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Un choix de livres illustrés par des
artistes québécois entre
1916 et 1946
par Jean-René Ostiguy
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Formé à la même école que les deux
artistes précédents, Maurice Gaudreau connaît une activité
débordante comme illustrateur à compter des années
trente. Il travaille surtout pour les journaux mais il illustre trois livres
en 1935. Utilisant lui aussi la linogravure, il profite mieux que tout
autre des propriétés de ce matériau friable. Que ce
soit dans des figures en gros plan ou dans des paysages éloquents
(fig. 25) pour Sébastien Pierre, ou dans des scènes
d'intérieur (fig. 26) pour Un homme et son péché,
ou encore pour la couverture (fig. 27), les bandeaux et les culs-de-lampe
dans Les Rapaillages, l'artiste procède par larges déchirures
lumineuses. Il utilise très peu les dégradés et ignore
complètement les hachures croisées. Son style personnel,
confiné à de larges noirs et blancs, n'est pas détestable
malgré ses reliefs prononcés et sa tendance à la lourdeur.
Enfin si l'on peut considérer un catalogue d'exposition
dans la catégorie des livres, une composition (fig. 28) d'Omer
Parent pour la couverture du catalogue de l'Exposition de l'Ecole des
beaux-arts de Québec en 1944 offre un témoignage des
plus humbles mais aussi des plus révélateurs sur l'importance
que l'on accordait alors, dans ce milieu, à l'habillage d'un texte
imprimé. Omer Parent, qui fut, dans son jeune âge, l'élève
de René Vincent (1879-1936) à Paris, imagine pour cette couverture
une figure allégorique stylisée à la mode des travaux
de ses collègues engagés dans le renouveau de l'art sacré
au Québec. C'est donc ainsi, qu'au cours des années trente,
le livre illustré par des artistes québécois reflète
une forme nouvelle du modernisme international et marque une différence
considérable par rapport à ceux de la génération
antécédante, celle de Clarence Gagnon. Cette phase se poursuit
au cours des années quarante et, à peine est-elle achevée qu'en apparaît une autre où la gravure demeure
totalement absente, l'artiste se contentant de fournir un dessin à
l'éditeur qui le reproduit par cliché.
Ici les modèles à suivre sont moins nombreux
et souvent chacun se fie à l'individualité de son oeuvre
personnelle dont il cherche la diffusion. C'est donc dire que l'on touche
alors à ce que l'on nomme aujourd'hui le « livre d'artistes ».
(23) C'est le cas d'Alfred Pellan dans ses illustrations pour les Iles
de la nuit (1944) d'Alain Grandbois. Dans un style mi-cubiste mi-surréaliste,
Pellan fera mieux deux ans plus tard pour le poème d'Eloi de Grandmont
Le voyage d'Arlequin (fig. 29). En 1945, Jacques de Tonnancour révèle
les influences stylistiques subies dans sa peinture, tout en suivant fidèlement
la pensée de Réal Benoit, l'auteur d'un petit recueil de
contes intitulé Nézon. Il donne en effet à
l'éditeur Marcel Parizeau une couverture picassienne (fig. 30) et
des illustrations matissiennes en culs-de-lampe pour les hors-texte. Par
ailleurs, les dessins franchement surréalistes (fig. 31) de Jean-Paul
Mousseau pour Les sables du rêve (1946), de Thérèse
Renaud, de même que ceux de Charles Daudelin pour Théâtre
en plein air (fig. 32) de Gilles Hénault (Les cahiers de la
file indienne, 1946), modifient complètement tout à la fois
l'iconographie comme la mise en page du livre québécois.
Déjà Alfred Pellan introduisait l'image onirique en 1944.
Mousseau et Daudelin font de même en utilisant pleinement la page hors-texte. Robert LaPalme avait illustré
brillamment en 1945
un conte pour enfants où le texte était souvent englobé
dans l'espace du dessin. Ce célèbre Ristontac (24) d'Andrée
Maillet restait tout de même dans l'esprit Art Déco puisqu'on
y reconnaissait maintes recettes décoratives empruntées à
Matisse ou à Picasso. Jean Simard pour sa part illustrait fort joliment
son propre livre Félix (Variétés, 1947) en
empruntant généreusement à LaPalme.
Irène Legendre écrit et illustre Pompon et le lapin-fée,
un
autre livre pour enfants, conçu celui-là à l'image
du Petit prince de Saint-Exupéry. Il paraîtra plus
tard sous le titre Pompon chéri, avec des illustrations
nouvelles. Le manuscrit original comporte des illustrations savoureuses
aux formes gonflées comme dans les dessins d'Archipenko. L'artiste,
improvisée écrivain, s'inspire également de Matisse pour la couverture (fig. 33) de son livre. Les héros du conte,
Pompon et son lapin, évoluent dans un décor doucement coloré
et plutôt abstrait, mi-fauve, mi-cubiste. Dans sa première
version donc, mieux que dans celle de 1959 éditée chez Fides
sous le titre Pompon chéri, ce petit livre de fabrication
artisanale n'existant qu'en un seul exemplaire constitue un témoignage
émouvant du vif intérêt que les artistes québécois
ont porté au livre illustré entre 1916 et 1946.
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