Musée des beaux-arts du Canada / National Gallery of Canada

Bulletin Annuel 3, 1979-1980

Accueil
English
Introduction
Histoire
Index annuel
Auteur et Sujet
Crédits
Contact

Un choix de livres illustrés par des
artistes québécois entre 1916 et 1946

par Jean-René Ostiguy

English article

Pages  1  2  |  3  |  4  |  5  |  6  

Formé à la même école que les deux artistes précédents, Maurice Gaudreau connaît une activité débordante comme illustrateur à compter des années trente. Il travaille surtout pour les journaux mais il illustre trois livres en 1935. Utilisant lui aussi la linogravure, il profite mieux que tout autre des propriétés de ce matériau friable. Que ce soit dans des figures en gros plan ou dans des paysages éloquents (fig. 25) pour Sébastien Pierre, ou dans des scènes d'intérieur (fig. 26) pour Un homme et son péché, ou encore pour la couverture (fig. 27), les bandeaux et les culs-de-lampe dans Les Rapaillages, l'artiste procède par larges déchirures lumineuses. Il utilise très peu les dégradés et ignore complètement les hachures croisées. Son style personnel, confiné à de larges noirs et blancs, n'est pas détestable malgré ses reliefs prononcés et sa tendance à la lourdeur.

Enfin si l'on peut considérer un catalogue d'exposition dans la catégorie des livres, une composition (fig. 28) d'Omer Parent pour la couverture du catalogue de l'Exposition de l'Ecole des beaux-arts de Québec en 1944 offre un témoignage des plus humbles mais aussi des plus révélateurs sur l'importance que l'on accordait alors, dans ce milieu, à l'habillage d'un texte imprimé. Omer Parent, qui fut, dans son jeune âge, l'élève de René Vincent (1879-1936) à Paris, imagine pour cette couverture une figure allégorique stylisée à la mode des travaux de ses collègues engagés dans le renouveau de l'art sacré au Québec. C'est donc ainsi, qu'au cours des années trente, le livre illustré par des artistes québécois reflète une forme nouvelle du modernisme international et marque une différence considérable par rapport à ceux de la génération antécédante, celle de Clarence Gagnon. Cette phase se poursuit au cours des années quarante et, à peine est-elle achevée qu'en apparaît une autre où la gravure demeure totalement absente, l'artiste se contentant de fournir un dessin à l'éditeur qui le reproduit par cliché.

Ici les modèles à suivre sont moins nombreux et souvent chacun se fie à l'individualité de son oeuvre personnelle dont il cherche la diffusion. C'est donc dire que l'on touche alors à ce que l'on nomme aujourd'hui le « livre d'artistes ». (23) C'est le cas d'Alfred Pellan dans ses illustrations pour les Iles de la nuit (1944) d'Alain Grandbois. Dans un style mi-cubiste mi-surréaliste, Pellan fera mieux deux ans plus tard pour le poème d'Eloi de Grandmont Le voyage d'Arlequin (fig. 29). En 1945, Jacques de Tonnancour révèle les influences stylistiques subies dans sa peinture, tout en suivant fidèlement la pensée de Réal Benoit, l'auteur d'un petit recueil de contes intitulé Nézon. Il donne en effet à l'éditeur Marcel Parizeau une couverture picassienne (fig. 30) et des illustrations matissiennes en culs-de-lampe pour les hors-texte. Par ailleurs, les dessins franchement surréalistes (fig. 31) de Jean-Paul Mousseau pour Les sables du rêve (1946), de Thérèse Renaud, de même que ceux de Charles Daudelin pour Théâtre en plein air (fig. 32) de Gilles Hénault (Les cahiers de la file indienne, 1946), modifient complètement tout à la fois l'iconographie comme la mise en page du livre québécois. Déjà Alfred Pellan introduisait l'image onirique en 1944. Mousseau et Daudelin font de même en utilisant pleinement la page hors-texte. Robert LaPalme avait illustré brillamment en 1945 un conte pour enfants où le texte était souvent englobé dans l'espace du dessin. Ce célèbre Ristontac (24) d'Andrée Maillet restait tout de même dans l'esprit Art Déco puisqu'on y reconnaissait maintes recettes décoratives empruntées à Matisse ou à Picasso. Jean Simard pour sa part illustrait fort joliment son propre livre Félix (Variétés, 1947) en empruntant généreusement à LaPalme.

Irène Legendre écrit et illustre Pompon et le lapin-fée, un autre livre pour enfants, conçu celui-là à l'image du Petit prince de Saint-Exupéry. Il paraîtra plus tard sous le titre Pompon chéri, avec des illustrations nouvelles. Le manuscrit original comporte des illustrations savoureuses aux formes gonflées comme dans les dessins d'Archipenko. L'artiste, improvisée écrivain, s'inspire également de Matisse pour la couverture (fig. 33) de son livre. Les héros du conte, Pompon et son lapin, évoluent dans un décor doucement coloré et plutôt abstrait, mi-fauve, mi-cubiste. Dans sa première version donc, mieux que dans celle de 1959 éditée chez Fides sous le titre Pompon chéri, ce petit livre de fabrication artisanale n'existant qu'en un seul exemplaire constitue un témoignage émouvant du vif intérêt que les artistes québécois ont porté au livre illustré entre 1916 et 1946.

Page Suivante | le livre illustré

1  2  |  3  |  4  |  5  |  6

Haut de la page


Accueil | English | Introduction | Histoire
Index annuel
| Auteur et Sujet | Crédits | Contact

Cette collection numérisée a été produite aux termes d'un contrat pour le compte du programme des Collections numérisées du Canada, Industrie Canada.

"Programme des Collections numérisées, droit d'auteur © Musée des beaux-arts du Canada 2001"