Ce n'est qu'après vingt ans de lutte que la radio française a enfin vu le jour
dans l'Ouest. Ce succès, inimaginable au début, a été rendu possible grâce aux efforts des dévoués chefs de file de la francophonie du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. Mentionnons en particulier les participants à la réunion de 1941 au presbytère de Prud'homme en Saskatchewan, où le coup de barre qui permit enfin aux stations de l'Ouest de voir le jour avait été donné. Ces six délégués étaient l'abbé Antoine Deschambault et Sauveur Marcoux du Manitoba ; Antonio de Margerie et l'abbé Maurice Baudoux de la Saskatchewan ; le docteur Louis-Omer Beauchemin et le père Paul-Émile Breton de l'Alberta.
Autour de ce noyau gravitaient également ceux qui formèrent les conseils de direction ou qui devinrent les directeurs-gérants des stations. Un peu plus tard vinrent les centaines de réalisateurs, comptables, annonceurs, journalistes, discothécaires, techniciens, ingénieurs, rédacteurs, programmateurs. Il s'agissait d'hommes et de femmes parfois instruits et cultivés, parfois novices, mais tous et toutes fort capables de faire le métier qu'on leur avait confié, capables aussi d'être à la fois canadiens et francophones convaincus, n'en déplaisait aux anglophones.
Même si la victoire morale était acquise, la vie ne fut pas toujours facile pour
les directeurs et leurs employés. À preuve, en 1956 en Saskatchewan, un nouvel émetteur de 5KW fut installé à Gravelbourg pour permettre à la station de mieux desservir les régions du sud-est, y compris Régina. Monseigneur Maurice Baudoux (l'abbé de tantôt) officia à la messe solennelle d'ouverture. Au cours du service, une panne d'électricité, chose fréquente dans la région, menaça de tout compromettre. Monseigneur, qui n'avait jamais eu la langue dans sa poche, rappela aux fidèles déçus que le Saint-Esprit travaillait mieux à la noirceur. La lumière revint à l'instant et la foule, debout, donna une ovation de dix minutes à ce brave Monseigneur, dorénavant connu comme le Père de la radio française dans l'Ouest.
Les stations de l'Ouest ayant été construites pour aider à conserver et à répandre le verbe français dans tous les foyers, elles ont choisi la chanson française comme véhicule. On entend évidemment sur les ondes de chaque station des musiques instrumentales, de l'opéra, de l'opérette côtoyer la musique traditionnelle. C'est la chanson qui prime et qui finit par donner à chaque station de langue française une empreinte locale bien reconnaissable et fort appréciée, même du public anglophone. Quelle plus belle expression de sa culture et de sa langue que la chanson !
Avec ses auditeurs et auditrices, la radio française a vécu avec émotion et fierté tous les moments de l'histoire de la chanson d'expression française dans l'Ouest : la chanson folklorique qui berça notre enfance, La Bonne Chanson qui embellit nos années d'école, les refrains des chansonniers qui déclenchèrent un nouvel élan de patriotisme et de fierté pour la langue de nos ancêtres, les rythmes contemporains de la Nouvelle Chanson. Au fil des ans, la radio française a prêté oreille à tous les talents de chez-nous, annoncé tous les spectacles, fait tourné tous les disques de la multitude d'artistes de la chanson francophone d'ici.
La radio française mérite qu'on la chante à son tour. De Saint-Boniface, où tout a commencé, à Vancouver, en passant par Edmonton et Régina et toutes les autres régions desservies par les antennes réémettrices de Radio-Canada, on vous dit : branchez-vous... la radio, c'est électrisant !
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