle. Cherchant à rassembler les plus belles réussites des décorateurs québécois du livre, on aura beaucoup de mal à trouver à l'époque plus d'une vingtaine d'exemples. Mais l'aveu mérite d'être qualifié. Tout au moins doit-on mentionner que cette situation s'explique par la démographie et le cours très particulier des événements de la vie culturelle au Canada.

Deux contextes différents

Il est possible, grâce à l'article de Sybille Pantazzi, de retracer l'influence de William Morris sur les illustrateurs torontois de la fin du XIXe siècle. De plus, certains faits rapportés dans cet écrit, comme celui des séjours de J. E. H. MacDonald et de quatre autres artistes en Angleterre où ils travaillent pour la firme londonnienne Carlton Studio, établissent les circonstances précises d'influences stylistiques entre 1902 et 1906. Or, on ne sait encore rien d'aussi pertinent au sujet de l'évolution donnée des illustrateurs montréalais. Depuis la fin du XIXe siècle, l'influence britannique était omniprésente au Canada. Elle est renforcée au début du XXe siècle par une immigration qui permet la venue d'artistes spécialisés dans le domaine des arts graphiques tels Arthur Lismer, W. J. Phillips, A. J. Musgrove, J. W. G. Macdonald et autres. Ceux-ci ont été à même d'évaluer, dans leur pays d'origine ou ailleurs, le renouveau de la gravure d'illustration avant leur établissement au Canada.

Si l'on cherche par ailleurs à comprendre comment les musées ou les sociétés nationales ont pu encourager les artistes graphiques dans diverses provinces au Canada, tous les coups de sonde ne font que renforcer cette idée que les modèles venaient très majoritairement du monde anglophone, de Toronto, de Londres, de New York. Ainsi, l'introduction du catalogue (4) de la première grande exposition de la Canadian Society of Graphic Art présentée à l'Art Gallery of Toronto en 1924 rappelle que cette société fut fondée à Toronto en 1904. D'ailleurs, sur les 144 membres apparaissant sur la liste, 110 proviennent de l'Ontario, 19 du Québec, 10 du Manitoba, 1 de la Colombie-Britannique, 1 de la Nouvelle-Écosse et 2 de l'extérieur du pays.

En 1928, au moment où à Toronto, à Montréal, et à Winnipeg, des signes évidents d'un renouveau canadien se manifestent, la Galerie nationale du Canada se fait un devoir d'organiser une exposition intitulée Modern Woodcuts and Wood Engravings. (5) La préface du catalogue précise comment le public canadien se doit de connaître certaines des réussites britanniques en ce domaine. Dix ans plus tard, la même institution organise une autre exposition sous le titre Book Illustration and Fine Printing, (6) profitant, tel que mentionné dans la préface du catalogue, des progrès du beau livre au Canada. Elle a ainsi choisi de montrer comment l'évolution de cette forme d'art s'est avérée progressive et constante en Angleterre. Plusieurs artistes québécois profitent sans doute de cet enseignement, mais dans la majorité des cas, ils désirent autre chose et sont forcés de glaner au jour le jour les éléments propres à un enrichissement conséquent avec les traditions de leur collectivité originale.

On sait bien peu de choses encore sur les modèles prévalant au Québec au début du siècle, comme sur les goûts des lecteurs et des bibliophiles. Un facteur dont on ne connaît pas encore très bien l'influence sur les créateurs, apparaît dès l'établissement des librairies Déom et Jules A. Pony à Montréal avec lesquels la maison Hachette organise la diffusion massive des collections de livres à prix modiques de divers éditeurs parisiens. Il s'agit somme toute de livres très bien illustrés que l'on considère aujourd'hui comme les ancêtres du livre de poche. Un premier éditeur, Arthème Fayard, lance sur le marché en 1904 sa collection dite La Modern-Bibliothèque. Puis, en 1914, Flammarion donne le jour à la Sélect-Collection, laquelle possède le désavantage de n'offrir d'illustrations que sur la couverture. Fayard abandonne La Modern-Bibliothèque en 1923 pour la remplacer par celle du Livre de demain dont les illustrations sont conçues dans la technique du bois gravé. Quelques années auparavant, soit en 1921, l'éditeur J. Ferenczi et Fils avait commencé, lui aussi, à publier de semblables ouvrages dans sa collection Le livre moderne illustré. Chacune de ces collections paraît avoir été largement diffusée au Québec. Chose certaine, un très grand nombre de bibliothèques personnelles au cours des années trente et quarante (7) comportaient des Fayard et des Ferenczi. De plus, diverses bibliothèques circulantes de l'est de Montréal offraient à leurs abonnés cette attrayante littérature d'évasion. On pouvait trouver ces écrits d'imagination dans maints établissements originaux tels ces « restaurants librairies » et librairies dites « ventes-échanges » qui les estampillaient soigneusement. (8) Une forte présence de modèles français paraît donc évidente dans le domaine de l'illustration et toute étude historique ou stylistique de la production canadienne se doit d'en tenir compte. Par surcroît la série des Romans historiques aux éditions de l'Action canadienne-française et aussi plusieurs monographies des éditions Albert Lévesque rappellent par bien des aspects la collection française Le livre de demain. Une parenté existe au niveau du type de volume, de son format, de son papier, de sa mise en page et des illustrations, sans parler de son prix de revient.

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