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Un choix de livres illustrés par des
artistes québécois entre
1916 et 1946
par Jean-René Ostiguy
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La formation des illustrateurs québécois
Un grand nombre d'artistes québécois se sont initiés à
l'illustration en travaillant pour des journaux et des revues. Plusieurs
d'entre eux avaient acquis leur formation de dessinateurs ou de graveurs
à l'école de l'Art Association of Montreal qui dès
1903 organisait une exposition (9) consacrée aux membres d'une association
d'artistes à l'emploi des journaux les plus connus.
Dans le domaine de l'illustration du livre proprement dit cependant, les premières réalisations à retenir l'attention
des critiques sont celles d'artistes qui s'improvisent illustrateurs. Par
la suite, on devine bien que les professeurs de composition décorative
(10)
ou de gravure, soit à l'Ecole des beaux-arts de Québec (ouverte
en 1920) soit à celle de Montréal (ouverte en 1923) n'ont
pas manqué de faire valoir à leurs élèves la
possibilité de débouchés du côté de l'industrie
du livre, d'autant plus que ces écoles ont été créées
à l'époque où le renouveau du livre illustré
atteignait son point culminant en Europe. Effectivement, le catalogue (11)
du Premier Grand Salon des Anciens des Beaux-Arts de Montréal fait
mention d'une exposition du livre français de 30 000 volumes qui
aurait été organisée par l'école en 1925 avec
le concours des libraires Déom, Méthot et Pony. Dix ans plus
tard, un article de journal (12) rapporte l'ouverture, à la Bibliothèque de Montréal, d'une importante exposition de reliure
d'art canadienne-française. Il y est aussi question du livre illustré
comme de l'apport des professeurs ou des élèves de l'école
en ce domaine.
Indépendamment des milieux scolaires, bon nombre
d'artistes s'intéressent à la renaissance de la gravure sur
bois en Europe et découvrent du même coup l'effet de ce phénomène
dans le secteur du livre. Dans une lettre (13) qu'il adresse à son
beau-frère Ernest Rolland en 1923, Adrien Hébert se révèle
un grand admirateur de Raphaël Drouart. Hébert connaissait
sans doute depuis quelques années les travaux d'illustration de
cet artiste dont la revue Art et Décoration faisait état
dès 1921 à l'occasion d'un article de Raymond Escholier intitulé
Le Beau Livre. (14)
On sait qu'Adrien Hébert, tout comme son
frère Henri, était abonné à cette revue qu'il lisait assidûment. Puis, au moment où il écrit
cette lettre, Hébert sait déjà qu'il devra entreprendre l'exécution de huit bois d'illustration pour des contes canadiens
à paraître aux Éditions du monde nouveau dès
son retour à Montréal. (15)
Rodolphe Duguay pour sa part s'initie à la gravure
sur bois en 1925, à l'aide des manuels de Maurice Busset (16) et de
Morin-Jean. (17) A cette époque, l'artiste se lie d'amitié avec
son compatriote Louis-Philippe Beaudoin, étudiant à l'école
Estienne à Paris, et visite en sa compagnie des ateliers de graveurs-illustrateurs
professionnels. Enfin, tout juste avant son retour au Canada en 1927,
il fait l'acquisition de l'ouvrage récent de Charles Saunier Les
Décorateurs du livre. (18) De même, Edwin Holgate s'intéresse
au bois gravé à Paris dès 1921. Celui-ci fait l'acquisition
d'un bois du jeune graveur allemand du nom de Fride Miller dont il fait
alors la connaissance. Trois ans plus tard, il participe à une exposition
de gravures sur bois à l'Art Association of Montreal avec Yvan
Jobin et Maurice Lebel. Puis, ayant sûrement lu (19) passablement sur
le sujet, Holgate enseigne la gravure à l'École des beaux-arts
de Montréal.
On peut donc, à l'aide de ces points de repère, imaginer assez
précisément comment s'établit une tradition du bois
gravé au Québec, laquelle contribue considérablement
au renouveau du beau livre illustré.
Promenade dans le jardin du livre illustré québécois
On ne saurait oublier que les premiers succès du livre illustré québécois au
XXe siècle ne doivent rien du tout au bois gravé.
Le Maria Chapdelaine de Louis Hémon, illustré par
Suzor-Coté en 1916, ne contient que des reproductions de dessins
au fusain (fig. 1), de même que Les Rapaillages de Lionel
Groulx pour lequel Joseph-Charles Franchère exécute une couverture
(fig. 2) et onze hors-texte en 1919. La Campagne canadienne
d'Adélard Dugré, illustré par Ozias Leduc en 1927, passe aussi dans
la même catégorie, mais avec une différence notable
car les dessins sont dans ce cas insérés dans le texte. Selon
un principe que les éditeurs du livre de Lionel Groulx avaient utilisé
pour l'impression du dessin de la couverture, Leduc fait souvent sauter
un côté du cadrage de ses compositions afin de les aérer
(fig. 3). Comme l'artiste français Laurent Desrousseaux aime à
le faire dans ses illustrations (fig. 4) pour La Glu de Jean Richepin
(Modern-Bibliothèque, vers 1905), il englobe les légendes
explicatives dans les images. Il invente parfois pour ces dernières
des découpages et des ornements linéaires des plus fantaisistes,
ce dont on trouve aussi des exemples chez cet autre illustrateur parisien
Henri Émilien Rousseau. La couverture (fig. 5) pour L'Emprise
de Pierre L'ermite (Bonne Presse, 1926) constitue un exemple frappant
de modèles européens du genre. Par ailleurs, la parution,
en 1928, du petit roman de Régis Roy Le manoir hanté illustré
par Jean Paul Lemieux, de même que celle, beaucoup plus remarquée
du livre de Louis F. Rouquette Le grand silence blanc, illustré par Clarence Gagnon
font songer à une lointaine influence du bois gravé.
Le cas de Jean Paul Lemieux demeure particulier pour plusieurs raisons.
Alors que l'artiste profite de l'enseignement et de l'amitié de
Holgate, il ne s'est jamais intéressé à la gravure.
Il rencontre Clarence Gagnon au moment où le maître travaille
presque uniquement à des projets d'illustrations et il envisage
lui aussi une carrière d'illustrateur. Malheureusement Lemieux
abandonnera très tôt cette idée, faute de commandes
régulières. On se doit tout de même de retenir certains
de ses travaux dont Le manoir hanté, publié à
Montréal chez Louis Carrier dans la série Les Cahiers
populaires. Le frontispice et les sept dessins (fig. 6) y paraissent
bien en accord avec l'esprit du texte. Largement stylisés, ils pourraient
faire croire que l'artiste admirait Emile Heaume qui donnait parfois des
bois et des dessins à divers éditeurs français depuis
les années vingt. Certains dessins (fig. 7) pour Ni ange ni bête
d'André Maurois révèlent des parentés entre les deux artistes.
Clarence Gagnon se mériterait sans doute le titre
du premier décorateur du livre moderne au Québec avec Le
grand silence blanc (fig. 8) publié à Paris, chez Mornay.
Gagnon utilise pour ce travail un procédé inusité
en France dans le domaine du livre proprement dit, celui de la sérigraphie
(20)
à partir de monotypes exécutés à la gouache.
On ne sait comment il en vient à ce procédé, lui qui
connaissait si bien l'eau-forte vingt ans auparavant, au moment où
il poursuivait une esthétique le rattachant plutôt au peintre
canadien Horatio Walker. Par la suite, l'exemple de James Wilson Morrice
et de Camille Maufra ou Charles Cottet, de même que son contact avec
le milieu des artistes canadiens, l'engage à s'orienter différemment.
À compter de 1925, l'influence du célèbre illustrateur
français, le peintre animalier Deluermoz, le conduit définitivement
à un nouvel univers plastique apparenté à celui que
recherchent les éditeurs Mornay. Curieux retour des choses, Deluermoz
illustrera, en collaboration avec L. J. Soulas, Nomades du nord de J. O.
Curwood chez Mornay en 1932, et celui-ci ne se gênera pas pour emprunter
à Gagnon sa façon de traiter les thèmes nordiques
(fig. 9).
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