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Un choix de livres illustrés par des
artistes québécois entre
1916 et 1946
par Jean-René Ostiguy
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Maintes images pour Le grand silence blanc évoquent
par surcroît certains peintres nabis. Quelques lettrines et toute
l'ornementation, y compris les culs-de-lampe, évoquent Paul Gauguin.
Dans son ensemble, l'ouvrage rappelle Les petites fleurs de saint François
d'Assise (1913) illustré par Maurice Denis avec la collaboration
de Jacques Beltrand (fig. 10). On pourrait reprendre à son sujet
la critique tout à la fois sévère et élogieuse
de Raymond Escholier à l'égard de ce livre célèbre:
« Sans doute, il y aurait beaucoup à dire contre la polychromie
dans ce livre, la couleur rompant l'unité de la page. Mais si une
exception devait être admise, comment ne serait-ce pas en faveur
de cet ouvrage traditionnel qui se rattache tout naturellement aux livres
à miniature de l'époque médiévale? » (21)
Par la couleur comme par la stylisation des personnages,
certaines images du Maria Chapdelaine (1933), autre livre illustré
par Gagnon, ramènent l'historien d'art et le critique à Maurice
Denis. La scène du jardin à la page 150 (fig. 11) supporte
cette impression. Les roses tendres des pommiers et les verts acides du
printemps n'ont de meilleurs
équivalents que chez Denis, de même que les profils angéliques et arrondis de la jeune mère et de son enfant, dans le coin
inférieur droit de la composition.
Les illustrations de Rodolphe Duguay pour Du soleil sur l'étang
noir (1933) ont été conçues dans une semblable
esthétique. Elles sont tout autant, sinon plus, apparentées
aux travaux des peintres postimpressionnistes, bien qu'exécutées
dans la technique du bois gravé en noir et blanc. Pure coïncidence? L'auteur de ce recueil de poèmes, Ulric Gingras, salue dans ses
vers les adeptes des « croquis verts et gouaches roses »,
ce qui paraît une référence à un goût
plutôt symboliste et denisien. Là, Rodolphe Duguay, dans des
bois (fig. 12) dignes d'Auguste Lepère et de Paul Baudier (fig.
13), agrémente symboliquement des pages où les espaces
blancs répondent généreusement à ceux des compositions.
Les beaux noirs incrustés des bois répondent harmonieusement
à ceux des caractères d'imprimerie.
La contribution d'Adrien Hébert à des ouvrages
illustrés est plutôt mal connue encore aujourd'hui. Le Dictionnaire
des oeuvres littéraires du Québec signale la couverture (22)
du volume de Yvonne Charette, Nuances (éditions Le Devoir,
1919). Il est dommage que les éditeurs se soient contentés
d'une seule image en couverture car l'artiste donne dans ce petit dessin l'essence de sa manière symboliste qu'il
abandonnera l'année suivante. Le dessin à l'encre de Chine
pour le frontispice (fig. 14) de Château de cartes (vers 1931)
d'Hélène Charbonneau se prête bien, quant à
lui, à une comparaison avec le frontispice (fig. 15) du Riquet
à la Houpe et ses compagnons de Raymond Hesse illustré
par Gus Bofa (connu 1914-1942). Le fait qu'un exemplaire de ce dernier
ait été trouvé dans la bibliothèque personnelle
d'Adrien Hébert renseigne sur les sources ignorées de l'esthétique
postcézannienne du dessinateur montréalais. À la même
époque, Hébert procure quatre illustrations fort agréables
à l'éditeur du recueil de René Chopin, Dominantes.
Elles sont conçues dans le même style que la précédente,
mais deux d'entre elles introduisent une variété sous la
forme de bandeaux (fig. 16).
Le milieu des écoles des beaux-arts, celui de Montréal,
dès 1928, comme celui de Québec, peu après l'accession
de Simone Hudon au poste de professeur de gravure en 1931, fournit au marché
du livre quelques illustrateurs de qualité. Ils s'inspirent d'une
esthétique nouvelle faite des apports du fauvisme et du style
1925. Tous utilisent le bois gravé ou, à défaut, le
linoléum.
À peine nommé professeur à l'École
des beaux-arts, Edwin Holgate entreprend l'illustration de Other Days
Other Ways (fig. 17), une traduction du Vieilles choses vieilles
gens de Georges Bouchard dont l'original connaîtra une nouvelle
édition française en 1931 avec la réutilisation des
mêmes bois. La mise en page (fig. 18) paraît très soignée
dans ces ouvrages. Les bandeaux et culs-de-lampe s'y montrent tout aussi
importants que les quatre hors-texte et le frontispice en deux tons. L'artiste
dévoile dans son travail une rigueur classique en montrant comment
aucun coup de couteau n'a été donné en pure perte.
Dessinateur hors pair, Holgate étudie longuement ses moindres
compositions en se rappelant les avantages d'une sérieuse économie de moyens. Il en résulte des motifs stylisés pour un
maximum d'effets. En ce sens, et aussi par le type d'illustrations et leur
emplacement, également par leur iconographie paysanne, l'ensemble
pourrait évoquer le travail du graveur français Maurice Delavier
pour le roman de Panaît Istrati, un romancier roumain, Les chardons
du Baragan (fig. 19) édité par]. Ferenczi et Fils, à
Paris, en 1929, dans la collection Le livre moderne illustré.
Mais Holgate s'avère tout de même
un créateur plus versatile que Delavier. Dans ses illustrations
pour le poème de Robert Choquette, Metropolitan Museum, ses inventions touchent à un modernisme que l'on peut
rattacher soit à Hermann Paul, soit à ce graveur anglais
Robert Gribbings qui dirige pendant quelques années The Golden Cockerel
Press en Angleterre. Le bois gravé de la page trois (fig. 20) du
livre de Choquette peut ici servir de preuve à cet avancé.
Il est dommage que l'enseignement d'Edwin Holgate n'ait pas conduit à
la formation d'illustrateurs du livre!
À Québec, l'enseignement de Simone Hudon eut plus
d'influence que celui de Holgate, alors que l'artiste elle-même avait
fort peu travaillé le livre illustré. On doit retenir tout
de même ses gravures sur linoléum pour le recueil de Jacqueline
Francoeur Aux sources claires (fig. 21) publié aux éditions
Albert Lévesque à Montréal en 1935. C'est bien humblement
qu'elle avoue avoir rarement retrouvé dans ses illustrations le
souille décoratif qu'elle admirait alors chez l'une des grandes
figures de l'Art Déco, Edy-Legrand (1892-1970). Son condisciple
Henri Beaulac, qu'elle épousera en 1940, connaîtra une production
beaucoup plus considérable. Déjà ses illustrations
datant de 1934 et 1935, pour La vie gracieuse de Catherine Tekakwitha
et pour La vie inspirée de Jeanne Mance (fig. 22) possèdent
la franchise décorative d'un Jean Lebedeff (1884-?) (fig. 23), malgré
son utilisation du linoléum, un matériau qui ne permet
pas une netteté impeccable des découpages. Dans un style
encore plus souple, il exécute en 1940 de fort belles pages pour
le livre du docteur Antoine Panneton (pseudonyme Sylvain), Dans le bois
(fig. 24).
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